Spiritualité, Nouvel-Age - Médiums - Voyants
LE LIVRE DES ESPRITS par ALLAN KARDEC (suite)

DEBUT DU LIVRE
Peine de mort.
760. La peine de mort disparaîtra-t-elle un jour de la législation humaine?
« La peine de mort disparaîtra incontestablement, et sa suppression marquera un progrès dans
l'humanité. Lorsque les hommes seront plus éclairés, la peine de mort sera complètement
abolie sur la terre les hommes n'auront plus besoin d'être jugés par les hommes. Je parle d'un
temps qui est encore assez éloigné de vous. »
Le progrès social laisse sans doute encore beaucoup àdésirer, mais on serait injuste envers la société
moderne si l'on ne voyait un progrès dans les restrictions apportées àla peine de mort chez les peuples les
plus avancés et dans la nature des crimes auxquels on en borne l'application. Si l'on compare les garanties
dont la justice, chez ces mêmes peuples, s'efforce d'entourer l'accusé, l'humanité dont elle use envers lui,
alors même qu'il est reconnu coupable, avec ce qui se pratiquait dans des temps qui ne sont pas encore
très éloignés, on ne peut méconnaître la voie progressive dans laquelle marche l'humanité.
761. La loi de conservation donne à l'homme le droit de préserver sa propre vie n'use-t-il pas
de ce droit quand il retranche de la société un membre dangereux?
« Il y a d'autres moyens de se préserver du danger
339
LOI DE DESTRUCTION
que d'e le tuer. Il faut d'ailleurs ouvrir au criminel la porte du repentir et non la lui fermer. »
762. Si la peine de mort peut être bannie des sociétés civilisées, n'a-t-elle pas été une
nécessité dans des temps moins avancés?
« Nécessité n'est pas le mot; l'homme croit toujours une chose nécessaire quand il ne trouve
rien de mieux à mesure qu'il s'éclaire, il comprend mieux ce qui est juste ou injuste et répudie
les excès commis dans les temps d'ignorance au nom de la justice. »
763. La restriction des cas où l'on applique la peine de mort est-elle un indice de progrès dans
la civilisation?
« Peux-tu en douter? Ton Esprit ne se révolte-t-il pas en lisant le récit des boucheries
humaines que l'on faisait jadis au nom de la justice, et souvent en l'honneur de la Divinité des
tortures que l'on faisait subir au condamné, et même à l'accusé pour lui arracher, par l'excès
des souffrances, l'aveu d'un crime que souvent il n'avait pas commis? Eh bien si tu avais vécu
dans ces temps-là. tu aurais trouvé cela tout naturel, et peut-être toi, juge, en aurais-tu fait tout
autant. C'est ainsi que ce qui paraissait juste dans un temps paraît barbare dans un autre. Les
lois divines sont seules éternelles; les lois humaines changent avec le progrès; elles
changeront encore jusqu'à ce qu'elles soient mises en harmonie avec les lois divines. »
764. Jésus a dit: Qui a tué par l'épée périra par l'épée. Ces paroles ne sont-elles pas la
consécration de la peine du talion, et la mort infligée au meurtrier n'est-elle pas l'application
de cette peine?
« Prenez garde! vous vous êtes mépris sur ces
340
LIVRE III. - CHAP VI
paroles comme sur beaucoup d'autres. La peine du talion, c'est la justice de Dieu; c'est lui qui
l'applique. Vous tous subissez à chaque instant cette peine, car vous êtes punis par où vous
avez péché, dans cette vie ou dans une autre; celui qui a fait souffrir ses semblables sera dans
une position où il subira lui-même ce qu'il aura fait endurer; c'est le sens de ces paroles de
Jésus; mais ne vous a-t-il pas dit aussi: Pardonnez à vos ennemis; et ne vous a-t-il pas
enseigné à demander à Dieu de vous pardonner vos offenses comme vous aurez pardonné
vous mêmes; c est-à-dire dans la même proportion que vous aurez pardonné: comprenez bien
cela. »
765. Que penser de la peine de mort infligée au nom de Dieu?
« C'est prendre la place de Dieu dans la justice. Ceux qui agissent ainsi montrent combien ils
sont loin de comprendre Dieu, et qu'ils ont encore bien des choses à expier. La peine de mort
est un crime quand elle est appliquée au nom de Dieu, et ceux qui l'infligent en sont chargés
comme d'autant de meurtres. »
341
CHAPITRE VII
VI. - LOI DE SOCIETE
1. Nécessité de la vie sociale. - 2. Vie d'isolement. Voeu de silence. - 3. Liens de famille.
Nécessité de la vie sociale.
766. La vie sociale est-elle dans la nature?
« Certainement: Dieu a fait l'homme pour vivre en société. Dieu n'a pas donné inutilement
à l'homme la parole et toutes les autres facultés nécessaires à la vie de relation. »
767. L'isolement absolu est-il contraire à la loi de nature?
« Oui, puisque les hommes cherchent la société par instinct et qu'ils doivent tous concourir au
progrès en s aidant mutuellement. »
768. L'homme, en recherchant la société, ne fait-il qu obéir à un sentiment personnel, ou bien
y a-t-il dans ce sentiment un but providentiel plus général?
« L'homme doit progresser : seul, il ne le peut pas. parce qu il n'a pas toutes les facultés; il lui
faut le contact des autres hommes. Dans l'isolement, il s'abrutit et s'étiole. »
Nul homme n'a des facultés complètes; par l'union sociale ils se complètent les uns par les autres pour
assurer leur bien-être et progresser: c'est pourquoi, ayant besoin les uns des autres, ils sont faits pour
vivre en société et non isolés.
342
LIVRE III. - CHAP. VII
Vie d'isolement. Voeu de silence.
769. On conçoit que, comme principe général, la vie sociale soit dans la nature ; mais
comme tous les goûts sont aussi dans la nature, pourquoi celui de l'isolement absolu serait-il
condamnable, si l'homme y trouve sa satisfaction?
« Satisfaction d'égoïste. Il y a aussi des hommes qui trouvent une satisfaction à s'enivrer; les
approuves-tu? Dieu ne peut avoir pour agréable une vie par laquelle on se condamne à n'être
utile à personne. »
770. Que penser des hommes qui vivent dans la réclusion absolue pour fuir le contact
pernicieux du monde?
« Double égoïsme. »
- Mais si cette retraite a pour but une expiation en s'imposant une privation pénible, n'est-elle
pas méritoire?
« Faire plus de bien qu'on n'a fait de mal, c'est la meilleure expiation. En évitant un mal, il
tombe dans un autre, puisqu'il oublie la loi d'amour et de charité. »
771. Que penser de ceux qui fuient le monde pour se vouer au soulagement des malheureux?
« Ceux-là s'élèvent en s'abaissant. Ils ont le double mérite de se placer au-dessus des
jouissances matérielles, et de faire le bien par l'accomplissement de la loi du travail. »
- Et ceux qui cherchent dans la retraite la tranquillité que réclament certains travaux ?
« Ce n'est point là la retraite absolue de l'égoïste;
343
LOI DE SOCIETE
ils ne s'isolent pas de la société, puisqu'ils travaillent pour elle. »
772. Que penser du voeu de silence prescrit par certaines sectes dès la plus haute antiquité?
« Demandez-vous plutôt si la parole est dans la nature, et pourquoi Dieu l'a donnée. Dieu
condamne l'abus et non l'usage dcs facultés qu'il a accordées. Cependant, le silence est utile;
car dans le silence tu te recueilles; ton esprit devient plus libre et peut alors entrer en
communication avec nous mais voeu de silence est une sottise. Sans doute, ceux qui
regardent ces privations volontaires comme des actes de vertu ont une bonne intention; mais
ils se trompent parce qu'ils ne comprennent pas suffisamment les véritables lois de Dieu. »
Le voeu de silence absolu, de même que le voeu d'isolement, prive l'homme des relations sociales qui
peuvent lui fournir les occasions de faire le bien et d'accomplir la loi du progrès.
Liens de famille.
773. Pourquoi, chez les animaux, les parents et les enfants ne se reconnaissent-ils plus
lorsque ceux-ci n'ont plus besoin de soins?
« Les animaux vivent de la vie matérielle, et non de la vie morale, La tendresse de la mère
pour ses petits a pour principe l'instinct de conservation des êtres auxquels elle a donné le
jour; quand ces êtres peuvent se suffire à eux-mêmes, sa tâche est remplie, la nature ne lui en
demande pas davantage; c est pourquoi elle les abandonne pour s'occuper des nouveaux
venus. »
774. Il y a des personnes qui infèrent de l'abandon
344
LIVRE III. - CHAP. VII
des petits des animaux par leurs parents que, chez l'homme, les liens de famille ne sont qu'un
résultat des moeurs sociales et non une loi de nature qu'en devons-nous penser ?
« L'homme a une autre destinée que les animaux pourquoi donc toujours vouloir l'assimiler
à eux? Chez lui, il y a autre chose que des besoins physiques il y a la nécessité du progrès les
liens sociaux sont nécessaires au progrès, et les liens de famille resserrent les liens sociaux
voilà pourquoi les liens de famille sont une loi de nature. Dieu a voulu que les hommes
apprissent ainsi à s'aimer comme des frères. » (205) .
775. Quel serait, pour la société, le résultat du relâchement des liens de famille?
« Une recrudescence d'égoïsme. »
CHAPITRE VIII
VII. - LOI DU PROGRES
1. Etat de nature. - 2. Marche du progrès. - 3. Peuples dégénérés. - 4. Civilisation.
- 5. Progrès de la législation humaine. - 6. Influence du spiritisme sur le progrès.
Etat de nature.
776. L'état de nature et la loi naturelle sont-ils la même chose?
« Non, l'état de nature est l'état primitif. La civilisation est incompatible avec l'état de nature,
tandis que la loi naturelle contribue au progrès de l'humanité. »
L'état de nature est l'enfance de l'humanité et le point de départ de son développement intellectuel et
moral. L'homme étant perfectible, et portant en soi le germe de son amélioration, il n'est point destiné à
vivre perpétuellement dans l'état de nature, pas plus qu'il n'est destiné à vivre perpétuellement dans
l'enfance; l'état de nature est transitoire, l'homme en sort par le progrès et la civilisation. La loi naturelle,
au contraire, régit l'humanité entière, et l'homme s'améliore àmesure qu'il comprend mieux et pratique
mieux cette loi.
777. Dans l'état de nature, l'homme ayant moins de besoins, n'a pas toutes les tribulations qu'il
se crée dans un état plus avancé; que penser de l'opinion de ceux qui regardent cet état
comme celui de la plus parfaite félicité sur la terre?
345
346
LIVRE III. - CHAP. VIII
« Que veux-tu! c'est le bonheur de la brute; il y a des gens qui n’en comprennent pas d'autre.
C'est être heureux à la manière des bêtes. Les enfants aussi sont plus heureux que les hommes
faits. »
778. L'homme peut-il rétrograder vers l'état de nature?
« Non, l'homme doit progresser sans cesse, et il ne peut retourner à l'état d'enfance. S'il
progresse, c'est que Dieu le veut ainsi; penser qu'il peut rétrograder vers sa condition
primitive serait nier la loi du progrès. »
Marche du progrès.
779. L'homme puise-t-il en lui la force progressive, ou bien le progrès n'est-il que le produit
d'un enseignement?
« L'homme se développe lui-même naturellement; mais tous ne progressent pas en même
temps et de la même manière; c'est alors que les plus avancés aident au progrès des autres par
le contact social. »
780. Le progrès moral suit-il toujours le progrès intellectuel?
« Il en est la conséquence, mais i] ne le suit pas toujours immédiatement. » (192-365).
- Comment le progrès intellectuel peut-il conduire au progrès moral?
« En faisant comprendre le bien et le mal: l'homme, alors, peut choisir. Le développement du
libre arbitre suit le développement de l'intelligence et augmente la responsabilité des actes.»
- Comment se fait-il alors que les peuples les plus éclairés soient souvent les plus
pervertis?
« Le progrès complet est le but, mais les peuples.
347
LOI DU PROGRES
comme les individus, n'y arrivent que pas à pas. Jusqu'à ce que le sens moral se soit
développé en eux, ils peuvent même se servir de leur intelligence pour faire le mal. Le moral
et l'intelligence sont deux forces qui ne s'équilibrent qu'à la longue. » (365-751).
781. Est-il donné à l'homme de pouvoir arrêter la marche du progrès?
« Non, mais de l'entraver quelquefois. »
- Que penser des hommes qui tentent d'arrêter la marche du progrès et de faire rétrograder
l'humanîté?
« Pauvres êtres que Dieu châtiera ils seront renversés par le torrent qu'ils veulent arrêter. »
Le progrès étant une condition de la nature humaine, il n'est au pouvoir de personne de s'y opposer. C'est
une force vive que de mauvaises lois peuvent retarder, mais non étouffer. Lorsque ces lois lui deviennent
incompatibles, il les brise avec tous ceux qui tentent de les maintenir. et il en sera ainsi jusqu'â ce que
l'homme ait mis ses lois en rapport avec la justice divine qui veut le bien pour tous. et non des lois faites
par le fort au préludice du faible.
782. N'y a-t-il pas des hommes qui entravent le progrès de bonne foi, en croyant le favoriser
parce qu ils le voient à leur point de vue, et souvent là où il n'est pas?
« Petite pierre mise sous la roue d'une grosse voiture, et qui ne l'empêche pas d'avancer. »
783. Le perfectionnement de l'humanité suit-il toujours une marche progressive et lente?
« Il y a le progrès régulier et lent qui résulte de la force des choses; mais quand un peuple
n'avance pas assez vite, Dieu lui suscite, de temps à autre, une secousse physique ou morale
qui le transforme. »
L'homme ne peut rester perpétuellement dans l'ignorance,
348
LIVRE III. - CHAP. VIII
parce qu'il doit arriver au but marqué par la Providence: il s'éclaire par la force des choses. Les
révolutions morales, comme les révolutions sociales, s'infiltrent peu à peu dans les idées; elles germent
pendant des siècles, puis tout à coup éclatent et font écrouler l'édifice vermoulu du passé qui n'est plus en
harmonie avec les besoins nouveaux et les aspirations nouvelles.
L'homme n'aperçoit souvent dans ces commotions que le désordre et la confusion momentanés qui le
frappent dans ses intérêts matériels; celui qui élève sa pensée au-dessus de la personnalité admire les
desseins de la Providence qui du mal fait sortir le bien. C'est la tempête et l'orage qui assainissent
l'atmosphère après l'avoir bouleversée.
784. La perversité de l'homme est bien grande, et ne semble-t-il pas marcher à reculons au
lieu d'avancer, du moins au point de vue moral?
« Tu te trompes; observe bien l'ensemble et tu verras qu'il avance, puisqu'il comprend mieux
ce qui est mal, et que chaque jour il réforme des abus. Il faut l'excès du mal pour faire
comprendre la nécessité du bien et des réformes. »
785. Quel est le plus grand obstacle au progrès?
« L'orgueil et l'égoïsme; je veux parler du progrès moral, car le progrès intellectuel marche
toujours; il semble même, au premier abord, donner à ces vices un redoublement d'activité en
développant l'ambition et l'amour des richesses qui, à leur tour, excitent l'homme aux
recherches qui éclairent son Esprit. C'est ainsi que tout se tient dans le monde moral comme
dans le monde physique, et que du mal même peut sortir le bien; mais cet état de choses
n'aura qu'un temps; il changera à mesure que l'homme comprendra mieux qu'il y a en dehors
de la jouissance des biens terrestres un bonheur infiniment plus grand et infiniment plus
durable. » (Voyez Egoïsme, chap. XII).
349
LOI DU PROGRES
Il y a deux espèces de progrès qui se prêtent un mutuel appui, et pourtant ne marchent pas de front,
c'est le progrès intellectuel et le progrès moral. Chez les peuples civilisés, le premier reçoit, dans ce siècleci,
tous les encouragements désirables; aussi a-t-il atteint un degré inconnu jusqu'à nos jours. Il s'en faut
que le second soit au même niveau, et cependant, si l'on compare les moeurs sociales à quelques siècles de
distance, il faudrait être aveugle pour nier le Pro-grès. Pourquoi donc la marche ascendante s'arrêteraitelle
plutôt pour le moral que pour l'intelligence? Pourquoi n'y aurait-il pas entre le dix-neuvième et le
vingt-quatrième siècle autant de différence qu'entre le quatorzième et le dix-neuvième? En douter serait
prétendre que l'humanité est à l'apogée de la perfection, ce qui serait absurde, ou qu'elle n'est pas
perfectible moralement. ce qui est démenti par l'expérience.
Peuples dégénerés.
786. L'histoire nous montre une foule de peuples qui, après les secousses qui les ont
bouleversés, sont retombés dans la barbarie; où est le progrès dans ce cas?
« Quand ta maison menace ruine, tu l'abats pour en reconstruire une plus solide et plus
commode; mais, jusqu'à ce qu'elle soit reconstruite, il y a trouble et confusion dans ta
demeure.
» Comprends encore cela tu étais pauvre et tu habitais une masure; tu deviens riche et tu
la quittes pour habiter un palais. Puis, un pauvre diable comme tu étais vient prendre ta place
dans ta masure, et il est encore très content, car avant il n'avait pas d'abri. Eh bien! apprends
donc que les Esprits qui se sont incarnés dans ce peuple dégénéré ne sont pas ceux qui le
composaient au temps de sa splendeur; ceux d'alors qui étaient avancés sont allés dans des
habitations plus parfaites et ont progressé,
350
LIVRE III. - CHAP. VIII
tandis que d'autres moins avancés ont pris leur place qu'ils quitteront à leur tour. »
787. N'y a-t-il pas des races rebelles au progrès par leur nature?
« Oui, mais celles-là s'anéantissent, chaque jour, corporellement. »
- Quel sera le sort à venir des âmes qui animent ces races?
« Elles arriveront comme toutes les autres à la perfection en passant par d'autres
existences: Dieu ne déshérite personne. »
- Ainsi, les hommes les plus civilisés ont pu être sauvages et anthropophages?
« Toi-même, tu l'as été plus d'une fois avant d'être ce que tu es. »
788. Les peuples sont des individualités collectives qui, comme les individus, passent par
l'enfance, l'âge mûr et la décrépitude ; cette vérité constatée par l'histoire ne peut-elle faire
penser que les peuples les plus avancés de ce siècle auront leur déclin et leur fin, comme ceux
de l'antiquité?
« Les peuples qui ne vivent que de la vie du corps. ceux dont la grandeur n'est fondée que sur
la force et l'étendue, naissent, croissent et meurent, parce que la force d'un peuple s'épuise
comme celle d'un homme; ceux dont les lois égoïstes jurent avec le progres des lumières et la
charité meurent, parce que la lumière tue les ténèbres et la charité tue l'égoïsme; mais il y a
pour les peuples comme pour les individus, la vie de l'âme; ceux dont les lois s'harmonisent
avec les lois éternelles du Créateur vivront et seront le flambeau des autres peuples. »
351
LOI DU PROGRES
789. Le progrès réunira-t-il un jour tous les peuples de la terre en une seule nation?
« Non, pas en une seule nation, cela est impossible, car de la diversité des climats naissent des
moeurs et des besoins différents qui constituent les nationalités; c'est pourquoi il leur faudra
toujours des lois appropriées à ces moeurs et à ces besoins mais la charité ne connaît point de
latitudes et ne fait pas de distinction entre la couleur des hommes. Quand la loi de Dieu sera
partout la base de la loi humaine, les peuples pratiqueront la charité de l'un à l'autre, comme
les individus d'homme à homme; alors, ils vivront heureux et en paix, parce que nul ne
cherchera à faire du tort à son voisin, ni à vivre à ses dépens. »
L'humanité progresse par les individus qui s'améliorent peu à peu et s'éclairent; alors, quand ceux-ci
l'emportent en nombre, ils prennent le dessus et entraînent les autres. De temps en temps surgissent parmi
eux des hommes de génie qui donnent un élan, puis des hommes ayant l'autorité, instruments de Dieu, qui
en quelques années la font avancer de plusieurs siècles.
Le progrès des peuples fait encore ressortir la justice de la réincarnation. Les hommes de bien font de
louables efforts pour faire avancer une nation moralement et intellectuellement; la nation transformée
sera plus heureuse en ce monde et en l'autre, soit; mais pendant sa marche lente à travers les siècles, des
milliers d'individus meurent chaque jour; quel est le sort de tous ceux qui succombent dans le trajet?
Leur infériorité relative les prive-t-elle du bonheur réservé aux derniers arrivés? Ou bien leur bonheur
est-il relatif? La justice divine ne saurait consacrer une telle injustice. Par la pluralité des existences, le
droit au bonheur est le même pour tous, car nul n'est déshérité du progrès; ceux qui ont vécu au temps de
la barbarie, pouvant revenir au temps de la civilisation, chez le même peuple ou chez un autre. Il en
résulte que tous profitent de la marche ascendante.
352
LIVRE III. - CHAP. VIII
Mais le système de l'unité des existences présente ici une autre difficulté. Avec ce système l'âme est créée
au moment de la naissance; donc si un homme est plus avancé qu'un autre, c'est que Dieu crée pour lui
une âme plus avancée. Pourquoi cette faveur? Quel mérite a-t-il, lui qui n'a pas vécu plus qu'un autre,
moins qu'un autre souvent, pour être doué d'une âme supérieure? Mais là n'est pas la principale
difficulté, Une nation passe, en mille ans, de la barbarie à la civilisation. Si les hommes vivaient mille ans
on concevrait que dans cet intervalle ils eussent le temps de progresser; mais tous les jours il en meurt à
tout âge; ils se renouvellent sans cesse, de telle sorte que chaque jour en voit paraitre et disparaître. Au
bout des mille ans, il n'y a plus trace des anciens habitants; la nation, de barbare qu'elle était, est devenue
policée ; qu'est-ce qui a progressé? Sont-ce les individus jadis barbares? mais ils sont morts depuis
longtemps. Sont-ce les nouveaux venus? mais si leur âme est créée au moment de leur naissance, ces âmes
n'existaient pas au temps de la barbarie. et il faut alors admettre que les ellorts que l'on fait pour ciuiliser
un peuple ont le pouuoir, non pas d'améliorer des âmes imparfaites, mais de faire créer par Dieu des âmes
plus parfaites.
Comparons cette théorie du progrès avec celle donnée par les Esprits. Les âmes venues au temps de la
civilisation ont eu leur enfance comme toutes les autres, mais elles ont déjà vécu, et sont venues avancées
par un progrès antérieur; elles viennent, attirées par un milieu qui leur est sympathique, et qui est en
rapport avec leur état actuel; de sorte que les soins donnés à la civilisation d'un peuple n'ont pas pour
effet de faire créer pour l'avenir des âmes plus parfaites, mais d'attirer celles qui ont déjà progressé, soit
qu'elles aient déjà vécu chez ce même peuple au temps de sa barbarie, soit qu'elles viennent d'autre part.
Là encore est la clef du progrès de l'humanité tout entière; quand tous les peuples seront au même niveau
pour le sentiment du bien, la terre ne sera le rendez-vous que de bons Esprits qui vivront entre eux dans
une union fraternelle, et les mauvais s'y trouvant repoussés et déplacés iront chercher dans des mondes
inférieurs le milieu qui leur convient, jusqu'à ce qu'ils soient dignes de venir dans le nôtre transformé. La
théorie vulgaire a encore cette conséquence, que les travaux d'amélioration sociale ne profitent qu'aux
générations présentes et futures; leur résultat est nul pour les générations passées qui ont eu le tort de
353
LOI DU PROGRES
venir trop tôt, et qui deviennent ce qu'elles peuvent, chargées qu'elles sont de leurs actes de barbarie.
Selon la doctrine des Esprits, les progrès ultérieurs profitent également à ces générations qui revivent
dans des conditions meilleures et peuvent ainsi se perfectionner au foyer de la civilisation. (222)
Civilisation.
790. La civilisation est-elle un progrès ou, selon quelques philosophes, une décadence de
l'humanité?
« Progrès incomplet; l'homme ne passe pas subitement de l'enfance à l'âge mûr. »
- Est-il rationnel de condamner la civilisation?
« Condamnez plutôt ceux qui en abusent, et non pas l'oeuvre de Dieu. »
791. La civilisation s'épurera-t-elle un jour de manière à faire disparaître les maux qu'elle aura
produits?
« Oui, quand le moral sera aussi développé que l'intelligence. Le fruit ne peut venir avant la
fleur. »
792. Pourquoi la civilisation ne réalise-t-elle pas immédiatement tout le bien qu'elle pourrait
produire?
« Parce que les hommes ne sont pas encore prêts, ni disposés à obtenir ce bien. »
- Ne serait-ce pas aussi parce qu'en créant de nouveaux besoins, elle surexcite des passions
nouvelles?
« Oui, et parce que toutes les facultés de l'Esprit ne progressent pas en même temps; il faut le
temps pour tout. Vous ne pouvez attendre des fruits parfaits d'une civilisation incomplète. »
(751-780).
354
LIVRE III. - CHAP. VIII
793. A quels signes peut-on reconnaître une civilisation complète?
« Vous la reconnaîtrez au développement moral. Vous vous croyez bien avancés, parce que
vous avez fait de grandes découvertes et des inventions merveilleuses; que vous êtes mieux
logés et mieux vêtus que des sauvages; mais vous n'aurez vraiment le droit de vous dire
civilisés que lorsque vous aurez banni de votre société les vices qui la déshonorent, et que
vous vivrez entre vous comme des frères en pratiquant la charité chrétienne; jusque là, vous
n'êtes que des peuples éclairés, n'ayant parcouru que la première phase de la civilisation. »
La civilisation a ses degrés comme toutes choses. Une civilisation incomplète est un état de transition qui
engendre des maux spéciaux, inconnus à l'état primitif; mais elle n'en constitue pas moins un progrès
naturel, nécessaire, qui porte avec soi le remède au mal qu'il fait. A mesure que la civilisation se
perfectionne, elle fait cesser quelques-uns des maux qu'elle a engendrés, et ces maux disparaîtront avec le
progrès moral.
De deux peuples arrivés au sommet de l'échelle sociale, celui-là seul peut se dire le plus civilisé, dans la
véritable acception du mot, chez lequel on trouve le moins d'égoïsme, de cupidité et d'orgueil; où les
habitudes sont plus intellectuelles et morales que matérielles où l'intelligence peut se développer avec le
plus de liberté; où il y a le plus de bonté, de bonne foi, de bienveillance et de générosité réciproques; où les
préjugés de caste et de naissance sont le moins enracinés, car ces préjugés sont incompatibles avec le
véritable amour du prochain; où les lois ne consacrent aucun privilège et sont les mémes pour le dernier
comme pour le premier; où la justice s'exerce avec le moins de partialité; où le faible trouve toujours
appui contre le fort; où la vie de l'homme, ses croyances et ses opinions sont le mieux respectées, où
il y a le moins de malheureux et, enfin, où tout homme de bonne volonté est toujours sûr de ne point
manquer du nécessaire.
355
LOI DU PROGRES
Progrès de la législation humaine.
794. La société pourrait-elle être régie par les seules lois naturelles sans le secours des lois
humaines?
« Elle le pourrait si on les comprenait bien, et si on avait la volonté de les pratiquer, elles
suffiraient mais la société a ses exigences, et il lui faut des lois particulières. »
795. Quelle est la cause de l'instabilité des lois humaines?
« Dans les temps de barbarie, ce sont les plus forts qui ont fait les lois, et ils les ont faites
pour eux. Il a bien fallu les modifier à mesure que les hommes ont mieux compris la justice.
Les lois humaines sont plus stables à mesure qu'elles se rapprochent de la véritable justice,
c'est-à-dire à mesure qu'elles sont faites pour tous, et qu'elles s'identifient avec la loi
naturelle.»
La civilisation a créé pour l'homme de nouveaux besoins, et ces besoins sont relatifs à la position
sociale qu'il s'est faite. Il a du régler les droits et les devoirs de cette position par les lois humaines; mais
sous l'influence de ses passions, il a souvent créé des droits et des devoirs imaginaires que condamne la loi
naturelle et que les peuples effacent de leurs codes à mesure qu'ils progressent. La loi naturelle est
immuable et la même pour tous; la loi humaine est variable et progressive; elle seule a pu consacrer, dans
l'enfance des sociétés, le droit du plus fort.
796. La sévérité des lois pénales n'est-elle pas une nécessité dans l'état actuel de la société?
« Une société dépravée a certainement besoin de lois plus sévères; malheureusement, ces lois
s'attachent plus à punir le mal quand il est fait qu'à tarir
356
LIVRE III. - CHAP. VIII
la source du mal. Il n'y a que l'éducation qui puisse réformer les hommes alors, ils n'auront
plus besoin de lois aussi rigoureuses. »
797. Comment l'homme pourra-t-il être amené àréformer ses lois?
« Cela vient naturellement par la force des choses et l'influence des gens de bien qui le
conduisent dans la voie du progrès. Il en a déjà beaucoup réformé et il en réformera bien
d'autres. Attends! »
Influence du spiritisme sur le progrès.
798. Le spiritisme deviendra-t-il une croyance vulgaire ou restera-t-il le partage de quelques
personnes?
« Certainement, il deviendra une croyance vulgaire, et il marquera une nouvelle ère dans
l'histoire de l'humanité, parce qu'il est dans la nature et que le temps est venu où il doit
prendre rang parmi les connaissances humaines cependant, il aura de grandes luttes à
soutenir, plus encore contre l'intérêt que contre la conviction, car il ne faut pas se dissimuler
qu'il y a des gens intéressés à le combattre, les uns par amour-propre, les autres pour des
causes toutes matérielles mais les contradicteurs se trouvant de plus en plus isolés seront
bien forcés de penser comme tout le monde, sous peine de se rcndre ridicules. »
Les idées ne se transforment qu'à la longue et jamais subitement; elles s'affaiblissent de génération en
génération et finissent par disparaitre peu à peu avec ceux qui les professaient, et qui sont remplacés par
d'autres individus imbus de nouveaux principes, comme cela a lieu pour les idées politiques. Voyez le
pagunisme; il n'est certes personne aujourd'hui qui professe les idées religieuses de ces temps-là;
357
LOI DU PROGRES
cependant, plusieurs siècles après l'avènement du christianisme, elles ont laissé des traces que la complète
rénovation des races a seule pu effacer. Il en sera de même du spiritisme il fait beaucoup de progrès; mais
il y aura encore pendant deux ou trois générations un levain d'incrédulité que le temps seul dissipera.
Toutefois sa marche sera plus rapide que celle du christianisme, parce que c'est le christianisme lui-même
qui lui ouvre les voies et sur lequel il s'appuie. Le christianisme avait à détruire; le spiritisme n'a qu'à
édifier.
799. De quelle manière, le spiritisme peut-il contribuer au progrès?
« En détruisant le matérialisme qui est une des plaies de la société, il fait comprendre aux
hommes où est leur véritable intérêt. La vie future n'étant plus voilée par le doute, l'homme
comprendra mieux qu'il peut assurer son avenir par le présent. En détruisant les préjugés de
sectes, de castes et de couleurs, il apprend aux hommes la grande solidarité qui doit les unir
comme des frères. »
800. N'est-il pas à craindre que le spiritisme ne puisse triompher de l'insouciance des hommes
et de leur attachement aux choses matérielles?
« Ce serait bien peu connaître les hommes, si l'on pensait qu'une cause quelconque pût les
transformer comme par enchantement. Les idées se modifient peu à peu selon les individus, et
il faut des générations pour effacer complètement les traces des vieilles habitudes. La
transformation ne peut donc s'opérer qu'à la longue, graduellement et de proche en proche; à
chaque génération, une partie du voile se dissipe; le spiritisme vient le déchirer tout à fait ;
mais en attendant, n'aurait-il pour effet, chez un homme, que de le corriger d'un seul défaut,
ce serait un pas qu'il lui aurait fait faire, et par cela même un grand bien, car ce premier pas
lui rendra les autres plus faciles. »
358
LIVRE III. - CHAP. VIII
801. Pourquoi les Esprits n'ont-ils pas enseigné de tout temps ce qu ils enseignent
aujourd'hui?
« Vous n'enseignez pas aux enfants ce que vous enseignez aux adultes, et vous ne donnez pas
au nouveau-né une nourriture qu'il ne pourrait pas digérer; chaque chose a son temps. Ils ont
enseigné beaucoup de choses que les hommes n'ont pas comprises ou qu'ils ont dénaturées,
mais qu'ils peuvent comprendre maintenant. Par leur enseignement, même incomplet, ils ont
préparé le terrain à recevoir la semence qui va fructifier aujourd'hui. »
802. Puisque le spiritisme doit marquer un progrès dans l'humanité, pourquoi les Esprits ne
hâtent-ils pas ce progrès par des manifestations tellement générales et tellement patentes que
la conviction serait portée chez les plus incrédules?
« Vous voudriez des miracles; mais Dieu les sème à pleines mains sous vos pas, et vous avez
encore des hommes qui le renient. Le Christ lui-même a-t-il convaincu ses contemporains par
les prodiges qu'il a accomplis? Ne Voyez-vous pas aujourd'hui des hommes nier les faits les
plus patents qui se passent sous leurs yeux? N'en avez-vous pas qui disent qu'ils ne croiraient
pas quand même ils verraient? Non; ce n'est pas par des prodiges que Dieu veut ramener les
hommes ; dans sa bonté, il veut leur laisser le mérite de se convaincre par la raison. »
359
CHAPITRE IX
VIII. - LOI D'EGALITE
1. Egalité naturelle. - 2. Inégalité des aptitudes. - 3. Inégalités sociales. - 4. Inégalité des
richesses. - 5. Epreuves de la richesse et de la misère. - 6. Egalité des droits de l'homme
et de la femme. - 7. Egalité devant la tombe.
Egalité naturelle.
803. Tous les hommes sont-ils égaux devant Dieu?
« Qui, tous tendent au même but, et Dieu a fait ses lois pour tout le monde. Vous dites
souvent: Le soleil luit pour tous, et vous dites là une vérité plus grande et plus générale que
vous ne pensez. »
Tous les hommes sont soumis aux mêmes lois de la nature; tous naissent avec la même faiblesse. sont
sujets aux mêmes douleurs, et le corps du riche se détruit comme celui du pauvre. Dieu n'a donc donné à
aucun homme de supériorité naturelle, ni par la naissance, ni par la mort: tous sont égaux devant lui.
Inégalité des aptitudes.
804. Pourquoi Dieu n'a-il-pas donné les mêmes aptitudes à tous les hommes?
« Dieu a créé tous les Esprits égaux, mais chacun d'eux a plus ou moins vécu et, par
conséquent. plus ou moins acquis; la différence est dans le degré de leur expérience, et dans
leur volonté, qui est le libre arbitre: de là, les uns se perfectionnent plus rapi-
360
LIVRE III. - CHAP. IX
dement, ce qui leur donne des aptitudes diverses. Le mélange des aptitudes est nécessaire,
afin que chacun puisse concourir aux vues de la Providence dans la limite du développement
de ses forces physiques et intellectuelles ce que l'un ne fait pas, l'autre le fait; c'est ainsi que
chacun a son rôle utile. Puis, tous les mondes étant solidaires les uns des autres, il faut bien
que les habitants des mondes supérieurs et qui, pour la plupart, sont créés avant le vôtre,
viennent y habiter pour vous donner l'exemple.» (361).
805. En passant d'un monde supérieur dans un monde inférieur, l'Esprit conserve-t-il
l'intégralité des facultés acquises?
« Oui, nous l'avons déjà dit, l'Esprit qui a progressé ne rechute point ; il peut choisir, dans son
état d'Esprit, une enveloppe plus engourdie ou une position plus précaire que celle qu'il a eue,
mais tout cela toujours pour lui servir d'enseignement et l'aider à progresser. » (180).
Ainsi la diversité des aptitudes de l'homme ne tient pas à la nature intime de sa création. mais au degré
de perfectionnement auquel sont arrivés les Esprits incarnés en lui. Dieu n'a donc pas créé l'inégalité des
facultés, mais il a permis que les différents degrés de développement fussent en contact, afin que les plus
avancés pussent aider au progrès des plus arriérés, et aussi afin que les hommes, ayant besoin les uns des
autres, comprissent la loi de charité qui doit les unir.
Inégalités sociales.
806. L'inégalité des conditions sociales est-elle une loi de nature?
361
LOI D'EGALITE
« Non, elle est l'oeuvre de l'homme et non celle de Dieu. »
- Cette inégalité disparaîtra-t-elle un jour?
« Il n'y a d'éternel que les lois de Dieu. Ne la voistu pas s'effacer peu à peu chaque jour? Cette
inégalité disparaîtra avec la prédominance de l'orgueil et de l'ég6isme, il ne restera que
l'inégalité du mérite. Un jour viendra où les membres de la grande famille des enfants de Dieu
ne se regarderont plus comme de sang plus ou moins pur; il n'y a que l'Esprit qui est plus ou
moins pur, et cela ne dépend pas de la position sociale. »
807. Que penser de ceux qui abusent de la supériorité de leur position sociale pour opprimer
le faible à leur profit?
« Ceux-là méritent l'anathème; malheur à eux ils seront opprimés à leur tour, et ils renaitront
dans une existence où ils endureront tout ce qu'ils ont fait endurer. » (684).
Inégalitê des richesses.
808. L'inégalité des richesses n'a-t-elle pas sa source dans l'inégalité des facultés qui donne
aux uns plus de moyens d'acquérir qu'aux autres?
« Oui et non ; et la ruse et le vol, qu'en dis-tu? »
- La richesse héréditaire n'est pourtant pas le fruit des mauvaises passions?
« Qu'en sais-tu? Remonte à la source et tu verras si elle est toujours pure. Sais-tu si dans le
principe elle n'a pas été le fruit d'une spoliation ou d'une injustice? Mais sans parler de
l'origine. qui peut être mauvaise. crois-tu que la convoitise du bien, même le mieux acquis,
les désirs secrtts que l'on conçoit
362
LIVRE III. - CHAP. IX
de le posséder plus tôt, soient des sentiments louables ? C'est là ce que Dieu juge, et je
t'assure que son jugement est plus sévère que celui des hommes. »
809. Si une fortune a été mal acquise dans l'origine, ceux qui en héritent plus tard en sont-ils
responsables?
« Sans doute, ils ne sont pas responsables du mal que d'autres ont pu faire, d'autant moins
qu'ils peuvent l'ignorer; mais sache bien que souvent une fortune n'échoit à un homme que
pour lui fournir l'occasion de réparer une injustice. Heureux pour lui s'il le comprend! S'il le
fait au nom de celui qui a commis l'injustice, il sera tenu compte à tous deux de la réparation,
car souvent c'est ce dernier qui la provoque. »
810. Sans s'écarter de la légalité, on peut disposer de ses biens d'une maniè're plus ou moins
équitable. Est-on responsable après sa mort des dispositions que l'on a faites?
« Toute action porte ses fruits; les fruits des bonnes actions sont doux; ceux des autres sont
toujours amers ; toujours, entendez bien cela. »
811. L'égalité absolue des richesses est-elle possible, et a-t-telle jamais existé?
« Non, elle n'est pas possible. La diversité des facultés et des caractères s'y oppose. »
- Il y a pourtant des hommes qui croient que là est le remède aux maux de la société; qu'en
pensez-vous?
« Ce sont des systématiques ou des ambitieux jaloux ; ils ne comprennent pas que l'égalité
qu'ils rêvent serait bientôt rompue par la force des choses. Combattez l'égoïsme, c'est là votre
plaie sociale, et ne cherchez pas des chimères.»
363
LOI D'EGALITE
812. Si l'égalité des richesses n'est pas possible, en est-il de même du bien-être?
« Non, mais le bien-être est relatif, et chacun pourrait en jouir si l'on s'entendait bien... car le
véritable bien-être consiste dans l'emploi de son temps à sa guise, et non à des travaux pour
lesquels on ne se sent aucun goût; et comme chacun a des aptitudes différentes, aucun travail
utile ne resterait à faire. L'équilibre existe en tout, c'est l'homme qui veut le déranger. »
- Est-il possible de s'entendre?
« Les hommes s'entendront quand ils pratiqueront la loi de justice. »
813. Il y a des gens qui tombent dans le dénûment et la misère par leur faute; la société ne
peut en être responsable?
« Si ; nous l'avons déjà dit, elle est souvent la première cause de ces fautes; et d'ailleurs ne
doit-elle pas veiller à leur éducation morale? C'est souvent la mauvaise éducation qui a faussé
leur jugement au lieu d'étouffer chez eux les tendances pernicieuses.» (685) .
Epreuves de la richesse et de la misère.
814. Pourquoi Dieu a-t-il donné aux uns les richesses et la puissance, et aux autres la misère?
« Pour les éprouver chacun d'une manière différente. D'ailleurs, vous le savez, ces épreuves,
ce sont les Esprits eux-mêmes qui les ont choisies, et souvent ils y succombent. »
815. Laquelle des deux épreuves est la plus redoutahle pour l'homme, celle du malheur ou
celle de la fortune?
364
LIVRE III. - CHAP. IX
« Elles le sont autant l'une que l'autre: la misère provoque le murmure contre la Providence;
la richesse excite à tous les excès. »
816. Si le riche a plus de tentations, n'a-t-il pas aussi plus de moyens de faire le bien?
« C'est justement ce qu'il ne fait pas toujours; il devient égoîste, orgueilleux et insatiable ses
besoins augmentent avec sa fortune, et il croit n'en avoir jamais assez pour lui seul. »
L'élévation dans ce monde et l'autorité sur ses semblables sont des épreuves tout aussi grandes et tout
aussi glissantes que le malheur; car plus on est riche et puissant, plus on a d'obligations à remplir, et plus
sont grands les moyens de faire le bien et le mal. Dieu éprouve le pauvre par la résignation, et le riche par
l'usage qu'il fait de ses biens et de sa puissance.
La richesse et le pouvoir font naitre toutes les passions qui nous attachent à la matiére et nous éloignent
de la perfection spirituelle ; c'est pourquoi Jésus a dit « Je vous le dis, en vérité, il est plus facile à un
chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux». (266)
Egalité des droits de l'homme et de la femme.
817. L'homme et la femme sont-ils égaux devant Dieu et ont-ils les mêmes droits?
« Dieu n'a-t-il pas donné à tous les deux l'intelligence du bien et du mal et la faculté de
progresser? »
818. D'où vient l'infériorité morale de la femme en certaines contrées?
« C'est par l'empire injuste et cruel que l'homme a pris sur elle. C'est un résultat des
institutions sociales, et de l'abus de la force sur la faiblesse.
365
LOI D'EGALITE
Chez les hommes peu avancés au point de vue moral, la force fait le droit ».
819. Dans quel but la femme a-t-elle plus de faiblesse physique que l'homme?
« Pour lui assigner des fonctions particulières. L'homme est pour les travaux rudes, comme
étant le plus fort; la femme pour les travaux doux, et tous les deux pour s'entr'aider à passer
les épreuves d'une vie pleine d'amertume ».
820. La faiblesse physique de la femme ne la place-t-elle pas naturellement sous la
dépendance de l'homme?
« Dieu a donné aux uns la force pour protéger le faible et non pour l'asservir ».
Dieu a approprié l'organisation de chaque être aux fonctions qu'il doit accomplir. S'il a donné à la femme
une moins grande force physique, il l'a douée en méme temps d'une plus grande sensibilité en rapport
avec la délicatesse des fonctions maternelles et la faiblesse des êtres confiés à ses soins.
821. Les fonctions auxquelles la femme est destinée par la nature ont-elles une importance
aussi grande que celles qui sont dévolues à l'homme?
« Oui, et plus grande ; c'est elle qui lui donne les premières notions de la vie ».
822. Les hommes étant égaux devant la loi de Dieu doivent-ils l'être également devant la loi
des hommes?
« C'est le premier principe de justice Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas
qu'on vous fît ».
- D'après cela, une législation, pour être parfaitement juste, doit-elle consacrer l'égalité des
droits entre l'homme et la femme?
366
LIVRE III. - CHAP. IX
« Des droits, oui; des fonctions, non il faut que chacun ait une place attitrée que l'homme
s'occupe du dehors et la femme du dedans chacun selon son aptitude. La loi humaine, pour
être équitable, doit consacrer l'égalité des droits entre l'homme et la femme; tout privilège
accordé à l'un ou à l'autre est contraire à la justice. L'émancipation de la femme suit le progrès
de la civilisation; son asservissement marche avec la barbarie. Les sexes, d'ailleurs,
n'existent que par l'organisation physi que; puisque les Esprits peuvent prendre l'un et l'autre,
il n'y a point de différence entre eux sous ce rapport et, par conséquent, ils doivent jouir des
mêmes droits ».
Egalité devant la tombe.
823. D'où vient le désir de perpétuer sa mémoire par des monuments funèbres?
« Dernier acte d'orgueil ».
« Mais la somptuosité des monuments funèbres n'est-elle pas plus souvent le fait des parents
qui veulent honorer la mémoire du défunt que celui du défunt lui-même?
» Orgueil des parents qui veulent se glorifier euxmêmes. Oh! Oui, ce n'est pas toujours pour
le mort que l'on fait toutes ces démonstrations c'est par amour-propre et pour le monde, et
pour faire parade de sa richesse. Crois-tu que le souvenir d'un être chéri soit moins durable
dans le coeur du pauvre, parce que celui-ci ne peut mettre qu'une fleur sur sa tombe? Crois-tu
que le marbre sauve de l'oubli celui qui a été inutile sur la terre? »
367
LOI D'EGALITE
824. Blâmez-vous d une maniere absolue la pompe des funérailles?
« Non; quand elle honore la mémoire d'un homme de bien, elle est juste et d'un bon exemple
».
La tombe est le rendez-vous de tous les hommes; là finissent impitoyablement toutes distinctions
humaines. C'est en vain que le riche veut perpétuer sa mémoire par de fastueux monuments: le temps les
détruira comme le corps; ainsi le veut la nature. Le souvenir de ses bonnes et de ses mauvaises actions
sera moins périssable que son tombeau; la pompe des funérailles ne le lavera pas de ses turpitudes et ne le
fera pas monter d'un échelon dans la hiérarchie spirituelle. (320 et suiv.)
368
CHAPITRE X
IX. - LOI DE LIBERTE
1. Liberté naturelle. - 2. Esclavage. - 3. Liberté de penser - 4. Liberté de conscience.
- 5. Libre arbitre. - 6. Fatalité. -7. Connaissance de l'avenir. - 8. Résumé théorique du
mobile des actions de l'homme.
Liberté naturelle.
825. Est-il des positions dans le monde où l'homme puisse se flatter de jouir d'une liberté
absolue?
« Non, parce que tous vous avez besoin les uns des autres, les petits comme les grands ».
826. Quelle serait la condition dans laquelle l'homme pourrait jouir d'une liberté absolue?
« L'ermite dans un désert. Dès qu'il y a deux hommes ensemble, ils ont des droits à respecter
et n'ont par conséquent, plus de liberté absolue ».
827. L'obligation de respecter les droits d'autrui ôte-t-elle à l'homme le droit de s'appartenir à
lui-même?
« Nullement, car c'est un droit qu'il tient de la nature».
828. Comment concilier les opinions libérales de certains hommes avec le despotisme qu'ils
exercent souvent eux-mêmes dans leur intérieur et sur leurs subordonnés?
« Ils ont l'intelligence de la loi naturelle, mais elle est contre-balancée par l'orgueil et
l'égoïsme.
369
LOI DE LIBERTE
Ils comprennent ce qui doit être, quand leurs principes ne sont pas une comédie jouée par
calcul, mais ils ne le font pas. »
- Leur sera-t-il tenu compte dans l'autre vie des principes qu'ils ont professés ici-bas?
« Plus on a d'intelligence pour comprendre un principe, moins on est excusable de ne pas
l'appliquer à soi-même. Je vous dis, en vérité, que l'homme simple, mais sincère, est plus
avancé dans la voie de Dieu que celui qui veut paraître ce qu'il n'est pas. »
Esclavage.
829. Y a-t-il des hommes qui soient, par la nature, voués à être la propriété d'autres hommes?
« Toute sujétion absolue d'un homme à un autre homme est contraire â la loi de Dieu.
L'esclavage est un abus de la force; il disparaît avec le progrès comme disparaîtront peu à peu
tous les abus. »
La loi humaine qui consacre l'esclavage est une loi contre nature, puisqu'elle assimile l'homme à la brute
et le dégrade moralement et physiquement.
830. Lorsque l'esclavage est dans les moeurs d'un peuple, ceux qui en profitent sont-ils
répréhensibles, puisqu'ils ne font que se conformer à un usage qui leur paraît naturel?
« Le mal est toujours le mal, et tous vos sophismes ne feront pas qu une mauvaise action
devienne bonne; mais la responsabilité du mal est relative aux moyens qu'on a de le
comprendre. Celui qui tire profit de la loi de l'esclavage est toujours coupable d'une violation
de la loi de nature; mais en
370
LIVRE III. - CHAP. X
cela, comme en toutes choses, la culpabilité est relative. L'esclavage étant passé dans les
moeurs de certains peuples, l'homme a pu en profiter de bonne foi et comme d'une chose qui
lui semblait naturelle mais dès que sa raison plus développée, et surtout éclairée par les
lumières du christianisme, lui a montré dans l'esclave son égal devant Dieu, il n'a plus
d'excuse.»
831. L'inégalité naturelle des aptitudes ne placet-elle pas certaines races humaines sous la
dépendance des races les plus intelligentes?
« Oui, pour les relever, et non pour les abrutir encore davantage par la servitude. Les hommes
ont trop longtemps regardé certaines races humaines comme des animaux travailleurs munis
de bras et de mains qu'ils se sont cru le droit de vendre comme des bêtes de somme. Ils se
croient d'un sang plus pur; insensés qui ne voient que la matière! Ce n'est pas le sang qui est
plus ou moins pur, mais bien l'Esprit. » (361-803).
832. Il y a des hommes qui traitent leurs esclaves avec humanité; qui ne les laissent manquer
de rien et pensent que la liberté les exposerait à plus de privations; qu'en dites-vous?
« Je dis que ceux-là comprennent mieux leurs intérêts; ils ont aussi grand soin de leurs boeufs
et de leurs chevaux, afin d'en tirer plus de profit au marché. Ils ne sont pas aussi coupables
que ceux qui les maltraitent, mais ils n'en disposent pas moins comme d'une marchandise en
les privant du droit de s'appartenir. »
371
LOI DE LIBERTE
Liberté de penser.
833. Y a-t-il en l'homme quelque chose qui échappe à toute contrainte, et pour laquelle il
jouisse d'une liberté absolue?
« C'est dans la pensée que l'homme jouit d'une liberté sans limite, car elle ne connaît pas
d'entraves. On peut en arrêter l'essor, mais non l'anéantir. »
834. L'homme est-il responsable de sa pensée?
« Il en est responsable devant Dieu ; Dieu seul pouvant la connaître, il la condamne ou
l'absout selon la justice. »
Liberté de conscience.
835. La liberté de conscience est-elle une conséquence de la liberté de penser?
« La conscience est une pensée intime qui appartient à l'homme, comme toutes les autres
pensées. »
836. L'homme a-t-il le droit de mettre des entraves à la liberté de conscience?
« Pas plus qu'à la liberté de penser, car à Dieu seul appartient le droit de juger la conscience.
Si l'homme règle par ses lois les rapports d'homme àhomme, Dieu, par ses lois de la nature,
règle les rapports de l'homme avec Dieu. »
837. Quel est le résultat des entraves mises à la liberté de conscience?
« Contraindre les hommes à agir autrement qu'ils ne pensent, c'est en faire des hypocrites. La
liberté de conscience est un des caractères de la vraie civilisation et du progrès. »
372
LIVRE III - CHAP. X
838. Toute croyance est-elle respectable, alors même qu'elle serait notoirement fausse?
« Toute croyance est respectable quand elle est sincère et qu'elle conduit à la pratique du bien.
Les croyances blâmables sont celles qui conduisent au mal. »
839. Est-on répréhensible de scandaliser dans sa croyance celui qui ne pense pas comme
nous?
« C'est manquer de charité et porter atteinte à la liberté de penser. »
840. Est-ce porter atteinte à la liberté de conscience que d'apporter des entraves à des
croyances de nature à troubler la société?
« On peut réprimer les actes, mais la croyance intime est inaccessible. »
Réprimer les actes extérieurs d'une croyance quand ces actes portent un préludice quelconque à autrui.
ce n'est point porter atteinte à la liberté de conscience, car cette repression laisse à la croyance son entière
liberté.
841. Doit-on, par respect pour la liberté de conscience, laisser se propager des doctrines
pernicieuses, ou bien peut-on, sans porter atteinte à cette liberté, chercher à ramener dans la
voie de la vérité ceux qui sont égarés par de faux principes?
« Certainement on le peut, et même on le doit mais enseignez, à l'exemple de Jésus, par la
douceur et la persuasion, et non par la force, ce qui serait pis que la croyance de celui que
l'on voudrait convaincre. S'il y a quelque chose qu'il soit permis d'imposer, c'est le bien et la
fraternité mais nous ne croyons pas que le moyen de les faire admettre soit d'agir avec
violence: la conviction ne s'impose pas. »
842. Toutes les doctrines ayant la prétention
373
LOI DE LIBERTE
d'être l'unique expression de la vérité, à quels signes peut-on reconnaître celle qui a le droit de
se poser comme telle?
« Ce sera celle qui fait le plus d'hommes de bien et le moins d'hypocrites, c'est-à-dire
pratiquant la loi d'amour et de charité dans sa plus grande pureté et dans son application la
plus large. A ce signe vous reconnaîtrez qu'une doctrine est bonne, car toute doctrine qui
aurait pour conséquence de semer la désunion et d'établir une démarcation entre les enfants de
Dieu ne peut être que fausse et pernicieuse. »
Libre arbitre.
843. L'homme a-t-il le libre arbitre de ses actes?
« Puisqu'il a la liberté de penser, il a celle d'agir. Sans libre arbitre l'homme serait une
machine. »
844. L'homme jouit-il du libre arbitre depuis sa naissance?
« Il y a liberté d'agir dès qu'il y a volonté de faire. Dans les premiers temps de la vie la liberté
est à peu près nulle; elle se développe et change d'objet avec les facultés. L'enfant ayant des
pensées en rapport avec les besoins de son âge, il applique son libre arbitre aux choses qui lui
sont nécessaires. »
845. Les prédispositions instinctives que l'homme apporte en naissant ne sont-elles pas un
obstacle àl'exercice du libre arbitre?
« Les prédispositions instinctives sont celles de l'Esprit avant son incarnation; selon qu'il est
plus ou moins avancé, elles peuvent le solliciter à des actes répréhensibles. et il sera secondé
en cela par les Esprits qui sympathisent avec ces dispositions
374
LIVRE III. - CHAP. X
mais il n'y a point d'entraînement irrésistible quand on a la volonté de résister. Rappelez-vous
que vouloir c'est pouvoir. » (Nº 361).
846. L'organisation est-elle sans influence sur les actes' de la vie, et si elle a une influence,
n'est-ce pas aux dépens du libre arbitre?
« L'Esprit est certainement influencé par la matière qui peut l'entraver dans ses manifestations
voilà pourquoi, dans les mondes où les corps sont moins matériels que sur la terre, les
facultés se déploient avec plus de liberté, mais l'instrument ne donne pas la faculté. Au reste,
il faut distinguer ici les facultés morales des facultés intellectuelles ; si un homme a l'instinct
du meurtre, c est assurément son propre Esprit qui le possède et qui le lui donne, mais non
pas ses organes. Celui qui annihile sa pensée pour ne s'occuper que de la matière devient
semblable à la brute, et pire encore, car il ne songe plus à se prémunir contre le mal, et c'est
en cela qu'il est fautif, puisqu'il agit ainsi par sa volonté. » (Voyez nº 367 et suivants.
Influence de l'organisme).
847. L'aberration des facultés ôte-t-elle à l'homme le libre arbitre?
« Celui dont l'intelligence est troublée par une cause quelconque n'est plus le maître de sa
pensée, et dès lors n'a plus de liberté. Cette aberration est souvent une punition pour l'Esprit
qui, dans une autre existence, peut avoir été vain et orgueilleux et avoir fait un mauvais usage
de ses facultés. Il peut renaître dans le corps d'un idiot, comme le despote dans le corps d'un
esclave, et le mauvais riche dans celui d'un mendiant; mais l'Esprit souffre de cette contrainte
dont il a parfaite conscience; c’est là
375
LOI DE LIBERTE
qu est l'action de la matière. » (371 et suiv.).
848. L'aberration des facultés intellectuelles par l'ivresse excuse-t-elle les actes
répréhensibles?
« Non, car l'ivrogne s'est volontairement privé de sa raison pour satisfaire des passions
brutales au lieu d'une faute il en commet deux. »
849. Quelle est, chez l'homme à l'état sauvage, la faculté dominante: l'instinct ou le libre
arbitre?
« L'instinct; ce qui ne l'empêche pas d'agir avec une entière liberté pour certaines choses;
mais, comme l'enfant, il applique cette liberté à ses besoins, et elle se développe avec
l'intelligence; par conséquent, toi qui es plus éclairé qu'un sauvage, tu es aussi plus
responsable de ce que tu fais. »
850. La position sociale n'est-elle pas quelquefois un obstacle à l'entière liberté des actes?
« Le monde a sans doute ses exigences ; Dieu est juste : il tient compte de tout, mais il vous
laisse la responsabilité du peu d'efforts que vous faites pour surmonter les obstacles. »
Fatalité.
851. Y a-t-il une fatalité dans les événements de la vie, selon le sens attaché à ce mot, c'est-àdire
tous les événements sont-ils arrêtés d'avance, et dans ce cas, que devient le libre arbitre?
« La fatalité n'existe que par le choix qu'a fait l'Esprit en s'incarnant de subir telle ou telle
épreuve; en la choisissant, il se fait une sorte de destin qui est la conséquence même de la
position où il se trouve placé; je parle des épreuves physiques, car pour ce qui est des
épreuves morales et des tentations, l'Esprit, conservant son libre arbitre sur le
376
LIVRE III. - CHAP. X
bien et sur le mal, est toujours le maître de céder ou de résister. Un bon Esprit, en le voyant
faiblir, peut venir à son aide, mais ne peut influer sur lui de manière à maîtriser sa volonté.
Un Esprit mauvais, c'est-à-dire inférieur, en lui montrant, en lui exagérant un péril physique,
peut l'ébranler et l'effrayer; mais la volonté de l'Esprit incarné n'en reste pas moins libre de
toute entrave. »
852. Il y a des gens qu'une fatalité semble poursuivre indépendamment de leur manière d'agir;
le malheur n'est-il pas dans leur destinée?
« Ce sont peut-être des épreuves qu'ils doivent subir et qu'ils ont choisies ; mais, encore une
fois, vous mettez sur le compte de la destinée ce qui n est le plus souvent que la conséquence
de votre propre faute. Dans les maux qui t'affligent, tâche que ta conscience soit pure, et tu
seras à moitié consolé. »
Les idées justes ou fausses que nous nous faisons des choses nous font réussir ou échouer selon notre
caractère et notre position sociale. Nous trouvons plus simple et moins humiliant pour notre amourpropre
d'attribuer nos échecs au sort ou à la destinée qu'à notre propre faute. Si l'influence des Esprits y
contribue quelquefois, nous pouvons toujours nous soustraire à cette influence en repoussant les idées
qu'ils nous suggèrent, quand elles sont mauvaises.
853. Certaines personnes n'échappent à un danger mortel que pour tomber dans un autre; il
semble qu'elles ne pouvaient échapper à la mort. N'y a-t-il pas fatalité?
« Il n'y a de fatal, dans le vrai sens du mot, que l'instant de la mort; quand ce moment est
venu, que ce soit par un moyen ou par un autre, vous ne pouvez vous y soustraire. »
- Ainsi, quel que soit le danger qui nous menace, nous ne mourrons pas si l'heure n'est pas
arrivée?
377
LOI DE LIBERTE
« Non, tu ne périras pas, et tu en as des milliers d'exemples; mais quand ton heure est venue
de partir, rien ne peut t'y soustraire. Dieu sait à l'avance de quel genre de mort tu partiras d'ici,
et souvent ton Esprit le sait aussi, car cela lui est révélé quand il fait choix de telle ou telle
existence. »
854. De l'infaillibilité de l'heure de la mort suit-il que les précautions que l'on prend pour
l'éviter sont inutiles?
« Non, car les précautions que vous prenez vous sont suggérées en vue d'éviter la mort qui
vous menace; elles sont un des moyens pour qu'elle n'ait pas lieu. »
855. Quel est le but de la Providence en nous faisant courir des dangers qui ne doivent pas
avoir de suite?
« Lorsque ta vie est mise en péril, c'est un avertissement que toi-même as désiré afin de te
détourner du mal et te rendre meilleur, Lorsque tu échappes à ce péril, encore sous l'influence
du danger que tu as couru, tu songes plus ou moins fortemexit, selon l'action plus ou moins
forte des bons Esprits, à devenir meilleur. Le mauvais Esprit survenant (je dis mauvais, sousentendant
le mal qui est encore en lui), tu penses que tu échapperas de même à d'autres
dangers, et tu laisses de nouveau tes passions se déchaîner. Par les dangers que vous courez,
Dieu vous rappelle votre faiblesse et la fragilité de votre existence. Si l'on examine la cause et
la nature du péril, on verra que, le plus souvent, les conséquences eussent été la punition
d'une faute commise ou d'un devoir négligé. Dieu vous avertît ainsi de rentrer en vous-mêmes
et de vous amender. » (526-532).
378
LIVRE III. - CHAP. X
856. L'Esprit sait-il d'avance le genre de mort auquel il doit succomber?
« Il sait que le genre de vie qu'il choisit l'expose à mourir de telle manière plutôt que de telle
autre mais il sait également les luttes qu'il aura à soutenir pour l'éviter, et que, si Dieu le
permet, il ne succombera pas. »
857. Il y a des hommes qui affrontent les périls des combats avec cette persuation que leur
heure n'est pas venue; y a-t-il quelque chose de fondé dans cette confiance?
« Très souvent l'homme a le pressentiment de sa fin, comme il peut avoir celui qu'il ne
mourra pas encore. Ce pressentiment lui vient de ses Esprits protecteurs qui veulent l'avertir
de se tenir prêt àpartir, ou qui relèvent son courage dans les moments où il lui est plus
nécessaire. Il peut lui venir encore de l'intuition qu'il a de l'existence qu'il a choisie, ou de la
mission qu'il a acceptée, et qu'il sait devoir accomplir. » (411-522).
858. D'où vient que ceux qui pressentent leur mort la redoutent généralement moins que les
autres?
« C'est l'homme qui redoute la mort et non l'Es-prit; celui qui la pressent pense plus
comme Esprit que comme homme; il comprend sa délivrance, et il attend. »
859. Si la mort ne peut être évitée quand elle doit avoir lieu, en est-il de même de tous les
accidents qui nous arrivent dans le cours de la vie?
« Ce sont souvent d'assez petites choses pour que nous puissions vous en prévenir. et
quelquefois vous les faire éviter en dirigeant votre pensée. car nous n aimons pas la
souffrance matérielle; mais cela est
379
LOI DE LIBERTE
peu important à la vie que vous avez choisie. La fatalité, véritablement, ne consiste que dans
l'heure où vous devez apparaître et disparaître ici-bas. »
- Y a-t-il des faits devant forcément arriver et que la volonté des Esprits ne puisse conjurer?
« Oui, mais que toi, à l'état d'Esprit, tu as vus et pressentis quand tu as fait ton choix.
Cependant ne crois pas que tout ce qui arrive soit écrit, comme on le dit; un événement est
souvent la conséquence d'une chose que tu as faite par un acte de ta libre volonté, de telle
sorte que si tu n avais pas fait cette chose l'événement n'aurait pas eu lieu. Si tu te brûles le
doigt, ce n'est rien; c'est la suite de ton imprudence et la conséquence de la matière; il n'y a
que les grandes douleurs, les événements importants et pouvant influer sur le moral qui sont
prévus par Dieu, parce qu'ils sont utiles à ton épuration et àton instruction. »
860. L'homme, par sa volonté et par ses actes, peut-il faire que des événements qui devraient
avoir lieu ne soient pas, et réciproquement?
« Il le peut, si cette déviation apparente peut entrer dans la vie qu'il a choisie. Puis, pour faire
le bien, comme ce doit être, et comme c'est le seul but de la vie, il peut empêcher le mal,
surtout celui qui pourrait contribuer à un mal plus grand. »
861. L'homme qui commet un meurtre sait-il, en choisissant son existence, qu'il deviendra
assassin?
« Non; il sait que, choisissant une vie de lutte, il y a chance pour lui de tuer un de ses
semblables, mais il ignore s'il le fera, car il y a presque toujours en lui délibération avant de
commettre le crime; or, celui qui délibère sur une chose est toujours libre de la faire ou de ne
pas la faire. Si l'Esprit savait
380
LIVRE III - CHAP. X
d'avance que, comme homme, il doit commettre un meurtre, c'est qu'il y serait prédestiné.
Sachez donc qu'il n'y a personne de prédestiné au crime, et que tout crime ou tout acte
quelconque est toujours le fait de la volonté et du libre arbitre.
« Au reste, vous confondez toujours deux choses bien distinctes les événements matériels de
la vie et les actes de la vie morale. S'il y a fatalité quelquefois, c'est dans ces événements
matériels dont la cause est en dehors de vous et qui sont indépendants de votre volonté. Quant
aux actes de la vie morale, ils émanent toujours de l'homme même, qui a toujours, par
conséquent, la liberté du choix pour ces actes il n'y a donc jamais fatalité. »
862. Il y a des personnes auxquelles rien ne réussit, et qu'un mauvais génie semble poursuivre
dans toutes leurs entreprises n est-ce pas là ce qu'on peut appeler la fatalité?
« C'est bien de la fatalité, si tu veux l'appeler ainsi, mais elle tient au choix du genre
d'existence, parce que ces personnes ont voulu être éprouvées par une vie de déception, afin
d'exercer leur patience et leur résignation. Cependant ne croîs pas que cette fatalité soit
absolue elle est souvent le résultat de la fausse route qu'elles ont prise, et qui n'est pas en
rapport avec leur intelligence et leurs aptitudes. Celui qui veut traverser une rivière à la nage
sans savoir nager a grande chance de se noyer; il en est ainsi dans la plupart des événements
de la vie, Si l'homme n'entreprenait que des choses en rapport avec ses facultés, il réussirait
presque toujours; ce qui le perd, c'est son amour-propre et son ambition, qui le font sortir de
sa voie et prendre pour une vocation le désir de satisfaire certaines passions. Il
381
LOI DE LIBERTE
échoue et c'est sa faute; mais au lieu de s'en prendre à lui, il aime mieux en accuser son étoile.
Tel eût fait un bon ouvrier et gagné honorablement sa vie, qui sera un mauvais poète et
mourra de faim. Il y aurait place pour tout le monde si chacun savait se mettre à sa place. »
863. Les moeurs sociales n'obligent-elles pas souvent un homme à suivre telle voie plutôt que
telle autre, et n'est-il pas soumis au contrôle de l'opinion dans le choix de ses occupations? Ce
qu'on appelle le respect humain, n'est-il pas un obstacle à l'exercice du libre arbitre?
« Ce sont les hommes qui font les moeurs sociales et non Dieu; s'ils s'y soumettent, c'est que
cela leur convient, et c'est encore là un acte de leur libre arbitre, puisque, s'ils le voulaient. ils
pourraient s'en affranchir; alors pourquoi se plaindre? Ce ne sont pas les moeurs sociales
qu'ils doivent accuser, mais leur sot amour-propre qui leur fait préférer mourir de faim plutôt
que de déroger. Personne ne leur tient compte de ce sacrifice fait à l'opinion, tandis que Dieu
leur tiendra compte du sacrifice de leur vanité. Ce n'est pas à dire qu'il faille braver cette
opinion sans nécessité, comme certaines gens qui ont plus d'originalité que de véritable
philosophie; il y a autant de déraison à se faire montrer au doigt ou regarder comme une bête
curieuse, qu'il y a de sagesse à descendre volontairement et sans murmure, quand on ne peut
se maintenir sur le haut de l'échelle. »
864. S'il y a des gens auxquels le sort est contraire, d'autres semblent être favorisés, car tout
leur réussit ; à quoi cela tient-il?
« C'est souvent parce qu'ils savent mieux s'y pren-
382
LIVRE III. - CHAP.X
dre mais ce peut être aussi un genre d'épreuve le succès les enivre; ils se fient à leur
destinée, et ils payent souvent plus tard ces mêmes succès par de cruels revers qu'ils eussent
pu éviter avec de la prudence. »
865. Comment expliquer la chance qui favorise certaines personnes dans les circonstances où
la volonté ni l'intelligence ne sont pour rien: au jeu, par exemple?
« Certains Esprits ont choisi d'avance certaines sortes de plaisir; la chance qui les favorise est
une tentation. Celui qui gagne comme homme perd comme Esprit: c'est une épreuve pour son
orgueil et sa cupidité. »
866. La fatalité qui semble présider aux destinées matérielles de notre vie serait donc encore
l'effet de notre libre arbitre?
« Toi-même as choisi ton épreuve : plus elle est rude, mieux tu la supportes, plus tu t'élèves.
Ceux-là qui passent leur vie dans l'abondance et le bonheur humain sont de lâches Esprits qui
demeurent stationnaires. Ainsi le nombre des infortunés l'emporte de beaucoup sur celui des
heureux de ce monde, attendu que les Esprits cherchent, pour la plupart, l'épreuve qui leur
sera la plus fructueuse. Ils voient trop bien la futilité de vos grandeurs et de vos jouissances.
D'ailleurs, la vie la plus heureuse est toujours agitée, toujours troublée: ne serait-ce que par
l'absence de la douleur. » (525 et suiv.).
867. D'où vient l'expression : Etre né sous une heureuse étoile?
« Vieille superstition qui rattachait les étoiles à la destinée de chaque homme; allégorie que
certaines gens ont la sottise de prendre à la lettre. »
383
LOI DE LIBERTE
Connaissance de l'avenir.
868. L'avenir peut-il être révélé à l'homme?
« En principe, l'avenir lui est caché, et ce n'est que dans des cas rares et exceptionnels que
Dieu en permet la révélation. »
869. Dans quel but l'avenir est-il caché à l'homme?
« Si l'homme connaissait l'avenir, il négligerait le présent et n'agirait pas avec la même liberté,
parce qu'il serait dominé par la pensée que, si une chose doit arriver, il n'a pas à s'en occuper,
ou bien il chercherait à l'entraver. Dieu n'a pas voulu qu'il en fût ainsi, afin que chacun
concourût à l'accomplissement des choses, même de celles auxquelles il i'oudrait s'opposer;
ainsi, toi-même, tu prépares souvent, sans t'en douter, les événements qui surviendront dans
le cours de ta vie. »
870. Puisqu'il est utile que l'avenir soit caché, pourquoi Dieu en permet-il quelquefois la
révélation?
« C'est lorsque cette connaissance préalable doit faciliter l'accomplissement de la chose au
lieu de l'entraver, en engageant à agir autrement qu'on n'eût fait sans cela. Et puis, souvent
c'est une épreuve. La perspective d'un événement peut éveiller des pensées plus ou moins
bonnes; si un homme doit savoir, par exemple, qu'il fera un héritage sur lequel il ne compte
pas, il pourra être sollicité par le sentiment de la cupidité, par la joie d'augmenter ses
jouissances terrestres, par le désir de posséder plus tôt en souhaitant peut-être la mort de celui
qui doit lui laisser sa fortune; ou bien cette perspective éveillera en lui de bons sentiments et
des pensées
384
LIVRE III. - CHAP. X
généreuses. Si la prédiction ne s'accomplit pas, c'est une autre épreuve; celle de la manière
dont il supportera la déception; mais il n'en aura pas moins le mérite ou le tort des pensées
bonnes ou mauvaises que la croyance à l'événement a fait naître en lui. "
871. Puisque Dieu sait tout, il sait également si un homme doit succomber ou non dans une
épreuve; dès lors, quelle est la nécessité de cette épreuve, puisqu'elle ne peut rien apprendre à
Dieu qu'il ne sache déjà sur le compte de cet homme?
« Autant vaudrait demander pourquoi Dieu n'a pas créé l'homme parfait et accompli (119);
pourquoi l'homme passe par l'enfance avant d'arriver àl'état d'adulte (379). L'épreuve n'a pas
pour but d'éclairer Dieu sur le mérite de cet homme, car Dieu sait parfaitement ce qu'il vaut,
mais de laisser à cet homme toute la responsabilité de son action, puisqu'il est libre de la faire
ou de ne pas la faire. L'homme ayant le choix entre le bien et le mal, l'épreuve a pour effet de
le mettre aux prises avec la tentation du mal et de lui laisser tout le mérite de la résistance; or,
quoique Dieu sache très bien d'avance s'il réussira ou non, il ne peut, dans sa justice, ni le
punir ni le récompenser pour un acte qui n'a pas été accompli. » (258).
Il en est ainsi parmi les hommes. Quelque capable que soit un aspirant, quelque certitude qu'on ait de le
voir réussir, on ne lui confère aucun grade sans examen, c'est-à-dire sans épreuve; de méme le juge ne
condamne un accusé que sur un acte consommé et non sur la prévision qu'il peut ou doit consommer cet
acte.
Plus on réfléchit aux conséquences qui résulteraient pour l'homme de la connaissance de l'avenir, plus on
voit combien la Providence a été sage de le lui cacher. La certitude d'un événement heureux le plongerait
dans l'inaction; celle d'un événement malheureux. dans le découragement; dans l'un ou
385
LOI DE LIBERTE
l'autre cas ses forces seraient paralysées. C'est pourquoi l'ave-venir n'est montré à l'homme que comme
un but qu'il doit atteindre par ses efforts, mais sans connaître la filière par laquelle il doit passer pour
l'atteindre. La connaissance de tous les incidents de la route lui ôterait son initiative et l'usage de son libre
arbitre il se laisserait entraîner à la pente fatale des événements sans exercer ses facultés. Quand le succès
d'une chose est assuré, on ne s'en préoccupe plus.
Rêsumé théorique du mobile des actions
de l'homme.
872. La question du libre arbitre peut se résumer ainsi: L'homme n'est point fatalement
conduit au mal ; les actes qu'il accomplit ne sont points écrits d'avance; les crimes qu'il
commet ne sont point le fait d'un arrêt du destin. Il peut, comme épreuve et comme expiation,
choisir une existence où il aura les entraînements du crime, soit par le milieu où il se trouve
placé, soit par des circonstances qui surviennent, mais il est toujours libre d'agir ou de ne pas
agir. Ainsi le libre arbitre existe à l'état d'Esprit dans le choix de l'existence et des épreuves, et
à l'état corporel dans la faculté de céder ou de résister aux entraînements auxquels nous nous
sommes volontairement soumis, C'est à l'éducation àcombattre ces mauvaises tendances; elle
le fera utilement quand elle sera basée sur l'étude approfondie de la nature morale de
l'homme. Par la connaissance des lois qui régissent cette nature morale, on parviendra à la
modifier, comme on modifie l'intelligence par l'instruction et le tempérament par l'hygiène.
L'Esprit dégagé de la matière, et à l'état errant, fait choix de ses existences corporelles futures
selon
386
LIVRE III. - CHAP. X
le degré de perfection auquel il est arrivé, et c'est en cela, comme nous l'avons dit, que
consiste surtout son libre arbitre. Cette liberté n'est point annulée par l'incarnation; s'il cède à
l'influence de la matière, c'est qu'il succombe sous les épreuves mêmes qu'il a choisies, et
c'est pour l'aider à les surmonter qu'il peut invoquer l'assistance de Dieu et des bons Esprits
(337).
Sans le libre arbitre l'homme n'a ni tort dans le mal, ni mérite dans le bien; et cela est
tellement reconnu que, dans le monde, on proportionne toujours le blâme ou l'éloge à
l'intention, c'est-à-dire àla volonté or, qui dit volonté dit liberté. L'homme ne saurait donc
chercher une excuse de ses méfaits dans son organisation, sans abdiquer sa raison et sa
condition d'être humain, pour s'assimiler à la brute. S'il en était ainsi pour le mal, il en serait
de même pour le bien mais quand l'homme fait le bien il a grand soin de s'en faire un mérite
et n'a garde d'en gratifier ses organes, ce qui prouve qu'instinctivement il ne renonce pas,
malgré l'opinion de quelques systématiques, au plus beau privilège de son espèce: la liberté
de penser.
La fatalité, telle qu'on l'entend vulgairement, suppose la décision préalable et irrévocable de
tous les événements de la vie, quelle qu'en soit l'importance. Si tel était l'ordre des choses,
l'homme serait une machine sans volonté. A quoi lui servirait son intelligence, puisqu'il serait
invariablement dominé dans tous ses actes par la puissance du destin? Une telle doctrine, si
elle était vraie, serait la destruction de toute liberté morale; il n'y aurait plus pour l'homme de
responsabilité, et par conséquent ni bien, ni mal, ni crimes, ni vertus. Dieu, souverai-
387
LOI DE LIBERTE
nement juste, ne pourrait châtier sa créature pour des fautes qu'il n'aurait pas dépendu d'elle
de ne pas commettre, ni la récompenser pour des vertus dont elle n'aurait pas le mérite. Une
pareille loi serait en outre la négation de la loi du progrès, car l'homme qui attendrait tout du
sort ne tenterait rien pour améliorer sa position, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins.
La fatalité n'est pourtant pas un vain mot; elle existe dans la position que l'homme occupe sur
la terre et dans les fonctions qu'il y remplit, par suite du genre d'existence dont son Esprit a
fait choix, comme épreuve, expiation ou mission; il subit fatalement toutes les vicissitudes de
cette existence, et toutes les tendances bonnes ou mauvaises qui y sont inhérentes; mais là
s'arrête la fatalité, car il dépend de sa volonté de céder ou non à ces tendances. Le détail des
événements est subordonné aux circonstances qu'il provoque lui-même par ses actes, et sur
lesquelles peuvent influer les Esprits par les pensées qu'ils lui suggèrent. (459).
La fatalité est donc dans les événements qui se présentent, puisqu'ils sont la conséquence du
choix de l'existence fait par l'Esprit elle peut ne pas être dans le résultat de ces événements,
puisqu'il peut dépendre de l'homme d'en modifier le cours par sa prudence; elle n'est jamais
dans les actes de la vie morale.
C'est dans la mort que l'homme est soumis d'une manière absolue à l'inexorable loi de la
fatalité; car il ne peut échapper à l'arrêt qui fixe le terme de son existence, ni au genre de
mort qui doit en interrompre le cours.
Selon la doctrine vulgaire, l'homme puiserait tous
388
LIVRE III. - CHAP. X
ses instincts en lui-même; ils proviendraient, soit de son organisation physique dont il ne
saurait être responsable, soit de sa propre nature dans laquelle il peut chercher une excuse à
ses propres yeux, en disant que ce n'est pas sa faute s'il est ainsi fait. La doctrine spirite est
évidemment plus morale elle admet chez l'homme le libre arbitre dans toute sa plénitude; et
en lui disant que, s'il fait mal, il cède àune mauvaise suggestion étrangère, elle lui en laisse
toute la responsabilité, puisqu'elle lui reconnaît le pouvoir de résister, chose évidemment plus
facile que s'il avait à lutter contre sa propre nature. Ainsi, selon la doctrine spirite, il n'y a pas
d'entraînement irrésistible: l'homme peut toujours fermer l'oreille à la voix occulte qui le
sollicite au mal dans son for intérieur, comme il peut la fermer à la voix matérielle de celui
qui lui parle; il le peut par sa volonté, en demandant à Dieu la force nécessaire, et en
réclamant à cet effet l'assistance des bons Espnts. C'est ce que Jésus nous apprend dans la
sublime prière de l'Oraison dominicale, quand il nous fait dire: « Ne nous laissez pas
succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal ».
Cette théorie de la cause excitante de nos actes ressort évidemment de tout l'enseignement
donné par les Esprits ; non seulement elle est sublime de moralité, mais nous ajouterons
qu'elle relève l'homme à ses propres yeux; elle le montre libre de secouer un joug obsesseur,
comme il est libre de fermer sa maison aux importuns; ce n'est plus une machine agissant par
une impulsion indépendante de sa volonté, c'est un être de raison, qui écoute. qui juge et qui
choisit librement entre deux conseils. Ajoutons que, malgré cela, l'homme n'est point privé de
son initiative; il n'en agit pas moins
389
LOI DE LIBERTE
de son propre mouvement, - puisqu'en définitive il n'est qu'un Esprit incarné qui conserve,
sous l'enveloppe corporelle, les qualités et les défauts qu'il avait comme Esprit. Les fautes que
nous commettons ont donc leur source première dans l'imperfection de notre propre Esprit,
qui n'a pas encore atteint la supériorité morale qu'il aura un jour, mais qui n'en a pas moins
son libre abitre; la vie corporelle lui est donnée pour se purger de ses imperfections par les
épreuves qu'il y subit, et ce sont précisément ces imperfections qui le rendent plus faible et
plus accessible aux suggestions des autres Esprits impar faits, qui en profitent pour tâcher de
le faire succomber dans la lutte qu'il a entreprise. S'il sort vainqueur 'de cette lutte il s'élève;
s'il échoue, il reste ce qu'il était, ni plus mauvais, ni meilleur c'est une épreuve à
recommencer, et cela peut durer longtemps ainsi. Plus il s'épure, plus ces côtés faibles
diminuent, et moins il donne de prise à ceux qui le sollicitent au mal; sa force morale croît en
raison de son élévation, et les mauvais Esprits s'éloignent de lui.
Tous les Esprits, plus ou moins bons, alors qu'ils sont incarnés, constituent l'espèce humaine;
et, comme notre terre est un des mondes les moins avancés, il s'y trouve plus de mauvais
Esprits que de bons, voilà pourquoi nous y voyons tant de perversité. Faisons donc tous nos
efforts pour n'y pas revenir après cette station, et pour mériter d'aller nous reposer dans un
monde meilleur, dans un de ces mondes privilégiés où le bien règne sans partage. et où nous
ne nous souviendrons de notre passage ici-bas que comme d'un temps d'exil.
390
CHAPITRE XI
X. - LOI DE JUSTICE, D'AMOUR
ET DE CHARITE
1. Justice et droits naturels. - 2. Droit de propriété. Vol. - 3. Charité et amour du
prochain. - 4. Amour maternel et filial.
Justice et droits naturels.
873. Le sentiment de la justice est-il dans la nature ou le résultat d'idées acquises?
« Il est tellement dans la nature que vous vous révoltez à la pensée d'une injustice. Le progrès
moral développe sans doute ce sentiment, mais il ne le donne pas: Dieu l'a mis dans le coeur
de l'homme; voilà pourquoi vous trouverez souvent chez des hommes simples et primitifs des
notions plus exactes de la justice que chez ceux qui ont beaucoup de savoir. »
874. Si la justice est une loi de nature, comment se fait-il que les hommes l'entendent d'une
manière si différente, et que l'un trouve juste ce qui paraît injuste à l'autre?
« C'est qu'il s'y mêle souvent des passions qui altèrent ce sentiment, comme la plupart des
autres sentiments naturels, et font voir les choses sous un faux point de vue. »
875. Comment peut-on définir la justice?
« La justice consiste dans le respect des droits de chacun. »
- Qu'est-ce qui détermine ces droits?
391
LOI DE IUSTICE, D'AMOUR ET DE CHARITE
« Ils le sont par deux choses la loi humaine et la loi naturelle. Les hommes ayant fait des lois
appropriées il leurs moeurs et à leur caractère, ces lois ont établi des droits qui ont pu varier
avec le progrès des lumières. Voyez si vos lois d'aujourd'hui, sans être parfaites, consacrent
les mêmes droits qu au moyen âge; ces droits surannés, qui vous paraissent monstrueux,
semblaient justes et naturels à cette époque. Le droit établi par les hommes n'est donc pas
toujours conforme à la justice; il ne règle d'ailleurs que certains rapports sociaux, tandis que,
dans la vie privée, il est une foule d'actes qui sont uniquement du ressort du tribunal de la
conscience. »
876. En dehors du droit consacré par la loi humaine, quelle est la base de la justice fondée sur
la loi naturelle?
« Le Christ vous l'a dit: Vouloir pour les autres ce que vous voudriez pour vous-mêmes. Dieu
a mis dans le coeur de l'homme la règle de toute véritable justice, par le désir de chacun de
voir respecter ses droits. Dans l'incertitude de ce qu'il doit faire à l'égard de son semblable
dans une circonstance donnée, que l'homme se demande comment il voudrait qu'on en usât
envers lui en pareille circonstance: Dieu ne pouvait lui donner un guide plus sfîr que sa
propre conscience. »
Le critérium de la véritable lustice est, en effet, de vouloir pour les autres ce qu'on voudrait pour soimême
et non de vouloir pour soi ce qu'on voudrait pour les autres, ce qui n'est pas du tout la même chose.
Comree il n'est pas naturel de se vouloir du mal, en prenant son désir personnel pour type ou point de
départ, on est certain de ne lamais vouloir que du bien pour son prochain. De tout temps, et dans toutes
les croyances, l'homme a toujours cherché à faire prévaloir
392
LIVRE III. - CHAP. XI
son droit personnel; le sublime de la religion chrétienne a été de prendre le droit personnel pour base du
droit du prochain.
877. La nécessité pour l'homme de vivre en société entraîne-t-elle pour lui des obligations
particulières?
« Oui, et la première de toutes est de respecter les droits de ses semblables celui qui
respectera ces droits sera toujours juste. Dans votre monde où tant d'hommes ne pratiquent
pas la loi de justice, chacun use de représailles, et c'est là ce qui fait le trouble et la confusion
de votre société. La vie sociale donne des droits et impose des devoirs réciproques.
878. L'homme pouvant se faire illusion sur l'étendue de son droit, qu'est-ce qui peut lui en
faire connaître la limite?
« La limite du droit qu'il reconnaît à son semblable envers lui dans la même circonstance et
réciproquement. »
- Mais si chacun s'attribue les droits de son semblable, que devient la subordination envers les
supérieurs? N'est-ce pas l'anarchie de tous les pouvoirs?
« Les droits naturels sont les mêmes pour tous les hommes depuis le plus petit jusqu'au plus
grand; Dieu n'a pas fait les uns d'un limon plus pur que les autres, et tous sont égaux devant
lui. Ces droits sont éternels; ceux que l'homme a établis périssent avec ses institutions. Du
reste, chacun sent bien sa force ou sa faiblesse, et saura toujours avoir une sorte de déférence
pour celui qui le méritera par sa vertu et sa sagesse. C'est important de mettre cela, afin que
ceux qui se croient supérieurs connaissent leurs devoirs pour mériter ces déférences. La
subordina-
393
LOI DE JUSTICE, D'AMOUR ET DE CHARITE
tion ne sera point compromise quand l'autorité sera donnee à la sagesse. »
879. Quel serait le caractère de l'homme qui pratiquerait la justice dans toute sa pureté?
« Le vrai juste, à l'exemple de Jésus ; car il pratiquerait aussi l'amour du prochain et la charité,
sans lesquels il n'y a pas de véritable justice. »
Droit de propriété. Vol.
880. Quel est le premier de tous les droits naturels de l'homme?
« C'est de vivre; c'est pourquoi nul n'a le droit d'attenter à la vie de son semblable. ni de rien
faire qui puisse compromettre son existence corporelle. »
881. Le droit de vivre donne-t-il à l'homme le droit d'amasser de quoi vivre pour se
reposer quand il ne pourra plus travailler?
« Oui. mais il doit le faire en famille, comme l'abeille, par un travail honnête, et ne pas masser
comme un égoïste. Certains animaux même lui donnent l'exemple de la prévoyance. »
882. L'homme a-t-il le droit de défendre ce qu'il a amassé par le travail?
« Dieu n'a-t-il pas dit: Tu ne déroberas point; et Jésus: Il faut rendre à César ce qui
appartient à César? »
Ce que l'homme amasse par un travail honnête est une propriété légitime qu'il a le droit de défendre, car
la propriété qui est le fruit du travail est un droit naturel aussi sacré que celui de travailler et de vivre.
883. Le désir de posséder est-il dans la nature?
« Oui; mais quand c'est pour soi seul et pour sa satisfaction personnel. c'est de l'égoïsme. »
394
LIVRE III. - CHAP. XI
- Cependant le désir de posséder n'est-il pas légitime, puisque celui qui a de quoi vivre n'est
àcharge à personne?
« Il y a des hommes insatiables et qui accumulent sans profit pour personne, ou pour assouvir
leurs passions. Crois-tu que cela soit bien vu de Dieu? Celui, au contraire, qui amasse par son
travail, en vue de venir en aide à ses semblables, pratique la loi d'amour et de charité, et son
travail est béni de Dieu. »
884. Quel est le caractère de la propriété légitime?
« Il n'y a de propriété légitime que celle qui a été acquise sans préjudice pour autrui. » (808).
La loi d'amour et de justice defendant de faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fît,
condamne par cela meme tout moyen d'acquérir qui serait contraire àcette loi.
885. Le droit de propriété est-il indéfini?
« Sans doute, tout ce qui est acquis légitimement est une propriété; mais, comme nous l'avons
dit, la législation des hommes étant imparfaite consacre souvent des droits de convention que
la justice naturelle réprouve. C'est pourquoi ils réforment leurs lois à mesure que le progrès
s'accomplit et qu'ils comprennent mieux la justice. Ce qui semble parfait dans un siècle
semble barbare dans le siècle suivant. » (795).
Charité et amour du prochain.
886. Quel est le véritable sens du mot charité tel que l'entendait Jésus?
« Bienveillance pour tout le monde, indulgence pour les imperfections d'autrui, pardon des
offenses. »
395
LOI DE JUSTICE, D'AMOUR ET DE CHARITE
L'amour et la charité sont le complément de la loi de justice, car aimer son prochain, c'est lui faire tout
le bien qui est en notre pouvoir et que nous voudrions qui nous fût fait à nousmêmes.
Tel est le sens des paroles de Jésus: Aimez-vous les uns les autres, comme des frères.
La charité, selon Jésus, n'est pas restreinte à l'aumône elle embrasse tous les rapports que nous avons
avec nos semblables, qu'ils soient nos inférieurs, nos égaux ou nos supérieurs. Elle nous commande
l'indulgence, parce que nous en avons besoin nous-mêmes; elle nous défend d'humilier l'infortune,
contrairement à ce qui se pratique trop souvent. Qu'une personne riche se présente, on a pour elle mille
égards, mille prévenances si elle est pauvre, on semble n'avoir pas besoin de se gêner avec elle. Plus sa
position est à plaindre, plus on doit craindre au contraire d'abuter à son malheur par l'humiliation.
L'homme vraiment bon cherche à relever l'intérieur à ses propres yeux. en diminuant la distance.
887. Jésus a dit aussi: Aimez même vos ennemis. Or, l'amour pour nos ennemis n'est-il pas
con-traire à nos tendances naturelles, et l'inimitié ne provient-elle pas du défaut de sympathie
entre les Esprits?
« Sans doute on ne peut pas avoir pour ses ennemis un amour tendre et passionné; ce n'est pas
ce qu'il a voulu dire; aimer ses ennemis, c'est leur pardonner et leur rendre le bien pour le
mal; par là on leur devient supérieur; par la vengeance on se place au-dessous d'eux. »
888. Que penser de l'aumône?
« L'homme réduit à demander l'aumône se dégrade au moral et au physique: il s'abrutit. Dans
une société basée sur la loi de Dieu et la justice, il doit être pourvu à la vie du faible sans
humiliation pour lui. Elle doit assurer l'existence de ceux qui ne peuvent travailler, sans
laisser leur vie à la merci du hasard et de la bonne volonté. »
396
LIVRE III. - CHAP. XI
- Est-ce que vous blâmez l'aumône?
« Non; ce n'est pas l'aumône qui est blâmable, c'est souvent la manière dont elle est faite.
L'homme de bien qui comprend la charité selon Jésus va au-devant du malheureux sans
attendre qu'il lui tende la main.
« La vraie charité est toujours bonne et bienveillante; elle est autant dans la manière que dans
le fait. Un service rendu avec délicatesse double de prix ; s'il l'est avec hauteur, le besoin peut
le faire accepter, mais le coeur en est peu touché.
« Souvenez-vous aussi que l'ostentation enlève aux yeux de Dieu le mérite du bienfait.
Jésus a dit: Que votre main gauche ignore ce que donne votre main droite; il vous apprend par
là à ne point ternir la charité par l'orgueil.
« Il faut distinguer l'aumône proprement dite de la bienfaisance. Le plus nécessiteux n'est pas
toujours celui qui demande; la crainte d'une humiliation retient le vrai pauvre, et souvent il
souffre sans se plaindre; c'est celui-là que l'homme vraiment humain sait aller chercher sans
ostentation.
« Aimez-vous les uns les autres, c'est toute la loi loi divine par laquelle Dieu gouverne les
mondes. L'amour est la loi d'attraction pour les êtres vivants et organisés; l'attraction est la loi
d'amour pour la matière organique.
« N'oubliez jamais que l'Esprit, quel que soit son degré d'avancement, sa situation comme
réincarnation ou erraticité, est toujours placé entre un supérieur qui le guide et le
perfectionne, et un inférieur vis-à-vis duquel il a les mêmes devoirs à remplir. Soyez donc
charitables, non seulement de cette charité qui vous porte à tirer de votre bourse l'obole
397
LOI DE JUSTICE, D'AMOUR ET DE CHARITE
que vous donnez froidement à celui qui ose vous la demander, mais allez au-devant des
misères cachées. Soyez indulgents pour les travers de vos semblables au lieu de mépriser
l'ignorance et le vice, instruisez-les et moralisez-les soyez doux et bienveillants pour tout ce
qui vous est inférieur soyez le même àà l'égard des êtres les plus infimes de la création, et
vous aurez obéi à la loi de Dieu. »
SAINT VINCENT DE PAUL.
889. N'y a-t-il pas des hommes réduits à la mendicité par leur faute?
« Sans doute, mais si une bonne éducation morale leur eût appris à pratiquer la loi de Dieu ,
ils ne tomberaient pas dans les excès qui causent leur perte ; c'est de là surtout que dépend
l'amélioration de votre globe. » (707).
Amour maternel et filial.
890. L'amour maternel est-il une vertu ou un sentiment instinctif commun aux hommes et aux
animaux?
« C'est l'un et l'autre. La nature a donné à la mère l'amour de ses enfants dans l'intérêt de leur
conservation; mais chez l'animal cet amour est limité aux besoins matériels il cesse quand les
soins deviennent inutiles; chez l'homme il persiste toute la vie, et comporte un dévouement et
une abnégation qui sont de la vertu; il survit même à la mort, et suit l'enfant au delà du
tombeau; vous voyez bien qu'il y a en lui autre chose que chez l'animal. » (205-385).
891. Puisque l'amour maternel est dans la nature,
398
LIVRE III. - CHAP. XI
pourquoi y a-t-il des mères qui haïssent leurs enfants, et cela souvent dès leur naissance?
« C'est quelquefois une épreuve choisie par l'Esprit de l'enfant, ou une expiation si lùi-même
a été mauvais père ou mauvaise mère, ou mauvais fils, dans une autre existence (392). Dans
tous les cas, la mauvaise mère ne peut être animée que par un mauvais Esprit qui tâche
d'entraver celui de l'enfant afin qu'il succombe sous l'épreuve qu'il a voulue mais cette
violation des lois de la nature ne sera pas impunie, et l'Esprit de l'enfant sera récompensé des
obstacles qu'il aura surmontés. »
892. Lorsque des parents ont des enfants qui leur causent des chagrins, ne sont-ils pas
excusables de n'avoir pas pour eux la tendresse qu'ils auraient eue dans le cas contraire?
« Non, car c'est une charge qui leur est confiée, et leur mission est de faire tous leurs efforts
pour les ramener au bien (582-583). Mais ces chagrins sont souvent la suite du mauvais pli
qu'ils leur ont laissé prendre dès le berceau ils récoltent alors ce qu'ils ont semé. »
399
CHAPITRE XII
PERFECTION MORALE
1. Les vertus et les vices. - 2. Des passions. - 3. De l'égoïsme. - 4. Caractère de l'homme
de bien. - 5. Connaissance de soi-même.
Les vertus et les vices.
893. Quelle est la plus méritoire de toutes les vertus?
« Toutes les vertus ont leur mérite, parce que toutes sont des signes de progrès dans la voie du
bien. Il y a vertu toutes les fois qu'il y a résistance volontaire à l'entraînement des mauvais
penchants; mais le sublime de la vertu consiste dans le sacrifice de l'intérêt personnel pour le
bien de son prochain sans arrière-pensée; la plus méritoire est celle qui est fondée sur la
charité la plus désintéressée. »
894. Il y a des gens qui fqnt le bien par un mouvement spontané, sans qu'ils aient à vaincre
aucun sentiment contraire; ont-ils autant de mérite que ceux qui ont à lutter contre leur propre
nature et qui la surmontent?
« Ceux qui n'ont point à lutter, c'est que chez eux le progrès est accompli: ils ont lutté jadis et
ils ont triomphé; c'est pourquoi les bons sentiments ne leur coûtent aucun effort, et leurs
actions leur paraissent toutes simples: le bien est devenu pour eux une
400
LIVRE III. - CHAP. XII
habitude. On doit donc les honorer comme de vieux guerriers qui ont conquis leurs grades.
« Comme vous êtes encore loin de la perfection, ces exemples vous étonnent par le contraste,
et vous les admirez d'autant plus qu'ils sont plus rares mais sachez bien que dans les mondes
plus avancés que le vôtre, ce qui chez vous est une exception est la règle. Le sentiment du
bien y est partout spontané, parce qu'ils ne sont habités que par de bons Esprits, et une seule
mauvaise intention y serait une exception monstrueuse. Voilà pourquoi les hommes y sont
heureux; il en sera ainsi sur la terre quand l'humanité se sera transformée, et quand elle
comprendra et pratiquera la charité dans sa véritable acception. »
895. A part les défauts et les vices sur lesquels personne ne saurait se méprendre, quel est le
signe le plus caractéristique de l'imperfection?
« C'est l'intérêt personnel. Les qualités morales sont souvent comme la dorure mise sur un
objet de cuivre et qui ne résiste pas à la pierre de touche. Un homme peut posséder des
qualités réelles qui en font, pour tout le monde, un homme de bien; mais ces qualités,
quoiqu'elles soient un progrès, ne supportent pas toujours certaines épreuves et il suffit
quelquefois de toucher à la corde de l'intérêt personnel pour mettre le fond à découvert. Le
véritable désintéressement est même chose si rare sur la terre, qu'on l'admire comme un
phénomène quand il se présente.
« L'attachement aux choses matérielles est un signe notoire d'infériorité, parce que plus
l'homme tient aux biens de ce monde, moins il comprend sa destinée; par le désintéressement,
au contraire, il
401
PERFECTION MORALE
prouve qu'il voit l'avenir d'un point plus élevé. »
896. Il y a des gens désintéressés sans discernement, qui prodiguent leur avoir sans profit réel,
faute d'en faire un emploi raisonné; ont-ils un mérite quelconque?
« Ils ont le mérite du désintéressement, mais ils n'ont pas celui du bien qu'ils pourraient faire.
Si le désintéressement est une vertu, la prodigalité irréfléchie est toujours au moins un
manque de jugement. La fortune n'est pas plus donnée à quelques-uns pour être jetée au vent,
qu'à d'autres pour être enterrée dans un coffre-fort; c'est un dépôt dont ils auront à rendre
compte, car ils auront à répondre de tout le bien qu'il était en leur pouvoir de faire, et qu'ils
n'auront pas fait; de toutes les larmes qu'ils auraient pu sécher avec l'argent qu'ils ont donné
àceux qui n'en avaient pas besoin. »
897. Celui qui fait le bien, non en vue d'une récompense sur la terre, mais dans l'espoir qu'il
lui en sera tenu compte dans l'autre vie, et que sa position y sera d'autant meilleure, est-il
répréhensible, et cette pensée lui nuit-elle pour son avancement?
« Il faut faire le bien par charité, c'est-à-dire avec désintéressement. »
- Cependant chacun a le désir bien naturel de s'avancer pour sortir de l'état pénible de cette
vie les Esprits eux-mêmes nous enseignent à pratiquer le bien dans ce but; est-ce donc un mal
de penser qu'en faisant le bien on peut espérer mieux que sur la terre?
« Non, certainement; mais celui qui fait le bien sans arrière-pensée, et pour le seul plaisir
d'être agréable à Dieu et à son prochain souffrant, est déjà à un certain degré d'avancement
qui lui permettra
402
LIVRE III. - CHAP. XII
d'arriver beaucoup plus tôt au bonheur que son frère qui, plus positif, fait le bien par
raisonnement, et n'y est pas poussé par la chaleur naturelle de son coeur.» (894).
- N'y a-t-il pas ici une distinction à faire entre le bien que l'on peut faire à son prochain et le
soin que l'on met à se corriger de ses défauts? Nous concevons que faire le bien avec la
pensée qu'il en sera tenu compte dans l'autre vie est peu méritoire mais s'amender, vaincre ses
passions, corriger son caractère en vue de se rapprocher des bons Esprits et de s'élever, est-ce
également un signe d'infériorité?
« Non, non; par faire le bien, nous voulons dire être charitable. Celui qui calcule ce que
chaque bonne action peut lui rapporter dans la vie future, aussi bien que dans la vie terrestre,
agit en égoïste; mais il n'y a aucun égoïsme à s'améliorer en vue de se rapprocher de Dieu,
puisque c'est le but auquel chacun doit tendre. »
898. Puisque la vie corporelle n'est qu un sejour temporaire ici-bas, et que notre avenir doit
être notre principale préoccupation, est-il utile de s'efforcer d'acquérir des connaissances
scientifiques qui ne touchent qu'aux choses et aux besoins matériels?
« Sans doute; d'abord cela vous met à même de soulager vos frères; puis, votre Esprit montera
plus vite s'il a déjà progressé en intelligence; dans l'intervalle des incarnations, vous
apprendrez en une heure ce qui vous demanderait des années sur votre terre. Aucune
connaissance n'est inutile; toutes contribuent plus ou moins à l'avancement, parce que l'Esprit
parfait doit tout savoir, et que le progrès devant s'accomplir en tous sens, toutes les idées
403
PERFECTION MORALE
acquises aident au développement de l'Esprit. »
899. De deux hommes riches, l'un est né dans l'opulence et n'a jamais connu le besoin; l'autre
doit sa fortune à son travail; tous les deux l'emploient exclusivement à leur satisfaction
personnelle; quel est le plus coupable?
« Celui qui a connu les souffrances; il sait ce que c'est de souffrir: il connaît la douleur qu'il
ne soulage pas, mais trop souvent pour lui il ne s'en sou-vient plus. »
900. Celui qui accumule sans cesse et sans faire de bien à personne, trouve-t-il une excuse
valable dans la pensée qu'il amasse pour laisser davantage à ses héritiers?
« C'est un compromis avec la mauvaise conscience. »
901. De deux avares, le premier se refuse le nécessaire et meurt de besoin sur son trésor; le
second n est avare que pour les autres: il est prodigue pour lui-même; tandis qu'il recule
devant le plus léger sacrifice pour rendre service ou faire une chose utile, rien ne lui coûte
pour satisfaire ses goûts et ses passions. Lui demande-t-on un service, il est toujours gêné;
veut-il se passer une fantaisie, il a toujours assez. Quel est le plus coupable, et quel est celui
qui aura la plus mauvaise place dans le monde des Esprits?
« Celui qui jouit: il est plus égoïste qu'avare: l'autre a déjà trouvé une partie de sa
punition. »
902. Est-on répréhensible d'envier la richesse, quand c'est par le désir de faire le bien?
« Le sentiment est louable, sans doute, quand il est pur; mais ce désir est-il toujours bien
désintéressé et ne cache-t-il aucune arrière-pensée person-
404
LIVRE III - CHAP. XII
nelle? La première personne à qui l'on souhaite faire du bien, n'est-ce pas souvent soi-même?
»
903. Est-on coupable d'étudier les défauts des autres?
« Si c'est pour les critiquer et les divulguer on est très coupable, car c'est manquer de charité;
si c'est pour en faire son profit personnel et les éviter soi-même, cela peut quelquefois être
utile mais il ne faut pas oublier que l'indulgence pour les défauts d'autrui est une des vertus
comprises dans la charité. Avant de faire aux autres un reproche de leurs imperfections, voyez
si l'on ne peut dire de vous la même chose. Tâchez donc d'avoir les qualités opposées aux
défauts que vous critiquez dans autrui, c'est le moyen de vous rendre supérieur; lui reprochezvous
d'être avare, soyez généreux; d'être orgueilleux, soyez humble et modeste; d'être dur,
soyez doux ; d'agir avec petitesse, soyez grand dans toutes vos actions; en un mot, faites en
sorte qu on ne puisse vous appliquer cette parole de Jésus: Il voit une paille dans l'oeil de son
voisin, et ne voit pas une poutre dans le sien. »
904. Est-on coupable de sonder les plaies de la société et de les dévoiler?
« Cela dépend du sentiment qui porte à le faire; si l'écrivain n'a en vue que de produire du
scandale, c'est une jouissance personnelle qu'il se procure en présentant des tableaux qui sont
souvent plutôt un mauvais qu'un bon exemple. L'Esprit apprécie, mais il peut être puni de
cette sorte de plaisir qu'il prend à révéler le mal. »
- Comment, dans ce cas, juger de la pureté des intentions et de la sincérité de l'écrivain?
« Cela n'est pas toujours utile; s'il écrit de bonnes
405
PERFECTION MORALE
choses, faites-en votre profit ; s'il fait mal, c'est une question de conscience qui le regarde. Du
reste, s'il tient à prouver sa sincérité, c’est à lui d'appuyer le précepte par son propre
exemple. »
905. Certains auteurs ont publié des oeuvres très belles et très morales qui aident au progrès
de l'humanité, mais dont eux-mêmes n'ont guère profité; leur est-il tenu compte, comme
Esprits, du bien qu'ont fait leurs oeuvres?
« La morale sans les actions, c'est la semence sans le travail. Que vous sert la semence si vous
ne la faites pas fructifier pour vous nourrir? Ces hommes sont plus coupables, parce qu'ils
avaient l'intelligence pour comprendre; en ne pratiquant pas les maximes qu ils donnaient aux
autres, ils ont renoncé à en cueillir les fruits. »
906. Celui qui fait bien est-il répréhensible d'en avoir conscience, et de se l'avouer à luimême?
« Puisqù'il peut avoir la conscience du mal qu'il fait, il doit avoir aussi celle du bien, afin de
savoir s'il agit bien ou mal. C'est en pesant toutes ses actions dans la balance de la loi de
Dieu, et surtout dans celle de la loi de justice, d'amour et de charité, qu il pourra se dire si
elles sont bonnes ou mauvaises, les approuver ou les désapprouver. Il ne peut donc être
répréhensible de reconnaître qu'il a triomphé des mauvaises tendances et d'en être satisfait,
pourvu qu'il n'en tire pas vanité, car alors il tomberait dans un autre travers. » (919).
Des passions.
907. Puisque le principe des passions est dans la nature, est-il mauvais en lui-même?
« Non; la passion est dans l'excès joint à la vo-
406
LIVRE III. - CHAP. XII
lonté, car le principe a été donné à l'homme pour le bien, et elles peuvent le porter à de
grandes choses, c'est l'abus qu'il en fait qui cause le mal. »
908. Comment définir la limite où les passions cessent d'être bonnes ou mauvaises?
« Les passions sont comme un cheval qui est utile quand il est maîtrisé, et qui est dangereux
quand c'est lui qui maîtrise. Reconnaissez donc qu'une passion devient pernicieuse du
moment que vous cessez de pouvoir la gouverner et qu'elle a pour résultat un préjudice
quelconque pour vous ou pour autrui. »
Les passions sont des leviers qui décuplent les forces de l'homme et l'aident à l'accomplissement des vues
de la Providence; mais si, au lieu de les diriger, l'homme se laisse diriger par elles, il tombe dans les excès,
et la force même qui, dans sa main, pouvait fnire le bien, retombe sur lui et l'écrase.
Toutes les passions ont leur principe dans un sentiment ou besoin de nature. Le principe des passions n'est
donc point un mal, puisqu'il repose sur une des conditions providentielles de notre existence. La passion,
proprement dite, est l'exagération d'un besoin ou d'un sentiment elle est dans l'excès et non dans la
cause; et cet excès devient un mal quand il a pour conséquence un mal quelconque.
Toute passion qui rapproche l'homme de la nature animale l'éloigne de la nature spirituelle.
Tout sentiment qui élève l'homme au-dessus de la nature animale annonce la prédominance de l'Esprit
sur la matière et le rapproche de la perfection.
909. L'homme pourrait-il toujours vaincre ses mauvais penchants par ses efforts?
« Oui, et quelquefois par de faibles efforts c'est la volonté qui lui manque. Hélas! combien
peu de vous font des efforts! »
910. L'homme peut-il trouver dans les Esprits une assistance efficace pour surmonter ses
passions?
407
PERFECTION MORALE
« S'il prie Dieu et son bon génie avec sincérité, les bons Esprits lui viendront certainement en
aide, car c'est leur mission. » (459).
911. N'y a-t-il pas des passions tellement vives et irrésistibles que la volonté est impuissante
pour les surmonter?
« Il y a beaucoup de personnes qui disent: Je veux, mais la volonté n'est que sur les lèvres;
elles veulent, et elles sont bien aises que cela ne soit pas. Quand on croit ne pas pouvoir
vaincre ses passions, c'est que l'Esprit s'y complaît par suite de son infériorité. Celui qui
cherche à les réprimer comprend sa nature spirituelle; les vaincre est pour lui un triomphe de
l'Esprit sur la matière. »
912. Quel est le moyen le plus efficace de combattre la prédominance de la nature corporelle?
« Faire abnégation de soi-même. »
De l'égoïsme.
913. Parmi les vices, quel est celui qu'on peut regarder comme radical?
« Nous l'avons dit bien des fois, c'est l'égoïsme: de là dérive tout le mal. Etudiez tous les
vices, et vous verrez qu'au fond de tous il y a l'égoïsme; vous aurez beau les combattre, vous
ne parviendrez pas à les extirper tant que vous n'aurez pas attaqué le mal dans sa racine, tant
que vous n'aurez pas détruit la cause. Que tous vos efforts tendent donc vers ce but, car là est
la véritable plaie de la société. Quiconque veut approcher, dès cette vie,de la perfection
morale, doit extirper de son coeur tout sentiment d'égoisme, car l'égoïsme est incompatible
avec
408
LIVRE III. - CHAP. XII
la justice, l'amour et la charité il neutralise toutes les autres qualités. »
914. L'égoïsme étant fondé sur le sentiment de l'intérêt personnel, il paraît bien difficile de
l'extirper entièrement du coeur de l'homme; y parviendra-t-on?
« A mesure que les hommes s'éclairent sur les choses spirituelles, il attachent moins de prix
aux choses matérielles; et puis il faut réformer les institutions humaines qui l'entretiennent et
l'excitent. Cela dépend de l'éducation. »
915. L'égoïsme, étant inhérent à l'espèce humaine, ne sera-t-il pas toujours un obstacle au
règne du bien absolu sur la terre?
« Il est certain que l'égoïsme est votre plus grand mal, mais il tient à l'infériorité des Esprits
incarnés sur la terre, et non à l'humanité en elle-même; or les Esprits, en s'épurant par des
incarnations successives, perdent l'égoïsme comme ils perdent leurs autres impuretés. N'avezvous
sur la terre aucun homme dépourvu d'égoïsme et pratiquant la charité? Il y en a plus que
vous ne croyez, mais vous les connaissez peu, parce que la vertu ne cherche pas l'éclat du
grand jour; s'il y en a un, pourquoi n'y en aurait-il pas dix; s'il y en a dix, pourquoi n'y en
aurait-il pas mille, et ainsi de suite? »
916. L'égoïsme, loin de diminuer, croît avec la civilisation qui semble l'exciter et l'entretenir;
comment la cause pourra-t-elle détruire l'effet?
« Plus le mal est grand, plus il devient hideux; il fallait que l'égoïsme fit beaucoup de mal
pour faire comprendre la nécessité de l'extirper. Lorsque les hommes auront dépouillé
l'égoïsme qui les domine, ils vivront comme des frères, ne se faisant point de
409
PERFECTION MORALE
mal, s'entr'aidant réciproquement par le sentiment mutuel de la solidarité; alors le fort sera
l'appui et non l'oppresseur du faible, et l'on ne verra plus d'hommes manquer du nécessaire,
parce que tous pratiqueront la loi de justice. C'est le règne du bien que sont chargés de
préparer les Esprits. » (784).
917. Quel est le moyen de détruire l'égoïsme?
« De toutes les imperfections humaines, la plus difficile à déraciner c'est l'égoïsme, parce qu'il
tient à l'influence de la matière dont l'homme, encore trop voisin de son origine, n'a pu
s'affranchir, et cette influence, tout concourt à l'entretenir ses lois, son organisation sociale,
son éducation. L'égoïsme s'affaiblira avec la prédominance de la vie morale sur la vie
matérielle, et surtout avec l'intelligence que le spiritisme vous donne de votre état futur réel,
et non dénaturé par les fictions allégoriques le spiritisme bien compris, lorsqu'il se sera
identifié avec les moeurs et les croyances, transformera les habitudes, les usages, les relations
sociales. L'égoïsme est fondé sur l'importance de la personnalité; or le spiritisme bien
compris, je le répète, fait voir les choses de si haut que le sentiment de la personnalité
disparaît en quelque sorte devant l'immensité. En détruisant cette importance, ou tout au
moins en la faisant voir pour ce qu'elle est, il combat nécessairement l'égoïsme.
« C'est le froissement que l'homme éprouve de l'égoîsme des autres qui le rend souvent
égoïste luimême, parce qu'il sent le besoin de se tenir sur la défensive, En voyant que les
autres pensent à eux et non à lui, il est conduit à s'occuper de lui plus que des autres. Que le
principe de la charité et de la fraternite soit la base des institutions sociales, des rap-
410
LIVRE II. - CHAP. XII
ports légaux de peuple à peuple et d'homme àhomme, et l'homme songera moins à sa
personne quand il verra que d'autres y ont songé; il subira l'influence moralisatrice de
l'exemple et du contact. En présence de ce débordement d'égoïsme. il faut une véritable vertu
pour faire abnégation de sa personnalité au profit des autres qui souvent n'en savent aucun gré
c'est à ceux surtout qui posssèdent cette vertu que le royaume des cieux est ouvert; àeux
surtout est réservé le bonheur des élus, car je vous dis en vérité, qu'au jour de la justice,
quiconque n'aura pensé qu'à soi sera mis de côté, et souffrira de son délaissement. » (785).
FÉNELON.
On fait sans doute de louables efforts pour faire avancer l'humanité; on encourage, on stimule, on honore
les bons sentiments plus qu'à aucune autre époque, et pourtant le ver rongeur de l'égoïsme est toulours la
plaie sociale. C'est un mal réel qui rejaillit sur tout le monde, dont chacun est plus ou moins victime; il
faut donc le combattre comme on combat une maladie épidémique. Pour cela, il faut procéder à la
manière des médecins: remonter à la source. Qu'on recherche donc dans toutes les parties de
l'organisation sociale, depuis la famille jusqu'aux peuples, depuis la chaumière jusqu'au palais, toutes les
causes, toutes les influences patentes ou cachées, qui excitent, entretiennent et développent le sentiment de
l'égoïsme; une fois les causes connues, le remède se présentera de lui-même; il ne s'agira plus que de les
combattre, sinon toutes à la fois, au moins partiellement, et peu à peu le venin sera extirpé. La guérison
pourra être longue, car les causes sont nombreuses. mais elle n'est pas impossible. On n'y parviendra, du
reste, qu'en prenant le mal dans sa racine, c'est-à-dire par l'éducation non cette éducation qui tend à faire
des hommes instruits, mais celle qui tend à faire des hommes de bien. L'éducation, si elle est bien
entendue, est la clef du progrès moral; quand on connaîtra l'art de manier les caractères comme on
connaît celui de manier les intelligences, on pourra les redresser comme on redresse de jeunes plantes;
mais cet art demande beaucoup de tact, beaucoup d'expérience, et une profonde observation c'est une
grave erreur de croire qu'il suffise d'avoir de la science pour l'exercer avec fruit. Quiconque suit l'enfant
du riche aussi
411
PERFECTION MORALE
bien que celui du pauvre depuis l'instant de sa naissance et observe toutes les inf]uences pernicieuses qui
réagissent sur lui par suite de la faiblesse, de l'incurie et de l'ignorance de ceux qui le dirigent, combien
souvent les moyens que l'on emploie pour le moraliser portent à faux, ne peut s'étonner de rencontrer
dans le monde tant de travers. Que l'on fasse pour le moral autant que l'on fait pour l'intelligence et l'on
verra que, s'il est des natures réfractaires, il y en a plus qu'on ne ]e croit qui ne demandent qu'une bonne
culture pour rapporter de bons fruits. (872)
L'homme veut être heureux, ce sentiment est dans la nature c'est pourquoi il travaille sans cesse à
améliorer sa position sur la terre; il cherche les causes de ses maux afin d'y remédier. Quand il
comprendra bien que l'égoisme est une de ces causes. celle qui engendre l'orgueil. l'ambition, la cupidité,
l'envie, la haine, la jalousie, dont il est à chaque instant froissé, qui porte le trouble dans toutes les
relations sociales, provoque les dissensions, détruit la confiance, oblige à se tenir constanunent sur la
défensive avec son voisin, celle enfin qui de l'ami fait un ennemi, alors il comprendra aussi que ce vice est
incompatible avec sa propre félicité; nous ajoutons méme avec sa propre sécurité; plus il en aura souffert,
plus il sentira la nécessité de le combattre, comme il combat la peste, les animaux nuisibles et tous les
autres fléaux il y sera sollicité par son propre intérêt. (784)
L'égoïsme est la source de tous les vices, comme la charité est la source de toutes les vertus; détruire l'un,
développer l'autre, tel doit être le but de tous les efforts de l'homme s'il veut assurer son bonheur ici-bas
aussi bien que dans l'avenir.
412
LIVRE III. - CHAP. XII
Caractères de l'homme de bien.
918. A quels signes peut-on reconnaître chez un homme le progrès réel qui doit élever son
Esprit dans la hiérarchie spirite?
« L'Esprit prouve son élévation lorsque tous les actes de sa vie corporelle sont la pratique de
la loi de Dieu et lorsqu'il comprend par anticipation la vie spirituelle. »
Le véritable homme de bien est celui qui pratique la loi de justice, d'atnour et de charité dans sa plus
grande pureté. S'il interroge sa conscience sur les actes accomplis, il se demandera s'il n'a point violé cette
loi s'il n'a point fait de mal s'il a fait tout le bien qu'il a pu; si nul n'a eu à se plaindre de lui, enfin s'il a
fait à autrui tout ce qu'il eût voulu qu'on fit pour lui.
L'homme pénétré du sentiment de charité et d'amour du prochain fait le bien pour le bien, sans espoir de
retour, et sacrifie son intéret à la justice.
Il est bon, humain et bienveillant pour tout le monde, parce qu'il voit des fréres dans tous les hommes sans
acception de races ni de croyances.
Si Dieu lui a donné la puissance et la richesse, il regarde ces choses comme UN DÉPOT dont il doit faire
usage pour le bien; il n'en tire pas vanité, car il sait que Dieu qui les lui a données peut les lui retirer.
Si l'ordre social a placé des hommes sous sa dépendance, il les traite avec bonté et bienveillance, parce
qu'ils sont ses égaux devant Dieu il use de son autorité pour relever leur moral, et non pour les écraser
par son orgueil.
Il est indulgent pour les faiblesses d'autrui, parce qu'il sait que lui-même a besoin d'indulgence et se
rapelle cette parole du Christ: Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre.
Il n'est point vindicatif: à l'exemple de Jésus il pardonne les offenses pour ne se souvenir que des
bienfaits; car il sait qu'il lui sera pardonné comme il aura pardonné lui-méme.
413
PERFECTION MORALE
Il respecte dans ses semblables tous les droits que donnent les lois de la nature, comme il voudrait qu'on
les respectât envers lui.
Connaissance de soi-même.
919. Quel est le moyen pratique le plus efficace pour s'améliorer en cette vie et résister à
l'entraînement du mal?
« Un sage de l'antiquité vous l'a dit: Connais-toi toi-même. »
- Nous concevons toute la sagesse de cette maxime, mais la difficulté est précisément de se
connaître soi-même; quel est le moyen d'y parvenir?
« Faites ce que je faisais moi-même de mon vivant sur la terre: à la fin de la journée,
j'interrogeais ma conscience, je passais en revue ce que j'avais fait et me demandais si je
n'avais pas manqué à quelque devoir; si personne n'avait eu à se plaindre de moi. C'est ainsi
que j'étais parvenu à me connaître et àvoir ce qu'il y avait à réformer en moi. Celui qui,
chaque soir, rappellerait toutes ses actions de la journée et se demanderait ce qu'il a fait de
bien ou de mal, priant Dieu et son ange gardien de l'éclairer, acquerrait une grande force pour
se perfectionner; car, croyez-moi, Dieu l'assistera. Posez-vous donc des questions, et
demandez-vous ce que vous avez fait et dans quel but vous avez agi en telle circonstance; si
vous avez fait quelque chose que vous blâmeriez de la part d'autrui; si vous avez fait une
action que vous n'oseriez avouer. Demandez-vous encore ceci: s'il plaisait à Dieu de me
rappeler en ce moment, aurais-je en rentrant dans le monde des Esprits, où rien n'est caché, à
redouter la vue de quelqu'un?
414
LIVRE III. - CHAP. XII
Examinez ce que vous pouvez avoir fait contre Dieu, puis contre votre prochain, et enfin
contre vousmême. Les réponses seront un repos pour votre conscience, ou l'indication d'un
mal qu'il faut guérir.
« La connaissance de soi-même est donc la clef de l'amélioration individuelle; mais, direzvous,
comment se juger? N'a-t-on pas l'illusion de l'amour-propre qui amoindrit les fautes et
les fait excuser? L'avare se croit simplement économe et prévoyant l'orgueilleux croit n'avoir
que de la dignité. Cela n'est que trop vrai, mais vous avez un moyen de contrôle qui ne peut
vous tromper. Quand vous êtes indécis sur la valeur d'une de vos actions, demandez-vous
comment vous la qualifieriez si elle était le fait d'une autre personne; si vous la blâmez en
autrui, elle ne saurait être plus légitime en vous, car Dieu n'a pas deux mesures pour la
justice. Cherchez aussi à savoir ce qu'en pensent les autres, et ne négligez pas l'opinion de vos
ennemis, car ceux-là n'ont aucun intérêt à farder la vérité, et souvent Dieu les place à côté de
vous comme un miroir pour vous avertir avec plus de franchise que ne le ferait un ami. Que
celui qui a la volonté sérieuse de s'améliorer explore donc sa conscience afin d'en arracher les
mauvais penchants, comme il arrache les mauvaises herbes de son jardin; qu'il fasse la
balance de sa journée morale, comme le marchand fait celle de ses pertes et bénéfices, et je
vous assure que l'une lui rapportera plus que l'autre. S'il peut se dire que sa journée a été
bonne, il peut dormir en paix et attendre sans crainte le réveil d'une autre vie.
« Posez-vous donc des questions nettes et précises et ne craignez pas de les multiplier on
peut bien donner quelques minutes pour conquérir un bonheur éternel. Ne travaillez-vous pas
tous les jours en vue
415
PERFECTION MORALE
d'amasser de quoi vous donner le repos sur vos vieux jours? Ce repos n'est-il pas l'objet de
tous vos désirs, le but qui vous fait endurer des fatigues et des privations momentanées? Eh
bien! qu'est-ce que c'est que ce repos de quelques jours, troublé par les infirmités du corps, à
côté de celui qui attend l'homme de bien? Cela ne vaut-il pas la peine de faire quelques
efforts? Je sais que beaucoup disent que le présent est positif et l'avenir incertain; or, voilà
précisément la pensée que nous sommes chargés de détruire en vous, car nous voulons vous
faire comprendre cet avenir de manière à ce qu'il ne puisse laisser aucun doute dans votre
âme; c'est pourquoi nous avons d'abord appelé votre attention par des phénomènes de nature à
frapper vos sens, puis nous vous donnons des instructions que chacun de vous est chargé de
répandre. C'est dans ce but que nous avons dicté le Livre des Esprits. »
SAINT AUGUSTIN.
Beaucoup de fautes que nous commetttons passent inaperçues pour nous; si, en effet, suivant le conseil de
saint Augustin, nous interrogions plus souvent notre conscience, nous verrions combien de fois nous avons
failli sans y penser. faute par nous de scruter la nature et le mobile de nos actes. La forme interrogative a
quelque chose de plus précis qu'une maxime que souvent on ne s'applique pas. Elle exige des réponses
catégoriques par oui ou par non qui ne laissent pas d'alternative; ce sont autant d'arguments personnels,
et par la somme des réponses on peut supputer la somme du bien et du mal qui est en nous.
416
417
LIVRE QUATRIEME
ESPERANCES ET CONSOLATIONS
CHAPITRE PREMIER
____________
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
1. Bonheur et malheur relatifs. - 2. Perte des personnes aimées. - 3. Déceptions.
Affections brisées. - 4. Unions antipathiques. - 5. Appréhension de la mort. -
6. Dégoût de la vie. Suicide.
Bonheur et malheur relatifs.
920. L'homme peut-il jouir sur la terre d'un bonheur complet?
« Non, puisque la vie lui a été donnée comme épreuve ou expiation; mais il dépend de lui
d'adoucir ses maux et d'être aussi heureux qu'on le peut sur la terre. »
921.On conçoit que l'homme sera heureux sur la terre lorsque l'humanité aura été
transformée; mais en attendant, chacun peut-il s'assurer un bonheur relatif?
« L'homme est le plus souvent l'artisan de son propre malheur. En pratiquant la loi de Dieu, il
s'epargne bien des maux et se procure une félicité
418
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
aussi grande que le comporte son existence grossière. »
L'homme qui est bien pénétré de sa destinée future ne voit dans la vie corporelle qu'une station
temporaire. C'est pour lui une halte momentanée dans une mauvaise hôtellerie; il se console aisément de
quelques désagréments passagers d'un voyage qui doit le conduire à une position d'autant meilleure qu'il
aura mieux fait d'avance ses préparatifs.
Nous sommes punis dés cette vie de l'infraction aux lois de l'existence corporelle par les maux qui sont la
suite de cette infraction et de nos propres excès. Si nous remontons de proche en proche à l'origine de ce
que nous appelons nos malheurs terrestres nous les verrons, pour la plupart, être la suite d'une première
déviation du droit chemin. Par cette déviation nous sommes entrés dans une mauvaise voie, et de
conséquence en conséquence nous tombons dans le malheur.
922. Le bonheur terrestre est relatif à la position de chacun; ce qui suffit au bonheur de l'un
fait le malheur de l'autre. Y a-t-il cependant une mesure de bonheur commune à tous les
hommes?
« Pour la vie matérielle, c'est la possession du nécessaire; pour la vie morale: la bonne
conscience et la foi en l'avenir. »
923. Ce qui serait du superflu pour l'un ne devient-il pas nécessaire pour d'autres, et
réciproque ment, suivant la position?
« Oui, selon vos idées matérielles, vos préjugés, votre ambition et tous vos travers ridicules
dont l'avenir fera justice quand vous comprendrez la vérité. Sans doute, celui qui avait
cinquante mille livres de revenu et se trouve réduit à dix se croit bien malheureux, parce qu'il
ne peut plus faire une aussi grande figure, tenir ce qu'il appelle son rang, avoir des chevaux,
des laquais, satisfaire toutes ses
419
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
passions, etc. Il croit manquer du nécessaire; mais, franchement, le crois-tu bien à plaindre,
quand àcôté de lui il y en a qui meurent de faim et de froid, et n'ont pas un abri pour reposer
leur tête? Le sage, pour être heureux, regarde au-dessous de lui, et jamais au-dessus, si ce
n'est pour élever son âme. vers l'infini. » (715).
924. Il est des maux qui sont indépendants de la manière d'agir et qui frappent l'homme le
plus juste; n'a-t-il aucun moyen de s'en préserver?
« Il doit alors se résigner et les subir sans murmure, s'il veut progresser; mais il puise toujours
une consolation dans sa conscience qui lui donne l'espoir d'un meilleur avenir, s'il fait ce qu'il
faut pour l'obtenir. »
925. Pourquoi Dieu favorise-t-il des dons de la fortune certains hommes qui ne semblent pas
l'avoir mérité?
« C'est une faveur aux yeux de ceux qui ne voient que le présent; mais, sache-le bien, la
fortune est une épreuve souvent plus dangereuse que la misère. »(814 et suiv.).
926. La civilisation, en créant de nouveaux besoins, n'est-elle pas la source d'afflictions
nouvelles?
« Les maux de ce monde sont en raison des besoins factices que vous vous créez. Celui qui
sait borner ses désirs et voit sans envie ce qui est au-dessus de lui s'épargne bien des
mécomptes dans cette vie. Le plus riche est celui qui a le moins de besoins.
« Vous enviez les jouissances de ceux qui vous paraissent les heureux du monde; mais savezvous
ce qui leur est réservé? S'ils ne jouissent que pour eux, ils sont égoïstes, alors viendra le
revers. Plaignez-les plutôt. Dieu permet quelquefois que le méchant
420
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
prospère, mais son bonheur n'est pas à envier, car il le payera avec des larmes amères. Si le
juste est malheureux, c'est une épreuve dont il lui sera tenu compte s'il la supporte avec
courage. Souvenez-vous de ces paroles de Jésus: Heureux ceux qui souffrent, car ils seront
consolés. »
927. Le superflu n'est certainement pas indispensable au bonheur, mais il n'en est pas ainsi du
nécessaire; or le malheur de ceux qui sont privés de ce nécessaire n'est-il pas réel?
« L'homme n'est véritablement malheureux que lorsqu'il souffre du manque de ce qui est
nécessaire à la vie et à la santé du corps. Cette privation est peut-être sa faute ; alors il ne doit
s'en prendre qu'à lui-même; si elle est la faute d'autrui, la responsabilité retombe sur celui qui
en est la cause. »
928. Par la spécialité des aptitudes naturelles, Dieu indique évidemment notre vocation en ce
monde. Beaucoup de maux ne viennent-ils pas de ce que nous ne suivons pas cette vocation?
« C'est vrai, et ce sont souvent les parents qui, par orgueil ou par avarice, font sortir leurs
enfants de la voie tracée par la nature, et, par ce déplacement, compromettent leur bonheur ;
ils en seront responsables. »
- Ainsi vous trouveriez juste que le fils d'un homme haut placé dans le monde fît des sabots,
par exemple, s'il avait de l'aptitude pour cet état?
« Il ne faut pas tomber dans l'absurde, ni rien exagérer: la civilisation a ses nécessités.
Pourquoi le fils d'un homme haut placé, comme tu le dis, ferait-il des sabots s'il peut faire
autre chose? Il pourra toujours se rendre utile dans la mesure de ses facultés, si elles ne sont
pas appliquées à contre-sens.
421
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
Ainsi, par exemple, au lieu d'un mauvais avocat, il pourrait peut-être faire un bon mécanicien,
etc. »
Le déplacement des hommes hors de leur sphère intellectuelle est assurément une des causes les plus
fréquentes de déception. L'inaptitude pour la carrière embrassée est une source intarissable de revers;
puis l'amour-propre, venant s'y joindre, empêche l'homme toinbé de chercher une ressource dans une
profession plus humble et lui montre le suicide comme remède pour échapper à ce qu'il croit une
humiliation. Si une éducation morale l'avait élevé au-dessus des sots préjugés de l'orgueil, il ne serait jamais
pris au dépourvu.
929. Il y a des gens qui, étant dénués de toutes ressources, alors même que l'abondance règne
autour d'eux, n'ont que la mort en perspective; quel parti doivent-ils prendre? Doivent-ils se
laisser mourir de faim?
« On ne doit jamais avoir l'idée de se laisser mourir de faim ; on trouverait toujours moyen de
se nourrir, si l'orgueil ne s'interposait entre le besoin et le travail. On dit souvent: Il n'y a point
de sot métier; ce n'est pas l'état qui déshonore; on le dit pour les autres et non pour soi.»
930. Il est évident que, sans les préjugés sociaux par lesquels on se laisse dominer, on
trouverait toujours un travail quelconque qui pût aider à vivre, dût-on déroger de sa position;
mais parmi les gens qui n'ont point de préjugés, ou qui les mettent de côté, il en est qui sont
dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins, par suite de maladies ou autres causes
indépendantes de leur volonté.
« Dans une société organisée selon la loi du Christ, personne ne doit mourir de faim. »
Avec une organisation sociale sage et prévoyante, l'homme ne peut manquer du nécessaire que par sa
faute; mais ses
422
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
fautes mémes sont souvent le résultat du milieu ou il se trouve placé. Lorsque l'homme pratiquera la loi de
Dieu, il aura un ordrè social fondé sur la justice et la solidarité, et lui-même aussi sera meilleur. (793)
931. Pourquoi, dans la société, les classes souffrantes sont-elles plus nombreuses que les
classes heureuses?
« Aucune n'est parfaitement heureuse, et ce que l'on croit le bonheur cache souvent de
poignants chagrins la souffrance est partout. Cependant, pour répondre à ta pensée, je dirai
que les classes que tu appelles souffrantes sont plus nombreuses, parce que la terre est un lieu
d'expiation. Quand l'homme en aura fait le séjour du bien et des bons Esprits, il n'y sera plus
malheureux, et elle sera pour lui le paradis terrestre. »
932. Pourquoi, dans le monde, les méchants l'emportent-ils si souvent en influence sur les
bons?
« C'est par la faiblesse des bons ; les méchants sont intrigants et audacieux, les bons sont
timides quand ceux-cf le voudront, ils prendront le dessus. »
933. Si l'homme est souvent l'artisan de ses souffrances matérielles, en est-il de même des
souffrances morales?
« Plus encore, car les souffrances matérielles sont quelquefois indépendantes de la volonté;
mais l'orgueil blessé, l'ambition déçue, l'anxiété de l'avarice, l'envie, la jalousie, toutes les
passions, en un mot, sont des tortures de l'âme.
» L'envie et la jalousie! Heureux ceux qui ne connaissent pas ces deux vers rongeurs! Avec
l'envie et la jalousie, point de calme, point de repos possible pour celui qui est atteint de ce
mal les objets de sa convoitise, de sa haine, de son dépit se dres-
423
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
sent devant lui comme des fantômes qui ne lui lais-sent aucune trêve et le poursuivent jusque
dans son sommeil. L'envieux et le jaloux sont dans un état de fièvre continuelle. Est-ce donc
là une situation désirable, et ne comprenez-vous pas qu'avec ses passions, l'homme se crée
des supplices volontaires, ct que la terre devient pour lui un véritable enfer? »
Plusieurs expressions peignent énergiquement les effets de certaines passions; on dit: être bouffi d'orgueil,
mourir d'envie, sécher de jalousie ou de dépit, en perdre le boire et le manger, etc.; ce tableau n'est que
trop vrai. Quelquefois même la jalousie n'a pas d'objet déterminé. Il y a des gens jaloux, par nature, de
tout ce qui s'élève, de tout ce qui sort de la ligne vulgaire, alors même qu'ils n'y ont aucun intérêt direct,
mais uniquement parce qu'ils n'y peuvent atteindre; tout ce qui parait au-dessus de l'horizon les offusque,
et s'ils étaient en majorité dans la société, ils voudraient tout ramener à leur niveau. C'est la jalousie
jointe à la médiocrité.
L'homme n'est souvent malheureux que par l'importance qu'il attache aux choses d'ici-bas ; c'est la
vanité, l'ambition et la cupidité déçues qui font son malheur. S'il se place au-dessus du cercle étroit de la
vie matérielle, s'il élève ses pensées vers l'infini qui est su destinée, les vicissitudes de l'humanité lui
sem~ent alors mesquines et puériles, comme les chagrins de l'enfant qui s'afflige de la perte d'un jouet
dont il faisait son bonheur suprême.
Celui qui ne voit de félicité que dans la satisfaction de l'orgueil et des appétits grossiers est malheureux
quand il ne peut les satisfaire, tandis que celui qui ne demande rien au superflu est heureux de ce que
d'autres regardent comme des calamités.
Nous parlons de l'homme civilisé, car le sauvage ayant des besoins plus bornés n'a pas les mêmes sujets de
convoitise et d'angoisses sa manière de voir les choses est tout autre. Dans l'état de civilisation, l'homme
raisonne son malheur et l'analyse; c'est pourquoi il en est plus affecté mais il peut aussi raisonner et
analyser les moyens de consolation. Cette consolation, il la puise dans le sentiment chrétien qui lui donne
l'espérance d'un avenir meilleur, et dans le spiritisme qui lui donne la certitude de cet avenir.
424
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
Perte des personnes aimées.
934. La perte des personnes qui nous sont chères n'est-elle pas une de celles qui nous causent
un chagrin d'autant plus légitime que cette perte est irréparable, et qu'elle est indépendante de
notre volonté?
« Cette cause de chagrin atteint le riche comme le pauvre: c'est une épreuve ou expiation, et la
loi commune; mais c'est une consolation de pouvoir communiquer avec vos amis par les
moyens que vous avez, en attendant que vous en ayez d'autres plus directs et plus accessibles
à vos sens. »
935. Que penser de l'opinion des personnes qui regardent les communications d'outre-tombe
comme une profanation?
« Il ne peut y avoir profanation quand il y a recueillement, et quand l'évocation est faite avec
respect et convenance; ce qui le prouve, c'est que les Esprits qui vous affectionnent viennent
avec plaisir; ils sont heureux de votre souvenir et de s'entretenir avec vous; il y aurait
profanation à le faire avec légèreté. »
La possibilité d'entrer en communication avec les Esprits est une bien douce consolation, puisqu'elle nous
procure le moyen de nous entretenir avec nos parents et nos amis qui ont quitté la terre avant nous. Par
l'évocation nous les rap prochons de nous, ils sont à nos côtés, nous entendent et nous répondent; il n'y a
pour ainsi dire plus de séparation entre eux et nous. Ils nous aident de leurs conseils, nous témoignent leur
affection et le contentement qu'ils éprouvent de notre souvenir. C'est pour nous une satisfaction de les
savoir heureux,
425
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
d'apprendre par eux-mêmes les détails de leur nouvelle existence et d'acquérir la certitude de les
rejoindre à notre tour.
936. Comment les douleurs inconsolables des survivants affectent-elles les Esprits qui en sont
l'objet?
« L'Esprit est sensible au souvenir et aux regrets de ceux qu'il a aimés, mais une douleur
incessante et déraisonnable l'affecte péniblement, parce qu'il voit dans cette douleur
excessive, un manque de foi en l'avenir et de confiance en Dieu et, par conséquent, un
obstacle à l'avancement et, peut-être, à la réunion. »
L'Esprit étant plus heureux que sur terre, regretter pour lui la vie, c'est regretter qu'il soit heureux.
Deux amis sont prisonniers et enfermés dans le même cachot; tous les deux doivent avoir un jour leur
liberté, mals l'un d'eux l'obtient avant l'autre. Serait-il charitable à celui qui reste d'être fâché que son
ami soit délivré avant lui? N'y aurait-il pas plus d'égolsme que d'affection de sa part â vouloir qu'il
partage sa captivité et ses souffrances aussi longtemps que lui? Il en est de même de deux êtres qui
s'aiment sur la terre; celui qui part le premier est le premier délivré. et nous devons l'en féliciter, en
attendant avec patience le moment où nous le serons à notre tour.
Nous ferons sur ce sujet une autre comparaison. Vous avez un ami qui, auprès de vous, est dans une
situation très pénible sa santé ou son intérêt exige qu'il aille dans un autre pays où il sera mieux sous tous
les rapports. Il ne sera plus auprès de vous momentanément, mais vous serez toujours en correspondance
avec lui la séparation ne sera que matérielle. Serez-vons fâché de son éloignement, puisque c'est pour son
bien?
La doctrine spirite, par les preuves patentes qu'elle donne de la vie future, de la présence autonr de nous
de ceux que nous avons aimés, de la continuité de leur affection et de leur sollicitude. par les relations
qu'elle nous met à même d'entretenir avec eux, nous offre une suprême consolation dans une des causes
les plus ]egitimes de douleur. Avec le spirtisme,
426
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
plus de solitude, plus d'abandon; l'homme le plus isolé a toujours des amis près de lui, avec lesquels il peut
s'entretenir,
Nous supportons impatiemment les tribulations de la vie elles nous paraissent si intolérables que nous ne
comprenons pas que nous les puissions endurer; et pourtant, si nous les avons supportées avec courage, si
nous avons su imposer silence à nos murmures, nous nous en féliciterons quand rous serons hors de cette
prison terrestre, comme le patient qui souffre se félicite, quand il est guéri, de s'être résigné à un
traitement douloureux.
Deception. Ingratitude. Affections brisées.
937. Les déceptions que nous font éprouver l'ingratitude et la fragilité des liens de l'amitié ne
sont-elles pas aussi pour l'homme de coeur une source d'amertume?
« Oui mais nous vous apprenons à plaindre les ingrats et les amis infidèles ils seront plus
malheureux que vous. L'ingratitude est fille de l'égoïsme, et l'égoïste trouvera plus tard des
coeurs insensibles comme il l'a été lui-même. Songez à tous ceux qui ont fait plus de bien que
vous, qui valurent mieux que vous, et qui ont été payés par l'ingratitude. Songez que Jésus
lui-même a été bafoué et méprisé de son vivant, traité de fourbe et d'imposteur, et ne vous
étonnez pas qu'il en soit de même à votre égard. Que le bien que vous avez fait soit votre
récompense en ce monde, et ne regardez pas ce qu'en disent ceux qui l'ont reçu. L'ingratitude
est une épreuve pour votre persistance à faire le bien il vous en sera tenu compte, et ceux qui
vous ont méconnu en seront punis d'autant plus que leur ingratitude aura été plus grande. »
938. Les déceptions causées par l'ingratitude ne
427
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
sont-elles pas faites pour endurcir le coeur et le fermer à la sensibilité?
« Ce serait un tort; car l'homme de coeur, comme tu dis, est toujours heureux du bien qu'il
fait. Il sait que si l'on ne s'en souvient pas en cette vie, on s en souviendra dans une autre, et
que l'ingrat en aura de la honte et des remords. »
- Cette pensée n'empêche pas son coeur d'être ulcéré; or, cela ne peut-il faire naître en lui
l'idée qu il serait plus heureux s'il était moins sensible?
« Oui, s'il préfère le bonheur de l'égoïste; c'est un triste bonheur que celui-là! Qu'il sache donc
que les amis ingrats qui l'abandonnent ne sont pas dignes de son amitié, et qu'il s'est trompé
sur leur compte; dès lors, il ne doit pas les regretter. Plus tard, il en trouvera qui sauront
mieux le comprendre. Plaignez ceux qui ont pour vous de mauvais procédés que vous n'avez
pas mérités, car il y aura pour eux un triste retour; mais ne vous en affectez pas c'est le
moyen de vous mettre au-dessus d'eux. »
La nature a donné à l'homme le besoin d'aimer et d'étre aimé. Une des plus grandes jouissances qui lui
soit accordée sur la terre, c'est de rencontrer des coeurs qui sympathisent avec le sien; elle lui donne ainsi
les prémices du bonheur qui lui est réservé dans le monde des Esprits parfaits où tout est amour et
bienveillance c'est une jouissance qui est refusée à l'égoïste.
Unions antipathiques.
939. Puisque les Esprits sympathiques sont portés à s'unir, comment se fait-il que, parmi les
Esprits incarnés, l'affection ne soit souvent que d'un côté, et que l'amour le plus sincère soit
accueilli avec indif-
428
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
férence et même répulsion? Comment, en outre, l'affection la plus vive de deux êtres peut-elle
se changer en antipathie et, quelquefois, en haine?
« Tu ne comprends donc pas que c est une punition, mais qui n'est que passagère. Puis,
combien n'y en a-t-il pas qui croient aimer éperdument, parce qu'ils ne jugent que sur les
apparences, et quand ils sont obligés de vivre avec les personnes, ils ne tardent pas à
reconnaître que ce n'est qu'un engouement matériel! Il ne suffit pas d'être épris d'une personne
qui vous plaît et à qui vous croyez de belles qualités; c'est en vivant réellement avec elle que
vous pourrez l'apprecler. Combien aussi n'y a-t-il pas de ces unions qui, tout d'abord,
paraissent ne devoir jamais être sympathiques, et quand l'un et l'autre se sont bien connus et
bien étudiés, finissent pas s'aimer d'un amour tendre et durable, parce qu'il repose sur
l'estime! Il ne faut pas oublier que c'est l'Esprit qui aime et non le corps, et quand l'illusion
matérielle est dissipée, l'Esprit voit la réalité.
» Il y a deux sortes d'affections celle du corps et celle de l'âme, et l'on prend souvent l'une
pour l'autre. L'affection de l'âme, quand elle est pure et sympathique, est durable; celle du
corps est périssable voilà pourquoi, souvent, ceux qui croyaient s'aimer d'un amour éternel se
haïssent quand l'illusion est tombée. »
940. Le défaut de sympathie entre les êtres destinés à vivre ensemble n'est-il pas également
une source de chagrins d'autant plus amers qu'ils empoisonnent toute l'existence?
« Très amers, en effet; mais c'est un de ces malheurs dont vous êtes le plus souvent la
première
429
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
cause; d'abord, ce sont vos lois qui ont tort, car crois-tu que Dieu t'astreigne à rester avec ceux
qui te déplaisent? et puis, dans ces unions, vous cherchez souvent plus la satisfaction de votre
orgueil et de votre ambition que le bonheur d'une affection mutuelle ; vous subissez alors la
conséquence de vos préjugés. »
- Mais dans ce cas, n'y a-t-il pas presque tou'ours une victime imiooente?
« Oui, et c'est pour elle une dure expiation; mais la responsabilité de son malheur retombera
sur ceux qui en auront été la cause. Si la lumière de la vérité a pénétré son âme, elle puisera sa
consolation dans sa foi en l'avenir; du reste, à mesure que les préjugés s'affaibliront, les
causes de ces malheurs privés disparaîtront aussi. »
Appréhension de la mort.
941. L'appréhension de la mort est pour beaucoup de gens une cause de perplexité ; d'où vient
cette appréhension, puisqu'ils ont devant eux l'avenir?
« C'est à tort qu'ils ont cette appréhension; mais que veux-tu! on cherche à leur persuader
dans leur jeunesse qu il y a un enfer et un paradis, mais qu'il est plus certain qu'ils iront en
enfer, parce qu'on leur dit que ce qui est dans la nature est un péché mortel pour l'âme: alors,
quand ils deviennent grands, s ils ont un peu de jugement, ils ne peuvent admettre cela, et ils
deviennent athées ou matérialistes; c'est ainsi qu'on les amène à croire qu'en dehors de la vie
présente, il n'y a plus rien. Quant à ceux qui ont persisté dans leurs croyances d'enfance, ils
redoutent ce feu éternel qui doit les brûler sans les anéantir. »
430
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
« L'a mort n'inspire au juste aucune crainte, parce qu'avec la foi il a la certitude de l'avenir;
l'espérance lui fait attendre une vie meilleure, et la charité dont il a pratiqué la loi lui donne
l'assurance qu'il ne rencontrera dans le monde où il va entrer aucun être dont il ait à redouter
le regard. » (730).
L'homme charnel, plus attaché à la vie corporelle qu'a la vie spirituelle, a, sur la terre, des peines et des
jouissances matérielles; son bonheur est dans la satisfaction fugitive de tous ses désirs. Son âme,
constamment préoccupée et affectée des vicissitudes de la vie, est dans une anxiété et une torture
perpétuelles. La mort l'effraye, parce qu'il doute de son avenir et qu'il laisse sur la terre toutes ses
affections et toutes ses espérances.
L'homme moral, qui s'est élevé au-dessus des besoins factices créés par les passions, a, dès ici-bas, des
louissances inconnues a l'homme matériel. La modération de ses désirs donne à son Esprit le calme et la
sérénité. Heureux du bien qu'il fait, il n'est point pour lui de déceptions, et les contrariétés glissent sur son
âme sans y laisser d'empreinte douloureuse.
942. Certaines personnes ne trouveront-elles pas ces conseils pour être heureux sur la terre un
peu banaux; n'y verront-elles pas ce qu'elles appellent les lieux communs, des vérités
rebattues; et ne diront-elles pas qu'en définitive le secret pour être heureux, c'est de savoir
supporter son malheur?
« Il y en a qui diront cela, et beaucoup; mais il en est d'eux comme de certains malades à qui
le médecin prescrit la diète ils voudraient être guéris sans remèdes et en continuant à se
donner des indigestions. »
Dégoût de la vie. Suicide.
943. D'où vient le dégoût de la vie qui s'empare de certains individus, sans motifs plausibles?
431
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
« Effet de l'oisiveté, du manque de foi et souvent de la satiété.
» Pour celui qui exerce ses facultés dans un but utile et selon ses aptitudes naturelles, le
travail n'a rien d'aride, et la vie s'écoule plus rapidement; il en supporte les vicissitudes avec
d'autant plus de patience et de résignation, qu'il agit en vue du bonheur plus solide et plus
durable qui l'attend. »
944. L'homme a--il le droit de disposer de sa propre vie?
« Non, Dieu seul a ce droit. Le suicide volontaire est une transgression de cette loi. »
- Le suicide n'est il pas toujours volontaire?
« Le fou qui se tue ne sait ce qu'il fait. »
945. Que penser du suicide qui a pour cause le dé9oût de la vie?
« Insensés! pourquoi ne travaillaient-ils pas? L'existence ne leur aurait pas été à charge! »
946. Que penser du suicide qui a pour but d'échapper aux misères et aux déceptions de ce
monde?
« Pauvres Esprits, qui n'ont pas le courage de supporter les misères de l'existence! Dieu aide
ceux qui souffrent, et non pas ceux qui n'ont ni force, ni courage. Les tribulations de la vie
sont des épreuves ou des expiations heureux ceux qui les supportent sans murmurer, car ils en
seront récompensés! Malheur, au contraire, à ceux qui attendent leur salut de ce que, dans
leur impiété, ils appellent le hasard ou la fortune! Le hasard ou la fortune, pour me servir de
leur langage, peuvent, en effet, les favoriser un instant, mais c'est pour leur faire sentir plus
tard et plus cruellement le néant de ces mots. »
- Ceux qui ont conduit un malheureux à cet acte de désespoir en subiront-ils les
conséquences?
432
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
« Oh! ceux-là, malheur à eux ! car ils en répondront comme d'un meurtre. »
947. L'homme qui est aux prises avec le besoin et qui se laisse mourir de désespoir peut-il
être considéré comme se suicidant?
« C'est un suicide, mais ceux qui en sont cause ou qui pourraient l'empêcher sont plus
coupables que lui, et l'indulgence l'attend. Pourtant, ne croyez pas qu'il soit entièrement
absous s'il a manqué de fermeté et de persévérance, et s'il n'a pas fait usage de toute son
intelligence pour se tirer du bourbier. Malheur surtout à lui si son désespoir naît de l'orgueil
je veux dire s'il est de ces hommes en qui l'orgueil paralyse les ressources de l'intelligence,
qui rougiraient de devoir leur existence au travail de leurs mains, et qui préfèrent mourir de
faim plutôt que de déroger à ce qu'ils appellent leur position sociale! N'y a-t-il pas cent fois
plus de grandeur et de dignité à lutter contre l'adversité, à braver la critique d'un monde futile
et égoïste qui n'a de bonne volonté que pour ceux qui ne manquent de rien, et vous tourne le
dos dés que vous avez besoin de lui? Sacrifier sa vie à la considération de ce monde est une
chose stupide, car il n'en tient aucun compte. »
948. Le suicide qui a pour but d'échapper à la honte d'une mauvaise action est-il aussi
répréhensible que celui qui est causé par le désespoir?
« Le suicide n'efface pas la faute, au contraire, il y en a deux au lieu d'une. Quand on a eu le
courage de faire le mal, il faut avoir celui d'en subir les conséquences. Dieu juge, et selon la
cause peut quelquefois diminuer ses rigueurs. »
949. Le suicide est-il excusable lorsqu'il a pour
433
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
but d'empêcher la honte de rejaillir sur les enfants ou la famille?
« Celui qui agit ainsi ne fait pas bien, mais il le croit, et Dieu lui en tient compte, car c'est une
expiation qu'il s'impose lui-même, Il atténue sa faute par l'intention, mais il n'en commet pas
moins une faute. Du reste, abolissez les abus de votre société et vos préjugés, et vous n'aurez
plus de ces suicides. »
Celui qui s'ôte la vie pour échapper à la honte d'une mauvaise action, prouve qu'il tient plus à l'estime des
hommes qu à celle de Dieu, car il va rentrer dans la vie spirituelle chargé de ses iniquités, et il s'est ôté les
moyens de les réparer pendant la vie. Dieu est souvent moins inexorable que les hommes; il pardonne au
repentir sincère et nous tient compte de la réparation; le suicide ne répare rien.
950. Que penser de celui qui s'ôte la vie dans l'espoir d'arriver plus tôt à une meilleure?
« Autre folie! qu'il fasse le bien et il sera plus sûr d'y arriver car il retarde son entrée dans un
monde meilleur, et lui-même demandera à venir finir cette vie qu'il a tranchée par une fausse
idée, Une faute, quelle qu'elle soit, n'ouvre jamais le sanctuaire des élus. »
951. Le sacrifice de sa vie n'est-il pas quelquefois méritoire quand il a pour but de sauver
celle d'autrui ou d'être utile à ses semblables?
« Cela est sublime, selon l'intention, et le sacrifice de sa vie n est pas un suicide; mais Dieu
s'oppose à un sacrifice inutile et ne peut le voir avec plaisir s'il est terni par l'orgueil. Un
sacrifice n'est méritoire que par le désintéressement, et celui qui l'accomplit a quelquefois uiie
arrière-pensée qui en diminue la valeur aux yeux de Dieu. »
434
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
Tout sacrifice fait aux dépens de son propre bonheur est un acte souverainement méritoire aux yeux de
Dieu, car c'est ]a pratique de la loi de charité. Or, la vie étant le bien terrestre auquel l'homme attache le
plus de prix, celui qui y renonce pour le bien de ses semblables ne commet point un attentat c'est un
sacrifice qu'il accomplit. Mais avant de l'accomplir, il doit réfléchir si sa vie ne peut pas étre plus utile que
sa mort.
952. L'homme qui périt victime de l'abus de passions qu'il sait devoir hâter sa fin, mais
auxquelles il n'a plus le pouvoir de résister, parce que l'habitude en a fait de véritables besoins
physiques, commet-il un suicide?
« C'est un suicide moral. Ne comprenez-vous pas que l'homme est doublement coupable
dans ce cas? Il y a chez lui défaut de courage et bestialité, et de plus oubli de Dieu. »
- Est-il plus ou moins coupable que celui qui s'ôte la vie par désespoir?
« Il est plus coupable, parce qu'il a le temps de raisonner son suicide; chez celui qui le fait
instantanément, il y a quelquefois une sorte d'égarement qui tient de la folie; l'autre sera
beaucoup plus puni, car les peines sont toujours proportionnées à la conscience que l'on a des
fautes commises. »
953. Lorsqu'une personne voit devant elle une mort inévitable et terrible, est-elle coupable
d'abréger de quelques instants ses souffrances par une mort volontaire?
« On est toujours coupable de ne pas attendre le terme fixé par Dieu. Est-on d'ailleurs bien
certain que ce terme soit arrivé malgré les apparences, et ne peut-on recevoir un secours
inespéré au dernier moment?»
- On conçoit que dans les circonstances ordi-
435
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
naires le suicide soit répréhensible, mais nous supposons le cas où la mort est inévitable, et où
la vie n'est abrégée que de quelques instants?
« C'cst toujours un manque de résignation et de soumission à la volonté du Créateur. »
- Quelles sont, dans ce cas, les conséquences de cette action?
« Une expiation proportionnée à la gravité de la faute, selon les circonstances, comme
toujours. »
954. Une imprudence qui compromet la vie sans nécessité est-elle répréhensible?
« Il n'y a pas culpabilité quand il n'y a pas intention ou conscience positive de faire le mal. »
955. Les femmes qui, dans certains pays, se brûlent volontairement sur le corps de leur mari,
peuvent-elles être considérées comme se suicidant, et en subissent-elles les conséquences?
« Elles obéissent à un préjugé, et souvent plus àla force qu'à leur propre volonté. Elles croient
accomplir un devoir, et ce n'est pas là le caractère du suicide. Leur excuse est dans la nullité
morale de la plupart d'entre elles et dans leur ignorance. Ces usages barbares et stupides
disparaissent avec la civilisation. »
956. Ceux qui, ne pouvant supporter la perte de personnes qui leur sont chères, se tuent dans
l'espoir d'aller les rejoindre, atteignent-ils leur but?
« Le résultat pour eux est tout autre que celui qu'ils attendent, et au lieu d 'etre réunis à
l'objet de leur affection, ils s'en éloignent pour plus longtemps, car Dieu ne peut récompenser
un acte de lâcheté, et l'insulte qui lui est faite en doutant de sa providence. Ils payeront cet
instant de folie par des chagrins plus
436
LIVRE IV. - CHAPITRE PREMIER
grands que ceux qu'ils croient abréger et n'auront pas pour les compenser la satisfaction qu'ils
espéraient. » (934 et suiv.).
957. Quelles sont, en général, les conséquerices du suicide sur l'état de l'Esprit ?
« Les conséquences du suicide sont très diverses il n'y a pas de peines fixées, et dans tous les
cas elles sont toujours relatives aux causes qui l'ont amené; mais une conséquence à laquelle
le suicidé ne peut échapper. c'est le désappointement. Du reste, le sort n'est pas le même pour
tous il dépend des circonstances ; quelques-uns expient leur faute immédiatement, d'autres
dans une nouvelle existence qui sera pire que celle dont ils ont interrompu le cours. »
L'observation montre, en effet. que les suites de suicide ne sont pas toujours les mêmes : mais il en est qui
sont communes à tous les cas de mort violente. et la conséquence de l'interruption brusque de la vie. C'est
d'abord la persistance plus prolongée et plus tenace du lien qui unit l'Esprit et le corps, ce lien étant
presque toujours dans toute sa force au moment où il a été brisé, tandis que dans la mort naturelle il
s'affaiblit graduellement, et souvent est dénoué avant que la vie soit complètement éteinte. Les
conséquences de cet état de choses sont la prolongation du trouble spirite, puis l'illusion qui, pendant un
temps plus ou moins long, fait croire à l'Esprit qu'il est encore au nombre des vivants. (155 et 165)
L'affinité qui persiste entre l'Esprit et le corps produit. chez quelques suicidés, une sorte de répercussion
de l'état du corps sur l'Esprit qui ressent ainsi malgré lui les effets de la décomposition, et en éprouve une
sensation pleine d'angoisses et d'horreur, et cet état peut persister aussi longtemps qu'aurait dû durer la
vie qu'ils ont interrompue. Cet effet n'est pas général; mais dans aucun cas le suicidé n'est affranchi des
conséquences de son manque de courage, et tôt ou tard il expie sa faute d'une manière ou d'une autre.
C'est ainsi que certains Esprits. qui avaient été malheureux sur la terre, ont dit s'être suicidés dans leur
précédente existence et s'être volontairement soumis à de nouvelles épreu-
437
PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES
yes pour essayer de les supporter avec plus de résignation. Chez quelques-uns c'est une sorte
d'attachement à la matière dont ils cherchent en vain à se débarrasser pour s'envoler vers des mondes
meilleurs, mais dont l'accès leur est interdit chez la plupart, c'est le regret d'avoir fait une chose inutile,
puisqu'ils n'en éprouvent que de la déception.
La religion, la morale, toutes les philosophies condamnent le suicide comme contraire à la loi de nature;
toutes nous disent en principe qu'on n'a pas le droit d'abréger volontairement sa vie; mais pourquoi n'a-ton
pas ce droit? Pourquoi n'est-on pas libre de mettre un terme à ses souffrances? Il était réservé au
spiritisme de démontrer, par l'exemple de ceux qui ont uccombé, que ce n'est pas seulement une faute
comme infraction à une loi morale, considération de peu de poids pour certains individus, mais un acte
stupide, puisqu'on n'y gagne rien, loin de là ce n'est pas la théorie qu'il nous enseigne, ce sont les faits
qu'il met sous nos yeux.
438
CHAPITRE II
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
1. Néant. Vie future. - 2. Intuition des peines et jouissances futures. - 3. Intervention de
Dieu dans les peines et récompenses. - 4. Nature des peines et jouissances futures. -
5. Peines temporelles. - 6. Expiation et repentir. -7. Durée des peines futures -
8. Paradis, enfer et purgatoire.
Néant, Vie future.
958. Pourquoi l'homme a-t-il instinctivement horreur du néant?
« Parce que le néant n'existe pas. »
959. D'où vient à l'homme le sentiment instinctif de la vie future?
« Nous l'avons déjà dit: avant son incarnation, l'Esprit connaissait toutes ces choses, et l'âme
garde un vague souvenir de ce qu'elle sait et de ce qu'elle a vu dans son état spirituel. » (393).
Dans tous les temps l'homme s'est préoccupé de son avenir d'outre-tombe, et cela est fort naturel.
Quelque importance qu'il attache à la vie présente, il ne peut s'empêcher de considérer combien elle est
courte, et surtout précaire, puisqu'elle peut être brisée à chaque instant, et qu'il n'est jamais sûr du
lendemain. Que devient-il après l'instant fatal? La question est grave, car il ne s'agit pas de quelques
années, mais de l'éternité. Celui qui doit passer de longues années dans un pays étranger s'inquiète de la
position qu'il y aura; comment donc ne nous préoccuperions-nous pas de celle que nous aurons en
quittant ce monde, puisque c'est pour toujours?
439
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
L'idée du néant a quelque chose qui répugne à la raison. L'homme le plus insouciant pendant sa vie,
arrivé au moment suprême, se demande ce qu'il va devenir, et involontairement il espère.
Croire en Dieu sans admettre la vie future serait un non-sens. Le sentiment d'une existence meilleure est
dans le for intérieur de tous les hommes; Dieu n'a pu l'y placer en vain.
La vie future implique la conservation de notre individualité aprés la mort; que nous importerait, en
effet, de survivre à notre corps, si notre essence morale devait se perdre dans l'océan de l'infini? Les
conséquences pour nous seraient les mêmes que le néant.
Intuition des peines et jouissances futures.
960. D'où vient la croyance, que l'on retrouve chez tous les peuples. de peines et de
récompenses à venir?
« C'est toujours la même chose: Pressentiment de la réalité apporté à l'homme par l'Esprit
incarné en lui; car, sachez-le bien, ce n'est pas en vain qu'une voix intérieure vous parle; votre
tort est d'e ne pas assez l'écouter. Si vous y pensiez bien et souvent, vous deviendriez
meilleurs. »
961. Au moment de la mort, quel est le sentiment qui domine chez le plus grand nombre des
hommes, est-ce le doute, la crainte ou l'espérance?
« Le doute pour les sceptiques endurcis, la crainte pour les coupables, l'espérance pour les
hommes de bien. »
962. Pourquoi y a-t-il des sceptiques, puisque l'âme apporte à l'homme le sentiment des
choses spirituelles?
« Il y en a moins qu'on ne le croit; beaucoup font les Esprits forts pendant leur vie par orgueil,
mais au moment de mourir, ils ne sont pas si fanfarons. »
440
LIVRE IV - CHAP. II
La conséquence de la vie future est la responsabilité de nos actes. La raison et la justice nous disent que,
dans la répartition du bonheur auquel tout homme aspire, les bons et les méchants ne sauraient être
confondus. Dieu ne peut vouloir que les uns jouissent sans peine de biens auxquels d'autres n'atteignent
qu'avec effort et persévérance.
L'idée que Dieu nous donne de sa justice et de sa bonté par la sagesse de ses lois ne nous permet pas de
croire que le juste et le méchant soient au méme rang à ses yeux, ni de douter qu'ils ne reçoivent un jour,
l'un la récompense, l'autre le châtiment du bien ou du mal qu'ils auront fait; c'est pourquoi le sentiment
inné que nous avons de la justice nous donne l'intuition des peines et des récompenses futures.
Intervention de Dieu dans les peines et récompenses.
963. Dieu s'occupe-t-il personnellement de chaque homme? N'est-il pas trop grand et nous
trop petits pour que chaque individu en particulier ait quelque importance à ses yeux?
« Dieu s'occupe de tous les êtres qu'il a créés, quelque petits qu'ils soient; rien n'est trop peu
pour sa bonté. »
964. Dieu a-t-il besoin de s'occuper de chacun de nos actes pour nous récompenser ou nous
punir, et la plupart de ces actes ne sont-ils pas insignifiants pour lui?
« Dieu a ses lois qui règlent toutes vos actions; si vous les violez, c'est votre faute. Sans
doute, quand un homme commet un excès, Dieu ne rend pas un jugement contre lui pour lui
dire, par exemple: Tu as été gourmand, je vais te punir; mais il a tracé une limite; les
maladies et souvent la mort sont la conséquence des excès: voilà la punition; elle est
441
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
le résultat de l'infraction à la loi. Il en est ainsi en tout. »
Toutes nos actions sont soumises aux lois de Dieu; il n'en est aucune, quelque insigmilante qu'elle nous
paraisse qui ne puisse en être la violation. Si nous subissons les conséquences de cette violation, nous ne
devons nous en prendre qu'à nous-mêmes qui nous faisons ainsi les propres artisans de notre bonheur ou
de notre malheur à venir.
Cette vérité est rendue sensible par l'apologue suivant:
«Un père a donné à son enfant l'éducation et l'instruction, c'est-à-dire les moyens de savoir se conduire. Il
lui cède un champ à cultiver et lui dit: Voilà la règle à suivre, et tous les instruments nécessaires pour
rendre ce champ fertile et assurer ton existence, Je t'ai donné l'instruction pour comprendre cette règle;
si tu la suis, ton champ te produira beaucoup et te procurera le repos sur tes vieux jours sinon il ne te
produira rien et tu mourras de faim. Cela dit, il le laisse agir à son gré».
N'est-il pas vrai que ce champ produira en raison des soins donnés à la culture, et que toute négligence
sera au détriment de la récolte? Le fils sera donc, sur ses vieux jours, heureux ou malheureux selon qu'il
aura suivi ou négligé la règle tracée par son père. Dieu est encore plus prévoyant, car il nous avertit à
chaque instant si nous faisons bien ou mal: il nous envoie les Esprits pour nous inspirer, mais nous ne les
écoutons pas. Il y a encore cette différence, que Dieu donne toujours à l'homme une ressource dans ses
nouvelles existences pour réparer ses erreurs passées, tandis que le fils dont nous parlons n'en a plus s'il a
mal employé son temps.
Nature des peines et jouissances futures.
965. Les peines et les jouissances de l'âme après la mort ont-elles quelque chose de matériel?
« Elles ne peuvent être matérielles, puisque l'âme n'est pas matière le bon sens le dit. Ces
peines et
442
LIVRE IV. - CHAP. II
ces jouissances n'ont rien de charnel, et pourtant elles sont mille fois plus vives que celles que
vous éprouvez sur la terre, parce que l'Esprit, une fois dégagé, est plus impressionnable; la
matière n'émousse plus ses sensations. » (237 à 257).
966. Pourquoi l'homme se fait-il des peines et des jouissances de la vie future une idée
souvent si grossière et si absurde?
« Intelligence qui n'est point encore assez développée. L'enfant comprend-il comme l'adulte?
D'ailleurs, cela dépend aussi de ce qu'on lui a enseigné c'est là qu'il a besoin d'une réforme.
» Votre langage est trop incomplet pour exprimer ce qui est en dehors de vous; alors, il a bien
fallu des comparaisons, et ce sont Ces images et ces figures que vous avez prises pour la
réalité; mais à mesure que l'homme s'éclaire, sa pensée comprend les choses que son langage
ne peut rendre. »
967. En quoi consiste le bonheur des bons Esprits?
« Connaître toutes choses; n'avoir ni haine, ni jalousie, ni envie, ni ambition, ni aucune des
passions qui font le malheur des hommes. L'amour qui les unit est pour eux la source d'une
suprême félicité. Ils n'éprouvent ni les besoins, ni les souffrances, nî les angoisses de la vie
matérielle; ils sont heureux du bien qu'ils font; du reste, le bonheur des Esprits est toujours
proportionné à leur élévation. Les purs Esprits jouissent seuls, il est vrai, du bonheur
suprême, mais tous les autres ne sont pas malheureux entre les mauvais et les parfaits, il y a
une infinité de degrés où les jouissances sont relatives à l'état moral. Ceux qui sont assez
avancés comprennent le bonheur de ceux qui sont arrivés avant eux: ils y
443
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
aspirent; mais c'est pour eux un sujet d'émulation et non de jalousie; ils savent qu'il dépend
d'eux d'y atteindre et travaillent à cette fin, mais avec le calme de la bonne conscience, et ils
sont heureux de n'avoir pas à souffrir ce qu'endurent les mauvais. »
968. Vous placez l'absence des besoins matériels au nombre des conditions de bonheur pour
les Esprits ; mais la satisfaction de ces hesoins n'est-elle pas, pour l'homme, une source de
jouissances?
« Oui, les jouissances de la bête; et quand tu ne peux satisfaire ces besoins, c'est une torture. »
969. Que faut-il entendre quand on dit que les purs Esprits sont réunis dans le sein de Dieu et
occupés à chanter ses louanges?
« C'est une allégorie qui peint l'intelligence qu'ils ont des perfections de Dieu, parce qu'ils le
voient et le comprennent, mais qu'il ne faut pas plus prendre à la lettre que beaucoup d'autres.
Tout dans la 'nature, depuis le grain de sable, chante, c'est-à-dire proclame la puissance, la
sagesse et la bonté de Dieu mais ne crois pas que les Esprits bienheureux soient en
contemplation pendant l'éternité; ce serait un bonheur stupide et monotone; ce serait de plus,
celui de l'égoïste, puisque leur existence serait une inutilité sans terme. Ils n'ont plus les
tribulations de l'existence corporelle c'est déjà une jouissance; et puis, comme nous l'avons
dit, ils connaissent et savent toutes choses; ils mettent à profit l'intelligence qu ils ont acquise
pour aider aux progrès des autres Esprits c'est leur occupation et en même temps une
jouissance. »
970. En quoi consistent les souffrances des Esprits inférieurs?
444
LIVRE IV. - CHAP. II
« Elles sont aussi variées que les causes qui les ont produites, et proportionnées au degré
d'infériorité comme les jouissances le sont au degré de supériorité; elles peuvent se résumer
ainsi: Envier tout ce qui leur manque pour être heureux et ne pouvoir l'obtenir; voir le
bonheur et n'y pouvoir atteindre; regret, jalousie, rage, désespoir de ce qui les empêche d'être
heureux; remords, anxiété morale indéfinissable. Ils ont le désir de toutes les jouissances et ne
peuvent les satisfaire, et c'est ce qui les torture. »
971. L'influence que les Esprits exercent les uns sur les autres est-elle toujours bonne?
« Toujours bonne de la part des bons Esprits, cela va sans dire, mais les Esprits pervers
cherchent àdétourner de la voie du bien et du repentir ceux qu'ils croient susceptibles de se
laisser entraîner, et que souvent ils ont entraînés au mal pendant la vie. »
- Ainsi, la mort ne nous délivre pas de la tentation?
« Non, mais l'action des mauvais Esprits est beaucoup moins grande sur les autres Esprits que
sur les hommes, parce qu'ils n'ont pas pour auxiliaires les passions matérielles. » (996).
972. Comment les mauvais Esprits s'y prennent-ils pour tenter les autres Esprits, puisqu'ils
n'ont pas le secours des passions?
« Si les passions n'existent pas matériellement, elles existent encore dans la pensée chez les
Esprits arriérés; les mauvais entretiennent ces pensées en entraînant leurs victimes dans les
lieux où ils ont le spectacle de ces passions et de tout ce qui peut les exciter. »
445
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
- Mais à quoi bon ces passions, puisqu'elles n'ont plus d'objet réel?
« C'est précisément là leur supplice l'avare voit de l'or qu'il ne peut posséder; le débauché des
orgies auxquelles il ne peut prendre part; l'orgueilleux des honneurs qu'il envie et dont il ne
peut jouir. »
937. Quelles sont les plus grandes souffrances que puissent endurer les mauvais Esprits?
« Il n'y a pas de description possible des tortures morales qui sont la punition de certains
crimes celui-là même qui les éprouve aurait de la peine àvous en donner une idée; mais'
assurément la plus affreuse est la pensée qu'il a d'être condamné sans retour. »
L'homme se fait des peines et des jouissances de l'âme après la mort une idée plus ou moins élevée, selon
l'état de son intelligence. Plus il se développe, plus cette idée s'épure et se dégage de la matière; il
comprend les choses sous un point de vue plus rationnel, il cesse de prendre àla lettre les images d'un
langage figuré. La raison plus éclairée nous apprenant que l'âme est un être tout spirituel nous dit, par
cela même, qu'elle ne peut être affectée par les impressions qui n'agissent que sur la matière; mais il ne
s'ensuit pas pour cela qu'elle soit exempte de souffrances, ni qu'elle ne reçoive pas la punition de ses
fautes. (237)
Les communications spirites ont pour résultat de nous montrer l'état futur de l'âme, non plus comme une
théorie, mais comme une réalité; elles mettent sous nos yeux toutes les péripéties de la vie d'outre-tombe;
mais elles nous les montrent en même temps comme des conséquences parfaitement logiques de la vie
terrestre, et, quoique dégagées de l'appareil fantastique créé par l'imagination des hommes, elles n en sont
pas moins pénibles pour ceux qui ont fait un mauvais usage de leurs facultés. La diversité de ces
conséquences est
446
LIVRE IV. - CHAP. II
infinie; mais on peut dire, en thèse générale: chacun est puni par où il a péché; c'est ainsi que les uns le
sont par la vue incessante du mal qu'ils ont fait; d'autres par les regrets, la crainte, la honte, le doute,
l'isolement, les ténèbres, la séparation des êtres qui leur sont chers, etc.
974. D'où vient la doctrine du feu éternel?
« Image, comme tant d'autres choses, prise pour la réalité. »
- Mais cette crainte ne peut-elle avoir un bon résultat?
« Vois donc si elle en retient beaucoup, même parmi ceux qui l'enseignent. Si vous enseignez
des choses que la raison rejette plus tard, vous ferez une impression qui ne sera ni durable ni
salutaire. »
L'homme, impuissant à rendre, par son langage, la nature de ces souffrances, n'a pas trouvé de
comparaison plus énergique que celle du feu, car, pour lui le feu est le type du plus cruel supplice et le
symbole de l'action la plus énergique; c'est pourquoi la croyance au feu éternel remonte à la plus haute
antiquité, et les peuples modernes en ont hérité des peuples anciens; c'est pourquoi aussi, dans son
langage figuré, il dit le feu des passions; brûler d'amour, de lalousie, etc., etc.
975. Les Esprits inférieurs comprennent-ils le bonheur du juste?
« Oui, et c'est ce qui fait leur supplice; car ils comprennent qu'ils en sont privés par leur
faute: c'est pourquoi l'Esprit, dégagé de la matière, aspire après une nouvelle existence
corporelle, parce que chaque existence peut abréger la durée de ce supplice, si elle est bien
employée. C'est alors qu'il fait choix des épreuves par lesquelles il pourra expier ses fautes
car, sachez-le bien, l'Esprit souffre de tout le mal qu'il a fait ou dont il a été la cause
volontaire, de tout le bien qu'il aurait pu faire et qu'il n'a
447
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
pas fait et de tout le mal qui résulte du bien qu'il n'a pas fait.
« L'Esprit errant n'a plus de voile; il est comme sorti du brouillard et voit ce qui l'éloigne du
bonheur; alors, il souffre davantage, car il comprend combien il a été coupable. Pour lui, il n'y
a plus d'illusion : il voit la réalité des choses. »
L'Esprit à l'état errant embrasse d'un côté toutes ses existences passées, de l'autre il voit l'avenir promis
et comprend ce qui lui manque pour l'atteindre. Tel un voyageur parvenu au faite d'une montagne voit la
route parcourue et celle qui lui reste à parcourir pour arriver à son but.
976. La vue des Esprits qui souffrent n'est-elle pas pour les bons une cause d'affliction, et
alors que devient leur bonheur si ce bonheur est troublé?
« Ce n'est point une affliction, puisqu'ils savent que le mal aura une fin; ils aident les autres a
s ameliorer et leur tendent la main c'est là leur occupation, et une jouissance quand ils
réussissent. »
- Cela se conçoit de la part d'Esprits étrangers ou indifférents; mais la vue des chagrins et des
souffrances de ceux qu'ils ont aimés sur la terre ne trouble-t-elle pas leur bonheur?
« S'ils ne voyaient pas ces souffrances, c'est qu'ils vous seraient étrangers après la mort; or, la
religion vous dit que les âmes vous voient; mais ils considèrent vos afflictions à un autre
point de vue; ils savent que ces souffrances sont utiles à votre avancement, si vous les
supportez avec résignation; ils s'affligent donc plus du manque de courage qui vous retarde
que des souffrances en elles-mêmes, qui ne sont que passagères. »
977. Les Esprits ne pouvant se cacher réciproque-
448
LIVRE IV. - CHAP. II
ment leurs pensées, et tous les actes de la vie étant connus, il s'ensuivrait que le coupable est
en présence perpétuelle de sa victime?
« Cela ne peut être autrement, le bon sens le dit. »
- Cette divulgation de tous nos actes répréhensibles, et la présence perpétuelle de ceux qui en
ont été les victimes sont-elles un châtiment pour le coupable?
« Plus grand qu'on ne pense, mais seulement jus qu'à ce qu'il ait expié ses fautes, soit comme
Esprit, soit comme homme dans de nouvelles existences corporelles. »
Lorsque nous sommes nous-mêmes dans le monde des Esprits, tout notre passé étant à découvert, le
bien et le mal que nous aurons faits seront également connus. C'est en vain que celui qui a fait le mal
voudra échapper à la vue de ses victimes leur présence inévitable sera pour lui un châtiment et un
remords incessant jusqu'à ce qu'il ait expié ses torts tandis que l'homme de bien, au contraire, ne
rencontrera partout que des regards amis et bienveillants.
Pour le méchant, il n'est pas de plus grand tourment sur terre que la présence de ses victimes c'est
pourquoi il les évite sans cesse. Que sera-ce quand, l'illusion des passions étant dissipée, il comprendra le
mal qu'il a fait, verra ses actes les plus secrets dévoilés, son hypocrisie démasquée, et qu'il ne pourra se
soustraire à leur vue?
Tandis que l'âme de l'homme pervers est en proie à la honte, au regret et au remords, celle du juste jouit
d'une sénérité parfaite.
978. Le souvenir des fautes que l'âme a pu commettre, alors qu'elle était imparfaite, ne
trouble-t-il pas son bonheur, même après qu'elle s'est épurée?
« Non, parce qu'elle a racheté ses fautes et qu'elle
449
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
est sortie victorieuse des épreuves auxquelles elle s'était soumise dans ce but. »
979. Les épreuves qui restent à subir pour achever la purification ne sont-elles pas pour l'âme
une appréhension pénible qui trouble son bonheur?
« Pour l'âme qui est encore souillee, oui; c’est pourquoi elle ne peut jouir d'un bonheur parfait
que lorsqu'elle sera tout à fait pure; mais pour celle qui est déjà élevée, la pensée des épreuves
qui lui restent àsubir n'a rien de pénible. »
L'âme qui est arrivée à un certain degré de pureté goûte déjà le bonheur un sentiment de douce
satisfaction la pénètre elle est heureuse de tout ce qu'elle voit, de tout ce qui l'entoure le voile se lève pour
elle sur les mystères et les merveilles de la création, et les perfections divines lui apparaissent dans toute
leur splendeur.
980. Le lien sympathique qui unit les Esprits du même ordre est-il pour eux une source de
félicité?
« L'union des Esprits qui sympathisent pour le bien est, pour eux, une des plus grandes
jouissances; car ils ne craignent pas de voir cette union troublée par l'égoïsme. Ils forment,
dans le monde tout à fait spirituel, des familles de même sentiment, et c'est en cela que
consiste le bonheur spirituel, comme dans ton monde vous vous groupez par catégories, et
vous goûtez un certain plaisir quand vous êtes réunis. L'affection pure et sincère qu'ils
éprouvent et dont ils sont l'objet est une source de félicité, car il n'y a point là de faux amis ni
d'hypocrites. »
L'homme goûte les prémices de ce bonheur sur la terre quand il rencontre des âmes avec lesquelles il peut
se confondre dans une union pure et sainte. Dans une vie plus épurée, cette jouissance sera ineffable et
sans bornes, parce qu'il ne rencontrera
450
LIVRE IV. - CHAP. II
que des âmes sympathiques que l'égoïsme ne refroidira pas; car tout est amour dans la nature: c'est
l'égoïsme qui le tue.
981. Y a-t-il, pour l'état futur de l'Esprit, une différence entre celui qui, de son vivant,
redoutait la mort, et celui qui la voit avec indifférence, et même avec joie?
« La différence peut être très grande cependant, elle s'efface souvent devant les causes qui
donnent cette crainte ou ce désir. Soit qu'on la redoute, soit qu'on la souhaite, on peut être mû
par des sentiments très divers, et ce sont ces sentiments qui influent sur l'état de l'Esprit. Il est
évident, par exemple, que chez celui qui désire la mort uniquement parce qu'il y voit le terme
de ses tribulations, c'est une sorte de murmure contre la Providence et contre les épreuves
qu'il doit subir. »
982. Est-il nécessaire de faire profession de spiritisme et de croire aux manifestations pour
assurer notre sort dans la vie future?
« S'il en était ainsi, il s'ensuivrait que tous ceux qui ne croient pas ou qui n'ont pas été à
même de s'éclairer sont déshérités, ce qui serait absurde. C'est le bien qui assure le sort à
venir or, le bien est toujours le bien, quelle que soit la voie qui y conduit. » (165-799).
La croyance au spiritisme aide à s'améliorer en fixant les idées sur certains points de l'avenir; elle hâte
l'avancement des individus et des masses, parce qu'elle permet de se rendre compte de ce que nous serons
un jour; c'est un point d'appui, une lumière qui nous guide. Le spiritisme apprend à supporter les
épreuves avec patience et résignation; il détourne des actes qui peuvent retarder le bonheur futur c'est
ainsi qu'il contribue à ce bonheur, mais il n'est pas dit que sans cela on n'y puisse arriver.
451
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
Peines temporelles.
983. L'Esprit qui expie ses fautes dans une nouvelle existence n'a-t-il pas des souffrances
matérielles et, dès lors, est-il exact de dire qu'après la mort, l'âme n'a que des souffrances
morales?
« Il est bien vrai que lorsque l'âme est réincarnée, les tribulations de la vie sont, pour elle, une
souffrance; mais il n'y a que le corps qui souffre matériellement. »
« Vous dites souvent de celui qui est mort qu'il n'a plus à souffrir; cela n'est pas toujours vrai.
Comme Esprit, il n'a plus de douleurs physiques; mais selon les fautes qu'il a commises, il
peut avoir des douleurs morales plus cuisantes et dans une nouvelle existence il peut être
encore plus malheureux. Le mauvais riche y demandera l'aumône et sera en proie àtoutes les
privations de la misère, l'orgueilleux àtoutes les humiliations; celui qui abuse de son autorité
et traite ses subordonnés avec mépris et dureté y sera forcé d'obéir à un maître plus dur qu'il
ne l'a été. Toutes les peines et les ttibulations de la vie sont l'expiation des fautes d'une autre
existence, lorsqu'elles ne sont pas la conséquence des fautes de la vie actuelle. Quand vous
serez sortis d'ici vous le comprendrez. (273, 393, 399).
» L'homme qui se croit heureux sur la terre, parce qu'il peut satisfaire ses passions, est celui
qui fait le moins d'efforts pour s'améliorer. Il expie souvent dès cette vie ce bonheur
éphémère, mais il l'expiera certainement dans une autre existence tout aussi matérielle. »
984. Les vicissitudes de la vie sont-elles toujours la punition des fautes actuelles?
452
LIVRE IV. - CHAP. II
« Non; nous l'avons déjà dit ce sont des épreuves imposées par Dieu, ou choisies par vousmêmes
àl'état d'Esprit et avant votre réincarnation pour expier les fautes commises dans une
autre existence; car jamais l'infraction aux lois de Dieu, et surtout à la loi de justice, ne reste
impunie; si ce n'est dans cette vie, ce sera nécessairement dans une autre; c'est pourquoi celui
qui est juste à vos yeux est souvent frappé pour son passé. » (393).
985. La réincarnation de l'âme dans un monde moins grossier est-elle une récompense?
« C'est la conséquence de son épuration ; car, a mesure que les Esprits s'épurent, ils
s'incarnent dans des mondes de plus en plus parfaits, jusqu'à ce qu'ils aient dépouillé toute
matière et se soient lavés de toutes leurs souillures, pour jouir éternellement de la félicité des
purs Esprits dans le sein de Dieu. »
Dans les mondes où l'existence est moins matérielle qu'ici-bas, les besoins sont moins grossiers et toutes
les souffrances physiques moins vives. Les hommes ne connaissent plus les mauvaises passions qui, dans
les mondes inférieurs, les font ennemis les uns des autres. N'ayant aucun sujet de haine ni de jalousie ils
vivent entre eux en paix, parce qu'ils pratiquent la loi de justice, d"amour et de charité; ils ne connaissent
point les ennuis et les soucis qui naissent de l'envie, de l'orgueil et de l'égoïsme, et qui font le tourment de
notre existence terrestre (172-182).
986. L'Esprit qui a progressé dans son existence terrestre peut-il être quelquefois réincarné
dans le même monde?
« Oui, s'il n'a pu accomplir sa mission, et lui-même peut demander à la compléter dans une
nouvelle existence; mais alors ce n'est plus pour lui une expiation.» (173).
453
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
987. Que devient l'homme qui, sans faire de mal, ne fait rien pour secouer l'influence de la
matière?
« Puisqu'il ne fait aucun pas vers la perfection. il doit recommencer une existence de la nature
de celle qu il quitte; il reste stationnaire, et c'est ainsi qu'il peut prolonger les souffrances de
l'expiation. »
988. Il y a des gens dont la vie s'écoule dans un calme parfait; qui, n'ayant besoin de rien faire
par eux-mêmes, sont exempts de soucis. Cette existence heureuse est-elle une preuve qu'ils
n'ont rien à expier d'une existence antérieure?
« En connais-tu beaucoup? Si tu le crois, tu te trompes; souvent, le calme n'est qu'apparent.
Ils peuvent avoir choisi cette existence, mais quand ils la quittent, ils s'aperçoivent qu'elle ne
leur a point servi à progresser; et alors, comme le paresseux, ils regrettent le temps perdu.
Sachez bien que l'Esprit ne peut acquérir des connaissances et s'élever que par l'activité; s'il
s'endort dans l'insouciance, il n'avance pas. Il est semblable à celui qui a besoin (d'après vos
usages) de travailler, et qui va se promener ou se coucher, et cela dans l'intention de ne rien
faire. Sachez bien aussi que chacun aura àrendre compte de l'inutilité volontaire de son
existence; cette inutilité est toujours fatale au bonheur à venir. La somme du bonheur futur
est en raison de la somme du bien que l'on a fait; celle du malheur est en raison du mal et des
malheureux que l'on a faits. »
989. Il y a des gens qui, sans être positivement méchants, rendent malheureux tous ceux qui
les entourent, par leur caractère; quelle en est pour eux la conséquence ?
« Ces gens-là, assurément, ne sont pas bons et ils
454
LIVRE IV. - CHAP. II
l'expieront par la vue de ceux qu'ils ont rendus malheureux, et ce sera pour eux un reproche
puis, dans une autre existence, ils endureront ce qu'ils ont fait endurer. »
Expiation et repentir.
990. Le repentir a-t-il lieu à l'état corporel ou àl'état spirituel?
« A l'état spirituel mais il peut aussi avoir lieu àl'état corporel quand vous comprenez bien la
différence du bien et du mal. »
991. Quelle est la conséquence du repentir à l'état spirituel?
« Le désir d'une nouvelle incarnation pour se purifier. L'Esprit comprend les imperfections
qui le privent d'être heureux, c'est pourquoi il aspire à une nouvelle existence où il pourra
expier ses fautes. » (332-975).
992. Quelle est la conséquence du repentir à l'état corporel?
« Avancer, dès la vie présente, si l'on a le temps de réparer ses fautes, Lorsque la conscience
fait un reproche et montre une imperfection, on peut toujours s'améliorer. »
993. N'y a-t-il pas des hommes qui n'ont que l'instinct du mal et sont inaccessibles au
repentir?
« Je t'ai dit que l'on doit progresser sans cesse. Celui qui, dans cette vie, n'a que l'instinct du
mal, aura celui du bien dans une autre, et c'est pour cela qu'il renait plusieurs fois; car, il faut
que tous avancent et atteignent le but, seulement les uns dans un temps plus court, les autres
dans un temps plus long selon leur desir; celui qui n'a que l'instinct du bien
455
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
est déjà épuré, car il a pu avoir celui du mal dans une existence antérieure. » (804).
994. L'homme pervers qui n'a point reconnu ses fautes pendant sa vie les reconnaît-il toujours
après sa mort?
« Oui, il les reconnaît toujours, et alors il souffre davantage, car il ressent tout le mal qu'il a
fait ou dont il a été la cause volontaire. Cependant. le repentir n'est pas toujours immédiat; il y
a des Esprits qui s'obstinent dans la mauvaise voie malgré leurs souffrances mais, tôt ou tard,
ils reconnaîtront la fausse route dans laquelle ils sont engagés, et le repentir viendra. C'est à
les éclairer que travaillent les bons Esprits, et que vous pouvez travailler vous-mêmes. »
995. Y a-t-il des Esprits qui, sans être mauvais, soient indifférents sur leur sort?
« Il y a des Esprits qui ne s'occupent à rien d'utile: ils sont dans l'expectative; mais ils
souffrent, dans ce cas, en proportion; et comme il doit y avoir progrès en tout, ce progrès se
manifeste par la douleur. »
- N'ont-ils pas le désir d'abréger leurs souffrances?
« Ils l'ont, sans doute, mais ils n'ont pas assez d'énergie pour vouloir ce qui pourrait les
soulager. Combien avez-vous de gens parmi vous qui préfèrent mourir de misère plutôt que
de travailler? »
996. Puisque les Esprits voient le mal qui résulte pour eux de leurs imperfections. comment
se fait-il qu'il y en ait qui aggravent leur position et prolongent leur état d'infériorité en faisant
le mal comme Esprits, en détournant les hommes de la bonne voie?
« Ce sont ceux dont le repentir est tardif qui agis-
456
LIVRE IV. - CHAP. II
sent ainsi. L'Esprit qui se repent peut ensuite se laisser entraîner de nouveau dans la voie du
mal par d'autres Esprits encore plus arriérés. » (971).
997. On voit des Esprits d'une infériorité notoire accessibles aux bons sentiments et touchés
des prières qu'on fait pour eux. Comment se fait-il que d'autres Esprits, qu'on devrait croire
plus éclairés, montrent un endurcissement et un cynisme dont rien ne peut triompher?
« La prière n'a d'effet qu'en faveur de l'Esprit qui se repent celui qui, poussé par l'orgueil, se
révolte contre Dieu et persiste dans ses égarements en les exagérant encore, comme le font de
malheureux Esprits, sur ceux-là la prière ne peut rien et ne pourra rien que du jour où une
lueur de repentir se sera manifestée chez eux. » (664).
On ne doit pas perdre de vue que l'Esprit, après la mort du corps, n'est pas subitement transformé si sa
vie a été répréhensible, c'est parce qu'il était imparfait or la mort ne rend pas immédiatement parfait il
peut persister dans ses erreurs dans ses fausses opinions, dans ses préjugés, jusqu'à ce qu'il se soit éclairé
par l'étude, la réflexion et la souffrance.
998. L'expiation s'accomplit-elle à l'état corporel ou à l'état d'Esprit?
« L'expiation s'accomplit pendant l'existence corporelle par les épreuves auxquelles l'Esprit
est soumis, et dans la vie spirituelle par les souffrances morales attachées à l'état d'infériorité
de l'Esprit. »
999. Le repentir sincère pendant la vie suffit-il pour effacer les fautes, et faire trouver grâce
devant Dieu?
« Le repentir aide à l'amélioration de l'Esprit, mais le passé doit être expié. »
457
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
- Si, d'après cela, un criminel disait que, puisqu'il doit, en tout état de cause, expier son passé,
il n'a pas besoin de repentir, qu'en résulterait-il pour lui?
« S'il s'endurcit dans la pensée du mal, son expiation sera plus longue et plus pénible. »
1000. Pouvons-nous, dès cette vie, racheter nos fautes?
« Oui, en les réparant mais ne croyez pas les racheter par quelques privations puériles, ou en
donnant après votre mort quand vous n'aurez plus besoin de rien. Dieu ne tient aucun compte
d'un repentir stérile, toujours facile, et qui ne coûte que la peine de se frapper la poitrine. La
perte d'un petit doigt en rendant service efface plus de fautes que le supplice de la chair
enduré pendant des années sans autre but que soi-même (726).
» Le mal n'est réparé que par le bien, et la réparation n'a aucun mérite si elle n'atteint l'homme
ni dans son orgueil ni dans ses intérêts matériels.
» Que lui sert, pour sa justification, de restituer après sa mort le bien mal acquis, alors qu'il lui
devient inutile et qu'il en a profité?
» Que lui sert la privation de quelques jouissances futiles et de quelques superfluités, si le tort
qu'il a fait à autrui reste le même?
» Que lui sert enfin de s'humilier devant Dieu, s'il conserve son orgueil devant les hommes. »
(720-721).
1001. N'y a-t-il aucun mérite à assurer après sa mort un emploi utile des biens que nous
possédons?
« Aucun mérite n'est pas le mot; cela vaut toujours mieux que rien; mais le malheur est que
celui qui ne donne qu'après sa mort est souvent plus égoïste que généreux; il veut avoir
l'honneur du bien sans
458
LIVRE IV. - CHAP. II
en avoir la peine. Celui qui se prive, de son vivant, a double profit le mérite du sacrifice et le
plaisir de voir les heureux qu'il fait. Mais l'égoïsme est là qui lui dit: Ce que tu donnes, c'est
autant de retranché sur tes jouissances; et comme l'égoïsme crie plus fort que le
désintéressement et la charité, il garde, sous prétexte de ses besoins et des nécessités de sa
position. Ah! plaignez celui qui ne connaît pas le plaisir de donner; celui-là est vraiment
déshérité d'une des plus pures et des plus suaves jouissances. Dieu, en le soumettant à
l'épreuve de la fortune, si glissante et si dangereuse pour son avenir, a voulu lui donner pour
compensation le bonheur de la générosité dont il peut jouir dès ici-bas. » (814).
1002. Que doit faire celui qui, à l'article de la mort, reconnaît ses fautes, mais n'a pas le temps
de les réparer ? Se repentir suffit-il dans ce cas?
« Le repentir hâte sa réhabilitation, mais il ne l'absout pas. N'a-t-il pas l'avenir devant lui qui
ne lui est jamais fermé? »
Durée des peines futures.
1003. La durée des souffrances du coupable, dans la vie future, est-elle arbitraire ou
subordonnée à une loi quelconque?
« Dieu n'agit jamais par caprice et tout, dans l'univers, est régi par des lois où se révèlent sa
sagesse et sa bonté. »
1004. Sur quoi est basée la durée des souffrances du coupable?
« Sur le temps nécessaire à son amélioration. L'état de souffrance et de bonheur étant
proportionné au degré d'épuration de l'Esprit, la durée et la nature de ses souffrances
dépendent du temps qu'il met à
459
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
s'améliorer. A mesure qu'il progresse et que ses sentiments s'épurent, ses souffrances
diminuent et changent de nature. »
SAINT LOUIS
1005. Pour l'Esprit souffrant, le temps paraît-il aussi long ou moins long que s'il était vivant?
« Il lui paraît plutôt plus long le sommeil n'existe pas pour lui. Ce n'est que pour les Esprits
arrivés àun certain degré d'épuration que le temps s'efface, pour ainsi dire, devant l'infini. »
(240).
1006. La durée des souffrances de l'Esprit peut-elle être éternelle?
« Sans doute, s'il était éternellement mauvais, c'est-à-dire s'il ne devait jamais se repentir
ni s'améliorer, il souffrirait éternellement mais Dieu n'a pas créé des êtres pour qu'ils soient
voués au mal à perpétuité il ne les a créés que simples et ignorants, et tous doivent progresser
dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté. La volonté peut être plus ou moins
tardive, comme il y a des enfants plus ou moins précoces, mais elle vient tôt ou tard par
l'irrésistible besoin qu'éprouve l'Esprit de sortir de son infériorité et d'être heureux. La loi qui
régit la durée des peines est donc éminemment sage et bienveillante, puisqu'elle subordonne
cette durée aux efforts de l'Esprit; elle ne lui enlève jamais son libre arbitre s'il en fait un
mauvais usage, il en subit les conséquences. »
SAINT LOUIS.
1007. Y a-t-il des Esprits qui ne se repentent jamais?
« Il y en a dont le repentir est très tardif; mais prétendre qu'ils ne s'amélioreront jamais, ce
serait nier la loi du progrès, et dire que l'enfant ne peut devenir adulte. »
SAINT LOUIS.
460
LIVRE IV. - CHAP. II
1008. La durée des peines dépend-elle toujours de la volonté de l'Esprit, et n'y en a-t-il pas
qui lui sont imposées pour un temps donné?
« Oui, des peines peuvent lui être imposées pour un temps, mais Dieu, qui ne veut que le bien
de ses créatures, accueille toujours le repentir, et le désir de s'améliorer n'est jamais stérile. »
SAINT LOUIS.
1009. D'après cela, les peines imposées ne le seraient jamais pour l'éternité?
« Interrogez votre bon sens, votre raison, et demandez-vous si une condamnation perpétuelle
pour quelques moments d'erreur ne serait pas la négation de la bonté de Dieu? Qu'est-ce, en
effet, que la durée de la vie, fût-elle de cent ans, par rapport àl'éternité? Eternité! comprenezvous
bien ce mot? souffrances, tortures sans fin, sans espoir, pour quelques fautes! Votre
jugement ne repousse-t-il pas une pareille pensée? Que les anciens aient vu dans le maître de
l'univers un Dieu terrible, jaloux et vindicatif, cela se conçoit; dans leur ignorance, ils ont
prêté à la divinité les passions des hommes; mais ce n'est pas là l'e Dieu des chrétiens, qui
place l'amour, la charité, la miséricorde, l'oubli des offenses au rang des premières vertus
pourrait-il manquer lui-même des qualités dont il fait un devoir? N'y a-t-il pas contradiction à
lui attribuer la bonté infinie et la vengeance infinie? Vous dites qu'avant tout il est juste, et
que l'homme ne comprend pas sa justice, mais la justice n'exclut pas la bonté, et il ne serait
pas bon s'il vouait à des peines horribles, perpétuelles, la plus grande partie de ses créatures.
Pourrait-il faire à ses enfants une obligation de la justice, s'il ne leur avait pas donné les
moyens de la
461
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
comprendre? D'ailleurs, n'est-ce pas le sublime de la justice, unie à la bonté, de faire dépendre
la durée des peines des efforts du coupable pour s'améliorer? Là est la vérité de cette parole:
« A chacun selon ses oeuvres. »
SAINT AUGUSTIN.
« Attachez-vous par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, à combattre, à anéantir
l'idée de l'éternité des peines, pensée blasphématoire envers la justice et la bonté de Dieu,
source la plus féconde de l'incrédulité, du matérialisme et de l'indifférence qui ont envahi les
masses depuis que leur intelligence a commencé à se développer. L'Esprit, près de s'éclairer,
ne fût-il que même dégrossi, en a bientôt saisi la monstrueuse injustice sa raison la repousse,
et alors il manque rarement de confondre dans un même ostracisme et la peine qui le révolte
et le Dieu auquel il l'attribue; de là, les maux sans nombre qui sont venus fondre sur vous et
auxquels nous venons vous apporter remède. La tâche que nous vous signalons vous sera
d'autant plus facile que les autorités sur lesquelles s'appuient les défenseurs de cette croyance
ont toutes évité de se prononcer formellement ; ni les conciles, ni les Pères de l'Eglise n'ont
tranché cette grave question. Si, d'après les Evangélistes eux-mêmes, et en prenant au pied de
la lettre, les paroles emblématiques du Christ, il a menacé les coupables d'un feu qui ne
s'éteint pas, d'un feu éternel, il n'est absolument rien dans ses paroles qui prouve qu'il les ait
condamnés éternellement.
« Pauvres brebis égarées, sachez voir venir à vous le bon Pasteur qui, loin de vouloir vous
bannir àtout jamais de sa présence, vient lui-même à votre rencontre pour vous ramener au
bercail. Enfants prodigues, quittez votre exil volontaire; tournez vos pas
462
LIVRE IV. - CHAP. II
vers la demeure paternelle: le père vous tend les bras et se tient toujours prêt à fêter votre
retour en famille. »
LAMMENAIS.
« Guerres de mots! guerres de mots! n'avez-vous pas fait assez verser de sang! faut-il donc
encore rallumer les bûchers? On discute sur les mots éternité des peines, éternité des
châtiments ne savez-vous donc pas que ce que vous entendez aujourd'hui par éternité, les
anciens ne l'entendaient pas comme vous? Que le théologien consulte les sources, et comme
vous tous il y découvrira que le texte hébreu ne donnait pas au mot que les Grecs, les Latins
et les modernes ont traduit par peines sans fin, irrémissibles, la même signification. Eternité
des châtiments correspond à l'éternité du mal. Oui, tant que le mal existera parmi les hommcs,
les châtiments subsisteront; c'est dans le sens relatif qu'il importe d'interpréter les textes
sacrés, L'éternité des peines n'est donc que relative et non absolue. Qu'un jour advienne où
tous les hommes se revêtiront, par la repentance, de la robe d'innocence, et ce jour-là plus de
gémissements, plus de grincements de dents. Votre raison humaine est bornée, il est vrai,
mais telle qu'elle est, c'est un présent de Dieu, et avec cette aide de la raison, il n'est pas un
seul homme de bonne foi qui comprenne autrement l'éternité des châtiments. L'éternité des
châtiments Quoi! Il faudrait donc admettre que le mal sera éternel. Dieu seul est éternel et n'a
pu créer le mal éternel, sans cela il faudrait lui arracher le plus magnifique de ses attributs la
souveraine puissance, car celui-là n'est pas souverainement puissant qui peut créer un élément
destructeur de ses oeuvres. Humanité! Humanité! ne plonge donc plus tes mornes regards
dans les pro-
463
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
fondeurs de la terre pour y chercher les châtiments; pleure, espère, expie et réfugie-toi dans la
pensée d'un Dieu intimement bon, absolument puissant, essentiellement juste. »
PLATON.
« Graviter vers l'unité divine, tel est le but de l'humanité; pour y atteindre, trois choses sont
nécessaires: la justice, l'amour et la science; trois choses y sont opposées et contraires:
l'ignorance, la haine et l'injustice. Eh bien! je vous dis, en vérité, vous mentez à ces principes
fondamentaux en compromettant l'idée de Dieu par l'exagération de sa sévérité vous la
compromettez doublement en laissant pénétrer dans l'Esprit de la créature qu'il y a en elle
plus de clémence, de mansuétude, d'amour et de véritable justice que vous n'en attribuez à
l'être infini; vous détruisez même l'idée de l'enfer en le rendant ridicule et inadmissible à vos
croyances, comme l'est àvos coeurs le hideux spectacle des bourreaux, des bûchers et des
tortures du moyen âge! Quoi donc! Est-ce quand l'ère des représailles aveugles est àjamais
bannie des législations humaines que vous espérez la maintenir dans l'idéal? Oh! croyez-moi.
croyez-moi, frères en Dieu et en Jésus-Christ, croyez-moi, ou résignez-vous à laisser périr
entre vos mains tous vos dogmes plutôt que de les laisser varier, ou bien revivifiez-les en les
ouvrant aux bienfaisantes effluves que les Bons y versent en ce moment. L'idée de l'enfer
avec ses fournaises ardentes, avec ses chaudières bouillantes, put être tolérée, c'est-à-dire
pardonnable dans un sièce de fer; mais au dix-neuvième, ce n'est plus qu'un vain fantôme
propre tout au plus à effrayer les petits enfants, et auquel les enfants ne croient plus quand ils
sont grands. En persistant dans cette mythologie effrayante, vous
464
LIVRE IV. - CHAP. II
engendrez l'incrédulité, mère de toute désorganisation sociale car je tremble en voyant tout
un ordre social ébranlé et croulant sur sa base faute de sanction pénale. Hommes de foi
ardente et vive, avant-garde du jour de la lumière, à l'oeuvre donc! non pour maintenir des
fables vieillies et désormais sans crédit, mais pour raviver, revivifier la véritable sanction
pénale, sous des formes en rapport avec vos moeurs, vos sentiments et les lumières de votre
époque.
« Qu'est-ce, en effet, que le coupable? Celui qui, par un écart, par un faux mouvement de
l'âme S'éloigne du but de la création, qui consiste dans le culte harmonieux du beau, du bien,
idéalisés par l'archétype humain, par l'Homme-Dieu, par Jésus-Christ.
» Qu'est-ce que le châtiment? La conséquence naturelle, dérivative de ce faux mouvement
une somme de douleurs nécessaires pour le dégoùter de sa difformité, par l'expérimentation
de la souffrance. Le châtiment, c'est l'aiguillon qui excite l'âme, par l'amertume, à se replier
sur elle-même, et à revenir au rivage du salut. Le but du châtiment n'est autre que la
réhabilitation, l'affranchissement. Vouloir que le châtiment soit éternel, pour une faute qui
n'est pas éternelle, c'est lui nier toute raison d'être.
» Oh! je vous le dis en vérité, cessez, cessez de mettre en parallèle, dans leur éternité, le
Bien, essence du Créateur, avec le Mal, essence de la créature; ce serait créer là une pénalité
injustifiable. Affirmez, au contraire, l'amortissement graduel des châtiments et des peines par
les transmigrations, et vous consacrerez avec la raison unie au sentiment, l'unité divine. »
PAUL, APOTRE.
465
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
On veut exciter l'homme au bien, et le détourner du mal par l'appàt de récompenses et la crainte de
châtiments; mais si ces châtiments sont présentés de manière à ce que la raison se refuse à y croire, ils
n'auront sur lui aucune influence; loin de là, il relettera tout la forme et le fond. Qu'on lui présente au
contraire, l'avenir d'une manière logique, et alors il ne le repoussera pas. Le spiritisme lui donne cette
explication.
La doctrine de l'éternité des peines, dans le sens absolu, fait de l'être suprême un Dieu implacable. Seraitil
logique de dire d'un souverain qu'il est très bon, très bienveilîmit, très indulgent, qu'il ne veut que le
bonheur de ceux qui l'entourent, mais qu'en même temps il est jaloux, vindicatif, inflexible dans sa
rigueur, et qu'il punit du dernier supplice les trois quarts de ses sujets pour une offense ou une infraction
à ses lois, ceux mêmes qui ont failli pour ne les avoir pas connues? Ne serait-ce pas là une contradiction?
Or, Dieu peut-il être moins bon que ne le serait un homme?
Une autre contradiction se présente ici. Puisque Dieu sait tout, il savait donc en créant une âme qu'elle
faillirait; elle a donc été, dès sa formation, vouée au malheur éternel cela est-il possible, rationnel? Avec
la doctrine des peines relatives, tout est justifié. Dieu savait sans doute qu'elle faillirait, mais il lui donne
les moyens de s'éclairer par sa propre expérience, par ses fautes mêmes; il est nécessaire qu'elle expie ses
erreurs pour être mieux affermie dans le bien, mais la porte de l'espérance ne lui est pas fermée à tout
jamais, et Dieu fait dépendre le moment de sa délivrance des efforts qu'elle fait pour y arriver. Voilà ce
que tout le monde peut comprendre, ce que la logique la plus méticuleuse peut aumettre. Si les peines
futures eussent été présentées sous ce point de vue, il y aurait bien moins de sceptiques.
Le mot éternel est souvent employé, dans le langage vulgaire, comme figure, pour désigner une chose de
longue durée et dont on ne prévoit pas le terme, quoique l'on sache très bien que ce terme existe.
Nous disons, par exemple, les glaces éternelles des hautes montagnes, des pôles, quoique nous
sachions, d'un côté, que le monde physique peut avoir une fin, et, d'autre part que l'état de ces régions
peut changer par le déplacement normal de l'axe ou par un cataclysme. Le mot éternel, dans ce cas, ne
veut donc pas dire perpétuel jusqu'à l'infini. Quand nous souf-
466
LIVRE IV. - CHAP. II
frons d'une longue maladie, nous disons que notre mal est éternel qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que des
Esprits qui souffrent depuis des années, des siècles, des milliers d'années mème, en disent autant?
N'oublions pas surtout que leur infériorité ne leur permettant pas de voir l'extrémité de la route, ils
croient souffrir toujours, et que c'est pour eux une punition.
Au reste, la doctrine du feu matériel, des fournaises et des tortures empruntées au Tartare du
paganisme, est aujourd'hui complètement abandonnée par la haute théologie et ce n'est plus que dans les
écoles que ces effrayants tableaux allégoriques sont encore donnés comme des vérités positives, par
quelques hommes plus zélés qu'éclairés, et cela bien à tort, car ces jeunes imaginations, une fois revenues
de leur terreur, pourront augmenter le nombre des incrédules. La théologie reconnaît aulourd'hui que le
mot feu est employé au figuré, et doit s'entendre d'un feu moral (974). Ceux qui ont suivi comme nous les
péripéties de la vie et des souffrances d'outre tombe, dans les communications spirites, ont pu se
convaincre que, pour n'avoir rien de matériel, elles n'en sont pas moins poignantes. A l'égard méme de
leur durée, certains théologiens commencent à admettre dans le sens restrictif indiqué ci-dessus, et
pensent qu'en effet le mot éternel peut s'entendre des peines en ellesmêmes, comme conséquences d'une loi
immuable, et non de leur application à chaque individu. Le jour où la religion admettra cette
interprétation, ainsi que quelques autres qui sont également la conséquence du progrès des lumières, elle
ralliera bien des brebis égarées.
467
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
Résurrection de la chair.
1010. Le dogme de la résurrection de la chair est- il la consécration de celui de la
réincarnation enseignée par les Esprits?
« Comment voulez-vous qu'il en soit autrement? Il en est de ces paroles comme de tant
d'autres qui ne paraissent déraisonnables aux yeux de certaines personnes que parce qu on les
prend à la lettre, c'est pourquoi elles conduisent à l'incrédulité; mais donnez-leur une
interprétation logique, et ceux que vous appelez les libres penseurs les admettront sans
difficulté, précisément parce qu'ils réfléchissent; car, ne vous y trompez pas, ces libres
penseurs ne demandent pas mieux que de croire; ils ont, comme les autres, plus que d'autres
peut-être, soif de l'avenir, mais ils ne peuvent admettre ce qui est controuvé par la science. La
doctrine de la pluralité des existences est conforme à la justice de Dieu ; elle seule peut
expliquer ce qui, sans elle, est inexplicable; comment voudriez-vous que le principe n'en fût
pas dans la religion elle-même? »
- Ainsi l'Eglise, par le dogme de la résurrection de la chair, enseigne elle-même la doctrine de
la réincarnation?
« Cela est évident; cette doctrine est d'ailleurs la conséquence de bien des choses qui ont
passé inaperçues et que l'on ne tardera pas à comprendre dans ce sens; avant peu, on
reconnaîtra que le spiritisme ressort à chaque pas du texte même des Ecritures sacrées. Les
Esprits ne viennent donc pas renverser la religion, comme quelques-uns le prétendent; ils
viennent, au contraire, la confirmer, la
468
LIVRE IV. - CHAP. II
sanctionner par des preuves irrécusables mais, comme le temps est venu de ne plus employer
le langage figuré, ils s'expriment sans allégorie et donnent aux choses un sens clair et précis
qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation. Voilà pourquoi dans quelque temps,
vous aurez plus de gens sincèrement religieux et croyants que vous n'en avez aujourd'hui. »
SAINT LOUIS.
La science, en effet, démontre l'impossibilité de la résurrection selon l'idée vulgaire. Si les débris du
corps humain restaient homogènes, fussent-ils dispersés et réduits en poussière, on concevrait encore leur
réunion à un temps donné mais les choses ne se passent point ainsi. Le corps est formé d'éléments divers
oxygène, hydrogène, azote, carbone, etc.; par la décomposition ces éléments se dispersent, mais pour
servir à la formation de nouveaux corps; de telle sorte que la même molécule, de carbone par exemple,
sera entrée dans la composition de plusieurs milliers de corps différents (nous ne parlons que des corps
humains sans compter tous ceux des animaux); que tel individu a peut-être dans son corps des molécules
ayant appartenu aux hommes des premiers âges; que ces mêmes molécules organiques que vous absorbez
dans votre nourriture proviennent peut-être du corps de tel autre individu que vous avez connu, et ainsi
de suite. La matière étant en quantité définie, et ses transformations en quantités indéfinies, comment
chacun de ces corps pourrait-il se reconstituer des mêmes éléments? Il y a là une impossibilité matérielle.
On ne peut donc rationnellement admettre la résurrection de la chair que comme une figure symbolisant
le phénomène de la réincarnation, et alors rien qui choque la raison rien qui soit en contradiction avec les
données de la science.
Il est vrai que, selon le dogme, cette résurrection ne doit avoir lieu qu'à la fin des temps tandis que, selon
la doctrine spirite, elle a lieu tous les lours ; mais n'y a-t-il pas encore dans ce tableau du jugement
dernier une grande et belle figure qui cache, sous le voile de l'allégorie, une de ces vérités immuables qui
ne trouvera plus de sceptiques quand elle sera ramenée à
469
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
sa véritable signification? Qu'on veuille bien méditer la théorie spirite sur l'avenir des âmes et sur leur
sort à la suite des différentes épreuves qu'elles doivent subir, et l'on verra qu à l'excep tion de la
simultanéité, le jugement qui condamne ou qui les absout n'est point une fiction, ainsi que le pensent les
incrédules. Remarquons encore qu'elle est la conséquence naturelle de la pluralité des mondes,
aujourd'hui parfaitement admise, tandis que, selon la doctrine du jugement dernier, la terre est censée le
seul monde habité.
Paradis, enfer et purgatoire.
1012. Un lieu circonscrit dans l'univers est-il affecté aux peines et aux jouissances des
Esprits, selon leurs mérites?
« Nous avons déjà répondu à cette question. Les peines et les jouissances sont inhérentes au
degré de perfection des Esprits chacun puise en soi-même le principe de son propre bonheur
ou malheur; et comme ils sont partout, aucun lieu circonscrit ni fermé n'est affecté à l'un
plutôt qu'à l'autre. Quant aux Esprits incarnés, ils sont plus ou moins heureux ou malheureux
selon que le monde qu'ils habitent est plus ou moins avancé, »
- D'après cela, l'enfer et le paradis n'existeraient pas tels que l'homme se les représente?
« Ce ne sont que des figures il y a partout des Esprits heureux et malheureux. Cependant,
comme nous l'avons dit aussi, les Esprits du même ordre se réunissent par sympathie; mais ils
peuvent se réunir où ils veulent quand ils sont parfaits. »
La localisation absolue des lieux de peines et de récompenses n'existe que dans l'imagination de l'homme
elle provient de
470
LIVRE IV. - CHAP. II
la tendance à matérialiser et à circonscrire les choses dont il ne peut comprendre l'essence infinie.
1013. Que doit-on entendre par le purgatoire?
« Douleurs physiques et morales: c'est le temps de l'expiation. C'est presque toujours sur terre
que vous faites votre purgatoire et que Dieu vous fait expier vos fautes. »
Ce que l'homme appelle purgatoire est de même une figure par laquelle on doit entendre, non pas un lieu
déterminé quelconque, mais l'état des Esprits imparfaits qui sont en expiation jusqu'à la purification
complète qui doit les élever au rang des Esprits bienheureux. Cette purificotion s'opérant dans les
diverses incarnations, le purgatoire consiste dans les épreuves de la vie corporelle.
1014. Comment se fait-il que des Esprits qui, par leur langage, révèlent leur supériorité, aient
répondu à des personnes très sérieuses, au sujet de l'enfer et du purgatoire, selon l'idée que
l'on s'en fait vulgairement?
« Ils parlent un langage compris des personnes qui les interrogent; quand ces personnes sont
trop imbues de certaines idées, ils ne veulent pas les heurter trop brusquement pour ne pas
froisser leurs convictions. Si un Esprit allait dire, sans précautions oratoires, à un musulman
que Mahomet n'est pas un prophète, il serait très mal reçu. »
- On conçoit qu'il puisse en être ainsi de la part des Esprits qui veulent nous instruire;
mais comment se fait-il que des Esprits interrogés sur leur situation aient répondu qu'ils
souffraient les tortures de l'enfer ou du purgatoire?
« Quand ils sont inférieurs, et pas complètement dématérialisés, ils conservent une partie de
leurs idées terrestres, et ils rendent leurs impressions par
471
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
les termes qui leur sont familiers. Ils se trouvent dans un milieu qui ne leur permet qu'à demi
de sonder l'avenir, c'est ce qui est cause que souvent des Esprits errants, ou nouvellement
dégagés, parleront comme ils l'auraient fait de leur vivant. Enfer peut se traduire par une vie
d'épreuve extrêmement pénible, avec l'incertitude d'une meilleure; purgatoire, une vie aussi
d'épreuve, mais avec conscience d'un avenir meilleur. Lorsque tu éprouves une grande
douleur, ne dis-tu pas toi-même que tu souffres comme un damné? Ce ne sont que des mots,
et toujours au figuré. »
1015. Que doit-on entendre par une âme en peine?
« Une âme errante et souffrante, incertaine de son avenir, et à laquelle vous pouvez procurer
un soulagement que souvent elle sollicite en venant se communiquer à vous. » (664).
1016. Dans quel sens doit-on entendre le mot ciel?
« Crois-tu que ce soit un lieu, comme les Champs-Elysées des anciens, où tous les bons
Esprits sont entassés pêle-mêle sans autre souci que de goûter pendant l'éternité une félicité
passive? Non; c'est l'espace universel; ce sont les planètes, les étoiles et tous les mondes
supérieurs où les Esprits jouissent de toutes leurs facultés, sans avoir les tribulations de la vie
matérielle, ni les angoisses inhérentes à l'infériorité. »
1017. Des Esprits ont dit habiter le 4º, le 5º ciel, etc.; qu'entendaient-ils par là?
« Vous leur demandez quel ciel ils habitent, parce que vous avez l'idée de plusieurs ciels
placés comme les étages d'une maison; alors, ils vous répondent selon votre langage; mais
pour eux, ces mots, 4º,
472
LIVRE IV - CHAP. II
5º ciel expriment différents degrés d'épuration, et par conséquent de bonheur. C'est
absolument comme quand on demande à un Esprit s'il est dans l'enfer s'il est malheureux, il
dira oui, parce que pour lui enfer est synonyme de souffrance; mais il sait très bien que ce
n'est pas une fournaise. Un païen aurait dit qu'il était dans le Tartare. »
Il en est de même d'autres expressions analogues, telles que celles de cité des fleurs, cité des élus,
première, seconde ou troisième sphère, etc., qui ne sont que des allégories employées par certains Esprits,
soit comme figures, soit quelquefois par ignorance de la réalité des choses et même des plus simples
notions scientifiques.
Selon l'idée restreinte qu'on se faisait autrefois des lieux de peines et de récompenses, et surtout dans
l'opinion que la terre était le centre de l'univers, que le ciel formait une voûte et qu'il y avait une région
des étoiles, on plaçait le ciel en haut et l'enfer en bas; de là les expressions: monter au ciel, être au plus
haut des cieux, être précipité dans les enfers. Aujourd'hui que la science a démontré que la terre n'est
qu'un des plus petits mondes parmi tant de millions d'autres, sans importance spéciale; qu'elle a tracé
l'histoire de sa formation et décrit sa constitution, prouvé que l'espace est infini, qu'il n'y a ni haut ni bas
dans l'univers, il a bien fallu renoncer à placer le ciel au-dessus des nuages et l'enfer dans les lieux bas.
Quant au purgatoire, aucune place ne lui avait été assignée. Il était réservé au spiritisme de donner sur
toutes ces choses l'explication la plus rationnelle, la plus grandiose et en même temps la plus consolante
pour l'humanité. Ainsi l'on peut dire que nous portons en nous-mêmes notre enfer et notre paradis; notre
purgatoire, nous le trouvons dans notre incarnation, dans nos vies corporelles ou physiques.
1018. Dans quel sens faut-il entendre ces paroles du Christ: Mon royaume n’est pas de ce
monde?
« Le Christ, en répondant ainsi, parlait dans un sens figuré. Il voulait dire qu'il ne règne que
sur les coeurs purs et désintéressés. Il est partout où domine l'amour du bien; mais les
hommes avides des choses
473
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
dece monde et attachés aux biens de la terre ne sont pas avec lui. »
1019. Le règne du bien pourra-t-il jamais avoir lieu sur la terre?
« Le bien régnera sur la terre quand, parmi les Esprits qui viennent l'habiter, les bons
l'emporteront sur les mauvais alors, ils y feront régper l'amour et la justice qui sont la source
du bien et du bonheur. C'est par le progrès moral et par la pratique des lois de Dieu que
l'homme attirera sur la terre les bons Esprits, et qu il en éloignera les mauvais mais les
mauvais ne la quitteront que lorsqu'il en aura banni l'orgueil et l'égoïsme.
» La transformation de l'humanité a été prédite, et vous touchez à ce moment que hâtent tous
les hommes qui aident au progrès elle s'accomplira par l'incarnation des Esprits meilleurs qui
constitueront sur la terre une nouvelle génération. Alors, les Esprits des méchants que la mort
moissonne chaque jour, et tous ceux qui tentent d'arrêter la marche des choses en seront
exclus, car ils seraient déplacés parmi les hommes de bien dont ils troubleraient la félicité. Ils
iront dans des mondes nouveaux, moins avancés, remplir des missions pénibles où ils
pourront travailler à leur propre avancement en même temps qu'ils travailleront à
l'avancement de leurs frères encore plus arriérés. Ne voyez-vous pas dans cette exclusion de
la terre transformée la sublime figure du Paradis perdu, et dans l'homme venu sur la terre
dans de semblables conditions, et portant en soi le germe de ses passions et les traces de son
infériorité primitive, la figure non moins sublime du péché originel? Le péché originel,
considéré sous ce point de vue, tient à ]a nature encore imparfaite de l'homme qui n'est
474
LIVRE IV - CHAP. II
ainsi responsable que de lui-même et de ses propres fautes, et non de Celles de ses pères.
» Vous tous, hommes de foi et de bonne volonté, travaillez donc avec zèle et courage au
grand oeuvre de la régénération, car vous recueillerez au centuple le grain que vous aurez
semé. Malheur à ceux qui ferment les yeux à la lumière, car ils se préparent de longs siècles
de ténèbres et de déceptions; mal-heur à ceux qui mettent toutes leurs joies dans les biens de
ce monde, car ils endureront plus de privations qu'ils n'auront eu dç jouissances; malheur
surtout aux égoïstes, car ils ne trouveront personne pour les aider à porter le fardeau de leurs
misères.».
SAINT LOUIS.
CONCLUSION
___________
I
Celui qui ne connaîtrait en fait de magnétisme terrestre que le jeu des petits canards aimantés
qu'on fait manoeuvrer sur l'eau d'une cuvette pourrait difficilement comprendre que ce joujou
renferme le secret du mécanisme de l'univers et du mouvement des mondes. Il en est de
même de celui qui ne connaît du spiritisme que le mouvement des tables; il n'y voit qu'un
amusement, qu'un passe-temps de société, et ne comprend pas que ce phénomène si simple et
si vulgaire, connu de l'antiquité et même des peuples à demi sauvages, puisse se rattacher aux
questions les plus graves de l'ordre social. Pour l'observateur superficiel, en effet, quel rapport
une table qui tourne peut-elle avoir avec la morale et l'avenir de l'humanité? Mais quiconque
réfléchit, se rappelle que de la simple marmite qui, elle aussi, a bouilli de toute antiquité, est
sorti le puissant moteur avec lequel l'homme franchit l'espace et supprime les distances. Eh
bien! vous, qui ne croyez à rien en dehors du monde matériel, sachez donc que de cette table
qui tourne et provoque vos sourires dédaigneux, est sortie toute une science ainsi que la
solution des problèmes qu'au-
475
476
CONCLUSION
cune philosophie n'avait encore pu résoudre. J'en appelle à tous les adversaires de bonne foi,
et je les adjure de dire s'ils se sont donné la peine d'étudier ce qu'ils critiquent; car, en bonne
logique, la critique n'a de valeur qu'autant que celui qui la fait connait ce dont il parle. Se
railler d'une chose qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas sondée avec le scalpel de l'observateur
consciencieux, ce n'est pas critiquer, c'est faire preuve de légèreté et donner une pauvre idée
de son propre jugement. Assurément, si nous eussions présenté cette philosophie comme
étant l'oeuvre d'un cerveau humain, elle eut rencontré moins de dédains, et aurait eu les
honneurs de l'examen de ceux qui prétendent diriger l'opinion; mais elle vient des Esprits
quelle absurdité C'est à peine si elle mérite un de leurs regards; on la juge sur le titre, comme
le singe de la fable jugeait la noix sur l'écorce. Faites, si vous le voulez, abstraction de
l'origine supposez que ce livre soit l'oeuvre d'un homme, et dites en votre âme et conscience
si, après l'avoir lu sérieusement, vous y trouvez matière à raillerie.
II
Le spiritisme est l'antagoniste le plus redoutable du matérialisme; il n'est donc pas étonnant
qu'il ait les matérialistes pour adversaires mais comme le matérialisme est une doctrine que
l'on ose à peine avouer (preuve que ceux qui la professent ne se croient pas bien forts, et qu'ils
sont dominés par leur conscience), il se couvre du manteau de la raison et de la sciènce; et,
chose bizarre, les plus sceptiques parlent même au nom de la religion qu'ils ne connaissent et
ne comprennent pas mieux que le
477
CONCLUSION
spiritisme. Leur point de mire est surtout le merveilleux et le surnaturel qu'ils n'admettent
pas; or, selon eux, le spiritisme, étant fondé sur le merveilleux, ne peut être qu'une
supposition ridicule. Ils ne réfléchissent pas qu'en faisant, sans restriction, le procès du
merveilleux et du surnaturel, ils font celui de la religion; en effet, la religion est fondée sur la
révélation et les miracles; or, qu'est-ce que la révélation, sinon des communications extrahumaines?
Tous les auteurs sacrés, depuis Moïse, ont parlé de ces sortes de communications.
Qu'est-ce que les miracles sinon des faits merveilleux et surnaturels par excellence, puisque
ce sont, dans le sens liturgique, des dérogations aux lois de la nature; donc, en rejetant le
merveilleux et le surnaturel, ils rejettent les bases mêmes de la religion. Mais ce n'est pas à ce
point de vue que nous devons envisager la chose. Le spiritisme n'a pas à examiner s'il y a ou
non des miracles, c'est-à-dire si Dieu a pu, dans certains cas, déroger aux lois éternelles qui
régissent l'univers il laisse, à cet égard, toute liberté de croyance; il dit et il prouve que les
phénomènes sur lesquels il s'appuie n'ont de surnaturel que l'apparence; ces phénomènes ne
sont tels aux yeux de certaines gens que parce qu'ils sont insolites et en dehors des faits
connus; mais ils ne sont pas plus surnaturels que tous les phénomènes dont la science donne
aujourd'hui la solution, et qui paraissaient merveilleux à une autre époque. Tous les
phénomènes spirites. sans exception, sont la conséquence de lois générales; ils nous révèlent
une des puissances de la nature, puissance inconnue, ou pour mieux dire incomprise jusqu'ici,
mais que l'observation démontre être dans l'ordre des choses. Le spiritisme repose
478
CONCLUSION
donc moins sur le merveilleux et le surnaturel que la religion elle-même; ceux qui l'attaquent
sous ce rapport, c'est donc qu'ils ne le connaissent pas, et fussent-ils les hommes les plus
savants, nous leur dirons: si votre science, qui vous a appris tant de choses, ne vous a pas
appris que le domaine de la nature est infini, vous n'êtes savants qu'à demi.
III
Vous voulez, dites-vous, guérir votre siècle d'une manie qui menace d'envahir le monde.
Aimeriez-vous mieux que le monde fût envahi par l'incrédulité que vous cherchez à
propager? N'est-ce pas à l'absence de toute croyance qu'il faut attribuer le relâchement des
liens de famille et la plupart des désordres qui minent la société? En démontrant l'existence et
l'immortalité de l'âme, le spiritisme ranime la foi en l'avenir, relève les courages abattus, fait
supporter avec résignation les vicissitudes de la vie; oseriez-vous appeler cela un mal? Deux
doctrines sont en présence: l'une qui nie l'avenir, l'autre qui le proclame et le prouve; l'une qui
n'explique rien, l'autre qui explique tout et par cela même s'adresse à la raison; l'une est la
sanction de l'égoïsme, l'autre donne une base à la justice, à la charité et à l'amour de ses
semblables; la première ne montre que le présent et anéantit toute espérance, la seconde
console et montre le vaste champ de l'avenir; quelle est la plus pernicieuse?
Certaines gens, et parmi les plus sceptiques, se font les apôtres de la fraternité et du progrès;
mais la fraternité suppose le désintéressement, l'abnégation de la personnalité avec la
véritable fraternité,
479
CONCLUSION
l'orgueil est une anomalie. De quel droit imposez-vous un sacrifice à celui à qui vous dites
que quand il est mort tout est fini pour lui que demain peut-être il ne sera pas plus qu'une
vieille machine dis-loquée et jetée à la borne? Quelle raison a-t-il de s’imposer une privation
quelconque? N'est-il pas plus naturel que pendant les courts instants que vous lui accordez, il
cherche à vivre le mieux possible? De là, le désir de posséder beaucoup pour mieux jouir; de
ce désir naît la jalousie contre ceux qui possèdent plus que lui; et de cette jalousie à l'envie de
prendre ce qu'ils ont, il n'y a qu'un pas. Qu'est-ce qui le retient? Est-ce la loi? Mais la loi
n'atteint pas tous les cas. Direz-vous que c'est la conscience, le sentiment du devoir? Mais sur
quoi basez-vous le sentiment du devoir? Ce sentiment a-t-il une raison d'être avec la croyance
que tout finit avec la vie? Avec cette croyance une seule maxime est rationnelle: chacun pour
soi; les idées de fraternité, de conscience, de devoir, d'humanité, de progrès même, ne sont
que de vains mots. Oh! vous qui proclamez de semblables doctrines, vous ne savez pas tout le
mal que vous faites à la société, ni de combien de crimes vous assumez la responsabilité!
Mais que parlé-je de responsabilité? Pour le sceptique, il n'y en a point; il ne rend hommage
qu'à la matière.
IV
Le progrès de l'humanité a son principe dans l'application de la loi de justice, d'amour et de
charité; cette loi est fondée sur la certitude de l'avenir; ôtez cette certitude, vous lui ôtez sa
pierre fondamentale. De cette loi dérivent toutes les autres, car elle ren-
480
CONCLUSION
ferme toutes les conditions du bonheur de l'homme; elle seule peut guérir les plaies de la
société, et il peut juger, par la comparaison des âges et des peuples, combien sa condition
s'améliore à mesure que cette loi est mieux colliprise et mieux pratiquée. Si une application
partielle et incomplète produit un bien réel, que sera-ce donc quand il en aura fait la base de
toutes ses institutions sociales Cela est-il possible? Oui; car puisqu'il a fait dix pas, il peut en
faire vingt, et ainsi de suite. On peut donc juger de l'avenir par le passé. Déjà, nous voyons
s'éteindre peu à peu les antipathies de peuple à peuple; les barrières qui les séparaient
s'abaissent devant la civilisation; ils se donnent la main d'un bout du monde àl'autre; une plus
grande justice préside aux lois internationales; les guerres deviennent de plus en plus rares, et
elles n'excluent point les sentiments d'humanité; l'uniformité s'établit dans les relations; les
distinctions de races et de castes s'effacent, et les hommes de croyances différentes font taire
les préjugés de sectes pour se confondre dans l'adoration d'un seul Dieu. Nous parlons des
peuples qui marchent à la tête de la civilisation (789-793). Sous tous ces rapports, on est
encore loin de la perfection, et il y a encore bien des vieilles ruines à abattre, jusqu'à ce
qu'aient disparu les derniers vestiges de la barbarie; mais ces ruines pourront-elles tenir contre
la puissance irrésistible du progrès, contre cette force vive qui est elle-même une loi de la
nature? Si la génération présente est plus avancée que la génération passée, pourquoi celle qui
nous succédera ne le serait-elle pas plus que la nôtre? Elle le sera par la force des choses;
d'abord, parce qu'avec les générations s'éteignent chaque jour quelques champions des vieux
abus, et qu'ainsi la société se forme peu à
481
CONCLUSION
peu d'éléments nouveaux qui se sont dépouillés des vieux préjugés; en second lieu, parce que
l'homme voulant le progrès, il étudie les obstacles et s'attache à les renverser. Dès lors que le
mouvement progressif est incontestable, le progrès à venir ne saurait être douteux. L'homme
veut être heureux, c'est dans la nature; or, il ne cherche le progrès que pour augmenter la
somme de son bonheur, sans cela le progrès serait sans objet; où serait le progrès pour lui, si
ce progrès ne devait pas améliorer sa position? Mais quand il aura la somme de jouissances
que peut donner le progrès intellectuel, il s'apercevra qu'il n'a pas le bonheur complet; il
reconnaîtra que ce bonheur est impossible sans la sécurité des relations sociales; et cette
sécurité, il ne peut la trouver que dans le progrès moral; donc, par la force des choses, il
poussera lui-même le progrès dans cette voie, et le spiritisme lui offrira le plus puissant levier
pour atteindre ce but.
V
Ceux qui disent que les croyances spirites menacent d'envahir le monde, en proclament par
cela même la puissance, car une idée sans fondement et dénuée de logique ne saurait devenir
universelle; si donc le spiritisme s'implante partout, s'il se recrute surtout dans les classes
éclairées, ainsi que chacun le reconnaît, c'est qu'il a un fond de vérité. Contre cette tendance,
tous les efforts de ses détracteurs seront vains, et ce qui le prouve, c'est que le ridicule même
dont ils ont cherché à le couvrir, loin d'en arreter l'essor, semble lui avoir donné une
nouvelle
482
CONCLUSION
vie. Ce résultat justifie pleinement ce que nous ont maintes fois dit les Esprits: « Ne vous
inquiétez pas de l'opposition, tout ce que l'on fera contre vous tournera pour vous, et vos plus
grands adversaires serviront votre cause sans le vouloir. Contre la volonté de Dieu, la
mauvaise volonté des hommes ne saurait prévaloir. »
Par le spiritisme, l'humanité doit entrer dans une phase nouvelle, celle du progrès moral qui
en est la conséquence inévitable. Cessez donc de vous étonner de la rapidité avec laquelle se
propagent les idées spirites ; la cause en est dans la satisfaction qu'elles procurent à tous ceux
qui les approfondissent, et qui y voient autre chose qu'un futile passe-temps; or, comme on
veut son bonheur avant tout, il n'est pas étonnant qu'on s'attache à une idée qui rend heureux.
Le développement de ces idées présente trois périodes distinctes la première est celle de la
curiosité provoquée par l'étrangeté des phénomènes qui se sont produits; la seconde, celle du
raisonnement et de la philosophie; la troisième, celle de l'application et des conséquences. La
période de la curiosité est passée; la curiosité n'a qu'un temps : une fois satisfaite, on en quitte
l'objet pour passer à un autre; il n'en est pas de même de ce qui s'adresse à la pensée sérieuse
et au jugement. La seconde période a commencé, la troisième suivra inévitablement. Le
Spiritisme a surtout progressé depuis qu'il est mieux compris dans son essence intime, depuis
qu'on en voit la portée, parce qu'il touche à la corde la plus sensible de l'homme: celle de son
bonheur, même en ce monde; là est la cause de sa propagation. le secret de la force qui le fera
triompher. Il
483
CONCLUSION
rend heureux ceux qui le comprennent, en attendant que son influence s'étende sur les masses.
Celui même qui n'a été témoin d'aucun phénomène matériel de manifestations se dit: en
dehors de ces phénomènes, il y a la philosophie; cette philosophie m'explique ce que NULLE
autre ne m'avait expliqué; j'y trouve, par le seul raisonnement, une démonstration rationnelle
des problèmes qui intéressent au plus haut point mon avenir; elle me procure le calme, la
sécurité, la confiance; elle me délivre du tourment de l'incertitude: à côté de cela, la question
des faits matériels est une question secondaire. Vous tous qui l'attaquez, voulez-vous un
moyen de le combattre avec succès? Le voici. Remplacez-le par quelque chose de mieux;
trouvez une solution PLUS PHILOSOPHIQUE à toutes les questions qu'il résout donnez à
l'homme une AUTRE CERTITUDE qui le rende plus heureux, et comprenez bien la portée de
ce mot certitude, car l'homme n'accepte comme certain que ce qui lui paraît logique; ne vous
contentez pas de dire cela n'est pas, c'est trop facile; prouvez, non par une négation, mais par
des faits, que cela n'est pas. n'a jamais été et ne PEUT pas être; si cela n'est pas, dites surtout
ce qu'il y aurait à la place; prouvez enfin que les conséquences du spiritisme ne sont pas de
rendre les hommes meilleurs, et partant plus heureux, par la pratique de la plus pure morale
évangélique. morale qu'on loue beaucoup. mais qu'on pratique si peu. Quand vous aurez fait
cela, vous aurez le droit de l'attaquer. Le spiritisme est fort parce qu'il s'appuie sur les bases
mêmes de la religion: Dieu, l'âme, les peines et les récompenses futures; parce que surtout, il
montre ces peines et ces récompenses comme des conséquences naturelles de la vie terrestre,
et que rien, dans le
484
CONCLUSION
tableau qu'il offre de l'avenir, ne peut être désavoué par la raison la plus exigeante. Vous, dont
toute la doctrine consiste dans la négation de l'avenir, quelle compensation offrez-vous pour
les souffrances d'icibas? Vous vous appuyez sur l'incrédulité, il s'appuie sur la confiance en
Dieu tandis qu'il convie les hommes au bonheur, à l'espérance, à la véritable fraternité, vous,
vous lui offrez le NEANT pour perspective, et l'EGOISME pour consolation; il explique tout,
vous n'expliquez rien; il prouve par les faits, et vous ne prouvez rien; comment voulez-vous
qu on balance entre les deux doctrines?
VI
Ce serait se faire une bien fausse idée du spiritisme de croire qu'il puise sa force dans la
pratique des manifestations matérielles et qu'ainsi en entravant ces manifestations on peut le
miner dans sa base. Sa force est dans sa philosophie, dans l'appel qu'il fait à la raison, au bon
sens. Dans l'antiquité, il était l'objet d'études mystérieuses, soigneusement cachées au
vulgaire; aujourd'hui, il n'a de secrets pour personne; il parle un langage clair, sans ambiguïté;
chez lui, rien de mystique, point d'allégories susceptibles de fausses interprétations: il veut
être compris de tous, parce que le temps est venu de faire connaître la vérité aux hommes;
loin de s'opposer à la diffusion de la lumière, il la veut pour tout le monde; il ne réclame pas
une croyance aveugle, il veut que l'on sache pourquoi l'on croit; en s appuyant sur la raison, il
sera toujours plus fort que ceux qui s'appuient sur le néant. Les entraves que
485
CONCLUSION
l’on tenterait d'apporter à la liberté des manifestations pourraient-elles les étouffer? Non, car
elles produiraient l'effet de toutes les persécutions: celui d'exciter la curiosité et le désir de
connaître ce qui serait défendu. D'un autre côté, si les manifestations spirites étaient le
privilège d'un seul homme, nul doute qu'en mettant cet homme de côté, on ne mit fin aux
manifestations; malheureusement pour les adversaires, elles sont à la disposition de tout le
monde, et l'on en use depuis le plus petit jusqu'au plus grand, depuis le palais jusqu'à la
mansarde. On peut en interdire l'exercice public; mais on sait précisément que ce n'est pas en
public qu'elles se produisent le mieux: c’est dans l'intimité; or, chacun pouvant être médium,
qui peut empêcher une famille dans son intérieur, un individu dans le silence du cabinet, le
prisonnier sous les verrous, d'avoir des communications avec les Esprits. à l'insu et à la face
même des sbires? Si on les interdit dans un pays, les empêchera-t-on dans les pays voisins,
dans le monde entier, puisqu'il n'y a pas une contrée, dans les deux continents, où il n'y ait des
médiums? Pour incarcérer tous les médiums, il faudrait incarcérer la moitié du genre humain;
en vint-on même, ce qui ne serait guère plus facile, à brûler tous les livres spirites, que le
lendemain ils seraient reproduits, parce que la source en est inattaquable, et qu'on nè peut ni
incarcérer ni brûler les Esprits qui en sont les véritables auteurs.
Le spiritisme n'est pas l'oeuvre d'un homme; nul ne peut s'en dire le créateur, car il cst aussi
ancien que la création; il se trouve partout, dans toutes les religions et dans la religion
catholique plus encore, et avec plus d'autorité que dans toutes les autres, car on y trouve le
principe de tout: les Esprits de
486
CONCLUSION
tous les degrés, leurs rapports occultes et patents avec les hommes, les anges gardiens, la
réincarnation, l'émancipation de l'âme pendant la vie, la double vue, les visions, les
manifestations de tout genre, les apparitions et même les apparitions tangibles. A l'égard des
démons, ce ne sont autre chose que les mauvais Esprits et, sauf la croyance que les premiers
sont voués au mal à perpétuité, tandis que la voie du progrès n'est pas interdite aux autres, il
n'y a entre eux qu'une différence de nom.
Que fait la science spirite moderne? Elle rassemble en un corps ce qui était épars; elle
explique en termes propres ce qui ne l'était qu'en langage allégorique elle élague ce que la
superstition et l'ignorance ont enfanté pour ne laisser que la réalité et le positif: voilà son rôle
mais celui de fondatrice ne lui appartient pas; elle montre ce qui est, elle coordonne, mais elle
ne crée rien, car ses bases sont de tous les temps et de tous les lieux; qui donc oserait se croire
assez fort pour l'étouffer sous les sarcasmes et même sous la persécution? Si on la proscrit
d'un côté, elle renaîtra en d'autres lieux, sur le terrain même d'où on l'aura bannie. parce
qu'elle est dans la nature et qu'il n'est pas donné à l'homme d'anéantir une puissance de la
nature, ni de mettre son veto sur les décrets de Dieu.
Quel intérêt, du reste, aurait-on à entraver la propagation des idées spirites? Ces idées, il est
vrai, s'élèvent contre les abus qui naissent de l'orgueil et de l'égoïsme; mais ces abus, dont
quelques-uns profitent, nuisent à îa masse; il aura donc pour lui la masse et n'aura pour
adversaires sérieux que ceux qui sont intéressés à maintenir ces abus. Par leur
487
CONCLUSION
influence, au contraire, ces idées, rendant les hommes meilleurs les uns pour les autres, moins
avides des intérêts matériels et plus résignés aux décrets de la Providence, sont un gage
d'ordre et de tranquillité.
VII
Le spiritisme se présente sous trois aspects différents: le fait des manifestations, les principes
de philosophie et de morale qui en découlent et l'application de ces principes; de là, trois
classes, ou plutôt trois degrés parmi les adeptes: 1º ceux qui croient aux manifestations et se
bornent à les constater: c'est pour eux une science d'expérimentation 2º ceux qui en
comprennent les conséquences morales; 3º ceux qui pratiquent ou s'efforcent de pratiquer
cette morale. Quel que soit le point de vue, scientifique ou moral, sous lequel on envisage ces
phénomènes étranges. chacun comprend que c'est tout un nouvel ordre d'idées qui surgit, dont
les conséquences ne peuvent être qu'une profonde modification dans l'état de l'humanité, et
chacun comprend aussi que cette modification ne peut avoir lieu que dans le sens du bien.
Quant aux adversaires, on peut aussi les classer en trois catégories: 1º ceux qui nient par
système tout ce qui est nouveau ou ne vient pas d'eux, et qui en parlent sans connaissance de
cause. A cette classe, appartiennent tous ceux qui n'admettent rien en dehors du témoignage
des sens; ils n'ont rien vu, ne veulent rien voir, et encore moins approfondir; ils seraient
même fâchés de voir trop clair, de peur d'être forcés de convenir qu'ils n'ont pas raison; pour
eux, le spiritisme est une chimère, une folie, une
488
CONCLUSION
utopie, il n'existe pas: c'est plus tôt dit. Ce sont les incrédules de parti pris. A côté d'eux, on
peut placer ceux qui ont daigné jeter un coup d'oeil pour l'acquit de leur conscience, afin de
pouvoir dire: J'ai voulu voir et je n'ai rien vu; ils ne comprennent pas qu'il faille plus d'une
demi-heure pour se rendre compte de toute une science. - 2º Ceux qui, sachant très bien à
quoi s'en tenir sur la réalité des faits, les combattent néanmoins par des motifs d'intérêt
personnel. Pour eux, le spiritisme existe, mais ils ont peur de ses conséquences; ils l'attaquent
comme un ennemi. - 3º Ceux qui trouvent dans la morale spirite une censure trop sévère de
leurs actes ou de leurs tendances. Le spiritisme pris au sérieux les gênerait; ils ne rejettent ni
n'approuvent ils préfèrent fermer les yeux. Les premiers sont sollicités par l'orgueil et la
présomption; les seconds par l'ambition; les troisièmes, par l'égoîsme. On conçoit que ces
causes d'opposition, n'ayant rien de solide, doivent disparaître avec le temps, car nous
chercherions en vain une quatrième classe d'antagonistes, celle qui s'appuierait sur des
preuves contraires patentes, et attestant une étude consciencieuse et laborieuse de la
question; tous n opposent que la négation, aucun n'apporte de démonstration sérieuse et
irréfutable.
Ce serait trop présumer de la nature humaine de croire qu'elle puisse se transformer
subitement par les idées spirites. Leur action n'est assurément ni la même, ni au même degré
chez tous ceux qui les professent ; mais, quel qu'il soit, le résultat, tant faible soit-il, est
toujours une amélioration, ne fût-ce que de donner la preuve de l'existence d'un monde
extracorporel, ce qui implique la négation des doctrines matérialistes. Ceci est la conséquence
même de l'ob-
489
CONCLUSION
servation des faits; mais chez ceux qui comprennent le spiritisme philosophique et y voient
autre chose que des phénomènes plus ou moins curieux, il a d'autres effets; le premier, et le
plus général, est de développer le sentiment religieux chez celui même qui, sans être
matérialiste, n'a que de l'indifférence pour les choses spirituelles. Il en résulte chez lui le
mépris de la mort; nous ne disons pas le désir de la mort, loin de là, car le spirite défendra sa
vie comme un autre, mais une indifférence qui fait accepter, sans murmure et sans regret, une
mort inévitable, comme une chose plutôt heureuse que redoutable, par la certitude de l'état
qui lui succède. Le second effet, presque aussi général que le premier, est la résignation dans
les vicissitudes de la vie. Le spiritisme fait voir les choses de si haut, que la vie terrestre
perdant les trois quarts de son importance, on ne s'affecte plus autant des tribulations qui
l'accompagnent: de là, plus de courage dans les afflictions, plus de modération dans les
désirs; de là aussi l'éloignement de la pensée d'abréger ses jours, car la science spirite apprend
que, par le suicide, on perd toujours ce qu'on voulait gagner. La certitude d'un avenir qu'il
dépend de nous de rendre heureux, la possibilité d'établir des rapports avec des êtres qui nous
sont chers, offrent au spirite une supême consolation; son horizon grandit jusqu'à l'infini par
le spectacle incessant qu'il a de la vie d'outre-tombe. dont il peut sonder les mystérieuses
profondeurs. Le troisième effet est d'exciter à l'indulgence pour les défauts d'autrui; mais, il
faut bien le dire, le principe égoïste et tout ce qui en découle sont ce qu'il y a de plus tenace
en l'homme et, par conséquent, de plus difficile à déraciner; on fait volontiers des sacrifices,
pourvu qu'ils ne coûtent rien, et surtout ne privent
490
CONCLUSION
de rien; l'argent a encore pour le plus grand nombre un irrésistible attrait, et bien peu
comprennent le mot superflu, quand il s'agit de leur personne; aussi, l'abnégation de la
personnalité est-elle le signe du progrès le plus éminent.
VIII
Les Esprits, disent certaines personnes, nous enseignent-ils une morale nouvelle, quelque
chose de supérieur à ce qu'a dit le Christ? Si cette morale n'est autre que celle de l'Evangile, à
quoi bon le spiritisme? Ce raisonnement ressemble singulièrement à celui du calife Omar
parlant de la bibliothèque d'Alexandrie: « Si elle ne contient, disait-il, que ce qu'il y a dans le
Koran elle est inutile, donc il faut la brûler; si elle renferme autre chose, elle est mauvaise,
donc il faut encore la brûler. » Non, le spiritisme ne renferme pas une morale différente de
celle de Jésus; mais nous demanderons à notre tour si, avant le Christ, les hommes n'avaient
pas la loi donnée par Dieu à Moîse? Sa doctrine ne se trouve-t-elle pas dans le Dècalogue?
Dira-t-on pour cela que la morale de Jésus était inutile? Nous demanderons encore à ceux qui
dénient l'utilité de la morale spirite, pourquoi celle du Christ est si peu pratiquée, et pourquoi
ceux-là mêmes qui en proclament à juste titre la sublimité sont les premiers à violer la
première de ses lois: La Charité universelte. Les Esprits viennent non seulement la
confirmer, mais ils nous en montrent l'utilité pratique; ils rendent intelligibles et patentes des
vérités qui n'avaient été enseignées que sous la forme allégorique; et à côté de la morale, ils
viennent définir les problèmes les plus abstraits de la psychologie.
491
CONCLUSION
Jésus est venu montrer aux hommes la route du vrai bien; pourquoi Dieu, qui l'avait envoyé
pour rappeler sa loi méconnue, n'enverrait-il pas aujourd'hui les Esprits pour la leur rappeler
de nouveau et avec plus de précision. alors qu'ils l'oublient pour tout sacrifier à l'orgueil et à
la cupidité? Qui oserait poser des bornes à la puissance de Dieu et lui tracer ses voies? Qui dit
que, comme l'affirment les Esprits. les temps prédits ne sont pas accomplis, et que nous ne
touchons pas à ceux où des vérités mal comprises ou faussement interprétées doivent être
ostensiblement révélées au genre humain pour hâter son avancement? N'y a-t-il pas quelque
chose de providentiel dans ces manifestations qui se produisent simultanément sur tous les
points du globe? Ce n'est pas un seul homme, un prophète qui vient nous avertir, c'est de
partout que la lumière surgit; c'est tout un monde nouveau qui se déroule à nos yeux. Comme
l'invention du microscope nous a découvert le monde des infiniment petits que nous ne
soupçonnions pas; comme le télescope nous a découvert les milliers de mondes que nous ne
soupçonnions pas davantage. les communications spirites nous révèlent le monde invisible
qui nous entoure, nous coudoie sans cesse, et prend à notre insu part à tout ce que nous
faisons. Quelque temps encore et l'existence de ce monde. qui est celui qui nous attend. sera
aussi incontestable que celle du monde microscopique et des globes perdus dans l'espace.
N'est-ce donc rien que de nous avoir fait connaître tout un monde; de nous avoir initiés aux
mystères de la vie d'outre-tombe? Il est vrai que ces découvertes, si l'on peut y donner ce
nom, contrarient quelque peu certaines idées reçues; mais est-ce que toutes les grandes
découvertes scientifiques n'ont pas également modi-
492
CONCLUSION
fié, bouleversé même les idées les plus accréditées, et n'a-t-il pas fallu que notre amourpropre
se courbât devant l'évidence? Il en sera de même à l'égard du spiritisme et, avant peu,
il aura droit de cité parmi les connaissances humaines.
Les communications avec les êtres d'outre-tombe ont eu pour résultat de nous faire
comprendre la vie future, de nous la faire voir, de nous initier aux peines et aux jouissances
qui nous y attendent selon nos mérites, et par cela même de ramener au spiritualisme ceux qui
ne voyaient en nous que de la matière, qu'une machine organisée; aussi avons-nous eu raison
de dire que le spiritisme a tué le matérialisme par les faits. N'eût-il produit que ce résultat,
l'ordre social lui en devrait de la reconnaissance mais il fait plus il montre les inévitables
effets du mal et, par conséquent, la nécessité du bien. Le nombre de ceux qu'il a ramenés à
des sentiments meilleurs, dont il a neutralisé les tendances mauvaises et détourné du mal, est
plus grand qu'on ne croit, et s'augmente tous les jours; c'est que pour eux l'avenir n'est plus
dans le vague; ce n'est plus une simple espérance, c'est une vérité que l'on comprend, que l'on
s'explique, quand on voit et qu'on entend ceux qui nous ont quittés se lamenter ou se féliciter
de ce qu'ils ont fait sur la terre. Quiconque en est témoin se prend à réfléchir, et sent le besoin
de se connaître, de se juger et de s'amender.
IX
Les adversaires du spiritisme n'ont pas manqué de s'armer contre lui de quelques divergences
d'opinions sur certains points de la doctrine. Il n'est pas
493
CONCLUSION
étonnant qu'au début d'une science, alors que les observations sont encore incomplètes, et que
chacun l'envisage à son point de vue, des systèmes contradictoires aient pu se produire; mais
déjà les trois quarts de ces systèmes sont, aujourd'hui, tombés devant une étude plus
approfondie, à commencer par celui qui attribuait toutes les communications à l'Es-prit du
mal, comme s'il eut été impossible à Dieu d'envoyer aux hommes de bons Esprits: doctrine
absurde, parce qu'elle est démentie par les faits impie, parce qu'elle est la négation de la
puissance et de la bonté du Créateur. Les Esprits nous ont toujours dit de ne pas nous
inquiéter de ces divergences et que l'unité se ferait: or, l'unité s'est déjà faite sur la plupart des
points, et les divergences tendent chaque jour à s'effacer. A cette question En attendant que
l'unité se fasse, sur quoi l'homme impartial et désintéressé peut-il se baser pour porter un
jugement? Voici leur réponse:
« La lumière la plus pure n'est obscurcie par aucun nuage; le diamant sans tache est celui qui
a le plus de valeur; jugez donc les Esprits à la pureté de leur enseignement. N'oubliez pas que
parmi les Esprits il y en a qui n'ont point encore dépouillé les idées de la vie terrestre ; sachez
les distinguer à leur langage; jugez-les par l'ensemble de ce qu'ils vous disent; voyez s'il y a
enchaînement logique dans les idées; si rien n'y décèle l'ignorance, l'orgueil, ou la
malveillance; en un mot, si leurs paroles sont toujours empreintes du cachet de sagesse qui
décèle la véritable supériorité. Si votre monde était inaccessible à l'erreur, il serait parfait, et il
est loin de là vous en êtes encore à apprendre à distinguer l'erreur de la vérité; il vous faut des
leçons de l'expérience pour exercer votre jugement et vous faire avancer.
494
CONCLUSION
L'unité se fera du, côté où le bien n'a jamais été mélangé au mal; c'est de ce côté que les
hommes se rallieront par la force des choses, car ils jugeront que là est la vérité.
» Qu'importent, d'ailleurs, quelques dissidences, qui sont plus dans la forme que dans le fond!
Remarquez que les principes fondamentaux sont partout les mêmes et doivent vous unir dans
une pensee commune: l'amour de Dieu et la pratique du bien. Quels que soient donc le mode
de progression que l'on suppose ou les conditions normales de l'existence future, le but final
est le même: faire le bien; or, il n'y a pas deux manières de le faire. »
Si, parmi les adeptes du spiritisme, il en est qui diffèrent d'opinion sur quelques points de la
théorie. tous s'accordent sur les points fondamentaux; il y a donc unité, si ce n'est de la part de
ceux, en très petit nombre, qui n'admettent pas encore l'intervention des Esprits dans les
manifestations, et qui les attribuent, ou à des causes purement physiques, ce qui est contraire
à cet axiome que: Tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente; ou au reflet de notre
propre pensée, ce qui est démenti par les faits. Les autres points ne sont que secondaires et
n'attaquent en rien les bases fondamentales. Il peut donc y avoir des écoles qui cherchent à
s'éclairer sur les parties encore controversées de la science; il ne doit pas y avoir de sectes
rivales les unes des autres; il n'y aurait antagonisme qu'entre ceux qui veulent le bien et ceux
qui feraient ou voudraient le mal: or, il n'est pas un spirite sincère et pénétré des grandes
maximes morales enseignées par les Esprits qui puisse vouloir le mal, ni souhaiter le mal
495
CONCLUSION
de son prochain, sans distinction d'opinion. Si l'une d'elles est dans l'erreur, la lumière, tôt ou
tard, se fera pour elle, si elle la cherche de bonne foi et sans prévention; en attendant, toutes
ont un lien commun qui doit les unir dans une même pensée; toutes ont un même but; peu
importe donc la route, pourvu que cette route y conduise; nulle ne doit s'imposer par la
contrainte matérielle ou morale et celle-là seule serait dans le faux qui jetterait l'anathème à
l'autre, car elle agirait évidemment sous l'influence de mauvais Esprits. La raison doit ètre le
suprême argument, et la modération assurera mieux le triomphe de la vérité que les diatribes
envenimées par l'envie et la jalousie. Les bons Esprits ne prêchent que l'union et l'amour du
prochain et, jamais, une pensée malveillante ou contraire à la charité n'a pu venir d'une source
pure. Ecoutons sur ce sujet, et pour terminer, les conseils de l'Esprit de saint Augustin.
« Assez longtemps, les hommes se sont entre-déchirés et renvoyé l'anathème au nom d'un
Dieu de paix et de miséricorde, et Dieu s'offense d'un tel sacrilège. Le spiritisme est le lien
qui les unira un jour, parce qu'il leur montrera où est la vérité et où est l'erreur; mais il y aura
longtemps encore des scribes et des pharisiens qui le dénieront, comme ils ont dénié le Christ.
Voulez-vous donc savoir sous l'influence de quels Esprits sont les diverses sectes qui se
partagent le monde? Jugez-les à leurs oeuvres et à leurs principes. Jamais, les bons Esprits
n'ont été les instigateurs du mal; jamais, ils n'ont conseillé ni légitimé le meurtre et la
violence; jamais, ils n'ont excité les haines des partis ni la soif des richesses et des honneurs,
ni l'avidité des biens de la terre; ceux-là, seuls, qui sont bons, humains et
496
bienveillants pour tout le monde, sont leurs préférés et sont aussi les préférés de Jésus, car ils
suivent la route qu'il leur a montrée pour arriver à lui. »
------------------
TABLE DES MATIERES
------------------
LIVRE PREMIER
LES CAUSES PREMIERES
CHAPITRE I. - DIEU
Dieu et l’infini
Preuves d l’existence de Dieu
Attributs de la Divinité
Panthéisme
CHAP. II. - ELÉMENTS GÉNERAUX DE L’UNIVERS
Connaissance du principe des choses
Esprit et matière
Propriétés de la matière
Espace universel
CHAP. III - CRÉATION
Formation des mondes
Formation des êtres vivants
Peuplement de la terre. Adam
Diversité des races humaines
Pluralité des mondes
Consideration et concordances bibliques touchant la création
CHAP. IV. - PRINCIPE VITAL
Etres organiques et inorganiques
La Vie et la Mort
Intelligence et instinct
TABLE DES MATIERES
LIVRE DEUXIEME
MONDE SPIRITE OU DES ESPRITS
CHAPITRE I. - DES ESPRITS
Origine et nature des Esprits
Monde normal primitif
Forme et ubiquité des Esprits
Périsprit
Différents ordres d’Éprits
Echelle spirite
Progression des Esprits
Anges et démons
CHAP. II. - INCARNATION DES ESPRITS
But de l’incarnation
De l’Ame
Matérialisme
CHAP. III. - RETOUR DE LA VIE CORPORELLE A LA VIE SPIRITUELLE
L’Ame après la mort, son individualité. - Vie éternelle
Séparation de lâme et du corps
Trouble spirite
CHAP. IV. - PLURALITÉ DES EXISTENCES
De la Réincarnation
Justice de la Réincarnation
Incarnation dans les différents mondes
Transmigration progressive
Sort des enfants après la mort
Sexes ches les Esprits
Parenté, filiation
Similitudes physiques et morales
Idées innées
CHAP. V. - CONSIDÉRATIONS SUR LA PLURALITÉ DES EXISTENCES
CHAP. VI. - VIE SPIRITE
Esprits errants
Mondes transitoires
Perceptions, sensations et souffrances des Esprits
Essai théorique sur la sensation chez les Esprits
Choix des épreuves
Relations d’outre-tombe
Rapports sympathiques et antipathiques des Esprits. Moitiés éternelles
Souvenir de l’existence corporelle
Commémoration des morts; funéreailles
CHAP. VII - RETOUR A LA VIE CORPORELLE
Préludes du retour
Union de l’âme et du corps. Avortement
Facultés morales et intellectuelles
Influence de l’organisme
Idiotisme, folie
De l’enfance
Sympathies et antipathies terrestres
Oubli du passé
CHAP. VIII. - EMANCIPATION DE L’AME
Le sommeil et les Rêves
Visites spirites entre personnes vivantes
Transmission occulte de la pensée
Léthargie, catalepsie, morts apparentes
Somnambulisme
Extase
Seconde vue
Résumé théorique de somnambulisme, de l’extase et de la seconde vue
CHAP. IX. - INTERVENTION DES ESPRITS DANS LE MONDE CORPOREL
Pénétration de notre pensée par les Esprits
Influence occulte des Esprits sur nos pensées et sur nos actions
Póssédes
Convulsionnaires
Affection des Esprits pour certaines personnes
Anges gardiens. Esprits protecteurs, familiers ou sympathiques
Pressentiments
Influence des Esprits sur les événements de la vie
Action des Esprits sur les phénomènes de la nature
Les Esprits pendant les combats
Des Pactes
Pouvoir occulte. Talismans. Sorciers
Bénédiction et malédiction
CHAP. X. - OCCUPATIONS ET MISSIONS DES ESPRITS
CHAP. XI. - LES TROIS RÈGNES
Les Minéraux et les Plantes
Les Animaux et l’Homme
Métempsycose
LIVRE TROISIEME
LOIS MORALES
CHAPITRE I. - LOI DIVINE OU NATURELLE
Caractères de la loi naturelle
Connaissance de la loi naturelle
Le Bien et le Mal
Division de la loi naturelle
CHAP. II. - I. LOI D’ADORATION
But de l’adoration
Adoration extérieure
Vie contemplative
De la Prère
Polythéisme
Sacrifices
CHAP. III. - II. LOI DU TRAVAIL
Nécessité du travail
Limite du travail. - Repos
CHAP. IV. - III. LOI DE REPRODUCTION
Population du globe
Succession et perfectionnement des races
Obstacles à la reproduction
Mariage et Célibat
Polygamie
CHAP. V. - LOI DE CONSERVATION
Instinct de conservation
Moyens de consevation
Jouissance des biens terrestres
Nécessaire et superflu
Privations voluntaires. Mortifications
TABLE DES MATIERES
CHAP. VI. - V. LOI DE DESTRUCTION
Destruction nécessaire et destruction abusive
Fléaux destructeurs
Guerres
Meurtre
Crauté
Duel
Peine de mort
CHAP. VII. - VI. LOI DE SOCIÉTÉ
Nécessité de la vie sociale
Vie d’isolement. Voeu de silence.
Liens de famille
CHAP. VIII. - VII. LOI DU PROGRÈS
Etat de nature
Marche du progrès
Peuples dégénérés
Civalisation
Progrès de la legislation humaine
Influence du spiritisme sur le progrès
CHAP. IX. - VIII. LOI D’ÉGALITÉ
Egalité naturelle
Inégalité des aptitudes
Inégalités sociales
Inégalités des richesses
Epreuves de la richese et de la misère
Egalité des droits de l’homme et de la femme
Egalité devant la tombe
CHAP. X. - IX. LOI DE LIBERTÉ
Liberté naturelle
Esclavage
Liberté de penser
Liberté de conscience
Libre arbitre
Fatalité
Connaissance de l’avenir
Résumé théorique du mobile des actions de l’homme
CHAP. XI. - X. LOI DE JUSTICE, D’AMOUR ET DE CHARITÉ
Justice et droit naturel
Droit de propriété. Vol 501
Charité et amour du prochain
Amour maternel et filial
CHAP. XII. - PERFECTION MORALE
Les vertus et les vices
Des Passions
De l’Egoïsme
Caractères de l’homme de bien
Connaissance de soi-même
LIVRE QUATRIEME
ESPERANCES ET CONSOLATIONS
CHAPITRE I. - PEINES ET JOUSSANCES TERRESTRES
Bonheur et malheur relatifs
Perte des personnes aimées
Déceptions. Ingratitude. Affections brisées
Unions antipathiques
Appréhension de la mort
Dégoût de la vie. Suicide
CHAP. II. - PEINES ET JOUISSANCES FUTURES
Néant. Vie future.
Intuition des peines et des jouissances futures
Intervention de Dieu dans les peines et récompenses
Nature des peines et des jouissances futures
Peines temporelles
Expiation et repentir
Durée des peines futures
Résurrection de la chair
Paradis, enfer, purgatoire
DEBUT DU LIVRE




LE LIVRE DES ESPRITS par ALLAN KARDEC (suite) (Spiritualité, Nouvel-Age - Médiums - Voyants)    -    Auteur : Eddy - France


2844 visiteurs depuis 2006-05-30
dernière mise à jour : 2007-01-28

Créez vous aussi votre propre site !
Espace réservé à l'auteur du site
Mot de passe :
Mot de passe oublié ?
Blogs / Pages perso  -  Zen-Blogs.com

Zen-Blogs >> Spiritualité, Nouvel-Age >> Blog #71