LE DIMANCHE 11 JUIN 1905
MESDAMES, MESSIEURS,
Mes premières paroles seront un remerciement pour les membres du Congrès qui
m'ont fait l'honneur de me demander de venir ce soir exposer devant vous, une
question qui touche à peu près à tous les problèmes du Spiritisme. Cette question,
c'est l'extériorisation de la pensée.
S'il fallait développer devant vous tous les phénomènes qui touchent à cet ordre de
recherches, je crois que le temps nous ferait défaut, pour traiter la question d'une
manière tout à fait complète.
Les phénomènes du Spiritisme sont vrais, et ils le sont parce qu'on les a affirmés un
nombre considérable de fois, on les a étudiés avec les méthodes les plus rigoureuses.
Si ces phénomènes sont exacts, ils sont dus incontestablement à l'action des êtres qui
sont dans l'espace, à l'action des vivants qui ont cessé d'appartenir à notre planète
pour vivre dans une autre ambiance, dans l'espace. Eh bien ! si ces esprits agissent
sur nous, ils le font au moyen de leurs pensées, et suivant les dispositions des
personnes spécialement qualifiées pour recevoir ces pensées qu'on appelle des
médiums. La pensée de l'esprit peut se traduire soit par des mouvements d'un objet
quelconque - plus généralement une table - soit par l'écriture, soit par la vision, soit
par l'audition, soit enfin par la pénétration de la pensée, de l'esprit, s'emparant des
organes du médium (c'est ce qu'on appelle la médiumnité à incorporation).
Le champ de ces études est immense ; mais on peut s'y préparer en étudiant des
phénomènes analogues qui peuvent se produire pendant la vie, en chacun de nous.
La pensée peut s'extérioriser, la pensée peut sortir de l'être humain pour aller agir à
distance sur un autre être humain de manière que le second individu a une
conscience nette et précise de la pensée du premier. Il a donc fallu que cette pensée
sorte du cerveau de l'agent - c'est ainsi qu'on appelle celui qui opère - pour pénétrer
dans l'esprit du sujet. C'est là la transmission de pensée.
Mais il y a une seconde forme de l'extériorisation de la pensée : quand un individu
dans des circonstances spéciales - soit pendant le sommeil naturel, soit pendant la
transe - s'extériorise de manière à prendre connaissance des événements qui se
passent au loin. On appelle ce phénomène la clairvoyance.
Eh bien ! dans ce fait, c'est bien réellement la pensée de l'individu, sa pensée
immatérielle qui sort de lui-même ; pendant qu'il est enfermé dans sa chambre, qu'il
ne fait pas jour, que les murs limitent la portée de sa vue, il prend connaissance des
événements qui se passent au-dehors et il peut les décrire parfaitement. La
clairvoyance est donc une des formes d'extériorisation de la pensée.
Il y a une troisième forme à laquelle les savants anglais qui se sont beaucoup occupés
de cette question, les membres de la «Société de recherches psychiques» ont donné le
nom de télépathie.
La télépathie c'est la communication entre deux intelligences séparées par la distance
- communication qui ne s'effectue par aucun des sens dont nous avons l'habitude de
nous servir pour transmettre notre pensée.
Par exemple, je suis ici à Liège, j'éprouve un accident subit et ma pensée se reporte
vers un être qui m'est cher. Il peut arriver que cet être me voit tel que je suis en ce
moment, ou entende ma voix, ou ressente une certaine sensation qui l'avertira qu'il
m'est arrivé un accident.
Les savants de la société anglaise, pendant une vingtaine d'années, se sont occupés
spécialement de réunir des cas dans lesquels cette transmission de la pensée sous ses
différentes formes, a été établie avec une rigueur, avec une méthode, qui ont donné à
ces phénomènes une certitude complète. C'est à ce point qu'aujourd'hui même vous
pouvez aller dans les académies, dans les réunions publiques, dans les milieux les
plus cultivés, parler des lois de la télépathie sans être contredit.
Depuis 25 ans, la «Société des recherches psychiques» a réuni plus de 2.000 cas qui
ont été vérifiés de point en point avec la rigueur et la minutie que les savants ont
habitué le public à voir dans chacune de leurs expériences. Non seulement on a réuni
des récits mais encore on a demandé à celui qui le faisait, si au moment précis où
l'événement se produit, il en a pris note, s'il en a parlé soit à ses parents, soit à ses
amis, s'il est resté un témoignage effectif montrant que véritablement à une époque
déterminée, il avait eu soit une vision, soit une audition. Quand il dit, par exemple :
«J'en ai pris note dans mon journal...» On lui demande à voir ce journal, on vérifie si
le récit n'avait pas été intercalé plus tard, s'il faisait bien partie du texte du journal ;
ensuite et indépendamment du récit fait par le clairvoyant, on demande encore au
témoin de faire un récit exact de ce qu'on leur a raconté et on compare toutes ces
versions. C'était là la première partie.
Ensuite si par exemple c'était un père auquel il était arrivé un accident et que ce fut
son fils qui eut eu la vision, après avoir vérifié le récit du fils on avait interrogé le
père. On lui dit : «Vous avez été soigné par un médecin, en est-il resté quelque
chose, un témoignage effectif.» Les savants se donnaient la peine de remonter
jusqu'aux sources, de vérifier chacun de ces témoignages, de les comparer les uns
aux autres ; c'est quand des deux côtés la vérification avait été faite, qu'on publiait
alors le fait en lui donnant toutes les preuves qu'on possédait de son authenticité.
Dans les livres publiés par la «Société anglaise de recherches psychiques» plus de
2.000 cas authentiques ont été relatés. C'est cette façon de procéder qu'il faudrait que
nous, spirites, nous mettions en pratique. Alors que nous racontons un phénomène
auquel nous avons assisté, ceux qui nous connaissent peuvent jusqu'à un certain
point ajouter foi à notre récit ; mais quand nous voulons présenter au public - c'est-àdire
aux personnes qui ne nous connaissent pas - le récit de ces témoignages, ils nous
disent : «Votre souvenir n'est pas bien fidèle.»
Si vous apportez en même temps que votre récit celui des personnes qui ont assisté
en même temps que vous, si chacun a fait du même phénomène un compte-rendu,
nous pourrions voir si l'imagination n'a pas joué un certain rôle, si involontairement
ou inconsciemment vous n'avez pas apporté des modifications à l'exposé du récit ou
à l'expérience à laquelle vous avez assisté.
Eh bien ! je vous le demande, vous tous qui avez assisté à des réunions, qui êtes à
même de constater des phénomènes dans l'intérêt supérieur de notre doctrine, dans
l'intérêt supérieur de la propagande, chaque fois que vous ferez un récit, entourez-le,
je vous en prie, de toutes les circonstances dans lesquelles il s'est produit ; si vous le
faites vous donnerez au Spiritisme un élan considérable, parce que nous nous
appuierons sur des faits contrôlés, certains, sur des faits qui feront dans le monde
entier la même révolution que la «Société des recherches psychiques» a produite
dans le milieu intellectuel, grâce aux procédés qu'elle a suivis.
Revenant à l'objet principal de cette conférence, je voudrais traiter un aspect tout à
fait particulier de la question ce qu'on a appelé la matérialisation de la pensée.
Oh ! je sais bien que ces mots «matérialisation de la pensée» feraient frémir, ou tout
au moins auraient fait frémir, il y a encore bien peu de temps, les personnes habituées
à l'esprit scientifique, à ses méthodes de recherches. On nous aurait dit : «Vous
parlez de matérialiser la pensée, mais ignorez-vous donc que la pensée est purement
et simplement une vibration cérébrale. Comment voulez-vous matérialiser une
vibration ; vous n'avez peut-être pas exactement conscience des termes dont vous
vous servez.»
Tandis que les philosophes de l'autre bord auraient dit : «La pensée, c'est l'âme ellemême
; l'âme est immatérielle, elle n'a pas de couleur, elle n'a pas de poids, pas de
dimensions. C'est justement parce qu'entre l'âme et le corps, il n'y a aucune
comparaison à établir que vous ne pouvez pas matérialiser la pensée.»
Eh bien ! je tiens tout d'abord à bien définir la question. Evidemment, la pensée en
soi est un phénomène immatériel, un phénomène qui n'a pas d'analogue dans le
monde physique. Mais pendant la vie, l'âme est associée à son enveloppe physique, à
son corps et chaque fois que la pensée s'exprime, il y a une vibration cérébrale qui
correspond à cette pensée. C'est ce côté physiologique, cet aspect matériel de la vie
de l'esprit que nous allons étudier aujourd'hui. Remarquez que la question a une
grande importance parce qu'à tout instant vous lirez dans les revues spirites, vous
entendrez des récits qui sont faits par des médiums voyants et dans lesquels, par
exemple, le médium dira à une personne qui vient le consulter : «Je vois à côté de
vous une dame qui a les cheveux blancs, qui a une cravate de telle couleur, qui a un
corsage rouge, une robe avec de petites dentelles.» Les incrédules alors disent :
«Quoi ! vous parlez d'un fantôme qui est habillé, vous parlez d'un fantôme qui a un
chapeau. Est-ce que vous rêvez ? Est-ce que ces phénomènes sont possibles en
dehors de l'hallucination ? Si l'âme existe, je conçois que dans l'espace elle survive
d'une manière quelconque que je ne puis pas approfondir, mais ne me faites pas
croire que cette âme a emporté avec elle un vêtement fluidique, qu'elle a un fantôme
de chapeau, un fantôme de robe ?» Si d'autre part, on fait la description d'un
laboureur et de ses boeufs, les mêmes incrédules nous diront : «Je ne puis pas croire
que les boeufs existent positivement dans l'espace à l'état fluidique.»
Eh bien ! Mesdames, Messieurs, c'est cette question que je voudrais traiter devant
vous, et pour celle-là, comme pour bien d'autres, il faut en revenir au maître, à Allan
Kardec. Que dit-il ? Il nous dit que la pensée est créatrice, que quand nous prions,
que quand nous pensons, nous réalisons immédiatement dans l'espace une image qui
est la traduction, la reproduction photographique de l'image que nous avons dans
l'esprit ; Kardec va plus loin, il dit encore : si, par exemple, un esprit se trouve dans
l'espace, s'il se manifeste à un médium, pour se faire reconnaître il reprendra
momentanément, non seulement la forme qu'il avait sur la terre, à une époque
déterminée de son passé, mais aussi les attributs physiques, les vêtements qu'il avait
à cette époque.
Il s'agit de démontrer que cet enseignement de Kardec est vrai ; il s'agit de prouver
par les recherches des savants contemporains que nous trouvons des explications
claires, logiques qui viennent appuyer d'une façon absolue, certaine, l'enseignement
donné par les esprits, il y a un demi-siècle ; il s'agit de montrer que ce qui était
contenu dans les livres du maître est vérifié aujourd'hui d'une manière absolument
authentique et précise par les savants qui ne sont pas spirites. C'est donc en puisant
dans leurs oeuvres que nous allons accumuler les preuves qui démontreront d'une
façon absolument nette que Kardec ne nous a pas trompé.
Pour établir la vérité de ce que je viens de vous dire, il faut démontrer trois choses :
1° que toute pensée est une image, 2° que cette image peut sortir du cerveau, peut
exister dans l'espace, 3° qu'une fois que cette pensée est dans l'espace, elle peut se
matérialiser et devenir accessible aux sens - qu'on peut la voir, la toucher, la
photographier.
Prenons le premier point. Je vous ai dit que toute pensée était une image. Cette
affirmation n'a pas besoin d'être démontrée ; elle est admise d'une façon unanime par
tous les psychologues contemporains. «J'ouvre les yeux, immédiatement le monde
extérieur est dans mon oeil, arrive dans mon cerveau, et pendant que j'ai les yeux
ouverts, j'ai la connaissance des objets. Je ferme les yeux et par un effort de ma
volonté, je peux retrouver ces sensations, j'ai le souvenir de ce que je viens de voir.
Vous savez tous comme moi que dans la réalité, quand nous avons été dans une ville,
quand nous avons rencontré des paysages, il suffit - si notre mémoire est
suffisamment fidèle - de vouloir que l'image renaisse et elle renaît affaiblie, très
vague.
De même, pour un air de musique que vous avez entendu, de même, pour une odeur
que vous avez sentie, en un mot les sensations laissent en nous des traces ; celles-ci
reproduisent une image de la réalité et suivant les facultés que nous possédons,
suivant le type auquel nous appartenons, nous avons non pas une mémoire, mais une
collection de mémoires. (Vous savez que les psychologues ont rangé les différents
types de l'humanité en plusieurs classes ; ils désignent sous le nom de visuels ceux
qui pensent habituellement par l'image, sous le nom d'auditifs ceux qui entendent en
eux-mêmes les raisonnements, sous le nom de moteurs ceux qui sentent vivement les
impulsions intérieures.) Suivant le type auquel nous appartenons, nous avons des
procédés différents pour réveiller en nous l'image des sensations qui ont été
enregistrées et chaque fois qu'elles renaissent, c'est la même image, un peu affaiblie
seulement, mais qui peut prendre chez certains individus un caractère aussi net que la
perception elle-même. Si vous lisez les travaux publiés sur ce sujet, vous verrez que
certains individus qui appartiennent au type visuel, par exemple, ont cette singulière
propriété de réveiller leurs souvenirs avec une telle intensité qu'ils croient avoir
devant les yeux l'objet qui a frappé pour la première fois leur vue.
Ainsi un peintre n'avait besoin que de voir une seule fois un individu pour pouvoir
faire son portrait d'une manière aussi fidèle que si l'individu avait posé devant lui.
Quand on lui demande : Comment faites-vous ? Il répond : «Je prends l'individu, je
l'assieds sur cette chaise ; il me semble qu'il est là positivement et je n'ai qu'à copier
l'image que j'ai devant les yeux.» Vous voyez à quel point cette image peut devenir
réelle, positive.
Dans les autres sensations, il en est de même. Mozart ayant entendu une seule fois au
Vatican un Requiem l'a noté depuis le commencement jusqu'à la fin. Beethoven
composait dans sa tête des sonates tout entières ; il n'avait pas besoin de les exécuter
matériellement ; elles étaient dans son esprit avec toute leur finesse, tout leur brillant
coloris.
Vous voyez donc que suivant les individus, la richesse de l'imagination, l'image se
présente avec une netteté plus ou moins saisissante.
Vous me direz : «Ce sont des exceptions. Vous me citez là les cas d'un grand peintre
et de grands musiciens, mais est-ce que tout le monde possède véritablement des
images semblables ?»
Dans les rêves, alors que les yeux sont fermés, alors que les oreilles sont assoupies,
que la sensation du monde extérieur va petit à petit en s'affaiblissant jusqu'à
disparaître, on voit se dessiner des figures ayant toute l'intensité de la vie réelle. Il est
évident que ceci est arrivé à chacun de nous : le rêve, lorsque le monde extérieur
n'agit plus sur nous, que ses sensations n'ont plus une intensité capable de
contrebalancer les images qui sont dans notre esprit, nous montre que l'image est
conservée avec son coloris et la même puissance que pendant la vie.
Passons à un autre ordre de phénomène : Vous vous rappelez qu'il n'y a pas de
plaisanterie qu'on n'ait faite, il y a 25 ans, contre le magnétisme. On traitait les
magnétiseurs de charlatans ; or, qu'a-t-il fallu pour amener un changement radical ;
qu'a-t-il fallu pour que l'hypnotisme soit enseigné dans les Facultés ? Il a suffi
purement et simplement que la science officielle mit son cachet sur chacun de ces
phénomènes qu'on débaptisa et qu'on appela «hypnotisme» au lieu de «magnétisme».
Beaucoup de ces savants étaient incrédules et entre autres Pierre Janet qui raconte
qu'il n'avait qu'une confiance modeste dans ce qu'on appelle les phénomènes de la
suggestion, qu'une confiance très faible dans les affirmations de ses confrères et des
magnétiseurs. Une des premières fois qu'il fit ces expériences, il eut l'idée d'imaginer
qu'un tigre était dans la salle et allait se précipiter sur le sujet. Mal lui en prit car ce
sujet pour lequel l'idée s'était réalisée poussa des cris épouvantables, eut des attaques
de nerfs terribles et on eut toutes les peines du monde pour calmer le sujet et «depuis
ce temps, dit Pierre Janet, je ne présente plus à mes sujets que des oiseaux et des
perles». C'est donc que la pensée suggérée se réalise et avec une puissance qui
équivaut à celle de la réalité, qui est même plus forte que l'impression produite par
les yeux.
Janet a fait d'autres remarques encore : «J'ai un sujet auquel je dis : il y a ici un
éléphant ; alors ce sujet voit cet énorme pachyderme avec ses défenses et sa trompe.
Il veut même lui donner de la nourriture, mais le côté curieux, c'est qu'il se range
contre le mur. On lui dit : «Pourquoi vous placez-vous là ?» il répond que c'est parce
qu'il n'y a pas de place. L'éléphant, imaginaire pour l'opérateur, est tellement réel
pour le sujet qu'il ne voit plus le mur qui est en face ; l'image de l'éléphant voile
l'image du mur. Vous voyez combien cette image est dans le cerveau une réalité pour
que l'image du mur qui arrive à l'oeil soit neutralisée par cet éléphant qui n'existe que
dans son esprit. Vous voyez que l'image hallucinante a une dimension, une couleur ;
en un mot, cette image est perçue d'une manière précise, nette. (Il est vrai que ce sont
des hystériques, des sujets malades, qui ont une sensibilité qui sort de la normale,
mais enfin sur lesquels on peut étudier les phénomènes avec un grossissement
considérable. Ce sont les sujets qui mettent en relief les particularités qui existent
chez chacun de nous et qui les mettent dans un relief tellement saisissant que cela
nous permet de définir avec exactitude le caractère de ces images.)
Vous me direz : «Est-ce que ceci a quelque chose de réel ; c'est un phénomène
imaginaire, il n'y a pas plus d'éléphant là qu'il n'y en a ici.»
Ne prenons pas une image aussi grosse ; prenons un papillon. Eh bien ! Deux savants
français qui ont étudié ces phénomènes avec une grande minutie, avec un
remarquable esprit scientifique se sont dit : «Est-ce que ces images existent dans
l'esprit ?» Si elles existent on doit pouvoir répéter sur ces images les mêmes
expériences qu'on répétera avec un objet réel. Ainsi, par exemple, si je suggère à
mon sujet qu'il existe un papillon, que va-t-il se produire, si je mets entre les mains
du sujet une jumelle de campagne ? Vous savez que si on regarde avec la jumelle du
côté du petit bout, l'image se rapproche ; si vous regardez, en sens inverse, elle
s'éloigne. Par conséquent, il suffit de voir la position de la jumelle pour se dire que
l'image est éloignée ou rapprochée. Mais on a soin de mettre la jumelle dans une
boîte, qui ne permet pas au sujet de se rendre compte du bout par lequel il regarde.
On dit au sujet : «Regardez.» Il y a un petit signe extérieur qui est connu de
l'opérateur seul et qui lui indique que le sujet regarde par le petit bout ou en sens
inverse. Lorsque le sujet regarde il voit l'image se rapprocher, si c'est par le petit bout
; s'éloigner, si c'est par le gros bout ; on dit : «Mettez-vous devant une glace.»
L'image est réfléchie et exactement comme elle le serait si un objet réel occupait la
place de l'image suggérée. On demande alors au sujet : «Où voyez-vous l'image ?»
«Ici» répond-il. On fait la construction géométrique et l'image réfléchie se trouve à la
place voulue.
Prenons un prisme. Le sujet ignore les lois du prisme ; il ne sait pas que celui-ci
dédouble les objets et que la seconde image doit être à côté ou au-dessus de la
première. Eh bien ! on fait regarder dans un prisme ; on fait tourner le prisme.
L'image qui est dans le cerveau suit exactement les lois de l'optique. Elle est
dédoublée comme si elle était réelle.
Voilà des phénomènes précis qui n'ont pas été faits par des spirites mais par des
savants tout à fait indépendants et qui constatent qu'ils se produisent bien de cette
manière.
Il y a mieux que cela. Pariau a fait une expérience aussi démonstrative, aussi curieuse
que celle-là. Vous savez qu'un phénomène très naturel est le suivant : si vous
contemplez un carton très rouge et si après vous portez vos regards sur une partie
blanche, vous voyez immédiatement une image également ronde et colorée en vert,
c'est-à-dire la couleur complémentaire du rouge.
Eh bien ! si vous suggérez à un sujet la couleur rouge d'une image qui n'existe pas, si
vous lui faites fixer ensuite une carte blanche, il va voir une ombre verte. Donc
l'image qui était dans son cerveau a exactement les mêmes propriétés que l'image
réelle, et produit en outre les mêmes sensations. Donc, cette image est aussi réelle
qu'une sensation. Elle occupe la même place que la sensation dans le cerveau ; elle a
des effets consécutifs exactement semblables aux effets produits par les sensations
réelles. |
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