N'insistons pas sur ces faits. N'avons-nous pas vu se dérouler sous nos yeux, de 1914 à 1918, le drame immense, le drame vengeur, qui a laissé l'Allemagne vaincue, punie de son orgueil et de ses crimes ?
En même temps, il faut reconnaître que la France recevait une leçon terrible, due peut-être à la légèreté, à l'imprévoyance, au sensualisme d'un grand nombre de ses enfants ; mais, avec la victoire, elle retrouvait son prestige dans le monde. Ainsi s'affirmait une fois de plus la haute mission, le rôle providentiel qui lui semblent dévolus et qui consistent à proclamer et à défendre, par toutes les formes du verbe et par l'épée, le droit, la vérité, la justice !
L'Allemagne et l'Autriche, rivées dans un pacte et une complicité farouches, avaient rêvé l'hégémonie de l'Europe et la domination du monde : l'une sur l'Orient, l'autre sur l'Occident. Dans la poursuite de leur but, elles ont foulé aux pieds les engagements les plus solennels, par exemple envers la Belgique ; elles n'ont pas reculé devant les forfaits les plus odieux. Quel a été le résultat ? Après quatre ans d'une lutte acharnée, les empires centraux ont roulé dans l'abîme. L'Autriche n'est plus qu'un fantôme de nation, l'Allemagne amoindrie, ruinée, est en proie aux luttes intestines et à tous les maux économiques.
N'est-ce pas la répercussion des événements de 1870-71 ? A leur tour les Germains ont dû connaître la défaite et l'anarchie.
Jamais peut-être, dans aucune guerre, la lutte de deux principes n'a été plus évidente. D'un côté la force brutale, et de l'autre le droit et la liberté. Et ce qui prouve que Dieu ne se désintéresse pas du sort de notre petit globe : c'est que le droit a vaincu ! On peut dire que, comme les Grecs à Marathon et à Salamine, les soldats de la Marne et de Verdun, soutenus par les puissances invisibles, ont préservé l'humanité du joug du sabre et sauvé la civilisation . Tel sera le jugement impartial de l'histoire !
Oui, l'histoire est un grand enseignement. Nous pouvons lire dans ses profondeurs l'action d'une loi puissante. A travers la succession des événements, parfois, nous sentons passer comme un souffle surhumain ; au milieu de la nuit des siècles, par instants, nous voyons luire comme des éclairs, les radiations d'une pensée éternelle.
Pour les peuples comme pour les individus, il est une justice. En ce qui concerne les peuples, nous venons de la voir se manifester dans l'enchaînement des faits. Pour l'individu, il n'en est pas de même. On ne saurait suivre sa marche, surtout lorsque son action, au lieu d'être immédiate, ne s'exerce qu'à longue échéance. La réincarnation, la redescente dans la chair, le sombre capuchon de matière qui s'abat sur l'âme et fait l'oubli, nous cachent la succession des effets et des causes. Mais nous l'avons vu, particulièrement dans les phénomènes de la transe, dès que nous pouvons soulever le voile étendu sur le passé, et lire ce qui est gravé au fond de l'être humain, alors, dans l'adversité qui le frappe, dans les grandes douleurs, les revers, les afflictions poignantes, nous sommes contraints de reconnaître l'action d'une cause antérieure, d'une cause morale, et de nous incliner devant la majesté des lois qui président aux destinées des âmes, des sociétés et des mondes !
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Le plan se déroule en ses lignes formidables : Dieu envoie à l'humanité ses messies, ses révélateurs, visibles et invisibles, ses guides, ses éducateurs de tous ordres. Mais l'homme, libre dans sa pensée, dans sa conscience, les écoute ou les renie. L'homme est libre ; les incohérences sociales sont son oeuvre. Il jette sa note confuse dans le concert universel ; mais cette note discordante ne parvient pas toujours à dominer l'harmonie des siècles.
Les génies, envoyés d'en haut, brillent comme des flambeaux dans la nuit noire. Sans remonter à la plus haute antiquité, sans parler des Hermès, des Zoroastre, des Krishna, dès l'aurore des temps chrétiens, nous voyons se dresser la stature énorme des prophètes, géants qui dominent encore l'Histoire. Ce sont eux, en effet, qui préparèrent les voies au christianisme, la religion maîtresse, dont naîtra plus tard, à l'évolution des temps, la fraternité universelle. Puis nous voyons le Christ, l'homme de douleur, l'homme d'amour, dont la pensée rayonne d'une beauté impérissable, le drame du Golgotha, la ruine de Jérusalem, la dispersion des Juifs.
De ce côté de la mer bleue, l'épanouissement du génie grec, foyer d'éducation, splendeur d'art et de science, où l'humanité viendra s'éclairer. Enfin, la puissance romaine, qui apprendra au monde le droit, la discipline, la vie sociale.
Ensuite reviennent les âges de sombre ignorance, mille ans de barbarie, le remous des invasions, l'émergence des éléments farouches dans la civilisation, l'abaissement du niveau intellectuel, la nuit de la pensée. Mais Gutenberg, Christophe Colomb, Luther apparaissent. Les cathédrales gothiques s'élèvent ; des continents inconnus se révèlent, la religion se discipline. Grâce à l'imprimerie, l'idée nouvelle se répandra sur tous les points du monde. Après la Réforme viendra la Renaissance, puis les Révolutions !
Et voici qu'après bien des vicissitudes et des luttes, en dépit des persécutions religieuses, des tyrannies civiles et des inquisitions, la pensée s'émancipe. Le problème de la vie qui, avec les conceptions d'une Eglise devenue fanatique et aveugle, restait impénétrable, ce problème va s'éclairer de nouveau. Comme une étoile sur la mer brumeuse, la grande loi reparaît. Le monde va renaître à la vie de l'esprit. L'existence humaine ne sera plus une impasse obscure, mais une route largement ouverte sur l'avenir.
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Les lois de la nature et de l'histoire se complètent et s'affirment dans leur unité imposante. Une loi circulaire préside à l'évolution des êtres et des choses ; elle régit la marche des siècles et celle des humanités. Chaque destinée gravite dans un cercle immense, chaque vie décrit une orbe. Toute l'ascension humaine se divise en cycles, en spirales, qui vont s'agrandissant de façon à prendre un sens de plus en plus universel.
De même que la nature se renouvelle sans cesse en ses résurrections, depuis les métamorphoses des insectes jusqu'à la naissance et la mort des mondes, ainsi les collectivités humaines naissent, se développent et meurent en leurs formes successives. Mais elles ne meurent que pour renaître et croître en perfections, en institutions, arts et sciences, cultes et doctrines.
Aux heures de crise et d'égarement, des envoyés viennent rétablir les vérités obscurcies et remettre l'humanité dans sa voie. Et malgré l'envol des meilleures âmes humaines vers les sphères supérieures, les civilisations terrestres s'amendent et les sociétés évoluent. En dépit des maux inhérents à notre planète, malgré les besoins multiples qui nous oppriment, le témoignage des siècles nous le dit : dans leur ascension séculaire, les intelligences s'affinent, les coeurs deviennent plus sensibles ; l'humanité, dans son ensemble, monte lentement. Dès aujourd'hui, elle aspire à la paix dans la solidarité.
A chaque renaissance, l'individu replonge dans la masse. L'âme, en se réincarnant, prend un masque nouveau. Ses personnalités antérieures s'effacent pour un temps. Cependant, à travers les siècles, on reconnaît certaines grandes figures du passé. On retrouve Krishna dans le Christ et, dans un ordre moins élevé, Virgile en Lamartine, Vercingétorix en Desaix, César en Napoléon.
Dans telle mendiante aux traits altiers, au regard impérieux, accroupie sur un fumier aux portes de Rome, couverte d'ulcères et tendant la main aux passants, on aurait pu reconnaître, au siècle dernier, Messaline, d'après les indications des Esprits.
Combien d'autres âmes coupables vivent autour de nous, cachées en des corps difformes, en proie à des maux, à des infirmités qu'elles ont préparés, moulés elles-mêmes en quelque sorte, par leurs pensées, par leurs actes d'autrefois. Le docteur Pascal nous le dit :
«L'étude des vies antérieures de certains hommes, particulièrement frappés, a révélé d'étranges secrets : ici, une trahison causant un massacre est punie, des siècles plus tard, par une vie douloureuse dès l'enfance et par une infirmité portant en elle le sceau de son origine - la mutité : les lèvres qui trahirent ne peuvent plus parler ; là, un inquisiteur retourne à l'incarnation avec un corps malade dès le bas âge, dans un milieu familial éminemment hostile et avec des intuitions nettes de cruauté passée : les souffrances physiques et morales les plus aiguës le poursuivent sans répit .»
Ces cas sont plus nombreux qu'on ne le suppose. Il faut voir en eux l'application d'une inflexible règle. Tous nos actes, suivant leur nature, se traduisent par un accroissement ou une diminution de liberté. De là, pour les coupables, la renaissance en des enveloppes misérables, prisons de l'âme, images et répercussion de leur passé.
Ni les problèmes de la vie individuelle, ni ceux de la vie sociale ne s'expliquent sans cette loi des renaissances. Tout le mystère de l'être est là. Par elle, notre passé s'éclaire et l'avenir s'agrandit. Notre personnalité revêt une ampleur inattendue. Nous comprenons que nous ne sommes pas apparus d'hier dans l'univers, comme beaucoup le croient encore ; bien au contraire, notre point d'origine, notre première naissance recule dans la profondeur des temps. Nous nous sentons reliés à cette humanité par mille liens, tissés lentement à travers les siècles ; son histoire est la nôtre ; nous avons voyagé avec elle sur l'océan des âges, affronté les mêmes périls, subi les mêmes revers. L'oubli de ces choses n'est que temporaire. Un jour, tout un monde de souvenirs se réveillera en nous. Le passé, l'avenir, l'Histoire tout entière, prendront à nos yeux un caractère nouveau, un intérêt profond. Notre admiration s'accroîtra pour des destinées si vastes. Les lois divines nous paraîtront plus grandes, plus sublimes. Et la vie elle-même deviendra belle et désirable, malgré ses épreuves, malgré ses maux !
XVIII. - JUSTICE ET RESPONSABILITE. LE PROBLEME DU MAL
La loi des renaissances, avons-nous dit, régit la vie universelle. Avec un peu d'attention, nous pourrions lire dans toute la nature, comme en un livre, le mystère de la mort et de la résurrection.
Les saisons se succèdent dans leur rythme imposant. L'hiver, c'est le sommeil des choses ; le printemps en est le réveil. Le jour alterne avec la nuit ; le repos suit la veille ; l'esprit remonte vers les régions supérieures, pour redescendre ensuite et reprendre, avec plus de forces, la tâche interrompue.
Les transformations de la plante et de l'animal ne sont pas moins significatives. La plante meurt pour renaître à chaque retour de la sève ; tout se fane pour refleurir. La larve, la chrysalide, le papillon, sont autant d'exemples qui reproduisent, avec plus ou moins de fidélité, les phases alternantes de la vie immortelle.
Comment l'homme, seul, pourrait-il être placé en dehors de cette loi ? Alors que tout est relié par des liens puissants et nombreux, comment admettre que notre vie soit comme un point jeté, sans attaches, dans les tourbillons du temps et de l'espace ? Rien avant, rien après ! Non, l'homme, comme toutes choses, est soumis à la loi éternelle. Tout ce qui a vécu revivra sous d'autres formes, pour évoluer et se perfectionner. La nature ne nous fait mourir que pour nous faire revivre. Déjà, par suite du renouvellement périodique des molécules de notre corps, dispersées et rapportées par les courants vitaux, par la nutrition et la déperdition quotidiennes, nous habitons nombre d'enveloppes différentes en une seule vie. N'est-il pas logique d'admettre que nous en habiterons d'autres encore dans l'avenir ?
La succession des existences s'offre donc à nous comme une oeuvre de capitalisation et d'amélioration. Après chaque vie terrestre, l'âme moissonne et recueille, dans son corps fluidique, les expériences et les fruits de l'existence écoulée. Tous ses progrès se reflètent dans cette forme subtile dont elle est inséparable, dans ce corps éthéré, lucide, transparent, qui, s'épurant avec elle, devient l'instrument merveilleux, la harpe qui vibre à tous les souffles de l'infini.
Ainsi l'être psychique se retrouve dans toutes les phases de son ascension, tel qu'il s'est fait lui-même. Aucune noble aspiration n'est stérile ; aucun sacrifice n'est vain. Et dans l'oeuvre immense, tous sont associés, depuis l'âme la plus obscure jusqu'au plus radieux génie. Une chaîne sans fin relie les êtres dans la majestueuse unité du Cosmos. C'est une effusion de lumière et d'amour qui, des sommets divins, ruisselle et s'épand sur tous, pour les régénérer et les féconder. Elle réunit toutes les âmes dans une communion universelle et éternelle, en vertu d'un principe qui est la plus magnifique révélation des temps modernes.
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L'âme doit conquérir, un à un, tous les éléments, tous les attributs de sa grandeur, de sa puissance, de sa félicité. Et pour cela il lui faut l'obstacle, la nature résistante, hostile même, la matière adverse, dont les exigences et les rudes leçons provoquent ses efforts et forment son expérience. De là aussi, dans les étapes inférieures de la vie, la nécessité des épreuves et de la douleur, afin que sa sensibilité s'éveille et qu'en même temps s'exerce son libre choix et grandissent sa volonté et sa conscience. Il faut la lutte pour rendre le triomphe possible et faire surgir le héros. Sans l'iniquité, l'arbitraire, la trahison, pourrait-on souffrir et mourir pour la justice ?
Il faut la souffrance physique et l'angoisse morale pour que l'esprit s'affine, se débarrasse de ses particules grossières, pour que la faible étincelle qui couve dans les profondeurs de l'inconscience se change en une pure et ardente flamme, en une conscience rayonnante, centre de volonté, d'énergie et de vertu.
On ne connaît, on ne goûte et apprécie vraiment que les biens acquis par soi-même, lentement, péniblement. L'âme, créée parfaite comme le voudraient certains penseurs, serait incapable d'apprécier et même de comprendre sa perfection, son bonheur. Sans termes de comparaison, sans échanges possibles avec ses semblables, parfaits comme elle, sans but à son activité, elle serait condamnée à l'inaction, à l'inertie, ce qui serait le pire des états. Car vivre, pour l'esprit, c'est agir, c'est grandir, c'est conquérir toujours de nouveaux titres, de nouveaux mérites, une place toujours plus haute dans la hiérarchie lumineuse et infinie. Et pour mériter, il faut avoir pâti, lutté, souffert. Pour goûter l'abondance, il faut avoir connu la privation. Pour apprécier la clarté des jours, il faut avoir traversé l'ombre des nuits. La douleur est la condition de la joie et le prix de la vertu. Et la vertu est le bien le plus précieux qu'il y ait dans l'univers.
Construire son moi, son individualité, à travers mille et mille vies, accomplies sur des centaines de mondes et, sous la direction de nos frères aînés, de nos amis de l'espace, escalader les chemins du ciel, s'élancer toujours plus haut, se faire un champ d'action toujours plus large, proportionné à l'oeuvre accomplie ou rêvée, devenir un des acteurs du drame divin, un des agents de Dieu dans l'Oeuvre éternelle ; travailler pour l'univers, comme l'univers travaille pour nous, voilà le secret de la destinée !
Ainsi l'âme monte de sphère en sphère, de cercle en cercle, unie aux êtres qu'elle a aimés ; elle va, poursuivant ses pérégrinations, à la recherche des perfections divines. Parvenue aux régions supérieures, elle est affranchie de la loi des renaissances. La réincarnation n'est plus une obligation pour elle, mais seulement un acte de sa volonté, l'accomplissement d'une mission, une oeuvre de sacrifice.
Quand il a atteint les hauteurs suprêmes, l'esprit se dit parfois : «Je suis libre ; j'ai brisé pour jamais les fers qui m'enchaînaient aux mondes matériels. J'ai acquis la science, l'énergie, l'amour. Mais ce que j'ai acquis, je veux le partager avec mes frères, les hommes, et pour cela, j'irai de nouveau vivre parmi eux ; j'irai leur offrir ce qu'il y a de meilleur en moi ; je reprendrai un corps de chair. Je redescendrai vers ceux qui peinent, vers ceux qui souffrent, vers ceux qui ignorent, pour les aider, les consoler, les éclairer !» Et alors, nous avons Lao-tseu ; nous avons le Bouddha ; nous avons Socrate ; nous avons le Christ ; en un mot, toutes les grandes âmes qui ont donné leur vie pour l'humanité !
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Résumons-nous. Au cours de cette étude, nous avons démontré l'importance de la doctrine des réincarnations. Nous avons vu là une des bases essentielles sur lesquelles repose le nouveau spiritualisme. Sa portée est immense. Elle explique l'inégalité des conditions humaines, la variété infinie des aptitudes, des facultés, des caractères. Elle dissipe les troublants mystères et les contradictions de la vie ; elle résout le problème du mal. Par elle, l'ordre succède au désordre ; la lumière se fait au sein du chaos ; les injustices disparaissent, les iniquités apparentes du sort s'évanouissent, pour faire place à la loi forte et majestueuse de la répercussion des actes et de leurs conséquences. Et cette loi d'immanente justice qui gouverne les mondes, Dieu l'a inscrite au fond des choses et dans la conscience humaine.
La doctrine des réincarnations rapproche les hommes plus que toute autre croyance, en leur apprenant leur communauté d'origines et de fins, en leur montrant la solidarité qui les relie tous dans le passé, dans le présent, dans l'avenir. Elle leur dit qu'il n'y a parmi eux ni déshérités, ni favorisés ; chacun est fils de ses oeuvres, maître de sa destinée. Nos souffrances sont les conséquences du passé ou bien l'école austère où s'apprennent les hautes vertus et les grands devoirs.
Nous parcourrons toutes les étapes de la route immense. Nous passerons tour à tour par toutes les conditions sociales, pour acquérir les qualités inhérentes à ces milieux. Ainsi, cette solidarité qui nous lie compense dans une harmonie finale la variété infinie des êtres, résultant de l'inégalité de leurs efforts et aussi des nécessités de leur évolution. Avec elle, plus d'envie, plus de mépris, plus de haine ! Les plus petits d'entre nous ont été grands peut-être, et les plus grands renaîtront petits, s'ils abusent de leur supériorité. Chacun à son tour, à la joie comme à la peine ! De là, la vraie confraternité des âmes. Nous nous sentons tous unis à jamais sur les degrés de notre ascension collective ; nous apprenons à nous aider, à nous soutenir, à nous tendre la main !
A travers les cycles du temps, tous se perfectionnent et s'élèvent. Les criminels du passé deviendront les sages de l'avenir. Une heure viendra où nos défauts seront effacés, où nos vices, où nos plaies morales seront guéris. Les âmes frivoles deviendront sérieuses ; les intelligences obscures s'illumineront. Toutes les forces du mal qui vibrent en nous se seront transformées en forces du bien. De l'être faible, indifférent, fermé à toutes les grandes pensées, sortira, à la suite des âges, un esprit puissant, qui réunira toutes les connaissances, toutes les qualités, et deviendra apte à réaliser les plus sublimes choses.
Ce sera l'oeuvre des existences accumulées. Il en faudra un bien grand nombre sans doute pour opérer un tel changement, pour dépouiller l'écorce de nos imperfections, faire disparaître les aspérités de nos caractères ; transformer les âmes de ténèbres en âmes de lumière ! Mais rien n'est puissant et durable qui n'a pris le temps nécessaire pour germer, sortir de l'ombre, monter vers le ciel. L'arbre, la forêt, les couches du sol, les astres et les mondes nous le disent dans leur profond langage. Nulle semence ne se perd ; nul effort n'est inutile. La tige ne donne sa feuille et son fruit qu'à l'heure dite. La vie n'éclôt sur les terres de l'espace qu'après d'immenses périodes géologiques.
Voyez ces diamants splendides qui ornent la beauté des femmes et étincellent de mille feux. Combien de métamorphoses n'ont-ils pas eu à subir pour acquérir cette pureté incomparable, cet éclat fulgurant ? Quelle lente incubation au sein de la matière obscure !
Il en est de même de l'entité humaine. Pour se dépouiller de ses éléments grossiers et acquérir tout son éclat, il lui faut des périodes d'évolution plus vastes encore, de lentes incubations dans la chair.
C'est ici, dans ce travail de perfectionnement, qu'apparaît l'utilité, l'importance des vies d'épreuves, des vies modestes et effacées, des existences de labeur et de devoir, pour vaincre les passions farouches, l'orgueil et l'égoïsme, pour guérir les plaies morales. A ce point de vue, le rôle des humbles, des petits en ce monde, les tâches dédaignées se révèlent à nos yeux dans toute leur grandeur : nous comprenons mieux la nécessité du retour dans la chair pour se racheter et pour s'épurer.
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En résolvant le problème du mal, le nouveau spiritualisme montre une fois de plus sa supériorité sur les autres doctrines.
Pour les matérialistes évolutionnistes, le mal et la douleur sont constants, universels. Partout, disent Taine, Soury, Nietzsche, Haeckel, nous voyons le mal s'épanouir et toujours le mal régnera dans l'humanité. Cependant, ajoutent-ils, avec le progrès le mal deviendra moins fréquent, mais il sera plus douloureux, parce que notre sensibilité physique et morale ira croissant. Et il faudra toujours souffrir et pleurer, sans espoir, sans consolation, par exemple dans le cas d'une catastrophe, à leurs yeux irréparable, comme la mort d'un être chéri. Par conséquent, le mal l'emportera toujours sur le bien.
Certaines doctrines religieuses ne sont pas beaucoup plus consolantes. D'après le catholicisme, le mal semble aussi prédominer dans l'univers et Satan paraît bien plus puissant que Dieu. L'enfer, selon la parole fatidique, se peuple constamment de foules innombrables, tandis que le paradis est le partage de rares élus. Pour le croyant orthodoxe, la perte, la séparation des êtres qu'il a aimés est presque aussi définitive que pour le matérialiste. Il n'y a jamais pour lui certitude complète de les retrouver, de les rejoindre un jour.
Avec le nouveau spiritualisme, la question prend un tout autre aspect. Le mal n'est plus que l'état transitoire de l'être en voie d'évolution vers le bien. Le mal, c'est la mesure de l'infériorité des mondes et des individus ; c'est aussi, nous l'avons vu, la sanction du passé. Toute échelle comporte des degrés. Nos vies terrestres représentent les bas degrés de notre éternelle ascension.
Tout, autour de nous, démontre l'infériorité de la planète que nous habitons. Très inclinée sur son axe, sa situation astronomique est la cause de perturbations fréquentes et de brusques changements de température : tempêtes, raz de marée, convulsions sismiques, chaleurs torrides, froids rigoureux. L'humanité terrestre, pour subsister, est condamnée à un pénible labeur. Des millions d'hommes, courbés sous leur tâche, ne connaissent ni le repos ni le bien-être. Or, il existe des rapports étroits entre l'ordre physique des mondes et l'état moral des sociétés qui les peuplent. Les mondes imparfaits comme la Terre sont réservés, en général, aux âmes encore peu évoluées.
Toutefois, notre séjour en ce milieu n'est que temporaire et subordonné aux exigences de notre éducation psychique. D'autres mondes, mieux partagés sous tous les rapports, nous attendent. Le mal, la douleur, la souffrance, attributs de la vie terrestre, ont leur rôle obligé. C'est le fouet, l'éperon qui nous stimulent et nous portent en avant.
Le mal, à ce point de vue, n'a plus qu'un caractère relatif et passager ; c'est la condition de l'âme encore enfant qui s'essaie à la vie. Par le fait même des progrès accomplis, il s'atténue peu à peu, disparaît, s'évanouit à mesure que l'âme monte les échelons conduisant à la puissance, à la vertu, à la sagesse !
Alors, la justice se révèle dans l'univers. Il n'y a plus d'élus ni de réprouvés. Tous subissent la conséquence de leurs actes, mais tous réparent, rachètent et se relèvent tôt ou tard, pour évoluer depuis les mondes obscurs et matériels jusqu'à la lumière divine. Toutes les âmes aimantes se retrouvent, se rejoignent dans leur ascension, pour coopérer ensemble à la grande oeuvre et participer à la communion universelle.
Il n'y a donc pas de mal réel, de mal absolu dans l'univers, mais partout la réalisation lente et progressive d'un idéal supérieur ; partout l'action d'une force, d'une puissance, d'une cause qui, tout en nous laissant libres, nous attire et nous entraîne vers un état meilleur. Partout le grand labeur des êtres travaillant à développer en eux, au prix d'immenses efforts, la sensibilité, le sentiment, la volonté, l'amour !
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Insistons sur la notion de justice, qui est capitale : capitale, car c'est un besoin, une nécessité impérieuse pour tous de savoir que la justice n'est pas un vain mot, qu'il y a une sanction à tous les devoirs et des compensations pour toutes douleurs. Aucun système ne peut satisfaire notre raison, notre conscience, s'il ne réalise la notion de justice dans toute son ampleur. Cette notion est gravée en nous ; elle est la loi de l'âme et de l'univers, et c'est pour l'avoir méconnue que tant de doctrines s'affaiblissent et s'éteignent, à l'heure présente, autour de nous.
Or la doctrine des vies successives est un resplendissement de l'idée de justice. Elle lui donne un relief, un éclat incomparables. Toutes nos vies sont solidaires les unes des autres et s'enchaînent rigoureusement. Nos actes et leurs conséquences constituent une succession d'éléments qui se rattachent les uns aux autres par la relation étroite de cause à effet. Nous en subissons constamment en nous-mêmes, dans notre être intérieur comme dans les conditions extérieures de notre vie, les résultats inévitables. Notre volonté agissante est une cause génératrice d'effets plus ou moins lointains, bons ou mauvais, qui retombent sur nous et forment la trame de nos destins.
Le christianisme, renonçant à ce monde, rejetait le bonheur et la justice dans l'Au-delà. Et si ses enseignements pouvaient suffire aux simples et aux croyants, il devenait facile aux sceptiques habiles de se dispenser de la justice, en prétextant que son règne n'était pas de la terre. Mais avec la preuve des vies successives, il en est tout autrement. La justice n'est plus reléguée dans un domaine chimérique et inconnu. C'est ici même ; c'est en nous et autour de nous qu'elle exerce son empire. L'homme doit réparer sur le plan physique le mal qu'il a accompli sur ce même plan. Il redescend dans le creuset de la vie, dans le milieu même où il s'est rendu coupable, près de ceux qu'il a trompés, spoliés, dépouillés, subir les conséquences de ses agissements antérieurs.
Avec le principe des renaissances, l'idée de justice se précise et se vérifie. La loi morale, la loi du Bien se révèle dans toute son harmonie. L'homme le comprend enfin : cette vie n'est qu'un anneau de la grande chaîne de ses existences ; tout ce qu'il sème, il le récoltera tôt ou tard. Dès lors, il n'est plus possible de méconnaître nos devoirs ni d'éluder nos responsabilités. En ceci, comme en tout, le lendemain devient le produit de la veille. Sous l'apparente confusion des faits, nous découvrons les rapports qui les lient. Au lieu d'être asservis à une destinée inflexible dont la cause nous serait extérieure, nous en devenons les maîtres et les auteurs. Bien loin d'être dominé par le sort, l'homme le domine et le crée, par sa volonté et ses actes. L'idéal de justice n'est plus rejeté dans un monde transcendantal ; nous pouvons en définir les termes dans chaque vie humaine renouvelée, dans son rapport avec les lois universelles, dans le domaine des choses réelles et tangibles.
Cette grande lumière se fait précisément à l'heure où les vieilles croyances s'affaissent sous le poids du temps, où tous les systèmes se lézardent, où les dieux du passé se voilent et s'éloignent. Depuis longtemps, la pensée humaine, anxieuse, tâtonne dans la nuit à la recherche du nouvel édifice moral qui doit l'abriter. Et voici que la doctrine des renaissances vient lui offrir l'idéal nécessaire à toute société en marche et, en même temps, le correctif indispensable aux appétits violents, aux ambitions démesurées, à l'avidité des richesses, des places, des honneurs, une digue au débordement de sensualisme qui menace de nous submerger.
Avec elle, l'homme apprend à supporter sans amertume et sans révolte les existences douloureuses, indispensables à sa purification. Il apprend à se soumettre aux inégalités naturelles et passagères qui sont le résultat de la loi d'évolution, à dédaigner les divisions factices et malsaines, provenant des préjugés de castes, de religions ou de races. Ces préjugés s'évanouissent entièrement le jour où l'on sait que tout esprit, dans ses vies ascendantes, doit passer par les milieux les plus divers. |
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