Spiritualité, Nouvel-Age - Editions, Livres
LE LIVRE DES MEDIUMS par ALLAN KARDEC (version complete)

LE LIVRE DES MEDIUMS par ALLAN KARDEC

OU

GUIDE DES MEDIUMS ET DES EVOCATEURS
CONTENANT L'ENSEIGNEMENT SPECIAL DES ESPRITS SUR LA THEORIE DE TOUS LES GENRES DE MANIFESTATIONS, LES MOYENS DE COMMUNIQUER AVEC LE MONDE INVISIBLE, LE DEVELOPPEMENT DE LA MEDIUMNITE, LES DIFFICULTES ET LES ECUEILS QUE L'ON PEUT RENCONTRER
DANS LA PRATIQUE DU SPIRITISME POUR FAIRE SUITE AU Livre des Esprits PAR ALLAN KARDEC
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EDITION DE 1869 libre de droits


LIENS : LE LIVRE DES ESPRITS par ALLAN KARDEC


INTRODUCTION
L'expérience nous confirme tous les jours dans cette opinion que les difficultés
et les mécomptes que l'on rencontre dans la pratique du spiritisme, ont leur source
dans l'ignorance des principes de cette science, et nous sommes heureux d'avoir
été à même de constater que le travail que nous avons fait pour prémunir les
adeptes contre les écueils d'un noviciat, a porté ses fruits, et que beaucoup ont dû à
la lecture de cet ouvrage d'avoir pu les éviter.
Un désir bien naturel, chez les personnes qui s'occupent de spiritisme, c'est de
pouvoir entrer elles-mêmes en communication avec les Esprits ; c'est à leur aplanir
la route que cet ouvrage est destiné, en les faisant profiter du fruit de nos longues
et laborieuses études, car on s'en ferait une idée très fausse si l'on pensait que, pour
être expert en cette matière, il suffit de savoir poser les doigts sur une table pour la
faire tourner, ou tenir un crayon pour écrire.
On se tromperait également si l'on croyait trouver dans cet ouvrage une recette
universelle et infaillible pour former des médiums. Bien que chacun renferme en
soi-même le germe des qualités nécessaires pour le devenir, ces qualités n'existent
qu'à des degrés très différents, et leur développement tient à des causes qu'il ne
dépend de personne de faire naître à volonté. Les règles de la poésie, de la peinture
et de la musique ne font ni des poètes, ni des peintres, ni des musiciens de ceux
qui n'en ont pas le génie : elles guident dans l'emploi des facultés naturelles. Il en
est de même de notre travail ; son objet est d'indiquer les moyens de développer la
faculté médianimique autant que le permettent les dispositions de chacun, et
surtout d'en diriger l'emploi d'une manière utile lorsque la faculté existe. Mais là
n'est point le but unique que nous nous sommes proposé.
A côté des médiums proprement dits, il y a la foule qui s'accroit tous les jours
des personnes qui s'occupent des manifestations spirites ; les guider dans leurs
observations, leur signaler les écueils qu'elles peuvent et doivent nécessairement
rencontrer dans une chose nouvelle, les initier à la manière de s'entretenir avec les
Esprits, leur indiquer les moyens d'avoir de bonnes communications, tel est le
cercle que nous devons embrasser sous peine de faire une chose incomplète. On ne
sera donc point surpris de trouver dans notre travail des renseignements qui, au
premier abord, pourraient y paraître étrangers : l'expérience en montrera l'utilité.
Après l'avoir étudié avec soin, on comprendra mieux les faits dont on sera témoin ;
le langage de certains Esprits paraîtra moins étrange. Comme instruction pratique,
il ne s'adresse donc pas exclusivement aux médiums, mais à tous ceux qui sont à
même de voir et d'observer les phénomènes spirites.
Quelques personnes auraient désiré que nous publiassions un manuel pratique
très succinct, contenant en peu de mots l'indication des procédés à suivre pour
entrer en communication avec les Esprits ; elles pensent qu'un livre de cette nature
pouvant, par la modicité de son prix, être répandu à profusion, serait un puissant
INTRODUCTION 4
moyen de propagande, en multipliant les médiums ; quant à nous, nous
regarderions un tel ouvrage comme plus nuisible qu'utile, pour le moment du
moins. La pratique du spiritisme est entourée de beaucoup de difficultés, et n'est
pas toujours exempte d'inconvénients qu'une étude sérieuse et complète peut seule
prévenir. Il serait donc à craindre qu'une indication trop succincte ne provoquât
des expériences faites avec légèreté, et dont on pourrait avoir lieu de se repentir ;
ce sont de ces choses avec lesquelles il n'est ni convenable, ni prudent de jouer, et
nous croirions rendre un mauvais service en les mettant à la disposition du premier
étourdi venu qui trouverait plaisant de causer avec les morts. Nous nous adressons
aux personnes qui voient dans le spiritisme un but sérieux, qui en comprennent
toute la gravité, et ne se font pas un jeu des communications avec le monde
invisible.
Nous avons publié une Instruction pratique dans le but de guider les médiums ;
cet ouvrage est aujourd'hui épuisé et, quoiqu'il fût dans un but éminemment grave
et sérieux, nous ne le réimprimerons pas, parce que nous ne le trouvons pas encore
assez complet pour éclairer sur toutes les difficultés que l'on peut rencontrer. Nous
l'avons remplacé par celui-ci, dans lequel nous avons réuni toutes les données
qu'une longue expérience et une étude consciencieuse nous ont mis à même
d'acquérir. Il contribuera, nous l'espérons du moins, à donner au spiritisme le
caractère sérieux qui est son essence, et à détourner d'y voir un sujet d'occupation
frivole et d'amusement.
A ces considérations nous en ajouterons une très importante, c'est la mauvaise
impression que produit sur les personnes novices ou mal disposées, la vue
d'expériences faites légèrement et sans connaissance de cause ; elles ont pour
inconvénient de donner du monde des Esprits une idée très fausse et de prêter le
flan à la raillerie et à une critique souvent fondée ; c'est pourquoi les incrédules
sortent de ces réunions rarement convertis, et peu disposés à voir un côté sérieux
dans le spiritisme. L'ignorance et la légèreté de certains médiums ont fait plus de
tort qu'on ne le croit dans l'opinion de beaucoup de gens.
Le spiritisme a fait de grands progrès depuis quelques années, mais il en a fait
surtout d'immenses depuis qu'il est entré dans la voie philosophique, parce qu'il a
été apprécié par les gens éclairés. Aujourd'hui ce n'est plus un spectacle : c'est une
doctrine dont ne se rient plus ceux qui se moquaient des tables tournantes. En
faisant nos efforts pour l'amener et le maintenir sur ce terrain, nous avons la
conviction de lui conquérir plus de partisans utiles qu'en provoquant à tort et à
travers des manifestations dont on pourrait abuser. Nous en avons tous les jours la
preuve par le nombre d'adeptes qu'a faits la seule lecture du Livre des Esprits.
Après avoir exposé dans le Livre des Esprits la partie philosophique de la
science spirite, nous donnons dans cet ouvrage la partie pratique à l'usage de ceux
qui veulent s'occuper des manifestations, soit par eux-mêmes, soit pour se rendre
compte des phénomènes qu'ils peuvent être appelés à voir. Ils y verront les écueils
qu'on peut rencontrer, et auront ainsi un moyen de les éviter. Ces deux ouvrages,
INTRODUCTION 5
quoique faisant suite l'un à l'autre, sont jusqu'à un certain point indépendants l'un
de l'autre ; mais à quiconque voudra s'occuper sérieusement de la chose, nous
dirons de lire d'abord le Livre des Esprits, parce qu'il contient des principes
fondamentaux, sans lesquels certaines parties de celui-ci seraient peut-être
difficilement comprises.
Des améliorations importantes ont été apportées à la seconde édition, beaucoup
plus complète que la première. Elle a été corrigée avec un soin tout particulier par
les Esprits qui y ont ajouté un très grand nombre de remarques et d'instructions du
plus haut intérêt. Comme ils ont tout revu, qu'ils ont approuvé ou modifié à leur
gré, on peut dire qu'elle est en grande partie leur ouvrage, car leur intervention ne
s'est pas bornée aux quelques articles signés ; nous n'avons indiqué les noms que
lorsque cela nous a paru nécessaire pour caractériser certaines citations un peu
étendues, comme émanant d'eux textuellement, autrement il nous eût fallu les citer
presque à chaque page, notamment à toutes les réponses faites aux questions
proposées, ce qui ne nous a pas semblé utile. Les noms, comme on le sait,
importent peu en pareille matière ; l'essentiel est que l'ensemble du travail réponde
au but que nous nous sommes proposé. L'accueil fait à la première édition,
quoique imparfaite, nous fait espérer que celle-ci ne sera pas vue avec moins de
faveur.
Comme nous y avons ajouté beaucoup de choses, et plusieurs chapitres entiers,
nous avons supprimé quelques articles qui faisaient double emploi, entre autres
l'Echelle spirite qui se trouve déjà dans le Livre des Esprits. Nous avons
également supprimé du Vocabulaire ce qui ne rentrait pas spécialement dans le
cadre de cet ouvrage, et qui se trouve utilement remplacé par des choses plus
pratiques. Ce vocabulaire, d'ailleurs, n'était point assez complet ; nous le
publierons plus tard séparément sous la forme d'un petit dictionnaire de
philosophie spirite ; nous n'en avons conservé ici que les mots nouveaux ou
spéciaux relatifs à l'objet dont nous nous occupons.
PREMIERE PARTIE
-
NOTIONS PRELIMINAIRES
________
CHAPITRE PREMIER.
Y A-T-IL DES ESPRITS ?
1. Le doute concernant l'existence des Esprits a pour cause première
l'ignorance de leur véritable nature. On se les figure généralement
comme des êtres à part dans la création, et dont la nécessité n'est pas
démontrée. Beaucoup ne les connaissent que par les contes fantastiques
dont ils ont été bercés, à peu près comme on connaît l'histoire par les
romans ; sans chercher si ces contes, dégagés des accessoires ridicules,
reposent sur un fond de vérité, le côté absurde seul les frappe ; ne se
donnant pas la peine d'enlever l'écorce amère pour découvrir l'amande,
ils rejettent le tout, comme font, dans la religion, ceux qui, choqués de
certains abus, confondent tout dans la même réprobation.
Quelle que soit l'idée que l'on se fasse des Esprits, cette croyance est
nécessairement fondée sur l'existence d'un principe intelligent en dehors
de la matière ; elle est incompatible avec la négation absolue de ce
principe. Nous prenons donc notre point de départ dans l'existence, la
survivance et l'individualité de l'âme, dont le spiritualisme est la
démonstration théorique et dogmatique, et le spiritisme la démonstration
patente. Faisons pour un instant abstraction des manifestations
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE I 8
proprement dites, et, raisonnant par induction, voyons à quelles
conséquences nous arriverons.
2. Du moment que l'on admet l'existence de l'âme et son individualité
après la mort, il faut admettre aussi 1° qu'elle est d'une nature différente
du corps, puisqu'une fois séparée elle n'en a plus les propriétés ; 2°
qu'elle jouit de la conscience d'elle-même, puisqu'on lui attribue la joie
ou la souffrance, autrement ce serait un être inerte, et autant vaudrait
pour nous n'en pas avoir. Ceci admis, cette âme va quelque part ; que
devient-elle et où va-t-elle ? Selon la croyance commune elle va au ciel
ou en enfer ; mais où sont le ciel et l'enfer ? On disait autrefois que le
ciel était en haut et l'enfer en bas ; mais qu'est-ce que le haut et le bas
dans l'univers, depuis que l'on connaît la rondeur de la terre, le
mouvement des astres qui fait que ce qui est le haut à un moment donné
devient le bas dans douze heures, l'infini de l'espace dans lequel l'oeil
plonge à des distances incommensurables ? Il est vrai que par lieux bas
on entend aussi les profondeurs de la terre ; mais que sont devenues ces
profondeurs depuis qu'elles ont été fouillées par la géologie ? Que sont
également devenues ces sphères concentriques appelées ciel de feu, ciel
des étoiles, depuis que l'on sait que la terre n'est pas le centre des
mondes, que notre soleil lui-même n'est qu'un des millions de soleils qui
brillent dans l'espace, et dont chacun est le centre d'un tourbillon
planétaire ? Que devient l'importance de la terre perdue dans cette
immensité ? Par quel privilège injustifiable ce grain de sable
imperceptible qui ne se distingue ni par son volume, ni par sa position,
ni par un rôle particulier, serait-il seul peuplé d'êtres raisonnables ? La
raison se refuse à admettre cette inutilité de l'infini, et tout nous dit que
ces mondes sont habités. S'ils sont peuplés, ils fournissent donc leur
contingent au monde des âmes ; mais encore une fois que deviennent ces
âmes, puisque l'astronomie et la géologie ont détruit les demeures qui
leur étaient assignées, et surtout depuis que la théorie si rationnelle de la
pluralité des mondes les a multipliées à l'infini ? La doctrine de la
localisation des âmes ne pouvant s'accorder avec les données de la
science, une autre doctrine plus logique leur assigne pour domaine, non
un lieu déterminé et circonscrit, mais l'espace universel : c'est tout un
monde invisible au milieu duquel nous vivons, qui nous environne et
nous coudoie sans cesse. Y a-t-il à cela une impossibilité, quelque chose
Y A-T-IL DES ESPRITS ? 9
qui répugne à la raison ? Nullement ; tout nous dit, au contraire, qu'il
n'en peut être autrement. Mais alors que deviennent les peines et les
récompenses futures, si vous leur ôtez les lieux spéciaux ? Remarquez
que l'incrédulité à l'endroit de ces peines et récompenses est
généralement provoquée parce qu'on les présente dans des conditions
inadmissibles ; mais dites, au lieu de cela, que les âmes puisent leur
bonheur ou leur malheur en elles-mêmes ; que leur sort est subordonné à
leur état moral ; que la réunion des âmes sympathiques et bonnes est une
source de félicité ; que, selon leur degré d'épuration, elles pénètrent et
entrevoient des choses qui s'effacent devant des âmes grossières, et tout
le monde le comprendra sans peine ; dites encore que les âmes n'arrivent
au degré suprême que par les efforts qu'elles font pour s'améliorer et
après une série d'épreuves qui servent à leur épuration ; que les anges
sont les âmes arrivées au dernier degré que toutes peuvent atteindre avec
de la bonne volonté ; que les anges sont les messagers de Dieu, chargés
de veiller à l'exécution de ses desseins dans tout l'univers, qu'ils sont
heureux de ces missions glorieuses, et vous donnez à leur félicité un but
plus utile et plus attrayant que celui d'une contemplation perpétuelle qui
ne serait autre chose qu'une inutilité perpétuelle ; dites enfin que les
démons ne sont autres que les âmes des méchants non encore épurées,
mais qui peuvent arriver comme les autres, et cela paraîtra plus conforme
à la justice et à la bonté de Dieu que la doctrine d'êtres créés pour le mal
et perpétuellement voués au mal. Encore une fois, voilà ce que la raison
la plus sévère, la logique la plus rigoureuse, le bon sens, en un mot,
peuvent admettre.
Or, ces âmes qui peuplent l'espace sont précisément ce que l'on appelle
Esprits ; les Esprits ne sont donc autre chose que les âmes des hommes
dépouillées de leur enveloppe corporelle. Si les Esprits étaient des êtres à
part, leur existence serait plus hypothétique ; mais si l'on admet qu'il y a
des âmes, il faut bien aussi admettre les Esprits qui ne sont autres que les
âmes ; si l'on admet que les âmes sont partout, il faut admettre également
que les Esprits sont partout. On ne saurait donc nier l'existence des
Esprits sans nier celle des âmes.
3. Ceci n'est, il est vrai, qu'une théorie plus rationnelle que l'autre ;
mais c'est déjà beaucoup qu'une théorie que ne contredisent ni la raison,
ni la science ; si, de plus, elle est corroborée par les faits, elle a pour elle
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE I 10
la sanction du raisonnement et de l'expérience. Ces faits, nous les
trouvons dans le phénomène des manifestations spirites, qui sont ainsi la
preuve patente de l'existence et de la survivance de l'âme. Mais, chez
beaucoup de gens, là s'arrête la croyance ; ils admettent bien l'existence
des âmes et par conséquent celle des Esprits, mais ils nient la possibilité
de communiquer avec eux, par la raison, disent-ils, que des êtres
immatériels ne peuvent agir sur la matière. Ce doute est fondé sur
l'ignorance de la véritable nature des Esprits dont on se fait généralement
une idée très fausse, car on se les figure à tort comme des êtres abstraits,
vagues et indéfinis, ce qui n'est pas.
Figurons-nous d'abord l'Esprit dans son union avec le corps ; l'Esprit
est l'être principal, puisque c'est l'être pensant et survivant ; le corps n'est
donc qu'un accessoire de l'Esprit, une enveloppe, un vêtement qu'il
quitte quand il est usé. Outre cette enveloppe matérielle, l'Esprit en a une
seconde, semi-matérielle, qui l'unit à la première ; à la mort, l'Esprit se
dépouille de celle-ci, mais non de la seconde à laquelle nous donnons le
nom de périsprit. Cette enveloppe semi-matérielle, qui affecte la forme
humaine, constitue pour lui un corps fluidique, vaporeux, mais qui, pour
être invisible pour nous dans son état normal, n'en possède pas moins
quelques-unes des propriétés de la matière. L'Esprit n'est donc pas un
point, une abstraction, mais un être limité et circonscrit, auquel il ne
manque que d'être visible et palpable pour ressembler aux êtres humains.
Pourquoi donc n'agirait-il pas sur la matière ? Est-ce parce que son corps
est fluidique ? Mais n'est-ce pas parmi les fluides les plus raréfiés, ceux
même que l'on regarde comme impondérables, l'électricité, par exemple,
que l'homme trouve ses plus puissants moteurs ? Est-ce que la lumière
impondérable n'exerce pas une action chimique sur la matière
pondérable ? Nous ne connaissons pas la nature intime du périsprit ;
mais supposons-le formé de matière électrique, ou toute autre aussi
subtile, pourquoi n'aurait-il pas la même propriété étant dirigé par une
volonté ?
4. L'existence de l'âme et celle de Dieu, qui sont la conséquence l'une
de l'autre, étant la base de tout l'édifice, avant d'entamer aucune
discussion spirite, il importe de s'assurer si l'interlocuteur admet cette
base. Si à ces questions :
Croyez-vous en Dieu ?
Y A-T-IL DES ESPRITS ? 11
Croyez-vous avoir une âme ?
Croyez-vous à la survivance de l'âme après la mort ?
il répond négativement, ou même s'il dit simplement : Je ne sais ; je
voudrais qu'il en fût ainsi, mais je n'en suis pas sûr, ce qui, le plus
souvent, équivaut à une négation polie, déguisée sous une forme moins
tranchante pour éviter de heurter trop brusquement ce qu'il appelle des
préjugés respectables, il serait tout aussi inutile d'aller au-delà que
d'entreprendre de démontrer les propriétés de la lumière à l'aveugle qui
n'admettrait pas la lumière ; car, en définitive, les manifestations spirites
ne sont autre chose que les effets des propriétés de l'âme ; avec celui-là
c'est un tout autre ordre d'idées à suivre, si l'on ne veut pas perdre son
temps.
Si la base est admise, non à titre de probabilité, mais comme chose
avérée, incontestable, l'existence des Esprits en découle tout
naturellement.
5. Reste maintenant la question de savoir si l'Esprit peut se
communiquer à l'homme, c'est-à-dire s'il peut faire avec lui échange de
pensées. Et pourquoi non ? Qu'est-ce que l'homme, sinon un Esprit
emprisonné dans un corps ? Pourquoi l'Esprit libre ne pourrait-il se
communiquer avec l'Esprit captif, comme l'homme libre avec celui qui
est enchaîné ? Dès lors que vous admettez la survivance de l'âme, est-il
rationnel de ne pas admettre la survivance des affections ? Puisque les
âmes sont partout, n'est-il pas naturel de penser que celle d'un être qui
nous a aimés pendant sa vie vienne auprès de nous, qu'il désire se
communiquer à nous, et qu'il se serve pour cela des moyens qui sont à sa
disposition ? Pendant sa vie, n'agissait-il pas sur la matière de son
corps ? N'est-ce pas lui qui en dirigeait les mouvements ? Pourquoi donc
après sa mort, d'accord avec un autre Esprit lié à un corps,
n'emprunterait-il pas ce corps vivant pour manifester sa pensée comme
un muet peut se servir d'un parlant pour se faire comprendre ?
6. Faisons pour un instant abstraction des faits qui, pour nous, rendent
la chose incontestable ; admettons-la à titre de simple hypothèse ; nous
demandons que les incrédules nous prouvent, non par une simple
négation, car leur avis personnel ne peut faire loi, mais par des raisons
péremptoires, que cela ne se peut pas. Nous nous plaçons sur leur
terrain, et puisqu'ils veulent apprécier les faits spirites à l'aide des lois de
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE I 12
la matière, qu'ils puisent donc dans cet arsenal quelque démonstration
mathématique, physique, chimique, mécanique, physiologique, et
prouvent par a plus b, toujours en partant du principe de l'existence et de
la survivance de l'âme :
1° Que l'être qui pense en nous pendant la vie ne doit plus penser
après la mort ;
2° Que s'il pense, il ne doit plus penser à ceux qu'il a aimés ;
3° Que s'il pense à ceux qu'il a aimés, il ne doit plus vouloir se
communiquer à eux ;
4° Que s'il peut être partout, il ne peut pas être à nos côtés ;
5° Que s'il est à nos côtés, il ne peut pas se communiquer à nous ;
6° Que par son enveloppe fluidique il ne peut pas agir sur la matière
inerte ;
7° Que s'il peut agir sur la matière inerte, il ne peut pas agir sur un être
animé ;
8° Que s'il peut agir sur un être animé, il ne peut pas diriger sa main
pour le faire écrire ;
9° Que, pouvant le faire écrire, il ne peut pas répondre à ses questions
et lui transmettre sa pensée.
Quand les adversaires du spiritisme nous auront démontré que cela ne
se peut pas, par des raisons aussi patentes que celles par lesquelles
Galilée démontra que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre,
alors nous pourrons dire que leurs doutes sont fondés ; malheureusement
jusqu'à ce jour toute leur argumentation se résume en ces mots : Je ne
crois pas, donc cela est impossible. Ils nous diront sans doute que c'est à
nous de prouver la réalité des manifestations ; nous la leur prouvons par
les faits et par le raisonnement ; s'ils n'admettent ni l'un ni l'autre, s'ils
nient même ce qu'ils voient, c'est à eux de prouver que notre
raisonnement est faux et que les faits sont impossibles.
CHAPITRE II.
LE MERVEILLEUX ET LE SURNATUREL.
7. Si la croyance aux Esprits et à leurs manifestations était une
conception isolée, le produit d'un système, elle pourrait, avec quelque
apparence de raison, être suspectée d'illusion ; mais qu'on nous dise
encore pourquoi on la retrouve si vivace chez tous les peuples anciens et
modernes, dans les livres saints de toutes les religions connues ? C'est,
disent quelques critiques, parce que, de tout temps, l'homme a aimé le
merveilleux. - Qu'est-ce donc que le merveilleux, selon vous ? - Ce qui
est surnaturel. - Qu'entendez-vous par le surnaturel ? - Ce qui est
contraire aux lois de la nature. - Vous connaissez donc tellement bien
ces lois qu'il vous est possible d'assigner une limite à la puissance de
Dieu ? Eh bien ! alors prouvez que l'existence des Esprits et leurs
manifestations sont contraires aux lois de la nature ; que ce n'est pas, et
ne peut être une de ces lois. Suivez la doctrine spirite, et voyez si cet
enchaînement n'a pas tous les caractères d'une admirable loi, qui résout
tout ce que les lois philosophiques n'ont pu résoudre jusqu'à ce jour. La
pensée est un des attributs de l'Esprit ; la possibilité d'agir sur la matière,
de faire impression sur nos sens, et par suite de transmettre sa pensée,
résulte, si nous pouvons nous exprimer ainsi, de sa constitution
physiologique : donc il n'y a dans le fait rien de surnaturel, rien de
merveilleux. Qu'un homme mort, et bien mort, revive corporellement,
que ses membres dispersés se réunissent pour reformer son corps, voilà
du merveilleux, du surnaturel, du fantastique ; ce serait là une véritable
dérogation que Dieu ne peut accomplir que par un miracle, mais il n'y a
rien de semblable dans la doctrine spirite.
8. Pourtant, dira-t-on, vous admettez qu'un Esprit peut enlever une
table, et la maintenir dans l'espace sans point d'appui ; n'est-ce pas une
dérogation à la loi de gravité ? - Oui, à la loi connue ; mais la nature a-telle
dit son dernier mot ? Avant qu'on eût expérimenté la force
ascensionnelle de certains gaz, qui eût dit qu'une lourde machine portant
plusieurs hommes peut triompher de la force d'attraction ? Aux yeux du
vulgaire cela ne devait-il pas paraître merveilleux, diabolique ? Celui qui
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE II 14
eût proposé, il y a un siècle, de transmettre une dépêche à 500 lieues, et
d'en recevoir la réponse en quelques minutes, eût passé pour un fou ; s'il
l'eût fait, on aurait cru qu'il avait le diable à ses ordres, car alors le diable
seul était capable d'aller si vite. Pourquoi donc un fluide inconnu
n'aurait-il pas la propriété, dans des circonstances données, de
contrebalancer l'effet de la pesanteur, comme l'hydrogène contrebalance
le poids du ballon ? Ceci, remarquons-le en passant, est une
comparaison, mais non une assimilation, et uniquement pour montrer,
par analogie, que le fait n'est pas physiquement impossible. Or, c'est
précisément quand les savants, dans l'observation de ces sortes de
phénomènes, ont voulu procéder par voie d'assimilation, qu'ils se sont
fourvoyés. Au reste, le fait est là ; toutes les dénégations ne pourront
faire qu'il ne soit pas, car nier n'est pas prouver ; pour nous, il n'a rien de
surnaturel ; c'est tout ce que nous en pouvons dire pour le moment.
9. Si le fait est constaté, dira-t-on, nous l'acceptons, nous acceptons
même la cause que vous venez d'assigner, celle d'un fluide inconnu ;
mais qui prouve l'intervention des Esprits ? là est le merveilleux, le
surnaturel.
Il faudrait ici toute une démonstration qui ne serait pas à sa place, et
ferait d'ailleurs double emploi, car elle ressort de toutes les autres parties
de l'enseignement. Toutefois, pour la résumer en quelques mots, nous
dirons qu'elle est fondée, en théorie, sur ce principe : tout effet
intelligent doit avoir une cause intelligente ; en pratique : sur cette
observation que les phénomènes dits spirites, ayant donné des preuves
d'intelligence, devaient avoir leur cause en dehors de la matière ; que
cette intelligence n'étant pas celle des assistants, - ceci est un résultat
d'expérience, - devait être en dehors d'eux ; puisqu'on ne voyait pas l'être
agissant, c'était donc un être invisible. C'est alors que d'observation en
observation on est arrivé à reconnaître que cet être invisible, auquel on a
donné le nom d'Esprit, n'est autre que l'âme de ceux qui ont vécu
corporellement, et que la mort a dépouillés de leur grossière enveloppe
visible, ne leur laissant qu'une enveloppe éthérée, invisible dans son état
normal. Voilà donc le merveilleux et le surnaturel réduits à leur plus
simple expression. L'existence d'êtres invisibles une fois constatée, leur
action sur la matière résulte de la nature de leur enveloppe fluidique ;
cette action est intelligente, parce qu'en mourant ils n'ont perdu que leur
LE MERVEILLEUX ET LE SURNATUREL 15
corps, mais ont conservé l'intelligence qui est leur essence ; là est la clef
de tous ces phénomènes réputés à tort surnaturels. L'existence des
Esprits n'est donc point un système préconçu, une hypothèse imaginée
pour expliquer les faits ; c'est un résultat d'observations, et la
conséquence naturelle de l'existence de l'âme ; nier cette cause, c'est nier
l'âme et ses attributs. Que ceux qui penseraient pouvoir donner de ces
effets intelligents une solution plus rationnelle, pouvant surtout rendre
raison de tous les faits, veuillent bien le faire, et alors on pourra discuter
le mérite de chacune.
10. Aux yeux de ceux qui regardent la matière comme la seule
puissance de la nature, tout ce qui ne peut être expliqué par les lois de la
matière est merveilleux ou surnaturel ; et pour eux, merveilleux est
synonyme de superstition. A ce titre la religion, fondée sur l'existence
d'un principe immatériel, serait un tissu de superstitions ; ils n'osent le
dire tout haut, mais ils le disent tout bas, et ils croient sauver les
apparences en concédant qu'il faut une religion pour le peuple et pour
faire que les enfants soient sages ; or, de deux choses l'une, ou le
principe religieux est vrai, ou il est faux ; s'il est vrai, il l'est pour tout le
monde ; s'il est faux, il n'est pas meilleur pour les ignorants que pour les
gens éclairés.
11. Ceux qui attaquent le spiritisme au nom du merveilleux s'appuient
donc généralement sur le principe matérialiste, puisqu'en déniant tout
effet extra matériel, ils dénient, par cela même, l'existence de l'âme ;
sondez le fond de leur pensée, scrutez bien le sens de leurs paroles, et
vous verrez presque toujours ce principe, s'il est catégoriquement
formulé, poindre sous les dehors d'une prétendue philosophie rationnelle
dont ils le couvrent. En rejetant sur le compte du merveilleux tout ce qui
découle de l'existence de l'âme, ils sont donc conséquents avec euxmêmes
; n'admettant pas la cause, ils ne peuvent admettre les effets ; de
là, chez eux, une opinion préconçue qui les rend impropres à juger
sainement du spiritisme, parce qu'ils partent du principe de la négation
de tout ce qui n'est pas matériel. Quant à nous, de ce que nous admettons
les effets qui sont la conséquence de l'existence de l'âme, s'ensuit-il que
nous acceptions tous les faits qualifiés de merveilleux ; que nous soyons
les champions de tous les rêveurs, les adeptes de toutes les utopies, de
toutes les excentricités systématiques ? Il faudrait bien peu connaître le
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE II 16
spiritisme pour le penser ; mais nos adversaires n'y regardent pas de si
près ; la nécessité de connaître ce dont ils parlent est le moindre de leurs
soucis. Selon eux, le merveilleux est absurde ; or le spiritisme s'appuie
sur des faits merveilleux, donc le spiritisme est absurde : c'est pour eux
un jugement sans appel. Ils croient opposer un argument sans réplique
quand, après avoir fait d'érudites recherches sur les convulsionnaires de
Saint Médard, les camisards des Cévennes, ou les religieuses de Loudun,
ils sont arrivés à y découvrir des faits patents de supercherie que
personne ne conteste ; mais ces histoires sont-elles l'évangile du
spiritisme ? Ses partisans ont-ils nié que le charlatanisme ait exploité
certains faits à son profit ; que l'imagination en ait créé ; que le fanatisme
en ait exagéré beaucoup ? Il n'est pas plus solidaire des extravagances
qu'on peut commettre en son nom, que la vraie science ne l'est des abus
de l'ignorance, ni la vraie religion des excès du fanatisme. Beaucoup de
critiques ne jugent le spiritisme que sur les contes de fées et les légendes
populaires qui en sont les fictions ; autant vaudrait juger l'histoire sur les
romans historiques ou les tragédies.
12. En logique élémentaire, pour discuter une chose il faut la
connaître, car l'opinion d'un critique n'a de valeur qu'autant qu'il parle en
parfaite connaissance de cause ; alors seulement son opinion, fût-elle
erronée, peut être prise en considération ; mais de quel poids est-elle sur
une matière qu'il ne connaît pas ? Le vrai critique doit faire preuve, non
seulement d'érudition, mais d'un savoir profond à l'endroit de l'objet qu'il
traite, d'un jugement sain, et d'une impartialité à toute épreuve,
autrement le premier ménétrier venu pourrait s'arroger le droit de juger
Rossini, et un rapin celui de censurer Raphaël.
13. Le spiritisme n'accepte donc point tous les faits réputés
merveilleux ou surnaturels ; loin de là, il démontre l'impossibilité d'un
grand nombre et le ridicule de certaines croyances qui constituent, à
proprement parler, la superstition. Il est vrai que dans ce qu'il admet, il y
a des choses qui, pour les incrédules, sont du merveilleux tout pur,
autrement dit de la superstition, soit ; mais au moins ne discutez que ces
points, car sur les autres il n'a rien à dire, et vous prêchez des convertis.
En vous attaquant à ce qu'il réfute lui-même vous prouvez votre
ignorance de la chose, et vos arguments tombent à faux. Mais où s'arrête
la croyance du spiritisme, dira-t-on ? Lisez, observez, et vous le saurez.
LE MERVEILLEUX ET LE SURNATUREL 17
Toute science ne s'acquiert qu'avec le temps et l'étude ; or, le spiritisme
qui touche aux questions les plus graves de la philosophie, à toutes les
branches de l'ordre social, qui embrasse à la fois l'homme physique et
l'homme moral, est lui-même toute une science, toute une philosophie
qui ne peut pas plus être apprise en quelques heures que toute autre
science ; il y aurait autant de puérilité à voir tout le spiritisme dans une
table tournante, qu'à voir toute la physique dans certains jouets d'enfant.
Pour quiconque ne veut pas s'arrêter à la surface, ce ne sont pas des
heures, mais des mois et des années qu'il faut pour en sonder tous les
arcanes. Qu'on juge, par là, du degré de savoir et de la valeur de
l'opinion de ceux qui s'arrogent le droit de juger, parce qu'ils ont vu une
ou deux expériences, le plus souvent en manière de distraction et de
passe-temps. Ils diront sans doute qu'ils n'ont pas le loisir de donner tout
le temps nécessaire à cette étude, soit ; rien ne les y contraint ; mais
alors, quand on n'a pas le temps d'apprendre une chose, on ne se mêle
pas d'en parler, et encore moins de la juger, si l'on ne veut être accusé de
légèreté ; or, plus on occupe une position élevée dans la science, moins
on est excusable de traiter légèrement un sujet que l'on ne connaît pas.
14. Nous nous résumons dans les propositions suivantes :
1° Tous les phénomènes spirites ont pour principe l'existence de l'âme,
sa survivance au corps et ses manifestations ;
2° Ces phénomènes étant fondés sur une loi de la nature n'ont rien de
merveilleux ni de surnaturel dans le sens vulgaire de ces mots ;
3° Beaucoup de faits ne sont réputés surnaturels que parce qu'on n'en
connaît pas la cause ; le spiritisme en leur assignant une cause les fait
rentrer dans le domaine des phénomènes naturels ;
4° Parmi les faits qualifiés de surnaturels, il en est beaucoup dont le
spiritisme démontre l'impossibilité, et qu'il range parmi les croyances
superstitieuses ;
5° Bien que le spiritisme reconnaisse dans beaucoup de croyances
populaires un fond de vérité, il n'accepte nullement la solidarité de toutes
les histoires fantastiques créées par l'imagination ;
6° Juger le spiritisme sur les faits qu'il n'admet pas, c'est faire preuve
d'ignorance, et ôter toute valeur à son opinion ;
7° L'explication des faits admis par le spiritisme, leurs causes et leurs
conséquences morales, constituent toute une science et toute une
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE II 18
philosophie, qui requiert une étude sérieuse, persévérante et
approfondie ;
8° Le spiritisme ne peut regarder comme critique sérieux que celui qui
aurait tout vu, tout étudié, tout approfondi, avec la patience et la
persévérance d'un observateur consciencieux ; qui en saurait autant sur
ce sujet que l'adepte le plus éclairé ; qui aurait, par conséquent, puisé ses
connaissances ailleurs que dans les romans de la science ; à qui on ne
pourrait opposer aucun fait dont il n'eût connaissance, aucun argument
qu'il n'eût médité ; qu'il réfuterait, non par des négations, mais par
d'autres arguments plus péremptoires ; qui pourrait enfin assigner une
cause plus logique aux faits avérés. Ce critique est encore à trouver.
15. Nous avons tout à l'heure prononcé le mot miracle ; une courte
observation à ce sujet ne sera pas déplacée dans ce chapitre sur le
merveilleux.
Dans son acception primitive, et par son étymologie, le mot miracle
signifie chose extraordinaire, chose admirable à voir ; mais ce mot,
comme tant d'autres, s'est écarté du sens originaire, et aujourd'hui il se
dit (selon l'Académie) d'un acte de la puissance divine contraire aux lois
communes de la nature. Telle est, en effet, son acception usuelle, et ce
n'est plus que par comparaison et par métaphore qu'on l'applique aux
choses vulgaires qui nous surprennent et dont la cause est inconnue. Il
n'entre nullement dans nos vues d'examiner si Dieu a pu juger utile, en
certaines circonstances, de déroger aux lois établies par lui-même ; notre
but est uniquement de démontrer que les phénomènes spirites, quelque
extraordinaires qu'ils soient, ne dérogent nullement à ces lois, n'ont
aucun caractère miraculeux, pas plus qu'ils ne sont merveilleux ou
surnaturels. Le miracle ne s'explique pas ; les phénomènes spirites, au
contraire, s'expliquent de la manière la plus rationnelle ; ce ne sont donc
pas des miracles, mais de simples effets qui ont leur raison d'être dans
les lois générales. Le miracle a encore un autre caractère, c'est d'être
insolite et isolé. Or, du moment qu'un fait se reproduit, pour ainsi dire, à
volonté, et par diverses personnes, ce ne peut être un miracle.
La science fait tous les jours des miracles aux yeux des ignorants :
voilà pourquoi jadis ceux qui en savaient plus que le vulgaire passaient
pour sorciers ; et comme on croyait que toute science surhumaine venait
du diable, on les brûlait. Aujourd'hui qu'on est beaucoup plus civilisé, on
se contente de les envoyer aux Petites-Maisons.
Qu'un homme réellement mort, comme nous l'avons dit en
commençant, soit rappelé à la vie par une intervention divine, c'est là un
véritable miracle, parce que c'est contraire aux lois de la nature. Mais si
cet homme n'a que les apparences de la mort, s'il y a encore en lui un
reste de vitalité latente, et que la science, ou une action magnétique,
parvienne à le ranimer, pour les gens éclairés c'est un phénomène
naturel ; mais aux yeux du vulgaire ignorant, le fait passera pour
miraculeux, et l'auteur sera pourchassé à coups de pierres ou vénéré
selon le caractère des individus. Qu'au milieu de certaines campagnes,
un physicien lance un cerf-volant électrique et fasse tomber la foudre sur
un arbre, ce nouveau Prométhée sera certainement regardé comme armé
d'une puissance diabolique ; et, soit dit en passant, Prométhée nous
semble singulièrement avoir devancé Franklin ; mais Josué arrêtant le
mouvement du soleil, ou plutôt de la terre, voilà le véritable miracle, car
nous ne connaissons aucun magnétiseur doué d'une assez grande
puissance pour opérer un tel prodige. De tous les phénomènes spirites,
un des plus extraordinaires est, sans contredit, celui de l'écriture directe,
et l'un de ceux qui démontrent de la manière la plus patente l'action des
intelligences occultes ; mais de ce que le phénomène est produit par des
êtres occultes, il n'est pas plus miraculeux que tous les autres
phénomènes qui sont dus à des agents invisibles, parce que ces êtres
occultes, qui peuplent les espaces, sont une des puissances de la nature,
puissance dont l'action est incessante sur le monde matériel, aussi bien
que sur le monde moral.
Le spiritisme, en nous éclairant sur cette puissance, nous donne la clef
d'une foule de choses inexpliquées et inexplicables par tout autre moyen,
et qui ont pu, dans des temps reculés, passer pour des prodiges ; il
révèle, de même que le magnétisme, une loi, sinon inconnue, du moins
mal comprise ; ou, pour mieux dire, on connaissait les effets, car ils se
sont produits de tout temps, mais on ne connaissait pas la loi, et c'est
l'ignorance de cette loi qui a engendré la superstition. Cette loi connue,
le merveilleux disparaît, et les phénomènes rentrent dans l'ordre des
choses naturelles. Voilà pourquoi les spirites ne font pas plus de
miracles en faisant tourner une table ou écrire des trépassés, que le
médecin en faisant revivre un moribond, ou le physicien en faisant
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE II 20
tomber la foudre. Celui qui prétendrait, à l'aide de cette science, faire des
miracles, serait ou un ignorant de la chose, ou un faiseur de dupes.
16. Les phénomènes spirites, de même que les phénomènes
magnétiques, avant qu'on en connût la cause, ont dû passer pour des
prodiges ; or, comme les sceptiques, les esprits forts, c'est-à-dire ceux
qui ont le privilège exclusif de la raison et du bon sens, ne croient pas
qu'une chose soit possible du moment qu'ils ne la comprennent pas, voilà
pourquoi tous les faits réputés prodigieux sont l'objet de leurs railleries ;
et comme la religion contient un grand nombre de faits de ce genre, ils
ne croient pas à la religion, et de là à l'incrédulité absolue il n'y a qu'un
pas. Le spiritisme, en expliquant la plupart de ces faits, leur donne une
raison d'être. Il vient donc en aide à la religion en démontrant la
possibilité de certains faits qui, pour n'avoir plus le caractère miraculeux,
n'en sont pas moins extraordinaires, et Dieu n'en est ni moins grand, ni
moins puissant, pour n'avoir pas dérogé à ses lois. De quels quolibets les
enlèvements de saint Cupertin n'ont-ils pas été l'objet ! Or, la suspension
éthéréenne des corps graves est un fait expliqué par la loi spirite ; nous
en avons été personnellement témoin oculaire, et M. Home, ainsi que
d'autres personnes de notre connaissance, ont renouvelé à plusieurs
reprises le phénomène produit par saint Cupertin. Donc ce phénomène
rentre dans l'ordre des choses naturelles.
17. Au nombre des faits de ce genre il faut placer en première ligne les
apparitions, parce que ce sont les plus fréquents. Celle de la Salette, qui
divise même le clergé, n'a pour nous rien d'insolite. Assurément nous ne
pouvons affirmer que le fait a eu lieu, parce que nous n'en avons pas la
preuve matérielle ; mais, pour nous, il est possible, attendu que des
milliers de faits analogues récents nous sont connus ; nous y croyons,
non seulement parce que leur réalité est avérée pour nous, mais surtout
parce que nous nous rendons parfaitement compte de la manière dont ils
se produisent. Qu'on veuille bien se reporter à la théorie que nous
donnons plus loin des apparitions, et l'on verra que ce phénomène
devient aussi simple et aussi plausible qu'une foule de phénomènes
physiques qui ne sont prodigieux que faute d'en avoir la clef. Quant au
personnage qui s'est présenté à la Salette, c'est une autre question ; son
identité ne nous est nullement démontrée ; nous constatons simplement
qu'une apparition peut avoir eu lieu, le reste n'est pas de notre
LE MERVEILLEUX ET LE SURNATUREL 21
compétence ; chacun peut à cet égard garder ses convictions, le
spiritisme n'a pas à s'en occuper ; nous disons seulement que les faits
produits par le spiritisme nous révèlent des lois nouvelles, et nous
donnent la clef d'une foule de choses qui paraissaient surnaturelles ; si
quelques-uns de ceux qui passaient pour miraculeux y trouvent une
explication logique, c'est un motif pour ne pas se hâter de nier ce que
l'on ne comprend pas.
Les phénomènes spirites sont contestés par certaines personnes,
précisément parce qu'ils paraissent sortir de la loi commune et qu'on ne
s'en rend pas compte. Donnez-leur une base rationnelle, et le doute
cesse. L'explication, dans ce siècle où l'on ne se paye pas de mots, est
donc un puissant motif de conviction ; aussi voyons-nous tous les jours
des personnes qui n'ont été témoins d'aucun fait, qui n'ont vu ni une table
tourner, ni un médium écrire, et qui sont aussi convaincues que nous,
uniquement parce qu'elles ont lu et compris. Si l'on ne devait croire qu'à
ce que l'on a vu de ses yeux, nos convictions se réduiraient à bien peu de
chose.
CHAPITRE III.
METHODE.
18. Le désir très naturel et très louable de tout adepte, désir qu'on ne
saurait trop encourager, est de faire des prosélytes. C'est en vue de
faciliter leur tâche que nous nous proposons d'examiner ici la marche la
plus sûre, selon nous, pour atteindre ce but, afin de leur épargner des
efforts inutiles.
Nous avons dit que le spiritisme est toute une science, toute une
philosophie ; celui qui veut sérieusement le connaître doit donc, comme
première condition, s'astreindre à une étude sérieuse, et se persuader que,
pas plus que toute autre science, il ne peut s'apprendre en jouant. Le
spiritisme, nous l'avons dit, touche à toutes les questions qui intéressent
l'humanité ; son champ est immense, et c'est surtout dans ses
conséquences qu'il convient de l'envisager. La croyance aux Esprits en
forme sans doute la base, mais elle ne suffit pas plus pour faire un spirite
éclairé, que la croyance en Dieu ne suffit pour faire un théologien.
Voyons donc de quelle manière il convient de procéder à cet
enseignement pour amener plus sûrement la conviction.
Que les adeptes ne soient point effrayés par ce mot d'enseignement ; il
n'y a pas que l'enseignement donné du haut de la chaire ou de la tribune ;
il y a aussi celui de la simple conversation. Toute personne qui cherche à
en persuader une autre, soit par la voie des explications, soit par celles
des expériences, fait de l'enseignement ; ce que nous désirons, c'est que
sa peine porte des fruits, et c'est pour cela que nous croyons devoir
donner quelques conseils, dont pourront également profiter ceux qui
veulent s'instruire par eux-mêmes ; ils y trouveront le moyen d'arriver
plus sûrement et plus promptement au but.
19. On croit généralement que pour convaincre, il suffit de montrer
des faits ; cela semble en effet la marche la plus logique, et pourtant
l'expérience montre que ce n'est pas toujours la meilleure, car on voit
souvent des personnes que les faits les plus patents ne convainquent
nullement. A quoi cela tient-il ? C'est ce que nous allons essayer de
démontrer.
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE III 24
Dans le spiritisme, la question des Esprits est secondaire et
consécutive ; ce n'est pas le point de départ, et là précisément est l'erreur
dans laquelle on tombe, et qui souvent fait échouer vis-à-vis de certaines
personnes. Les Esprits n'étant autre chose que les âmes des hommes, le
véritable point de départ est donc l'existence de l'âme. Or, comment le
matérialiste peut-il admettre que des êtres vivent en dehors du monde
matériel, alors qu'il croit que lui-même n'est que matière ? Comment
peut-il croire à des Esprits en dehors de lui, quand il ne croit pas en avoir
un en lui ? En vain accumulerait-on à ses yeux les preuves les plus
palpables, il les contestera toutes, parce qu'il n'admet pas le principe.
Tout enseignement méthodique doit procéder du connu à l'inconnu ;
pour le matérialiste, le connu c'est la matière ; partez donc de la matière,
et tâchez avant tout, en la lui faisant observer, de le convaincre qu'en lui
il y a quelque chose qui échappe aux lois de la matière ; en un mot, avant
de le rendre SPIRITE, tâchez de le rendre SPIRITUALISTE ; mais pour
cela, c'est un tout autre ordre de faits, un enseignement tout spécial
auquel il faut procéder par d'autres moyens ; lui parler des Esprits avant
qu'il soit convaincu d'avoir une âme, c'est commencer par où il faudrait
finir, car il ne peut admettre la conclusion s'il n'admet pas les prémisses.
Avant donc d'entreprendre de convaincre un incrédule, même par les
faits, il convient de s'assurer de son opinion par rapport à l'âme, c'est-àdire
s'il croit à son existence, à sa survivance au corps, à son
individualité après la mort ; si sa réponse est négative, ce serait peine
perdue que de lui parler des Esprits. Voilà la règle ; nous ne disons pas
qu'elle soit sans exception, mais alors c'est qu'il y a probablement une
autre cause qui le rend moins réfractaire.
20. Parmi les matérialistes, il faut distinguer deux classes : dans la
première nous mettrons ceux qui le sont par système ; chez eux ce n'est
point le doute, c'est la négation absolue, raisonnée à leur manière ; à
leurs yeux l'homme n'est qu'une machine qui va tant qu'elle est montée,
qui se détraque, et dont, après la mort, il ne reste que la carcasse. Leur
nombre est heureusement fort restreint et ne constitue nulle part une
école hautement avouée ; nous n'avons pas besoin d'insister sur les
déplorables effets qui résulteraient pour l'ordre social de la vulgarisation
d'une pareille doctrine ; nous nous sommes suffisamment étendu sur ce
sujet dans le Livre des Esprits (n° 147 et conclusion § III).
METHODE 25
Quand nous avons dit que le doute cesse chez les incrédules en
présence d'une explication rationnelle, il faut en excepter les
matérialistes quand même, ceux qui nient toute puissance et tout principe
intelligent en dehors de la matière ; la plupart s'obstinent dans leur
opinion par orgueil, et croient leur amour-propre engagé à y persister ;
ils y persistent envers et contre toutes preuves contraires, parce qu'ils ne
veulent pas avoir le dessous. Avec ces gens-là, il n'y a rien à faire ; il ne
faut même pas se laisser prendre au faux-semblant de sincérité de ceux
qui disent : faites-moi voir et je croirai. Il y en a qui sont plus francs et
qui disent carrément : je verrais que je ne croirais pas.
21. La seconde classe de matérialistes, et de beaucoup la plus
nombreuse, car le vrai matérialisme est un sentiment anti-naturel,
comprend ceux qui le sont par indifférence, et l'on peut dire faute de
mieux ; ils ne le sont pas de propos délibéré, et ne demandent pas mieux
que de croire, car l'incertitude est pour eux un tourment. Il y a en eux
une vague aspiration vers l'avenir ; mais cet avenir leur a été présenté
sous des couleurs que leur raison ne peut accepter ; de là le doute, et,
comme conséquence du doute, l'incrédulité. Chez eux l'incrédulité n'est
donc point un système ; aussi présentez-leur quelque chose de rationnel,
et ils l'acceptent avec empressement ; ceux-là peuvent donc nous
comprendre, car ils sont plus près de nous qu'ils ne le croient sans doute
eux-mêmes. Avec le premier, ne parlez ni de révélation, ni des anges, ni
du paradis, il ne vous comprendrait pas ; mais en vous plaçant sur son
terrain, prouvez-lui d'abord que les lois de la physiologie sont
impuissantes pour rendre raison de tout ; le reste viendra ensuite. Il en
est tout autrement quand l'incrédulité n'est pas préconçue, car alors la
croyance n'est pas absolument nulle ; c'est un germe latent étouffé par de
mauvaises herbes, mais qu'une étincelle peut ranimer ; c'est l'aveugle à
qui on rend la vue, et qui est joyeux de revoir la lumière, c'est le
naufragé à qui l'on tend une planche de salut.
22. A côté des matérialistes proprement dits, il y a une troisième classe
d'incrédules qui, bien que spiritualistes, au moins de nom, n'en sont pas
moins très réfractaires ; ce sont les incrédules de mauvaise volonté.
Ceux-là seraient fâchés de croire, parce que cela troublerait leur quiétude
dans les jouissances matérielles ; ils craignent d'y voir la condamnation
de leur ambition, de leur égoïsme et des vanités humaines dont ils font
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE III 26
leurs délices ; ils ferment les yeux pour ne pas voir et se bouchent les
oreilles pour ne pas entendre. On ne peut que les plaindre.
23. Nous ne parlerons que pour mémoire d'une quatrième catégorie
que nous appellerons celle des incrédules intéressés ou de mauvaise foi.
Ceux-là savent très bien à quoi s'en tenir sur le spiritisme, mais
ostensiblement ils le condamnent par des motifs d'intérêt personnel.
D'eux, il n'y a rien à dire, comme il n'y a rien à faire avec eux. Si le
matérialiste pur se trompe, il a au moins pour lui l'excuse de la bonne
foi ; on peut le ramener en lui prouvant son erreur ; ici, c'est un parti-pris
contre lequel tous les arguments viennent se briser ; le temps se chargera
de leur ouvrir les yeux et de leur montrer, peut-être à leurs dépens, où
étaient leurs véritables intérêts, car ne pouvant empêcher la vérité de se
répandre, ils seront entraînés par le torrent, et avec eux les intérêts qu'ils
croyaient sauvegarder.
24. Outre ces diverses catégories d'opposants, il y a une infinité de
nuances parmi lesquelles on peut compter les incrédules par
pusillanimité : le courage leur viendra quand ils verront que les autres ne
se brûlent pas ; les incrédules par scrupules religieux : une étude
éclairée leur apprendra que le spiritisme s'appuie sur les bases
fondamentales de la religion, et qu'il respecte toutes les croyances ;
qu'un de ses effets est de donner des sentiments religieux à ceux qui n'en
ont pas, de les fortifier chez ceux en qui ils sont chancelants ; puis
viennent les incrédules par orgueil, par esprit de contradiction, par
insouciance, par légèreté, etc..
25. Nous ne pouvons omettre une catégorie que nous appellerons celle
des incrédules par déceptions. Elle comprend les personnes qui ont
passé d'une confiance exagérée à l'incrédulité, parce qu'elles ont éprouvé
des mécomptes ; alors, découragées, elles ont tout abandonné, tout
rejeté. Elles sont dans le cas de celui qui nierait la bonne foi, parce qu'il
aurait été trompé. C'est encore le résultat d'une étude incomplète du
spiritisme et d'un défaut d'expérience. Celui qui est mystifié par les
Esprits, c'est généralement parce qu'il leur demande ce qu'ils ne doivent
pas ou ne peuvent pas dire, ou parce qu'il n'est pas assez éclairé sur la
chose pour discerner la vérité de l'imposture. Beaucoup, d'ailleurs, ne
voient dans le spiritisme qu'un nouveau moyen de divination, et
s'imaginent que les Esprits sont faits pour dire la bonne aventure ; or, les
METHODE 27
Esprits légers et moqueurs ne se font pas faute de s'amuser à leurs
dépens : c'est ainsi qu'ils annonceront des maris aux jeunes filles ; à
l'ambitieux, des honneurs, des héritages, des trésors cachés, etc. ; de là
souvent des déceptions désagréables, mais dont l'homme sérieux et
prudent sait toujours se préserver.
26. Une classe très nombreuse, la plus nombreuse même de toutes,
mais qui ne saurait être rangée parmi les opposants, est celle des
incertains ; ils sont généralement spiritualistes par principe ; chez la
plupart, il y a une vague intuition des idées spirites, une aspiration vers
quelque chose qu'ils ne peuvent définir ; il ne manque à leurs pensées
que d'être coordonnées et formulées ; le spiritisme est pour eux comme
un trait de lumière : c'est la clarté qui dissipe le brouillard ; aussi
l'accueillent-ils avec empressement, parce qu'il les délivre des angoisses
de l'incertitude.
27. Si, de là, nous jetons un coup d'oeil sur les diverses catégories de
croyants, nous trouverons d'abord les spirites sans le savoir ; c'est, à
proprement parler, une variété ou une nuance de la classe précédente.
Sans avoir jamais entendu parler de la doctrine spirite, ils ont le
sentiment inné des grands principes qui en découlent, et ce sentiment se
reflète dans certains passages de leurs écrits et de leurs discours, à tel
point qu'en les entendant on les croirait complètement initiés. On en
trouve de nombreux exemples dans les écrivains sacrés et profanes, dans
les poètes, les orateurs, les moralistes, les philosophes anciens et
modernes.
28. Parmi ceux qu'une étude directe a convaincus on peut distinguer :
1° Ceux qui croient purement et simplement aux manifestations. Le
spiritisme est pour eux une simple science d'observation, une série de
faits plus ou moins curieux ; nous les appellerons spirites
expérimentateurs ;
2° Ceux qui voient dans le spiritisme autre chose que des faits ; ils en
comprennent la partie philosophique ; ils admirent la morale qui en
découle, mais ils ne la pratiquent pas. Son influence sur leur caractère est
insignifiante ou nulle ; ils ne changent rien à leurs habitudes, et ne se
priveraient pas d'une seule jouissance ; l'avare est toujours ladre,
l'orgueilleux toujours plein de lui-même, l'envieux et le jaloux toujours
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE III 28
hostiles ; pour eux la charité chrétienne n'est qu'une belle maxime ; ce
sont les spirites imparfaits ;
3° Ceux qui ne se contentent pas d'admirer la morale spirite, mais qui
la pratiquent et en acceptent toutes les conséquences. Convaincus que
l'existence terrestre est une épreuve passagère, ils tâchent de mettre à
profit ces courts instants pour marcher dans la voie du progrès qui seul
peut les élever dans la hiérarchie du monde des Esprits, en s'efforçant de
faire le bien et de réprimer leurs penchants mauvais ; leurs relations sont
toujours sûres, car leur conviction les éloigne de toute pensée du mal. La
charité est en toutes choses la règle de leur conduite ; ce sont là les vrais
spirites ou mieux les spirites chrétiens.
4° Il y a enfin les spirites exaltés. L'espèce humaine serait parfaite si
elle ne prenait jamais que le bon côté des choses. L'exagération en tout
est nuisible ; en spiritisme elle donne une confiance trop aveugle et
souvent puérile dans les choses du monde invisible, et fait accepter trop
facilement et sans contrôle ce dont la réflexion et l'examen
démontreraient l'absurdité ou l'impossibilité ; mais l'enthousiasme ne
réfléchit pas ; il éblouit. Cette sorte d'adeptes est plus nuisible qu'utile à
la cause du spiritisme ; ce sont les moins propres à convaincre, parce
qu'on se défie avec raison de leur jugement ; ils sont de très bonne foi
dupes, soit des Esprits mystificateurs, soit des hommes qui cherchent à
exploiter leur crédulité. S'ils devaient en subir seuls les conséquences, il
n'y aurait que demi-mal ; le pis, c'est qu'ils donnent sans le vouloir des
armes aux incrédules qui cherchent bien plutôt les occasions de railler
que de se convaincre, et ne manquent pas d'imputer à tous le ridicule de
quelques-uns. Cela n'est sans doute ni juste ni rationnel ; mais, on le sait,
les adversaires du spiritisme ne reconnaissent que leur raison comme
étant de bon aloi, et connaître à fond ce dont ils parlent est le moindre de
leurs soucis.
29. Les moyens de conviction varient extrêmement selon les
individus ; ce qui persuade les uns ne produit rien sur d'autres ; tel est
convaincu par certaines manifestations matérielles, tel autre par des
communications intelligentes, le plus grand nombre par le raisonnement.
Nous pouvons même dire que, pour la plupart de ceux qui ne sont pas
préparés par le raisonnement, les phénomènes matériels sont de peu de
poids ; plus ces phénomènes sont extraordinaires, et s'écartent davantage
METHODE 29
des lois connues, plus ils rencontrent d'opposition, et cela par une raison
très simple, c'est qu'on est naturellement porté à douter d'une chose qui
n'a pas une sanction rationnelle ; chacun l'envisage à son point de vue et
se l'explique à sa manière : le matérialiste y voit une cause purement
physique ou une supercherie ; l'ignorant et le superstitieux, une cause
diabolique ou surnaturelle ; tandis qu'une explication préalable a pour
effet de déduire les idées préconçues et de montrer, sinon la réalité, du
moins la possibilité de la chose ; on la comprend avant de l'avoir vue ;
or, du moment que la possibilité est reconnue, la conviction est aux trois
quarts faite.
30. Est-il utile de chercher à convaincre un incrédule obstiné ? Nous
avons dit que cela dépend des causes et de la nature de son incrédulité ;
souvent l'insistance que l'on met à le persuader lui fait croire à son
importance personnelle, et c'est une raison pour lui de s'obstiner
davantage. Celui qui n'est convaincu ni par le raisonnement ni par les
faits, c'est qu'il doit subir encore l'épreuve de l'incrédulité ; il faut laisser
à la Providence le soin d'amener pour lui des circonstances plus
favorables ; assez de gens ne demandent qu'à recevoir la lumière pour ne
pas perdre son temps avec ceux qui la repoussent ; adressez-vous donc
aux hommes de bonne volonté dont le nombre est plus grand qu'on ne le
croit, et leur exemple, en se multipliant, vaincra plus de résistances que
des paroles. Le vrai spirite ne manquera jamais de bien à faire ; des
coeurs affligés à soulager, des consolations à donner, des désespoirs à
calmer, des réformes morales à opérer, là est sa mission ; là aussi il
trouvera sa véritable satisfaction. Le spiritisme est dans l'air ; il se
répand par la force des choses, et parce qu'il rend heureux ceux qui le
professent. Quand ses adversaires systématiques l'entendront retentir
autour d'eux, chez leurs amis même, ils comprendront leur isolement, et
seront forcés ou de se taire, ou de se rendre.
31. Pour procéder, dans l'enseignement du spiritisme, comme on le
ferait pour les sciences ordinaires, il faudrait passer en revue toute la
série des phénomènes qui peuvent se produire, en commençant par les
plus simples, et arriver successivement aux plus compliqués ; or, c'est ce
qui ne se peut pas, car il serait impossible de faire un cours de spiritisme
expérimental comme on fait un cours de physique et de chimie. Dans les
sciences naturelles on opère sur la matière brute qu'on manipule à
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE III 30
volonté, et l'on est à peu près toujours certain de pouvoir en régler les
effets ; dans le spiritisme on a affaire à des intelligences qui ont leur
liberté, et nous prouvent à chaque instant qu'elles ne sont pas soumises à
nos caprices ; il faut donc observer, attendre les résultats, les saisir au
passage ; aussi disons-nous hautement que quiconque se flatterait de les
obtenir à volonté ne peut être qu'un ignorant ou un imposteur ; c'est
pourquoi le spiritisme VRAI ne se mettra jamais en spectacle et ne
montera jamais sur les tréteaux. Il y a même quelque chose d'illogique à
supposer que des Esprits viennent faire la parade et se soumettre à
l'investigation comme des objets de curiosité. Les phénomènes peuvent
donc, ou faire défaut lorsqu'on en aurait besoin, ou se présenter dans un
tout autre ordre que celui qu'on désire. Ajoutons encore que, pour les
obtenir, il faut des personnes douées de facultés spéciales, et que ces
facultés varient à l'infini selon l'aptitude des individus ; or, comme il est
extrêmement rare que la même personne ait toutes les aptitudes, c'est une
difficulté de plus, car il faudrait toujours avoir sous la main une véritable
collection de médiums, ce qui n'est guère possible.
Le moyen d'obvier à cet inconvénient est très simple, c'est de
commencer par la théorie ; là tous les phénomènes sont passés en revue ;
ils sont expliqués, on peut s'en rendre compte, en comprendre la
possibilité, connaître les conditions dans lesquelles ils peuvent se
produire et les obstacles qu'ils peuvent rencontrer ; quel que soit alors
l'ordre dans lequel ils sont amenés par les circonstances, ils n'ont rien qui
puisse surprendre. Cette marche offre encore un autre avantage, c'est
d'épargner à celui qui veut opérer une foule de mécomptes ; prémuni
contre les difficultés, il peut se tenir sur ses gardes, et éviter d'acquérir
l'expérience à ses dépens.
Depuis que nous nous occupons de spiritisme, il nous serait difficile
de dire le nombre des personnes qui sont venues auprès de nous, et
parmi celles-ci combien nous en avons vu qui étaient restées
indifférentes ou incrédules en présence des faits les plus patents, et qui
n'ont été convaincues que plus tard par une explication raisonnée ;
combien d'autres ont été prédisposées à la conviction par le
raisonnement ; combien enfin ont été persuadées sans avoir rien vu, mais
uniquement parce qu'elles avaient compris. C'est donc par expérience
que nous parlons, et c'est aussi pourquoi nous disons que la meilleure
méthode d'enseignement spirite est de s'adresser à la raison avant de
METHODE 31
s'adresser aux yeux. C'est celle que nous suivons dans nos leçons, et
nous n'avons qu'à nous en applaudir1.
32. L'étude préalable de la théorie a un autre avantage, c'est de montrer
immédiatement la grandeur du but et la portée de cette science ; celui qui
débute par voir une table tourner ou frapper est plus porté à la raillerie,
parce qu'il se figure difficilement que d'une table puisse sortir une
doctrine régénératrice de l'humanité. Nous avons toujours remarqué que
ceux qui croient avant d'avoir vu, mais parce qu'ils ont lu et compris,
loin d'être superficiels, sont au contraire ceux qui réfléchissent le plus ;
s'attachant plus au fond qu'à la forme, pour eux la partie philosophique
est le principal, les phénomènes proprement dits sont l'accessoire, et ils
se disent qu'alors même que ces phénomènes n'existeraient pas, il n'en
resterait pas moins une philosophie qui seule résout des problèmes
insolubles jusqu'à ce jour ; qui seule donne du passé de l'homme et de
son avenir la théorie la plus rationnelle ; or, ils préfèrent une doctrine qui
explique à celles qui n'expliquent pas ou qui expliquent mal. Quiconque
réfléchit comprend très bien qu'on pourrait faire abstraction des
manifestations, et que la doctrine n'en subsisterait pas moins ; les
manifestations viennent la corroborer, la confirmer, mais elles n'en sont
pas la base essentielle ; l'observateur sérieux ne les repousse pas, au
contraire, mais il attend les circonstances favorables qui lui permettront
d'en être témoin. La preuve de ce que nous avançons, c'est qu'avant
d'avoir entendu parler des manifestations, quantité de personnes avaient
l'intuition de cette doctrine qui n'a fait que donner un corps, un ensemble
à leurs idées.
33. Du reste, il ne serait pas exact de dire que ceux qui commencent
par la théorie manquent de sujets d'observations pratiques ; ils en ont, au
contraire, qui doivent avoir à leurs yeux un plus grand poids même que
ceux que l'on pourrait produire devant eux, ce sont les faits nombreux de
manifestations spontanées dont nous parlerons dans les chapitres
suivants. Il est peu de personnes qui n'en aient connaissance au moins
par ouï-dire ; beaucoup en ont eu elles-mêmes auxquels elles n'avaient
prêté qu'une médiocre attention. La théorie a pour effet de leur en donner
l'explication ; et nous disons que ces faits ont un grand poids, lorsqu'ils
1 Notre enseignement théorique et pratique est toujours gratuit.
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE III 32
s'appuient sur des témoignages irrécusables, parce qu'on ne peut
supposer ni préparations, ni connivence. Si les phénomènes provoqués
n'existaient pas, les phénomènes spontanés n'en subsisteraient pas moins,
et le spiritisme n'aurait-il pour résultat que d'en donner une solution
rationnelle, ce serait déjà beaucoup. Aussi, la plupart de ceux qui lisent
par avance reportent leurs souvenirs sur ces faits qui sont pour eux une
confirmation de la théorie.
34. On se méprendrait étrangement sur notre manière de voir si l'on
supposait que nous conseillons de négliger les faits ; c'est par les faits
que nous sommes arrivés à la théorie ; il est vrai qu'il nous a fallu pour
cela un travail assidu de plusieurs années et des milliers d'observations ;
mais puisque les faits nous ont servi et nous servent tous les jours, nous
serions inconséquent avec nous-même d'en contester l'importance, alors
surtout que nous faisons un livre destiné à les faire connaître. Nous
disons seulement que, sans le raisonnement, ils ne suffisent pas pour
déterminer la conviction ; qu'une explication préalable, en détruisant les
préventions, et en montrant qu'ils n'ont rien de contraire à la raison,
dispose à les accepter. Cela est si vrai, que sur dix personnes
complètement novices qui assisteront à une séance d'expérimentation,
fût-elle des plus satisfaisantes au point de vue des adeptes, il y en a neuf
qui sortiront sans être convaincues, et quelques-unes plus incrédules
qu'avant, parce que les expériences n'auront pas répondu à leur attente. Il
en sera tout autrement de celles qui pourront s'en rendre compte par une
connaissance théorique anticipée ; pour elles, c'est un moyen de
contrôle, mais rien ne les surprend, pas même l'insuccès, parce qu'elles
savent dans quelles conditions les faits se produisent, et qu'il ne faut leur
demander que ce qu'ils peuvent donner. L'intelligence préalable des faits
les met donc à même de se rendre compte de toutes les anomalies, mais
en outre elle leur permet d'y saisir une foule de détails, de nuances
souvent très délicates, qui sont pour elles des moyens de conviction, et
qui échappent à l'observateur ignorant. Tels sont les motifs qui nous
engagent à n'admettre à nos séances expérimentales que les personnes
possédant des notions préparatoires suffisantes pour comprendre ce
qu'on y fait, persuadé que les autres y perdraient leur temps ou nous
feraient perdre le nôtre.
METHODE 33
35. Ceux qui voudront acquérir ces connaissances préliminaires par la
lecture de nos ouvrages, voici l'ordre que nous leur conseillons :
1° Qu'est-ce que le spiritisme ? Cette brochure, d'une centaine de
pages seulement, est un exposé sommaire des principes de la doctrine
spirite, un coup d'oeil général qui permet d'embrasser l'ensemble sous un
cadre restreint. En peu de mots on voit le but, et l'on peut juger de sa
portée. On y trouve en outre la réponse aux principales questions ou
objections que sont naturellement disposées à faire les personnes
novices. Cette première lecture, qui ne demande que peu de temps, est
une introduction qui facilite une étude plus approfondie.
2° Le Livre des Esprits ; il contient la doctrine complète dictée par les
Esprits eux-mêmes avec toute sa philosophie et toutes ses conséquences
morales ; c'est la destinée de l'homme dévoilée, l'initiation à la nature des
Esprits et aux mystères de la vie d'outre-tombe. En le lisant, on
comprend que le spiritisme a un but sérieux, et n'est pas un passe-temps
frivole.
3° Le Livre des médiums ; il est destiné à diriger dans la pratique des
manifestations, par la connaissance des moyens les plus propres pour
communiquer avec les Esprits ; c'est un guide soit pour les médiums, soit
pour les évocateurs, et le complément du Livre des Esprits.
4° La Revue spirite ; c'est un recueil varié de faits, d'explications
théoriques et de morceaux détachés qui complètent ce qui est dit dans les
deux précédents ouvrages, et qui en est en quelque sorte l'application. La
lecture peut en être faite en même temps, mais elle sera plus profitable et
plus intelligible surtout après celle du Livre des Esprits.
Voilà pour ce qui nous concerne. Ceux qui veulent tout connaître dans
une science doivent nécessairement lire tout ce qui est écrit sur la
matière, ou tout au moins les choses principales, et ne pas se borner à un
seul auteur ; ils doivent même lire le pour et le contre, les critiques aussi
bien que les apologies, s'initier aux différents systèmes afin de pouvoir
juger par la comparaison. Sous ce rapport, nous ne préconisons ni ne
critiquons aucun ouvrage, ne voulant influer en rien sur l'opinion qu'on
peut s'en former ; apportant notre pierre à l'édifice, nous nous mettons
sur les rangs : il ne nous appartient pas d'être juge et partie, et nous
n'avons pas la ridicule prétention d'être seul dispensateur de la lumière ;
c'est au lecteur à faire la part du bon et du mauvais, du vrai et du faux.
CHAPITRE IV.
SYSTEMES.
36. Quand les phénomènes étranges du spiritisme ont commencé à se
produire, ou pour mieux dire se sont renouvelés dans ces derniers temps,
le premier sentiment qu'ils ont excité a été celui du doute sur leur réalité
même, et encore plus sur leur cause. Lorsqu'ils ont été avérés par des
témoignages irrécusables et par les expériences que chacun a pu faire, il
est arrivé que chacun les a interprétés à sa manière, selon ses idées
personnelles, ses croyances ou ses préventions ; de là, plusieurs systèmes
qu'une observation plus attentive devait réduire à leur juste valeur.
Les adversaires du spiritisme ont cru trouver un argument dans cette
divergence d'opinions en disant que les spirites eux-mêmes ne sont pas
d'accord entre eux. C'était une bien pauvre raison, si l'on réfléchit que les
pas de toute science naissante sont nécessairement incertains, jusqu'à ce
que le temps ait permis de rassembler et de coordonner les faits qui
peuvent asseoir l'opinion ; à mesure que les faits se complètent et sont
mieux observés, les idées prématurées s'effacent et l'unité s'établit, du
moins sur les points fondamentaux, si ce n'est dans tous les détails. C'est
ce qui a eu lieu pour le spiritisme ; il ne pouvait échapper à la loi
commune, et devait même, par sa nature, se prêter plus que toute autre
chose à la diversité des interprétations. On peut même dire qu'à cet égard
il a été plus vite que d'autres sciences ses aînées, la médecine, par
exemple, qui divise encore les plus grands savants.
37. Dans l'ordre méthodique, pour suivre la marche progressive des
idées, il convient de placer en tête ceux qu'on peut appeler systèmes de
la négation, c'est-à-dire ceux des adversaires du spiritisme. Nous avons
réfuté leurs objections dans l'introduction et dans la conclusion du Livre
des Esprits, ainsi que dans le petit ouvrage intitulé : Qu'est-ce que le
spiritisme ? Il serait superflu d'y revenir ici ; nous nous bornerons à
rappeler en deux mots les motifs sur lesquels ils se fondent.
Les phénomènes spirites sont de deux sortes : les effets physiques et
les effets intelligents. N'admettant pas l'existence des Esprits, par la
raison qu'ils n'admettent rien en dehors de la matière, on conçoit qu'ils
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 36
nient les effets intelligents. Quant aux effets physiques, ils les
commentent à leur point de vue, et leurs arguments peuvent se résumer
dans les quatre systèmes suivants.
38. Système de charlatanisme. Parmi les antagonistes, beaucoup
attribuent ces effets à la supercherie, par la raison que quelques-uns ont
pu être imités. Cette supposition transformerait tous les spirites en dupes,
et tous les médiums en faiseurs de dupes, sans égard pour la position, le
caractère, le savoir et l'honorabilité des personnes. Si elle méritait une
réponse, nous dirions que certains phénomènes de la physique sont aussi
imités par les prestidigitateurs, et que cela ne prouve rien contre la
véritable science. Il est d'ailleurs des personnes dont le caractère écarte
tout soupçon de fraude, et il faut être dépourvu de tout savoir-vivre et de
toute urbanité pour oser venir leur dire en face qu'elles sont complices de
charlatanisme. Dans un salon très respectable, un monsieur, soi-disant
bien élevé, s'étant permis une réflexion de cette nature, la dame de la
maison lui dit : «Monsieur, puisque vous n'êtes pas content, on vous
rendra votre argent à la porte ;» et d'un geste lui fit comprendre ce qu'il
avait de mieux à faire. Est-ce à dire pour cela que jamais il n'y a eu
d'abus ? Il faudrait, pour le croire, admettre que les hommes sont
parfaits. On abuse de tout, même des choses les plus saintes ; pourquoi
n'abuserait-on pas du spiritisme ? Mais le mauvais usage qu'on peut faire
d'une chose ne peut rien faire préjuger contre la chose elle-même ; le
contrôle qu'on peut avoir touchant la bonne foi des gens est dans les
motifs qui les font agir. Où il n'y a pas spéculation, le charlatanisme n'a
rien à faire.
39. Système de la folie. Quelques-uns, par condescendance, veulent
bien écarter le soupçon de supercherie, et prétendent que ceux qui ne
font pas des dupes sont dupes eux-mêmes : ce qui revient à dire qu'ils
sont des imbéciles. Quand les incrédules y mettent moins de formes, ils
disent tout simplement qu'on est fou, s'attribuant ainsi sans façon le
privilège du bon sens. C'est là le grand argument de ceux qui n'ont point
de bonne raison à opposer. Du reste, ce mode d'attaque est devenu
ridicule à force de banalité, et ne mérite pas qu'on perde son temps à le
réfuter. Les spirites, d'ailleurs, ne s'en émeuvent guère ; ils prennent
bravement leur parti, et se consolent en songeant qu'ils ont pour
compagnons d'infortune assez de gens dont le mérite ne saurait être
SYSTEMES 37
contesté. Il faut en effet convenir que cette folie, si folie il y a, a un bien
singulier caractère, c'est qu'elle atteint de préférence la classe éclairée,
parmi laquelle le spiritisme compte jusqu'à présent l'immense majorité de
ses adeptes. Si, dans le nombre, on rencontre quelques excentricités,
elles ne prouvent pas plus contre cette doctrine que les fous religieux ne
prouvent contre la religion ; les fous mélomanes, contre la musique ; les
fous mathématiciens, contre les mathématiques. Toutes les idées ont
trouvé des fanatiques exagérés, et il faudrait être doué d'un jugement
bien obtus pour confondre l'exagération d'une chose avec la chose ellemême.
Nous renvoyons, pour plus amples explications sur ce sujet, à
notre brochure : Qu'est-ce que le spiritisme ? au Livre des Esprits
(Introduction, § 15).
40. Système de l'hallucination. Une autre opinion, moins offensante en
ce qu'elle a une petite couleur scientifique, consiste à mettre les
phénomènes sur le compte de l'illusion des sens ; ainsi, l'observateur
serait de très bonne foi ; seulement, il croirait voir ce qu'il ne voit pas.
Quand il voit une table se soulever et se maintenir dans l'espace sans
point d'appui, la table n'aurait pas bougé de place ; il la voit en l'air par
une sorte de mirage ou un effet de réfraction comme celui qui fait voir
un astre, ou un objet dans l'eau, hors de sa position réelle. Cela serait
possible à la rigueur ; mais ceux qui ont été témoins de ce phénomène
ont pu constater l'isolement en passant sous la table suspendue, ce qui
paraît difficile si elle n'a pas quitté le sol. D'un autre côté, il est arrivé
maintes fois que la table s'est brisée en tombant : dira-t-on aussi que ce
n'est là qu'un effet d'optique ?
Une cause physiologique bien connue peut, sans doute, faire qu'on
croie voir tourner une chose qui ne bouge pas, ou qu'on croie tourner
soi-même quand on est immobile ; mais quand plusieurs personnes
autour d'une table sont entraînées par un mouvement si rapide qu'elles
ont de la peine à le suivre, que quelques-unes sont parfois jetées par
terre, dira-t-on que toutes sont prises de vertige, comme l'ivrogne qui
croit voir passer sa maison devant lui ?
41. Système du muscle craqueur. S'il en était ainsi pour la vue, il ne
saurait en être de même pour l'ouïe, et quand des coups frappés sont
entendus par toute une assemblée, on ne peut raisonnablement les
attribuer à une illusion. Nous écartons, bien entendu, toute idée de
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 38
fraude, et nous supposons qu'une observation attentive a constaté qu'ils
ne sont dus à aucune cause fortuite ou matérielle.
Il est vrai qu'un savant médecin en a donné une explication
péremptoire, selon lui1. «La cause en est, dit-il, dans les contractions
volontaires ou involontaires du tendon du muscle court-péronier». Il
entre à ce sujet dans les détails anatomiques les plus complets pour
démontrer par quel mécanisme ce tendon peut produire ces bruits, imiter
les batteries du tambour et même exécuter des airs rythmés ; d'où il
conclut que ceux qui croient entendre frapper des coups dans une table
sont dupes ou d'une mystification, ou d'une illusion. Le fait n'est pas
nouveau en lui-même ; malheureusement pour l'auteur de cette prétendue
découverte, sa théorie ne peut rendre raison de tous les cas. Disons
d'abord que ceux qui jouissent de la singulière faculté de faire craquer à
volonté leur muscle court-péronier, ou tout autre, et de jouer des airs par
ce moyen, sont des sujets exceptionnels ; tandis que celle de faire
frapper les tables est très commune, et que ceux qui possèdent celle-ci ne
jouissent pas tous, à beaucoup près, de la première. En second lieu, le
savant docteur a oublié d'expliquer comment le craquement musculaire
d'une personne immobile et isolée de la table peut y produire des
vibrations sensibles au toucher ; comment ce bruit peut se répercuter à la
volonté des assistants dans les différentes parties de la table, dans les
autres meubles, contre les murs, au plafond, etc. ; comment, enfin,
l'action de ce muscle peut s'étendre à une table qu'on ne touche pas, et la
faire mouvoir. Cette explication, du reste, si c'en était une, n'infirmerait
que le phénomène des coups frappés, mais ne peut concerner tous les
autres modes de communications. Concluons-en qu'il a jugé sans avoir
vu, ou sans avoir tout vu et bien vu. Il est toujours regrettable que des
hommes de science se hâtent de donner sur ce qu'ils ne connaissent pas
des explications que les faits peuvent démentir. Leur savoir même
devrait les rendre d'autant plus circonspects dans leurs jugements, qu'il
recule pour eux les bornes de l'inconnu.
1 M. Jobert (de Lamballe). Pour être juste il faut dire que cette découverte est due à M. Schiff :
M. Jobert en a développé les conséquences devant l'Académie de médecins pour donner le
coup de massue aux Esprits frappeurs. On en trouvera tous les détails dans la Revue Spirite du
mois de juin 1859.
SYSTEMES 39
42. Système des causes physiques. Ici nous sortons du système de la
négation absolue. La réalité des phénomènes étant avérée, la première
pensée qui est naturellement venue à l'esprit de ceux qui les ont reconnus
a été d'attribuer les mouvements au magnétisme, à l'électricité, ou à
l'action d'un fluide quelconque, en un mot, à une cause toute physique et
matérielle. Cette opinion n'avait rien d'irrationnel et elle aurait prévalu si
le phénomène se fût borné à des effets purement mécaniques. Une
circonstance même semblait la corroborer : c'était, dans certains cas,
l'accroissement de la puissance en raison du nombre des personnes ;
chacune d'elles pouvait ainsi être considérée comme un des éléments
d'une pile électrique humaine. Ce qui caractérise une théorie vraie, nous
l'avons dit, c'est de pouvoir rendre raison de tout ; mais si un seul fait
vient la contredire, c'est qu'elle est fausse, incomplète ou trop absolue.
Or, c'est ce qui n'a pas tardé d'arriver ici. Ces mouvements et ces coups
ont donné des signes intelligents, en obéissant à la volonté et en
répondant à la pensée ; ils devaient donc avoir une cause intelligente.
Dès lors que l'effet cessait d'être purement physique, la cause, par cela
même, devait avoir une autre source ; aussi le système de l'action
exclusive d'un agent matériel a-t-il été abandonné et ne se retrouve que
chez ceux qui jugent a priori et sans avoir vu. Le point capital est donc
de constater l'action intelligente, et c'est ce dont peut se convaincre
quiconque veut se donner la peine d'observer.
43. Système du reflet. L'action intelligente une fois reconnue, il restait
à savoir quelle était la source de cette intelligence. On a pensé que ce
pouvait être celle du médium ou des assistants, qui se réfléchissait
comme la lumière ou les rayons sonores. Cela était possible :
l'expérience seule pouvait dire son dernier mot. Mais d'abord,
remarquons que ce système s'écarte déjà complètement de l'idée
purement matérialiste ; pour que l'intelligence des assistants pût se
reproduire par voie indirecte, il fallait admettre en l'homme un principe
en dehors de l'organisme.
Si la pensée exprimée avait toujours été celle des assistants, la théorie
de la réflexion eût été confirmée ; or, le phénomène, même réduit à cette
proportion, n'était-il pas du plus haut intérêt ? La pensée se répercutant
dans un corps inerte et se traduisant par le mouvement et le bruit, n'étaitce
pas une chose bien remarquable ? N'y avait-il pas là de quoi piquer la
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 40
curiosité des savants ? Pourquoi donc l'ont-ils dédaignée, eux qui
s'épuisent à la recherche d'une fibre nerveuse ?
L'expérience seule, disons-nous, pouvait donner tort ou raison à cette
théorie, et l'expérience lui a donné tort, car elle démontre à chaque
instant, et par les faits les plus positifs, que la pensée exprimée peut être,
non seulement étrangère à celle des assistants, mais que souvent elle y
est entièrement contraire ; qu'elle vient contredire toutes les idées
préconçues, déjouer toutes les prévisions ; en effet, quand je pense blanc
et qu'il m'est répondu noir, il m'est difficile de croire que la réponse
vienne de moi. On s'appuie sur quelques cas d'identité entre la pensée
exprimée et celle des assistants ; mais qu'est-ce que cela prouve, sinon
que les assistants peuvent penser comme l'intelligence qui se
communique ? Il n'est pas dit qu'ils doivent toujours être d'opinion
opposée. Lorsque, dans la conversation, l'interlocuteur émet une pensée
analogue à la vôtre, direz-vous pour cela qu'elle vient de vous ? Il suffit
de quelques exemples contraires bien constatés pour prouver que cette
théorie ne peut être absolue. Comment, d'ailleurs, expliquer par la
réflexion de la pensée, l'écriture produite par des personnes qui ne savent
pas écrire, les réponses de la plus haute portée philosophique obtenues
par des personnes illettrées, celles qui sont données à des questions
mentales ou dans une langue inconnue du médium, et mille autres faits
qui ne peuvent laisser de doute sur l'indépendance de l'intelligence qui se
manifeste ? L'opinion contraire ne peut être que le résultat d'un défaut
d'observation.
Si la présence d'une intelligence étrangère est prouvée moralement par
la nature des réponses, elle l'est matériellement par le fait de l'écriture
directe, c'est-à-dire de l'écriture obtenue spontanément, sans plume ni
crayon, sans contact, et nonobstant toutes les précautions prises pour se
garantir de tout subterfuge. Le caractère intelligent du phénomène ne
saurait être révoqué en doute ; donc il y a autre chose qu'une action
fluidique. Ensuite, la spontanéité de la pensée exprimée en dehors de
toute attente, de toute question proposée, ne permet pas d'y voir un reflet
de celle des assistants.
Le système du reflet est assez désobligeant dans certains cas ; quand,
dans une réunion de personnes honnêtes, survient inopinément une de
ces communications révoltantes de grossièreté, ce serait faire un fort
mauvais compliment aux assistants de prétendre qu'elle provient de l'un
SYSTEMES 41
d'eux, et il est probable que chacun s'empresserait de la répudier (Voyez
Livre des Esprits, Introduction, § 16).
44. Système de l'âme collective. C'est une variante du précédent. Selon
ce système, l'âme seule du médium se manifeste, mais elle s'identifie
avec celle de plusieurs autres vivants présents ou absents, et forme un
tout collectif réunissant les aptitudes, l'intelligence et les connaissances
de chacun. Quoique la brochure où cette théorie est exposée soit intitulée
la lumière2, elle nous a semblé d'un style très obscur ; nous avouons
l'avoir peu comprise, et nous n'en parlons que pour mémoire. C'est,
d'ailleurs, comme beaucoup d'autres, une opinion individuelle qui a fait
peu de prosélytes. Le nom d'Emah Tirpsé est celui que prend l'auteur
pour désigner l'être collectif qu'il représente. Il prend pour épigraphe : Il
n'est rien de caché qui ne doive être connu. Cette proposition est
évidemment fausse, car il est une foule de choses que l'homme ne peut
pas et ne doit pas savoir ; bien présomptueux serait celui qui prétendrait
pénétrer tous les secrets de Dieu.
45. Système somnambulique. Celui-ci a eu plus de partisans et en
compte même encore quelques-uns. Comme le précédent, il admet que
toutes les communications intelligentes ont leur source dans l'âme ou
Esprit du médium ; mais, pour expliquer son aptitude à traiter des sujets
en dehors de ses connaissances, au lieu de supposer en lui une âme
multiple, il attribue cette aptitude à une surexcitation momentanée, des
facultés mentales, à une sorte d'état somnambulique ou extatique qui
exalte et développe son intelligence. On ne peut nier, dans certains cas,
l'influence de cette cause ; mais il suffit d'avoir vu opérer la plupart des
médiums pour se convaincre qu'elle ne peut résoudre tous les faits, et
qu'elle forme l'exception et non la règle. On pourrait croire qu'il en est
ainsi si le médium avait toujours l'air d'un inspiré ou d'un extatique,
apparence qu'il pourrait d'ailleurs parfaitement simuler s'il voulait jouer
la comédie ; mais comment croire à l'inspiration, quand le médium écrit
comme une machine, sans avoir la moindre conscience de ce qu'il
obtient, sans la moindre émotion, sans s'occuper de ce qu'il fait, et tout
en regardant ailleurs, riant et causant de choses et d'autres ? On conçoit
2 Communion. La lumière du phénomène de l'Esprit. Tables parlantes, somnambules, médiums,
miracles. Magnétisme spirituel : puissance de la pratique de la foi. Par Emah Tirpsé, une âme
collective écrivant par l'intermédiaire d'une planchette. Bruxelles, 1858, chez Devroye.
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 42
la surexcitation des idées, mais on ne comprend pas qu'elle puisse faire
écrire celui qui ne sait pas écrire, et encore moins quand les
communications sont transmises par des coups frappés, ou à l'aide d'une
planchette ou d'une corbeille. Nous verrons, dans la suite de cet ouvrage,
la part qu'il faut faire à l'influence des idées du médium ; mais les faits
où l'intelligence étrangère se révèle par des signes incontestables sont si
nombreux et si évidents, qu'ils ne peuvent laisser de doute à cet égard.
Le tort de la plupart des systèmes éclos à l'origine du spiritisme est
d'avoir tiré des conclusions générales de quelques faits isolés.
46. Système pessimiste, diabolique ou démoniaque. Ici nous entrons
dans un autre ordre d'idées. L'intervention d'une intelligence étrangère
étant constatée, il s'agissait de savoir quelle était la nature de cette
intelligence. Le moyen le plus simple était sans doute de le lui
demander ; mais certaines personnes n'ont pas trouvé là une garantie
suffisante, et n'ont voulu voir dans toutes les manifestations qu'une
oeuvre diabolique ; selon elles, le diable ou les démons peuvent seuls se
communiquer. Quoique ce système trouve peu d'échos aujourd'hui, il
n'en a pas moins joui un instant de quelque crédit par le caractère même
de ceux qui ont cherché à le faire prévaloir. Nous ferons toutefois
remarquer que les partisans du système démoniaque ne doivent point
être rangés parmi les adversaires du spiritisme, bien au contraire. Que les
êtres qui se communiquent soient des démons ou des anges, ce sont
toujours des êtres incorporels ; or, admettre la manifestation des démons,
c'est toujours admettre la possibilité de communiquer avec le monde
invisible, ou tout au moins avec une partie de ce monde.
La croyance à la communication exclusive des démons, quelque
irrationnelle qu'elle soit, pouvait ne pas sembler impossible alors que
l'on regardait les Esprits comme des êtres créés en dehors de l'humanité ;
mais depuis que l'on sait que les Esprits ne sont autre chose que les âmes
de ceux qui ont vécu, elle a perdu tout son prestige, et l'on peut dire
toute vraisemblance ; car il s'ensuivrait que toutes ces âmes sont des
démons, fussent-elles celles d'un père, d'un fils ou d'un ami, et que nousmêmes,
en mourant, nous devenons des démons, doctrine peu flatteuse et
peu consolante pour beaucoup de gens. Il sera bien difficile de persuader
à une mère que l'enfant chéri qu'elle a perdu, et qui vient lui donner
après sa mort des preuves de son affection et de son identité, soit un
SYSTEMES 43
suppôt de Satan. Il est vrai que, parmi les Esprits, il y en a de très
mauvais et qui ne valent pas mieux que ceux que l'on appelle démons,
par une raison bien simple, c'est qu'il y a des hommes très mauvais et
que la mort ne rend pas immédiatement meilleurs ; la question est de
savoir si ce sont les seuls qui puissent se communiquer. A ceux qui le
pensent, nous adresserons les questions suivantes :
1° Y a-t-il de bons et de mauvais Esprits ?
2° Dieu est-il plus puissant que les mauvais Esprits, ou que les
démons, si vous voulez les appeler ainsi ?
3° Affirmer que les mauvais seuls se communiquent, c'est dire que les
bons ne le peuvent pas ; s'il en est ainsi, de deux choses l'une : cela a lieu
par la volonté ou contre la volonté de Dieu. Si c'est contre sa volonté,
c'est que les mauvais Esprits sont plus puissants que lui ; si c'est par sa
volonté, pourquoi, dans sa bonté, ne le permettrait-il pas aux bons pour
contrebalancer l'influence des autres ?
4° Quelle preuve pouvez-vous donner de l'impuissance des bons
Esprits à se communiquer ?
5° Lorsqu'on vous oppose la sagesse de certaines communications,
vous répondez que le démon prend tous les masques pour mieux séduire.
Nous savons, en effet, qu'il y a des Esprits hypocrites qui donnent à leur
langage un faux vernis de sagesse ; mais admettez-vous que l'ignorance
puisse contrefaire le vrai savoir, et une mauvaise nature contrefaire la
vraie vertu, sans laisser rien percer qui puisse déceler la fraude ?
6° Si le démon seul se communique, puisqu'il est l'ennemi de Dieu et
des hommes, pourquoi recommande-t-il de prier Dieu, de se soumettre à
sa volonté, de subir sans murmure les tribulations de la vie, de
n'ambitionner ni les honneurs ni les richesses, de pratiquer la charité et
toutes les maximes du Christ ; en un mot, de faire tout ce qui est
nécessaire pour détruire son empire ? Si c'est le démon qui donne de tels
conseils, il faut convenir que, tout rusé qu'il est, il est bien maladroit de
fournir des armes contre lui-même3.
3 Cette question a été traitée dans le Livre des Esprits (n° 128 et suivants) ; mais nous
recommandons à ce sujet, comme sur tout ce qui touche à la partie religieuse, la brochure
intitulée : Lettre d'un catholique sur le spiritisme, par M. le docteur Grand, ancien consul de
France (chez Ledoyen. In-18 ; prix, l fr.), ainsi que celle que nous allons publier sous le titre
de : LES CONTRADICTEURS DU SPIRITISME au point de vue de la religion, de la science
et du matérialisme.
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 44
7° Puisque les Esprits se communiquent, c'est que Dieu le permet ; en
voyant les bonnes et les mauvaises communications, n'est-il pas plus
logique de penser que Dieu permet les unes pour nous éprouver, et les
autres pour nous conseiller le bien ?
8° Que penseriez-vous d'un père qui laisserait son enfant à la merci
des exemples et des conseils pernicieux, et qui écarterait de lui, qui lui
interdirait de voir les personnes qui pourraient le détourner du mal ? Ce
qu'un bon père ne ferait pas, doit-on penser que Dieu, qui est la bonté
par excellence, fasse moins que ne ferait un homme ?
9° L'Eglise reconnaît comme authentiques certaines manifestations de
la Vierge et autres saints, dans des apparitions, visions, communications
orales, etc. ; cette croyance n'est-elle pas contradictoire avec la doctrine
de la communication exclusive des démons ?
Nous croyons que certaines personnes ont professé cette théorie de
bonne foi ; mais nous croyons aussi que plusieurs l'ont fait uniquement
en vue de détourner de s'occuper de ces choses, à cause des mauvaises
communications que l'on est exposé à recevoir ; en disant que le diable
seul se manifeste, elles ont voulu effrayer, à peu près comme lorsqu'on
dit à un enfant : Ne touche pas à cela, parce que cela brûle. L'intention
peut être louable, mais le but est manqué ; car la défense seule excite la
curiosité, et la peur du diable retient bien peu de gens : on veut le voir,
ne serait-ce que pour voir comment il est fait, et l'on est tout étonné de
ne pas le trouver aussi noir qu'on l'avait cru.
Ne pourrait-on pas aussi voir un autre motif à cette théorie exclusive
du diable ? Il y a des gens qui trouvent que tous ceux qui ne sont pas de
leur avis ont tort ; or, ceux qui prétendent que toutes les communications
sont l'oeuvre du démon, ne seraient-ils pas mus par la crainte de ne pas
trouver les Esprits d'accord avec eux sur tous les points, plus encore sur
ceux qui touchent aux intérêts de ce monde qu'à ceux de l'autre ? Ne
pouvant nier les faits, ils ont voulu les présenter d'une manière
effrayante ; mais ce moyen n'a pas plus arrêté que les autres. Où la
crainte du ridicule est impuissante, il faut se résigner à laisser passer les
choses.
l'Esprit qui se communiquait ne pouvait être que le diable, parce qu'il
s'était permis de penser autrement que lui sur le pouvoir temporel, bien
qu'il n'eût, du reste, prêché que la charité, la tolérance, l'amour du
prochain, et l'abnégation des choses de ce monde, toutes maximes
enseignées par le Christ.
Les Esprits n'étant autres que les âmes des hommes, et les hommes
n'étant pas parfaits, il en résulte qu'il y a des Esprits également
imparfaits, et dont le caractère se reflète dans leurs communications.
C'est un fait incontestable qu'il y en a de mauvais, d'astucieux, de
profondément hypocrites, et contre lesquels il faut se tenir en garde ;
mais, parce qu'on rencontre dans le monde des hommes pervers, est-ce
une raison pour fuir toute société. Dieu nous a donné la raison et le
jugement pour apprécier les Esprits aussi bien que les hommes. Le
meilleur moyen de se prémunir contre les inconvénients que peut
présenter la pratique du spiritisme, ce n'est pas de l'interdire, mais de le
faire comprendre. Une crainte imaginaire n'impressionne qu'un instant et
n'affecte pas tout le monde ; la réalité clairement démontrée est comprise
de tous.
47. Système optimiste. A côté de ceux qui ne voient dans ces
phénomènes que l'action des démons, il en est d'autres qui n'ont vu que
celle des bons Esprits ; ils ont supposé que l'âme étant dégagée de la
matière, aucun voile n'existait plus pour elle, et qu'elle devait avoir la
souveraine science et la souveraine sagesse. Leur confiance aveugle
dans cette supériorité absolue des êtres du monde invisible a été pour
beaucoup la source de bien des déceptions ; ils ont appris à leurs dépens
à se défier de certains Esprits, tout aussi bien que de certains hommes.
48. Système unispirite ou monospirite. Une variété du système
optimiste consiste dans la croyance qu'un seul Esprit se communique aux
hommes, et que cet Esprit est le Christ, qui est le protecteur de la terre.
Quand on voit des communications de la plus basse trivialité, d'une
grossièreté révoltante, empreintes de malveillance et de méchanceté, il y
aurait profanation et impiété à supposer qu'elles pussent émaner de
l'Esprit du bien par excellence. Encore si ceux qui le croient n'avaient
jamais eu que des communications irréprochables, on concevrait leur
illusion ; mais la plupart conviennent en avoir eu de très mauvaises, ce
qu'ils expliquent en disant que c'est une épreuve que le bon Esprit leur
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 46
fait subir en leur dictant des choses absurdes : ainsi, tandis que les uns
attribuent toutes les communications au diable, qui peut dire de bonnes
choses pour tenter, d'autres pensent que Jésus seul se manifeste et qu'il
peut dire de mauvaises choses pour éprouver. Entre ces deux opinions si
inverses, qui prononcera ? Le bon sens et l'expérience. Nous disons
l'expérience, parce qu'il est impossible que ceux qui professent des idées
aussi exclusives aient tout vu et tout bien vu.
Quand on leur objecte les faits d'identité qui attestent la présence de
parents, amis ou connaissances par les manifestations écrites, visuelles
ou autres, ils répondent que c'est toujours le même Esprit, le diable selon
les uns, le Christ selon les autres, qui prend toutes les formes ; mais ils
ne nous disent pas pourquoi les autres Esprits ne peuvent pas se
communiquer, dans quel but l'Esprit de vérité viendrait nous tromper en
se présentant sous de fausses apparences, abuser une pauvre mère en lui
faisant croire mensongèrement qu'il est l'enfant qu'elle pleure. La raison
se refuse à admettre que l'Esprit-Saint entre tous s'abaisse à jouer une
pareille comédie. D'ailleurs, nier la possibilité de toute autre
communication, n'est-ce pas ôter au spiritisme ce qu'il a de plus suave :
la consolation des affligés ? Disons tout simplement qu'un pareil
système est irrationnel et ne peut soutenir un examen sérieux.
49. Système multispirite ou polyspirite. Tous les systèmes que nous
avons passés en revue, sans en excepter ceux qui sont dans le sens
négatif, reposent sur quelques observations, mais incomplètes ou mal
interprétées. Si une maison est rouge d'un côté et blanche de l'autre, celui
qui ne l'aura vue que d'un seul côté affirmera qu'elle est rouge, un autre
qu'elle est blanche : ils auront tous les deux tort et raison ; mais celui qui
aura vu la maison de tous les côtés dira qu'elle est rouge et blanche, et il
sera seul dans le vrai. Il en est de même à l'égard de l'opinion que l'on se
fait du spiritisme : elle peut être vraie à certains égards et fausse si l'on
généralise ce qui n'est que partiel, si l'on prend pour la règle ce qui n'est
que l'exception, pour le tout ce qui n'est que la partie. C'est pourquoi
nous disons que quiconque veut étudier sérieusement cette science doit
voir beaucoup et longtemps ; le temps seul lui permettra de saisir les
détails, de remarquer les nuances délicates, d'observer une multitude de
faits caractéristiques qui seront pour lui des traits de lumière ; mais s'il
s'arrête à la surface, il s'expose à porter un jugement prématuré, et par
SYSTEMES 47
conséquent erroné. Voici les conséquences générales qui ont été déduites
d'une observation complète et qui forment maintenant la croyance, on
peut le dire, de l'universalité des spirites, car les systèmes restrictifs ne
sont plus que des opinions isolées.
1° Les phénomènes spirites sont produits par des intelligences extra
corporelles, autrement dit par des Esprits.
2° Les Esprits constituent le monde invisible ; ils sont partout ; les
espaces en sont peuplés à l'infini ; il y en a sans cesse autour de nous
avec lesquels nous sommes en contact.
3° Les Esprits réagissent incessamment sur le monde physique et sur
le monde moral, et sont une des puissances de la nature.
4° Les Esprits ne sont pas des êtres à part dans la création ; ce sont les
âmes de ceux qui ont vécu sur la terre ou dans d'autres mondes, et qui
ont dépouillé leur enveloppe corporelle ; d'où il suit que les âmes des
hommes sont des Esprits incarnés, et qu'en mourant nous devenons
Esprits.
5° Il y a des Esprits de tous les degrés de bonté et de malice, de savoir
et d'ignorance.
6° Ils sont tous soumis à la loi du progrès et peuvent tous arriver à la
perfection ; mais comme ils ont leur libre arbitre, ils y arrivent dans un
temps plus ou moins long, selon leurs efforts et leur volonté.
7° Ils sont heureux ou malheureux, selon le bien ou le mal qu'ils ont
fait pendant leur vie et le degré d'avancement auquel ils sont parvenus.
Le bonheur parfait et sans mélange n'est le partage que des Esprits
arrivés au suprême degré de perfection.
8° Tous les Esprits, dans des circonstances données, peuvent se
manifester aux hommes ; le nombre de ceux qui peuvent se
communiquer est indéfini.
9° Les Esprits se communiquent par l'intermédiaire des médiums, qui
leur servent d'instruments et d'interprètes.
10° On reconnaît la supériorité ou l'infériorité des Esprits à leur
langage ; les bons ne conseillent que le bien et ne disent que de bonnes
choses : tout en eux atteste l'élévation ; les mauvais trompent, et toutes
leurs paroles portent le cachet de l'imperfection et de l'ignorance.
Les différents degrés que parcourent les Esprits sont indiqués dans
l'Echelle spirite (Livre des Esprits, livre II, chapitre I, n° 100). L'étude
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 48
de cette classification est indispensable pour apprécier la nature des
Esprits qui se manifestent, leurs bonnes et mauvaises qualités.
50. Système de l'âme matérielle ; il consiste uniquement dans une
opinion particulière sur la nature intime de l'âme. Selon cette opinion,
l'âme et le périsprit ne seraient donc point deux choses distinctes, ou,
pour mieux dire, le périsprit ne serait autre que l'âme elle-même,
s'épurant graduellement par les diverses transmigrations, comme l'alcool
s'épure par les diverses distillations, tandis que la doctrine spirite ne
considère le périsprit que comme l'enveloppe fluidique de l'âme ou de
l'Esprit. Le périsprit étant une matière, quoique très éthérée, l'âme serait
ainsi d'une nature matérielle plus ou moins essentielle selon le degré de
son épuration.
Ce système n'infirme aucun des principes fondamentaux de la doctrine
spirite, car il ne change rien à la destinée de l'âme ; les conditions de son
bonheur futur sont toujours les mêmes ; l'âme et le périsprit formant un
tout, sous le nom d'Esprit, comme le germe et le périsperme en forment
un sous le nom de fruit, toute la question se réduit à considérer le tout
comme homogène au lieu d'être formé de deux parties distinctes.
Comme on le voit, cela ne tire à aucune conséquence, et nous n'en
aurions pas parlé si nous n'avions rencontré des personnes portées à voir
une nouvelle école dans ce qui n'est, en définitive, qu'une simple
interprétation de mots. Cette opinion, très restreinte du reste, fût-elle
même plus générale, n'en constituerait pas plus une scission entre les
spirites que les deux théories de l'émission ou des ondulations de la
lumière n'en font une entre les physiciens. Ceux qui voudraient faire
bande à part pour une question aussi puérile prouveraient par cela seul
qu'ils attachent plus d'importance à l'accessoire qu'à la chose principale,
et qu'ils sont poussés à la désunion par des Esprits qui ne peuvent pas
être bons, car les bons Esprits ne soufflent jamais l'aigreur et la zizanie ;
c'est pourquoi nous engageons tous les vrais spirites à se tenir en garde
contre de pareilles suggestions, et à ne pas attacher à certains détails plus
d'importance qu'ils n'en méritent ; l'essentiel c'est le fond.
Nous croyons néanmoins devoir dire en quelques mots sur quoi
s'appuie l'opinion de ceux qui considèrent l'âme et le périsprit comme
deux choses distinctes. Elle est fondée sur l'enseignement des Esprits qui
n'ont jamais varié à cet égard ; nous parlons des Esprits éclairés, car
SYSTEMES 49
parmi eux il en est qui n'en savent pas plus et même moins que les
hommes, tandis que la théorie contraire est une conception humaine.
Nous n'avons ni inventé, ni supposé le périsprit pour expliquer les
phénomènes ; son existence nous a été révélée par les Esprits, et
l'observation nous l'a confirmée (Livre des Esprits, n° 93). Elle s'appuie
encore sur l'étude des sensations chez les Esprits (Livre des Esprits,
n° 257) et surtout sur le phénomène des apparitions tangibles qui
impliquerait, selon l'autre opinion, la solidification et la désagrégation
des parties constituantes de l'âme, et par conséquent sa désorganisation.
Il faudrait en outre admettre que cette matière, qui peut tomber sous les
sens, est elle-même le principe intelligent, ce qui n'est pas plus rationnel
que de confondre le corps avec l'âme, ou l'habit avec le corps. Quant à la
nature intime de l'âme, elle nous est inconnue. Quand on dit qu'elle est
immatérielle, il faut l'entendre dans le sens relatif et non absolu, car
l'immatérialité absolue serait le néant ; or, l'âme ou l'Esprit, c'est quelque
chose ; on veut dire que son essence est tellement supérieure qu'elle n'a
aucune analogie avec ce que nous appelons matière, et qu'ainsi, pour
nous, elle est immatérielle (Livre des Esprits, n° 23 et 82).
51. Voici la réponse donnée à ce sujet par un Esprit :
«Ce que les uns nomment périsprit n'est pas autre chose que ce que les
autres appellent enveloppe matérielle fluidique. Je dirai, pour me faire
comprendre d'une manière plus logique, que ce fluide est la perfectibilité
des sens, l'extension de la vue et des idées ; je parle ici des Esprits
élevés. Quant aux Esprits inférieurs, les fluides terrestres sont encore
complètement inhérents à eux ; donc c'est matière, comme vous voyez ;
de là les souffrances de la faim, du froid, etc., souffrances que ne
peuvent endurer les Esprits supérieurs, attendu que les fluides terrestres
sont épurés autour de la pensée, c'est-à-dire de l'âme. L'âme, pour son
progrès, a toujours besoin d'un agent ; l'âme, sans agent, n'est rien pour
vous, ou, pour mieux dire, ne peut être conçue par vous. Le périsprit,
pour nous autres Esprits errants, est l'agent par lequel nous
communiquons avec vous, soit indirectement par votre corps ou votre
périsprit, soit directement à votre âme ; de là des infinies nuances de
médiums et de communications. Maintenant reste le point de vue
scientifique, c'est-à-dire l'essence même du périsprit ; ceci est une autre
affaire. Comprenez d'abord moralement ; il ne reste plus qu'une
PREMIERE PARTIE - CHAPITRE IV 50
LAMENNAIS.
discussion sur la nature des fluides, ce qui est inexplicable pour le
moment ; la science ne connaît pas assez, mais on y arrivera si la science
veut marcher avec le spiritisme. Le périsprit peut varier et changer à
l'infini ; l'âme est la pensée : elle ne change pas de nature ; sous ce
rapport n'allez pas plus loin, c'est un point qui ne peut être expliqué.
Croyez-vous que je ne cherche pas comme vous ? Vous, vous cherchez
le périsprit ; nous autres maintenant, nous cherchons l'âme. Attendez
donc.»
Ainsi, des Esprits que l'on peut considérer comme avancés n'ont pu
encore sonder la nature de l'âme, comment pourrions-nous le faire nousmêmes
? C'est donc perdre son temps que de vouloir scruter le principe
des choses qui, ainsi qu'il est dit dans le Livre des Esprits (n° 17, 49), est
dans les secrets de Dieu. Prétendre fouiller, à l'aide du spiritisme, ce qui
n'est pas encore du ressort de l'humanité, c'est le détourner de son
véritable but ; c'est faire comme l'enfant qui voudrait en savoir autant
que le vieillard. Que l'homme fasse tourner le spiritisme à son
amélioration morale, c'est l'essentiel ; le surplus n'est qu'une curiosité
stérile et souvent orgueilleuse, dont la satisfaction ne lui fera faire aucun
pas en avant ; le seul moyen d'avancer, c'est de devenir meilleur. Les
Esprits qui ont dicté le livre qui porte leur nom ont prouvé leur sagesse
en se renfermant, pour ce qui concerne le principe des choses, dans les
limites que Dieu ne permet pas de franchir, laissant aux Esprits
systématiques et présomptueux la responsabilité des théories anticipées
et erronées, plus séduisantes que solides, et qui tomberont un jour devant
la raison comme tant d'autres sorties des cerveaux humains. Ils n'ont dit
que juste ce qui était nécessaire pour faire comprendre à l'homme
l'avenir qui l'attend, et par cela même l'encourager au bien. (Voir ciaprès,
2° partie, chapitre l°, Action des Esprits sur la matière.)
SECONDE PARTIE
-
DES MANIFESTATIONS SPIRITES
________
CHAPITRE PREMIER.
ACTION DES ESPRITS SUR LA MATIERE.
52. L'opinion matérialiste étant écartée, comme condamnée à la fois
par la raison et par les faits, tout se résume à savoir si l'âme, après la
mort, peut se manifester aux vivants. La question, ainsi réduite à sa plus
simple expression, se trouve singulièrement dégagée. On pourrait
d'abord demander pourquoi des êtres intelligents, qui vivent en quelque
sorte dans notre milieu, quoique invisibles par leur nature, ne pourraient
pas attester leur présence d'une manière quelconque. La simple raison dit
qu'à cela il n'y a rien d'absolument impossible, et c'est déjà quelque
chose. Cette croyance a d'ailleurs pour elle l'assentiment de tous les
peuples, car on la retrouve partout et à toutes les époques ; or, une
intuition ne saurait être aussi générale, ni survivre aux temps, sans
reposer sur quelque chose. Elle est de plus sanctionnée par le
témoignage des livres sacrés et des Pères de l'Eglise, et il a fallu le
scepticisme et le matérialisme de notre siècle pour la reléguer parmi les
idées superstitieuses ; si nous sommes dans l'erreur, ces autorités le sont
également.
Mais ce ne sont là que des considérations morales. Une cause a surtout
contribué à fortifier le doute, à une époque aussi positive que la nôtre, où
l'on tient à se rendre compte de tout, où l'on veut savoir le pourquoi et le
comment de chaque chose, c'est l'ignorance de la nature des Esprits et
des moyens par lesquels ils peuvent se manifester. Cette connaissance
acquise, le fait des manifestations n'a plus rien de surprenant et rentre
dans l'ordre des faits naturels.
53. L'idée que l'on se forme des Esprits rend au premier abord le
phénomène des manifestations incompréhensibles. Ces manifestations ne
SECONDE PARTIE - CHAPITRE I 52
peuvent avoir lieu que par l'action de l'Esprit sur la matière ; c'est
pourquoi ceux qui croient que l'Esprit est l'absence de toute matière se
demandent, avec quelque apparence de raison, comment il peut agir
matériellement. Or, là est l'erreur ; car l'Esprit n'est pas une abstraction,
c'est un être défini, limité et circonscrit. L'esprit incarné dans le corps
constitue l'âme ; lorsqu'il le quitte à la mort, il n'en sort pas dépouillé de
toute enveloppe. Tous nous disent qu'ils conservent la forme humaine,
et, en effet, lorsqu'ils nous apparaissent, c'est sous celle que nous leur
connaissions.
Observons-les attentivement au moment où ils viennent de quitter la
vie ; ils sont dans un état de trouble ; tout est confus autour d'eux ; ils
voient leur corps sain ou mutilé selon le genre de mort ; d'un autre côté,
ils se voient et se sentent vivre ; quelque chose leur dit que ce corps est à
eux, et ils ne comprennent pas qu'ils en soient séparés. Ils continuent à se
voir sous leur forme primitive, et cette vue produit chez quelques-uns,
pendant un certain temps, une singulière illusion : celle de se croire
encore vivants ; il leur faut l'expérience de leur nouvel état pour se
convaincre de la réalité. Ce premier moment de trouble dissipé, le corps
devient pour eux un vieux vêtement dont ils se sont dépouillés et qu'ils
ne regrettent pas ; ils se sentent plus légers et comme débarrassés d'un
fardeau ; ils n'éprouvent plus les douleurs physiques et sont tout heureux
de pouvoir s'élever, franchir l'espace, ainsi que, de leur vivant, ils l'ont
fait maintes fois dans leurs rêves1. Cependant, malgré l'absence du corps,
ils constatent leur personnalité ; ils ont une forme, mais une forme qui ne
les gêne ni ne les embarrasse ; ils ont enfin la conscience de leur moi et
de leur individualité. Que devons-nous en conclure ? C'est que l'âme ne
laisse pas tout dans le cercueil, et qu'elle emporte quelque chose avec
elle.
54. De nombreuses observations et des faits irrécusables dont nous
aurons à parler plus tard ont conduit à cette conséquence, c'est qu'il y a
1 Si l'on veut bien se reporter à tout ce que nous avons dit dans le Livre des Esprits sur les rêves
et l'état de l'Esprit pendant le sommeil (n° 400 à 418), on concevra que ces rêves que presque
tout le monde a faits, dans lesquels on se voit transporté à travers l'espace et comme volant, ne
sont autre chose qu'un souvenir de la sensation éprouvée par l'Esprit, alors que, pendant le
sommeil, il avait momentanément quitté son corps matériel, n'emportant avec lui que son
corps fluidique, celui qu'il conservera après la mort. Ces rêves peuvent donc nous donner une
idée de l'état de l'Esprit quand il sera débarrassé des entraves qui le retiennent au sol.
ACTION DES ESPRITS SUR LA MATIERE 53
en l'homme trois choses ; 1° l'âme ou Esprit, principe intelligent en qui
réside le sens moral ; 2° le corps, enveloppe grossière, matérielle, dont il
est temporairement revêtu pour l'accomplissement de certaines vues
providentielles ; 3° le périsprit, enveloppe fluidique, semi-matérielle,
servant de lien entre l'âme et le corps.
La mort est la destruction, ou mieux la désagrégation de la grossière
enveloppe, de celle que l'âme abandonne ; l'autre s'en dégage et suit
l'âme qui se trouve, de cette manière, avoir toujours une enveloppe ;
cette dernière, bien que fluidique, éthérée, vaporeuse, invisible pour
nous dans son état normal, n'en est pas moins de la matière, quoique,
jusqu'à présent, nous n'ayons pas pu la saisir et la soumettre à l'analyse.
Cette seconde enveloppe de l'âme ou périsprit existe donc pendant la
vie corporelle ; c'est l'intermédiaire de toutes les sensations que perçoit
l'Esprit, celui par lequel l'Esprit transmet sa volonté à l'extérieur et agit
sur les organes. Pour nous servir d'une comparaison matérielle, c'est le
fil électrique conducteur qui sert à la réception et à la transmission de la
pensée ; c'est enfin cet agent mystérieux, insaisissable désigné sous le
nom de fluide nerveux, qui joue un si grand rôle dans l'économie, et dont
on ne tient pas assez compte dans les phénomènes physiologiques et
pathologiques. La médecine, ne considérant que l'élément matériel
pondérable, se prive, dans l'appréciation des faits, d'une cause incessante
d'action. Mais ce n'est pas ici le lieu d'examiner cette question ; nous
ferons seulement remarquer que la connaissance du périsprit est la clef
d'une foule de problèmes jusqu'alors inexpliqués.
Le périsprit n'est point une de ces hypothèses auxquelles on a
quelquefois recours dans la science pour l'explication d'un fait ; son
existence n'est pas seulement révélée par les Esprits, c'est un résultat
d'observations, ainsi que nous aurons occasion de le démontrer. Pour le
moment, et pour ne pas anticiper sur les faits que nous aurons à relater,
nous nous bornons à dire que, soit pendant son union avec le corps, soit
après sa séparation, l'âme n'est jamais séparée de son périsprit.
55. On a dit que l'Esprit est une flamme, une étincelle ; ceci doit
s'entendre de l'Esprit proprement dit, comme principe intellectuel et
moral, et auquel on ne saurait attribuer une forme déterminée ; mais, à
quelque degré qu'il se trouve, il est toujours revêtu d'une enveloppe ou
périsprit, dont la nature s'éthérise à mesure qu'il se purifie et s'élève dans
SECONDE PARTIE - CHAPITRE I 54
la hiérarchie ; de telle sorte que, pour nous, l'idée de forme est
inséparable de celle d'Esprit, et que nous ne concevons pas l'un sans
l'autre. Le périsprit fait donc partie intégrante de l'Esprit, comme le corps
fait partie intégrante de l'homme ; mais le périsprit seul n'est pas plus
l'Esprit que le corps seul n'est l'homme, car le périsprit ne pense pas ; il
est à l'Esprit ce que le corps est à l'homme ; c'est l'agent ou l'instrument
de son action.
56. La forme du périsprit est la forme humaine, et lorsqu'il nous
apparaît, c'est généralement celle sous laquelle nous avons connu l'Esprit
de son vivant. On pourrait croire, d'après cela, que le périsprit, dégagé de
toutes les parties du corps, se moule en quelque sorte sur lui et en
conserve l'empreinte, mais il ne paraît pas qu'il en soit ainsi. La forme
humaine, à quelques nuances de détails près, et sauf les modifications
organiques nécessitées par le milieu dans lequel l'être est appelé à vivre,
se retrouve chez les habitants de tous les globes ; c'est du moins ce que
disent les Esprits ; c'est également la forme de tous les Esprits non
incarnés et qui n'ont que le périsprit ; c'est celle sous laquelle de tout
temps on a représenté les anges ou purs Esprits ; d'où nous devons
conclure que la forme humaine est la forme type de tous les êtres
humains à quelque degré qu'ils appartiennent. Mais la matière subtile du
périsprit n'a point la ténacité ni la rigidité de la matière compacte du
corps ; elle est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, flexible et
expansible ; c'est pourquoi la forme qu'elle prend, bien que calquée sur
celle du corps, n'est pas absolue ; elle se plie à la volonté de l'Esprit, qui
peut lui donner telle ou telle apparence à son gré, tandis que l'enveloppe
solide lui offrait une résistance insurmontable. Débarrassé de cette
entrave qui le comprimait, le périsprit s'étend ou se resserre, se
transforme, en un mot se prête à toutes les métamorphoses, selon la
volonté qui agit sur lui. C'est par suite de cette propriété de son
enveloppe fluidique que l'Esprit qui veut se faire reconnaître peut, quand
cela est nécessaire, prendre l'exacte apparence qu'il avait de son vivant,
voire même celle des accidents corporels qui peuvent être des signes de
reconnaissance.
Les Esprits, comme on le voit, sont donc des êtres semblables à nous,
formant autour de nous toute une population invisible dans l'état
ACTION DES ESPRITS SUR LA MATIERE 55
normal ; nous disons dans l'état normal, parce que, comme nous le
verrons, cette invisibilité n'est pas absolue.
57. Revenons à la nature du périsprit, car cela est essentiel pour
l'explication que nous avons à donner. Nous avons dit que, quoique
fluidique, ce n'en est pas moins une sorte de matière, et ceci résulte du
fait des apparitions tangibles sur lesquelles nous reviendrons. On a vu,
sous l'influence de certains médiums, apparaître des mains ayant toutes
les propriétés de mains vivantes, qui en ont la chaleur, que l'on peut
palper, qui offrent la résistance d'un corps solide, qui vous saisissent, et
qui, tout à coup, s'évanouissent comme une ombre. L'action intelligente
de ces mains qui obéissent évidemment à une volonté en exécutant
certains mouvements, en jouant même des airs sur un instrument, prouve
qu'elles sont la partie visible d'une être intelligent invisible. Leur
tangibilité, leur température, en un mot l'impression qu'elles font sur les
sens, puisqu'on en a vu laisser des empreintes sur la peau, donner des
coups douloureux, ou caresser délicatement, prouvent qu'elles sont d'une
matière quelconque. Leur disparition instantanée prouve, en outre, que
cette matière est éminemment subtile et se comporte comme certaines
substances qui peuvent alternativement passer de l'état solide à l'état
fluidique, et réciproquement.
58. La nature intime de l'Esprit proprement dit, c'est-à-dire de l'être
pensant, nous est entièrement inconnue ; il ne se révèle à nous que par
ses actes, et ses actes ne peuvent frapper nos sens matériels que par un
intermédiaire matériel. L'Esprit a donc besoin de matière pour agir sur la
matière. Il a pour instrument direct son périsprit, comme l'homme a son
corps ; or son périsprit est matière, ainsi que nous venons de le voir. Il a
ensuite pour agent intermédiaire le fluide universel, sorte de véhicule sur
lequel il agit comme nous agissons sur l'air pour produire certains effets
à l'aide de la dilatation, de la compression, de la propulsion ou des
vibrations.
Envisagée de cette manière, l'action de l'Esprit sur la matière se
conçoit facilement ; on comprend dès lors que tous les effets qui en
résultent rentrent dans l'ordre des faits naturels, et n'ont rien de
merveilleux. Ils n'ont paru surnaturels que parce qu'on n'en connaissait
pas la cause ; la cause connue, le merveilleux disparaît, et cette cause est
tout entière dans les propriétés semi-matérielles du périsprit. C'est un
SECONDE PARTIE - CHAPITRE I 56
nouvel ordre de faits qu'une nouvelle loi vient expliquer, et dont on ne
s'étonnera pas plus dans quelque temps qu'on ne s'étonne aujourd'hui de
correspondre à distance par l'électricité en quelques minutes.
59. On se demandera peut-être comment l'Esprit, à l'aide d'une matière
aussi subtile, peut agir sur des corps lourds et compacts, soulever des
tables, etc.. Assurément, ce ne serait pas un homme de science qui
pourrait faire une pareille objection ; car, sans parler des propriétés
inconnues que peut avoir ce nouvel agent, n'avons-nous pas sous nos
yeux des exemples analogues ? n'est-ce pas dans les gaz les plus raréfiés,
dans les fluides impondérables que l'industrie trouve ses plus puissants
moteurs ? Quand on voit l'air renverser des édifices, la vapeur traîner des
masses énormes, la poudre gazéifiée soulever des rochers, l'électricité
briser des arbres et percer des murailles, qu'y a-t-il de plus étrange à
admettre que l'Esprit, à l'aide de son périsprit, puisse soulever une table ?
quand on sait surtout que ce périsprit peut devenir visible, tangible, et se
comporter comme un corps solide.
CHAPITRE II.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES. -
TABLES TOURNANTES.
60. On donne le nom de manifestations physiques à celles qui se
traduisent par des effets sensibles, tels que les bruits, le mouvement et le
déplacement des corps solides. Les unes sont spontanées, c'est-à-dire
indépendantes de toute volonté ; les autres peuvent être provoquées.
Nous ne parlerons d'abord que de ces dernières.
L'effet le plus simple, et l'un des premiers qui aient été observés,
consiste dans le mouvement circulaire imprimé à une table. Cet effet se
produit également sur tous les autres objets ; mais la table étant celui sur
lequel on s'est le plus exercé, parce que c'était le plus commode, le nom
de tables tournantes a prévalu pour la désignation de cette sorte de
phénomène.
Quand nous disons que cet effet est un des premiers qui aient été
observés, nous voulons dire dans ces derniers temps, car il est bien
certain que tous les genres de manifestations étaient connus dès les
temps les plus reculés, et il n'en peut être autrement ; puisque ce sont des
effets naturels, ils ont dû se produire à toutes les époques. Tertullien
parle en termes explicites des tables tournantes et parlantes.
Ce phénomène a pendant quelque temps alimenté la curiosité des
salons, puis on s'en est lassé pour passer à d'autres distractions, parce
que ce n'était qu'un sujet de distraction. Deux causes ont contribué à
l'abandon des tables tournantes : la mode pour les gens frivoles qui
consacrent rarement deux hivers au même amusement, et qui, chose
prodigieuse pour eux ! en ont bien donné trois ou quatre à celui-là. Pour
les gens graves et observateurs il en est sorti quelque chose de sérieux
qui a prévalu ; s'ils ont négligé les tables tournantes, c'est qu'ils se sont
occupés des conséquences bien autrement importantes dans leurs
résultats : ils ont quitté l'alphabet pour la science ; voilà tout le secret de
cet abandon apparent dont font tant de bruit les railleurs.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE II 58
Quoi qu'il en soit, les tables tournantes n'en sont pas moins le point de
départ pour la doctrine spirite, et à ce titre, nous leur devons quelques
développements, d'autant mieux que, présentant les phénomènes dans
leur plus grande simplicité, l'étude des causes en sera plus facile, et la
théorie une fois établie nous donnera la clef des effets plus compliqués.
61. Pour la production du phénomène, l'intervention d'une ou plusieurs
personnes douées d'une aptitude spéciale, et qu'on désigne sous le nom
de médiums, est nécessaire. Le nombre des coopérants est indifférent, si
ce n'est que, dans la quantité, il peut se trouver quelques médiums
inconnus. Quant à ceux dont la médiumnité est nulle, leur présence est
sans résultat, et même plus nuisible qu'utile, par la disposition d'esprit
qu'ils y apportent souvent.
Les médiums jouissent, sous ce rapport, d'une puissance plus ou moins
grande, et produisent, par conséquent, des effets plus ou moins
prononcés ; souvent une personne, médium puissant, produira à elle
seule beaucoup plus que vingt autres réunies ; il lui suffira de poser les
mains sur la table pour qu'à l'instant elle se meuve, se dresse, se
renverse, fasse des soubresauts, ou tourne avec violence.
62. Il n'y a aucun indice de la faculté médianimique ; l'expérience
seule peut la faire reconnaître. Lorsque, dans une réunion, on veut
essayer, il faut tout simplement s'asseoir autour d'une table, et poser à
plat les mains dessus, sans pression ni contention musculaire. Dans le
principe, comme on ignorait les causes du phénomène, on avait indiqué
plusieurs précautions reconnues comme absolument inutiles ; telle est,
par exemple, l'alternance des sexes ; tel est encore le contact des petits
doigts des différentes personnes, de manière à former une chaîne non
interrompue. Cette dernière précaution avait paru nécessaire alors qu'on
croyait à l'action d'une sorte de courant électrique ; depuis, l'expérience
en a démontré l'inutilité. La seule prescription qui soit rigoureusement
obligatoire, c'est le recueillement, un silence absolu, et surtout la
patience si l'effet se fait attendre. Il se peut qu'il se produise en quelques
minutes, comme il peut tarder une demi-heure ou une heure ; cela
dépend de la puissance médianimique des coparticipants.
63. Disons encore que la forme de la table, la substance dont elle est
faite, la présence des métaux, de la soie dans les vêtements des
assistants, les jours, les heures, l'obscurité ou la lumière, etc., sont aussi
MANIFESTATIONS PHYSIQUES - TABLES TOURNANTES 59
indifférents que la pluie ou le beau temps. Le volume seul de la table y
est pour quelque chose, mais dans le cas seulement où la puissance
médianimique serait insuffisante pour vaincre la résistance ; dans le cas
contraire une seule personne, un enfant même, peut faire soulever une
table de cent kg, alors que, dans des conditions moins favorables, douze
personnes ne feraient pas mouvoir le plus petit guéridon.
Les choses étant en cet état, lorsque l'effet commence à se manifester,
on entend assez généralement un petit craquement dans la table ; on sent
comme un frémissement qui est le prélude du mouvement ; elle semble
faire des efforts pour se démarrer, puis le mouvement de rotation se
prononce ; il s'accélère au point d'acquérir une rapidité telle que les
assistants ont toutes les peines du monde à le suivre. Une fois le
mouvement établi, on peut même s'écarter de la table qui continue à se
mouvoir en divers sens sans contact.
Dans d'autres circonstances, la table se soulève et se dresse, tantôt sur
un seul pied, tantôt sur un autre, puis reprend doucement sa position
naturelle. D'autres fois, elle se balance en imitant le mouvement de
tangage ou de roulis. D'autres fois, enfin, mais pour cela il faut une
puissance médianimique considérable, elle se détache entièrement du
sol, et se maintient en équilibre dans l'espace, sans point d'appui, se
soulevant même parfois jusqu'au plafond, de façon à ce qu'on puisse
passer par-dessous ; puis elle redescend lentement en se balançant
comme le ferait une feuille de papier, ou bien tombe violemment et se
brise, ce qui prouve d'une manière patente qu'on n'est pas le jouet d'une
illusion d'optique.
64. Un autre phénomène qui se produit très souvent, selon la nature du
médium, c'est celui des coups frappés dans le tissu même du bois, sans
aucun mouvement de la table ; ces coups, quelquefois très faibles,
d'autres fois assez forts, se font également entendre dans les autres
meubles de l'appartement, contre les portes, les murailles et le plafond.
Nous y reviendrons dans un instant. Quand ils ont lieu dans la table, ils y
produisent une vibration très appréciable par les doigts, et surtout très
distincte quand on y applique l'oreille.
CHAPITRE III.
MANIFESTATIONS INTELLIGENTES.
65. Dans ce que nous venons de voir, rien assurément ne révèle
l'intervention d'une puissance occulte, et ces effets pourraient
parfaitement s'expliquer par l'action d'un courant magnétique ou
électrique, ou celle d'un fluide quelconque. Telle a été, en effet, la
première solution donnée à ces phénomènes, et qui pouvait avec raison
passer pour très logique. Elle aurait, sans contredit, prévalu, si d'autres
faits ne fussent venus en démontrer l'insuffisance ; ces faits sont les
preuves d'intelligence qu'ils ont données ; or, comme tout effet
intelligent doit avoir une cause intelligente, il demeurait évident qu'en
admettant même que l'électricité ou tout autre fluide y jouât un rôle, il s'y
mêlait une autre cause. Quelle était-elle ? quelle était cette intelligence ?
c'est ce que la suite des observations a fait connaître.
66. Pour qu'une manifestation soit intelligente, il n'est pas nécessaire
qu'elle soit éloquente, spirituelle ou savante ; il suffit qu'elle prouve un
acte libre et volontaire, exprimant une intention ou répondant à une
pensée. Assurément, quand on voit une girouette agitée par le vent, on
est bien certain qu'elle n'obéit qu'à une impulsion mécanique ; mais si
l'on reconnaissait dans les mouvements de la girouette des signaux
intentionnels, si elle tournait à droite ou à gauche, vite ou avec lenteur au
commandement, on serait bien forcé d'admettre, non pas que la girouette
est intelligente, mais qu'elle obéit à une intelligence. C'est ce qui est
arrivé pour la table.
67. Nous avons vu la table se mouvoir, se soulever, frapper des coups,
sous l'influence d'un ou de plusieurs médiums. Le premier effet
intelligent qui fut remarqué, ce fut de voir ces mouvements obéir au
commandement ; ainsi, sans changer de place, la table se soulevait
alternativement sur le pied désigné ; puis, en retombant, frappait un
nombre déterminé de coups, répondant à une question. D'autres fois la
table, sans le contact de personne, se promenait toute seule dans la
chambre, allant à droite ou à gauche, en avant ou en arrière, exécutant
divers mouvements sur l'ordre des assistants. Il est bien évident que nous
SECONDE PARTIE - CHAPITRE III 62
écartons toute supposition de fraude ; que nous admettons la parfaite
loyauté des assistants, attestée par leur honorabilité et leur parfait
désintéressement. Nous parlerons plus tard des supercheries contre
lesquelles il est prudent de se tenir en garde.
68. Au moyen des coups frappés, et surtout par les coups intimes dont
nous venons de parler, on obtient des effets encore plus intelligents,
comme l'imitation des diverses batteries du tambour, de la petite guerre
avec feux de file ou de peloton, canonnade ; puis le grincement de la
scie, les coups de marteau, le rythme de différents airs, etc.. C'était,
comme on le comprend, un vaste champ ouvert à l'exploration. On s'est
dit que, puisqu'il y avait là une intelligence occulte, elle devait pouvoir
répondre aux questions, et elle répondit en effet par oui ou par non, au
moyen d'un nombre de coups de convention. Ces réponses étaient bien
insignifiantes, c'est pourquoi on eut l'idée de faire désigner les lettres de
l'alphabet, et de composer ainsi des mots et des phrases.
69. Ces faits, renouvelés à volonté par des milliers de personnes et
dans tous les pays, ne pouvaient laisser de doute sur la nature intelligente
des manifestations. C'est alors que surgit un nouveau système selon
lequel cette intelligence ne serait autre que celle du médium, de
l'interrogateur ou même des assistants. La difficulté était d'expliquer
comment cette intelligence pouvait se réfléchir dans la table et se
traduire par des coups ; dès qu'il était avéré que ces coups n'étaient pas
frappés par le médium, ils l'étaient donc par la pensée ; or, la pensée
frappant des coups, c'était un phénomène plus prodigieux encore que
tous ceux dont on avait été témoin. L'expérience ne tarda pas à
démontrer l'inadmissibilité de cette opinion. En effet, les réponses se
trouvaient fort souvent en opposition formelle avec la pensée des
assistants, en dehors de la portée intellectuelle du médium, et même dans
des langues ignorées de lui, ou relatant des faits inconnus de tous. Les
exemples sont si nombreux, qu'il est presque impossible que quiconque
s'est un peu occupé de communications spirites n'en ait pas été maintes
fois témoin. Nous n'en citerons qu'un seul qui nous a été rapporté par un
témoin oculaire.
70. Sur un navire de la marine impériale française, en station dans les
mers de la Chine, tout l'équipage, depuis les matelots jusqu'à l'étatmajor,
s'occupait de faire parler les tables. On eut l'idée d'évoquer
MANIFESTATIONS INTELLIGENTES 63
l'Esprit d'un lieutenant de ce même vaisseau, mort depuis deux ans. Il
vint, et, après diverses communications qui frappèrent tout le monde
d'étonnement, il dit ce qui suit, par coups frappés : «Je vous prie
instamment de faire payer au capitaine la somme de... (il indiquait le
chiffre), que je lui dois, et que je regrette de n'avoir pu lui rembourser
avant ma mort.» Personne ne connaissait le fait ; le capitaine lui-même
avait oublié cette créance, assez minime du reste ; mais en cherchant
dans ses comptes, il y trouva la mention de la dette du lieutenant, et dont
le chiffre indiqué était parfaitement exact. Nous demandons de la pensée
de qui cette indication pouvait être le reflet.
71. On perfectionna l'art de communiquer par des coups
alphabétiques, mais le moyen était toujours très long ; cependant on en
obtint d'une certaine étendue, ainsi que d'intéressantes révélations sur le
monde des Esprits. Ceux-ci en indiquèrent d'autres, et c'est à eux que
l'on doit le moyen des communications écrites.
Les premières communications de ce genre eurent lieu en adaptant un
crayon au pied d'une table légère posé sur une feuille de papier. La table,
mise en mouvement par l'influence d'un médium, se mit à tracer des
caractères, puis des mots et des phrases. On simplifia successivement ce
moyen en se servant de petites tables grandes comme la main, faites
exprès, puis de corbeilles, de boîtes de carton, et enfin de simples
planchettes. L'écriture était aussi courante, aussi rapide et aussi facile
qu'avec la main, mais on reconnut plus tard que tous ces objets n'étaient,
en définitive, que des appendices, véritables porte-crayons dont on
pouvait se passer, en tenant soi-même le crayon ; la main, entraînée par
un mouvement involontaire, écrivait sous l'impulsion imprimée par
l'Esprit, et sans le concours de la volonté ni de la pensée du médium. Dès
lors, les communications d'outre-tombe n'eurent pas plus de bornes que
la correspondance habituelle entre vivants. Nous reviendrons sur ces
différents moyens que nous expliquerons en détail ; nous les avons
rapidement esquissés pour montrer la succession des faits qui ont
conduit à constater, dans ces phénomènes, l'intervention d'intelligences
occultes, autrement dit des Esprits.
CHAPITRE IV.
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES.
Mouvements et soulèvements. - Bruits.
72. L'existence des Esprits étant démontrée par le raisonnement et par
les faits, ainsi que la possibilité pour eux d'agir sur la matière, il s'agit de
connaître maintenant comment s'opère cette action et comment ils s'y
prennent pour faire mouvoir les tables et les autres corps inertes.
Une pensée se présente tout naturellement, et c'est celle que nous
avons eue ; comme elle a été combattue par les Esprits qui nous ont
donné une toute autre explication à laquelle nous étions loin de nous
attendre, c'est une preuve évidente que leur théorie n'était pas notre
opinion. Or, cette première pensée, chacun pourrait l'avoir comme nous ;
quant à la théorie des Esprits, nous ne croyons pas qu'elle soit jamais
venue à l'idée de personne. On reconnaîtra sans peine combien elle est
supérieure à la nôtre, quoique moins simple, parce qu'elle donne la
solution d'une foule d'autres faits qui n'y trouvaient pas une explication
satisfaisante.
73. Du moment que l'on connaît la nature des Esprits, leur forme
humaine, les propriétés semi-matérielles du périsprit, l'action mécanique
qu'il peut avoir sur la matière ; que dans des faits d'apparition on a vu
des mains fluidiques et même tangibles saisir des objets et les
transporter, il était naturel de croire que l'Esprit se servait tout
simplement de ses mains pour faire tourner la table, et qu'il la soulevait
dans l'espace à force de bras. Mais alors, dans ce cas, quelle nécessité
d'avoir un médium ? L'Esprit ne peut-il agir seul ? car le médium, qui
pose le plus souvent ses mains en sens contraire du mouvement, ou
même qui ne les pose pas du tout, ne peut évidemment seconder l'Esprit
par une action musculaire quelconque. Laissons d'abord parler les
Esprits que nous avons interrogés à ce sujet.
74. Les réponses suivantes nous ont été données par l'Esprit de saint
Louis ; elles ont depuis été confirmées par beaucoup d'autres.
1. Le fluide universel est-il une émanation de la divinité ?
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IV 66
«Non.»
2. Est-ce une création de la divinité ?
«Tout est créé, excepté Dieu.»
3. Le fluide universel est-il en même temps l'élément universel ?
«Oui, c'est le principe élémentaire de toutes choses.»
4. A-t-il quelque rapport avec le fluide électrique dont nous
connaissons les effets ?
«C'est son élément.»
5. Quel est l'état dans lequel le fluide universel se présente à nous dans
sa plus grande simplicité ?
«Pour le trouver dans sa simplicité absolue, il faudrait remonter
jusqu'aux purs Esprits ; dans votre monde il est toujours plus ou moins
modifié pour former la matière compacte qui vous entoure ; cependant
vous pouvez dire que l'état qui se rapproche le plus de cette simplicité,
c'est celui du fluide que vous appelez fluide magnétique animal.»
6. Il a été dit que le fluide universel est la source de la vie ; est-il en
même temps la source de l'intelligence ?
«Non ; ce fluide n'anime que la matière.»
7. Puisque c'est ce fluide qui compose le périsprit, il paraît y être dans
une sorte d'état de condensation qui le rapproche, jusqu'à un certain
point, de la matière proprement dite ?
«Jusqu'à un certain point, comme vous le dites, car il n'en a pas toutes
les propriétés ; il est plus ou moins condensé selon les mondes.»
8. Comment un Esprit peut-il opérer le mouvement d'un corps solide ?
«Il combine une partie du fluide universel avec le fluide que dégage le
médium propre à cet effet.»
9. Les Esprits soulèvent-ils la table à l'aide de leurs membres en
quelque sorte solidifiés ?
«Cette réponse n'amènera pas encore ce que vous désirez. Lorsqu'une
table se meut sous vos mains, l'Esprit évoqué va puiser dans le fluide
universel de quoi animer cette table d'une vie factice. La table ainsi
préparée, l'Esprit l'attire et la meut sous l'influence de son propre fluide
dégagé par sa volonté. Lorsque la masse qu'il veut mettre en mouvement
est trop pesante pour lui, il appelle à son aide des Esprits qui se trouvent
dans les mêmes conditions que lui. En raison de sa nature éthérée,
l'Esprit, proprement dit, ne peut agir sur la matière grossière sans
intermédiaire, c'est-à-dire sans le lien qui l'unit à la matière ; ce lien, qui
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES 67
constitue ce que vous appelez le périsprit, vous donne la clef de tous les
phénomènes spirites matériels. Je crois m'être expliqué assez clairement
pour me faire comprendre.»
Remarque. Nous appelons l'attention sur cette première phrase : Cette réponse
n'amènera pas ENCORE ce que vous désirez. L'Esprit avait parfaitement compris
que toutes les questions précédentes n'étaient faites que pour arriver à celle-ci, et il
fait allusion à notre pensée qui attendait, en effet, une toute autre réponse, c'est-àdire
la confirmation de notre idée sur la manière dont l'Esprit fait mouvoir les
tables.
10. Les Esprits qu'il appelle à son aide lui sont-ils inférieurs ? sont-ils
sous ses ordres ?
«Egaux, presque toujours ; souvent ils viennent d'eux-mêmes.»
11. Tous les Esprits sont-ils aptes à produire les phénomènes de ce
genre ?
«Les Esprits qui produisent ces sortes d'effets sont toujours des Esprits
inférieurs qui ne sont pas encore entièrement dégagés de toute influence
matérielle.»
12. Nous comprenons que les Esprits supérieurs ne s'occupent pas de
choses qui sont au-dessous d'eux ; mais nous demandons si, en raison de
ce qu'ils sont plus dématérialisés, ils auraient la puissance de le faire s'ils
en avaient la volonté.
«Ils ont la force morale comme les autres ont la force physique ; quand
ils ont besoin de cette force, ils se servent de ceux qui la possèdent. Ne
vous a-t-on pas dit qu'ils se servent des Esprits inférieurs comme vous le
faites des portefaix ?»
Remarque. On a dit que la densité du périsprit, si l'on peut s'exprimer ainsi,
varie selon l'état des mondes ; il parait qu'elle varie aussi dans le même monde
selon les individus. Chez les Esprits avancés moralement il est plus subtil et se
rapproche de celui des Esprits élevés ; chez les Esprits inférieurs, au contraire, il
se rapproche de la matière, et c'est ce qui fait que ces Esprits de bas étage
conservent si longtemps les illusions de la vie terrestre ; ils pensent et agissent
comme s'ils étaient encore vivants ; ils ont les mêmes désirs, et l'on pourrait
presque dire la même sensualité. Cette grossièreté du périsprit lui donnant plus
d'affinité avec la matière rend les Esprits inférieurs plus propres aux
manifestations physiques. C'est par la même raison qu'un homme du monde,
habitué aux travaux d'intelligence, dont le corps est frêle et délicat, ne peut enlever
un lourd fardeau comme un portefaix. La matière, chez lui, est en quelque sorte
moins compacte, les organes moins résistants ; il a moins de fluide nerveux. Le
périsprit étant à l'Esprit ce que le corps est à l'homme, et sa densité étant en raison
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IV 68
de l'infériorité de l'Esprit, elle remplace chez lui la force musculaire, c'est-à-dire
lui donne, sur les fluides nécessaires aux manifestations, une puissance plus
grande que chez ceux dont la nature est plus éthérée. Si un Esprit élevé veut
produire de tels effets, il fait ce que font parmi nous les gens délicats, il le fait faire
par un Esprit du métier.
13. Si nous avons bien compris ce que vous avez dit, le principe vital
réside dans le fluide universel ; l'Esprit puise dans ce fluide l'enveloppe
semi-matérielle qui constitue son périsprit, et c'est par le moyen de ce
fluide qu'il agit sur la matière inerte. Est-ce bien cela ?
«Oui ; c'est-à-dire qu'il anime la matière d'une espèce de vie factice : la
matière s'anime de la vie animale. La table qui se meut sous vos mains
vit comme l'animal ; elle obéit d'elle-même à l'être intelligent. Ce n'est
pas celui-ci qui la pousse comme l'homme fait d'un fardeau ; lorsque la
table s'enlève, ce n'est pas l'Esprit qui la soulève à force de bras, c'est la
table animée qui obéit à l'impulsion donnée par l'Esprit.»
14. Quel est le rôle du médium dans ce phénomène ?
«Je l'ai dit, le fluide propre du médium se combine avec le fluide
universel accumulé par l'Esprit ; il faut l'union de ces deux fluides, c'està-
dire du fluide animalisé avec le fluide universel, pour donner la vie à la
table. Mais remarquez bien que cette vie n'est que momentanée ; elle
s'éteint avec l'action, et souvent avant la fin de l'action, aussitôt que la
quantité de fluide n'est plus suffisante pour l'animer.»
15. L'Esprit peut-il agir sans le concours d'un médium ?
«Il peut agir à l'insu du médium ; c'est-à-dire que beaucoup de
personnes servent d'auxiliaires aux Esprits pour certains phénomènes,
sans s'en douter. L'Esprit puise en elles, comme à une source, le fluide
animalisé dont il a besoin ; c'est ainsi que le concours d'un médium tel
que vous l'entendez n'est pas toujours nécessaire, ce qui a lieu surtout
dans les phénomènes spontanés.»
16. La table animée agit-elle avec intelligence ? pense-t-elle ?
«Elle ne pense pas plus que le bâton avec lequel vous faites un signe
intelligent, mais la vitalité dont elle est animée lui permet d'obéir à
l'impulsion d'une intelligence. Sachez donc bien que la table qui se meut
ne devient pas Esprit, et qu'elle n'a, par elle-même, ni pensée, ni
volonté.»
Remarque. On se sert souvent d'une expression analogue dans le langage usuel ;
on dit d'une roue qui tourne avec vitesse qu'elle est animée d'un mouvement
rapide.
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES 69
17. Quelle est la cause prépondérante dans la production de ce
phénomène : l'Esprit ou le fluide ?
«L'Esprit est la cause, le fluide est l'instrument ; les deux choses sont
18. Quel rôle joue la volonté du médium dans ce cas ?
nécessaires.»
«Appeler les Esprits et les seconder dans l'impulsion donnée au
fluide.»
- L'action de la volonté est-elle toujours indispensable ?
«Elle ajoute à la puissance, mais elle n'est pas toujours nécessaire,
puisque le mouvement peut avoir lieu contre et malgré cette volonté, et
c'est là une preuve qu'il y a une cause indépendante du médium.»
Remarque. Le contact des mains n'est pas toujours nécessaire pour faire
mouvoir un objet. Il l'est le plus souvent pour donner la première impulsion, mais
une fois que l'objet est animé, il peut obéir à la volonté sans contact matériel ; cela
dépend soit de la puissance du médium, soit de la nature des Esprits. Un premier
contact n'est même pas toujours indispensable ; on en a la preuve dans les
mouvements et déplacements spontanés que l'on ne songe pas à provoquer.
19. Pourquoi tout le monde ne peut-il pas produire le même effet, et
pourquoi tous les médiums n'ont-ils pas la même puissance ?
«Cela dépend de l'organisation et du plus ou moins de facilité avec
laquelle la combinaison des fluides peut s'opérer ; puis, l'Esprit du
médium sympathise plus ou moins avec les Esprits étrangers qui
trouvent en lui la puissance fluidique nécessaire. Il en est de cette
puissance comme de celle des magnétiseurs, qui est plus ou moins
grande. Sous ce rapport, il y a des personnes qui sont tout à fait
réfractaires ; d'autres chez lesquelles la combinaison ne s'opère que par
un effort de leur volonté ; d'autres, enfin, chez lesquelles elle a lieu si
naturellement et si facilement, qu'elles ne s'en doutent même pas, et
qu'elles servent d'instrument à leur insu, comme nous l'avons déjà dit.»
(Voir ci-après le chapitre des manifestations spontanées).
Remarque. Le magnétisme est sans aucun doute le principe de ces phénomènes,
mais non tel qu'on l'entend généralement, la preuve, c'est qu'il y a de très puissants
magnétiseurs qui ne feraient pas mouvoir un guéridon, et des personnes qui ne
peuvent pas magnétiser, des enfants même, à qui il suffit de poser les doigts sur
une lourde table pour la faire s'agiter ; donc si la puissance médianimique n'est pas
en raison de la puissance magnétique, c'est qu'il y a une autre cause.
20. Les personnes dites électriques peuvent-elles être considérées
comme des médiums ?
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IV 70
«Ces personnes puisent en elles-mêmes le fluide nécessaire à la
production du phénomène, et peuvent agir sans le secours d'Esprits
étrangers. Ce ne sont point alors des médiums dans le sens attaché à ce
mot ; mais il se peut aussi qu'un Esprit les assiste et profite de leurs
dispositions naturelles.»
Remarque. Il en serait de ces personnes comme des somnambules qui peuvent
agir avec ou sans le concours d'un Esprit étranger. (Voir au chapitre des médiums,
l'article relatif aux médiums somnambules.)
21. L'Esprit qui agit sur les corps solides pour les mouvoir, est-il dans
la substance même des corps, ou bien en dehors de cette substance ?
«L'un et l'autre ; nous avons dit que la matière n'est point un obstacle
pour les Esprits ; ils pénètrent tout ; une portion du périsprit s'identifie,
pour ainsi dire, avec l'objet qu'il pénètre.»
22. Comment l'Esprit s'y prend-il pour frapper ? Se sert-il d'un objet
matériel ?
«Pas plus que de ses bras pour soulever la table. Vous savez bien qu'il
n'a pas de marteau à sa disposition. Son marteau, c'est le fluide combiné
mis en action par sa volonté pour mouvoir ou pour frapper. Quand il
meut, la lumière vous apporte la vue des mouvements ; quand il frappe,
l'air vous apporte le son.»
23. Nous concevons cela quand il frappe sur un corps dur ; mais
comment peut-il faire entendre du bruit ou des sons articulés dans le
vague de l'air ?
«Puisqu'il agit sur la matière, il peut agir sur l'air aussi bien que sur la
table. Quant aux sons articulés, il peut les imiter comme tous les autres
bruits.»
24. Vous dites que l'Esprit ne se sert pas de ses mains pour remuer la
table ; cependant on a vu, dans certaines manifestations visuelles,
apparaître des mains dont les doigts se promenaient sur un clavier,
agitaient les touches et faisaient entendre des sons. Ne semblerait-il pas
qu'ici le mouvement des touches est produit par la pression des doigts ?
Cette pression n'est-elle pas aussi directe et réelle quand elle se fait
sentir sur nous-mêmes, quand ces mains laissent des empreintes sur la
peau ?
«Vous ne pouvez comprendre la nature des Esprits et leur manière
d'agir que par des comparaisons qui ne vous en donnent qu'une idée
incomplète, et c'est un tort de toujours vouloir assimiler leurs procédés
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES 71
aux vôtres. Leurs procédés doivent être en rapport avec leur
organisation. Ne vous ai-je pas dit que le fluide du périsprit pénètre la
matière et s'identifie avec elle, qu'il l'anime d'une vie factice ? Eh bien !
quand l'Esprit pose les doigts sur les touches, il les pose réellement, et
même il les remue ; mais ce n'est pas par la force musculaire qu'il presse
sur la touche ; il anime la touche, comme il anime la table, et la touche
qui obéit à sa volonté se remue et frappe la corde. Il se passe même ici
une chose que vous aurez de la peine à comprendre, c'est que certains
Esprits sont si peu avancés et tellement matériels, comparativement aux
Esprits élevés, qu'ils ont encore les illusions de la vie terrestre, et croient
agir comme lorsqu'ils avaient leur corps ; ils ne se rendent pas plus
compte de la véritable cause des effets qu'ils produisent qu'un paysan ne
se rend compte de la théorie des sons qu'il articule ; demandez-leur
comment ils touchent du piano, ils vous diront qu'ils frappent dessus
avec leurs doigts, parce qu'ils croient frapper ; l'effet se produit
instinctivement chez eux sans qu'ils sachent comment, et cependant par
leur volonté. Quand ils font entendre des paroles, c'est la même chose.»
Remarque. Il résulte de ces explications que les Esprits peuvent produire tous
les effets que nous produisons nous-mêmes, mais par des moyens appropriés à leur
organisation ; certaines forces qui leur sont propres remplacent les muscles qui
nous sont nécessaires pour agir ; de même que le geste remplace, chez le muet, la
parole qui lui manque.
25. Parmi les phénomènes que l'on cite comme preuves de l'action
d'une puissance occulte, il y en a qui sont évidemment contraires à toutes
les lois connues de la nature ; le doute alors ne semble-t-il pas permis ?
«C'est que l'homme est loin de connaître toutes les lois de la nature ;
s'il les connaissait toutes, il serait Esprit supérieur. Chaque jour pourtant
donne un démenti à ceux qui, croyant tout savoir, prétendent imposer
des bornes à la nature, et ils n'en restent pas moins orgueilleux. En
dévoilant sans cesse de nouveaux mystères, Dieu avertit l'homme de se
défier de ses propres lumières, car un jour viendra où la science du plus
savant sera confondue. N'avez-vous pas tous les jours des exemples de
corps animés d'un mouvement capable de l'emporter sur la force de
gravitation ? Le boulet, lancé en l'air, ne surmonte-t-il pas
momentanément cette force ? Pauvres hommes qui croyez être bien
savants, et dont la sotte vanité est à chaque instant déroutée, sachez donc
que vous êtes encore bien petits.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IV 72
75. Ces explications sont claires, catégoriques et sans ambiguïté ; il en
ressort ce point capital que le fluide universel, dans lequel réside le
principe de la vie, est l'agent principal des manifestations, et que cet
agent reçoit son impulsion de l'Esprit, que celui-ci soit incarné ou errant.
Ce fluide condensé constitue le périsprit ou enveloppe semi-matérielle
de l'Esprit. Dans l'état d'incarnation, le périsprit est uni à la matière du
corps ; dans l'état d'erraticité, il est libre. Quand l'Esprit est incarné, la
substance du périsprit est plus ou moins liée, plus ou moins adhérente, si
l'on peut s'exprimer ainsi. Chez certaines personnes, il y a en quelque
sorte émanation de ce fluide par suite de leur organisation, et c'est là, à
proprement parler, ce qui constitue les médiums à influences physiques.
L'émission du fluide animalisé peut être plus ou moins abondante, sa
combinaison plus ou moins facile, de là les médiums plus ou moins
puissants ; elle n'est point permanente, ce qui explique l'intermittence de
la puissance.
76. Citons une comparaison. Lorsqu'on a la volonté d'agir
matériellement sur un point quelconque placé à distance, c'est la pensée
qui veut, mais la pensée seule n'ira pas frapper ce point ; il lui faut un
intermédiaire qu'elle dirige : un bâton, un projectile, un courant d'air,
etc.. Remarquez même que la pensée n'agit pas directement sur le bâton,
car si on ne le touche pas il n'agira pas tout seul. La pensée, qui n'est
autre que l'Esprit incarné en nous, est unie au corps par le périsprit ; or,
elle ne peut pas plus agir sur le corps sans le périsprit, qu'elle ne peut
agir sur le bâton sans le corps ; elle agit sur le périsprit, parce que c'est la
substance avec laquelle elle a le plus d'affinité ; le périsprit agit sur les
muscles, les muscles saisissent le bâton, et le bâton frappe le but. Quand
l'Esprit n'est pas incarné, il lui faut un auxiliaire étranger ; cet auxiliaire
est le fluide à l'aide duquel il rend l'objet propre à suivre l'impulsion de
sa volonté.
77. Ainsi, quand un objet est mis en mouvement, enlevé ou lancé en
l'air, ce n'est point l'Esprit qui le saisit, le pousse et le soulève, comme
nous le ferions avec la main ; il le sature, pour ainsi dire, de son fluide
combiné avec celui du médium, et l'objet, ainsi momentanément vivifié,
agit comme le ferait un être vivant, avec cette différence que, n'ayant pas
de volonté propre, il suit l'impulsion de la volonté de l'Esprit.
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES 73
Puisque le fluide vital, poussé en quelque sorte par l'Esprit, donne une
vie factice et momentanée aux corps inertes, que le périsprit n'est autre
chose que ce même fluide vital, il s'ensuit que lorsque l'Esprit est
incarné, c'est lui qui donne la vie à son corps, au moyen de son périsprit ;
il y reste uni tant que l'organisation le permet ; quand il se retire, le corps
meurt. Maintenant si, au lieu d'une table, on taille le bois en statue, et
qu'on agisse sur cette statue comme sur la table, on aura une statue qui se
remuera, qui frappera, qui répondra par ses mouvements et par ses
coups ; on aura, en un mot, une statue momentanément animée d'une vie
artificielle ; on a dit les tables parlantes, on pourrait aussi dire les statues
parlantes. Quelle lumière cette théorie ne jette-t-elle pas sur une foule de
phénomènes jusqu'alors sans solution ! Que d'allégories et d'effets
mystérieux n'explique-t-elle pas !
78. Les incrédules quand même objectent que le fait de l'enlèvement
des tables sans point d'appui est impossible, parce qu'il est contraire à la
loi de gravitation. Nous leur répondrons d'abord que leur négation n'est
pas une preuve ; secondement, que si le fait existe, il aurait beau être
contraire à toutes les lois connues, cela prouverait une chose, c'est qu'il
repose sur une loi inconnue, et que les négateurs ne peuvent avoir la
prétention de connaître toutes les lois de la nature. Nous venons
d'expliquer cette loi, mais ce n'est pas une raison pour qu'elle soit
acceptée par eux, précisément parce qu'elle est donnée par des Esprits
qui ont quitté leur habit terrestre, au lieu de l'être par des Esprits qui l'ont
encore et qui siègent à l'Académie. De telle sorte que si l'Esprit d'Arago
vivant eût donné cette loi, ils l'eussent acceptée les yeux fermés ; mais
donnée par l'Esprit d'Arago mort, c'est une utopie, et pourquoi cela ?
parce qu'ils croient qu'Arago étant mort, tout est mort en lui. Nous
n'avons pas la prétention de les en dissuader ; cependant, comme cette
objection pourrait embarrasser certaines personnes, nous allons essayer
d'y répondre en nous mettant à leur point de vue, c'est-à-dire en faisant
abstraction pour un instant de la théorie de l'animation factice.
79. Quand on fait le vide sous la cloche de la machine pneumatique,
cette cloche adhère avec une telle force qu'il est impossible de l'enlever à
cause du poids de la colonne d'air qui pèse dessus. Qu'on laisse rentrer
l'air, et la cloche s'enlève avec la plus grande facilité, parce que l'air de
dessous fait contrepoids avec l'air du dessus ; cependant, abandonnée à
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IV 74
elle-même, elle restera sur le plateau en vertu de la loi de gravitation.
Maintenant, que l'air de dessous soit comprimé, qu'il ait une densité plus
grande que celui de dessus, la cloche sera soulevée malgré la
gravitation ; si le courant d'air est rapide et violent, elle pourra être
soutenue dans l'espace sans aucun appui visible, à la manière de ces
bonshommes qu'on fait voltiger sur un jet d'eau. Pourquoi donc le fluide
universel, qui est l'élément de toute nature, étant accumulé autour de la
table, n'aurait-il pas la propriété d'en diminuer ou d'en augmenter la
pesanteur spécifique relative, comme l'air le fait pour la cloche de la
machine pneumatique, comme le gaz hydrogène le fait pour les ballons,
sans qu'il soit pour cela dérogé aux lois de la gravitation ? Connaissezvous
toutes les propriétés et toute la puissance de ce fluide ? Non ; eh
bien ! ne niez donc pas un fait parce que vous ne pouvez pas l'expliquer.
80. Revenons à la théorie du mouvement de la table. Si, par le moyen
indiqué, l'Esprit peut enlever une table, il peut enlever toute autre chose :
un fauteuil, par exemple. S'il peut enlever un fauteuil, il peut aussi, avec
une force suffisante, enlever en même temps une personne assise dessus.
Voilà donc l'explication de ce phénomène qu'a produit cent fois M.
Home sur lui et sur d'autres personnes ; il l'a renouvelé pendant un
voyage à Londres, et afin de prouver que les spectateurs n'étaient pas le
jouet d'une illusion d'optique, il a fait au plafond une marque avec un
crayon, et l'on a passé sous lui. On sait que M. Home est un puissant
médium pour les effets physiques : il était, dans ce cas, la cause
efficiente et l'objet.
Augmentation et diminution du poids des corps.
81. Nous avons parlé tout à l'heure de l'augmentation du poids ; c'est
en effet un phénomène qui se produit quelquefois, et qui n'a rien de plus
anomal que la prodigieuse résistance de la cloche sous la pression de la
colonne atmosphérique. On a vu, sous l'influence de certains médiums,
des objets assez légers offrir la même résistance, puis tout à coup céder
au moindre effort. Dans l'expérience ci-dessus, la cloche ne pèse en
réalité ni plus ni moins par elle-même, mais elle paraît plus lourde par
l'effet de la cause extérieure qui agit sur elle ; il en est probablement de
même ici. La table a toujours le même poids intrinsèque, car sa masse n'a
pas augmenté, mais une force étrangère s'oppose à son mouvement, et
cette cause peut être dans les fluides ambiants qui la pénètrent, comme
THEORIE DES MANIFESTATIONS PHYSIQUES 75
celle qui augmente ou diminue le poids apparent de la cloche est dans
l'air. Faites l'expérience de la cloche pneumatique devant un paysan
ignorant, ne comprenant pas que c'est l'air qu'il ne voit pas qui agit, il ne
sera pas difficile de lui persuader que c'est le diable.
On dira peut-être que ce fluide étant impondérable, son accumulation
ne peut augmenter le poids d'un objet : d'accord ; mais remarquez que si
nous nous sommes servi du mot accumulation, c'est par comparaison, et
non par assimilation absolue avec l'air ; il est impondérable, soit ;
cependant rien ne le prouve ; sa nature intime nous est inconnue, et nous
sommes loin d'en connaître toutes les propriétés. Avant qu'on eût
expérimenté la pesanteur de l'air on ne soupçonnait pas les effets de cette
même pesanteur. L'électricité est aussi rangée parmi les fluides
impondérables ; cependant un corps peut être retenu par un courant
électrique, et offrir une grande résistance à celui qui veut le soulever ; il
est donc en apparence devenu plus pesant. De ce qu'on ne voit pas le
support, il serait illogique de conclure qu'il n'existe pas. L'Esprit peut
donc avoir des leviers qui nous sont inconnus ; la nature nous prouve
tous les jours que sa puissance ne s'arrête pas au témoignage des sens.
On ne peut expliquer que par une cause semblable le phénomène
singulier, dont on a vu plusieurs exemples, d'une jeune personne faible
et délicate, soulevant avec deux doigts, sans effort et comme une plume,
un homme fort et robuste avec le siège sur lequel il était assis. Ce qui
prouve une cause étrangère à la personne, ce sont les intermittences de la
faculté.
CHAPITRE V.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES.
Bruits, tapages et perturbations.
82. Les phénomènes dont nous venons de parler sont provoqués ; mais
il arrive quelquefois qu'ils ont lieu spontanément, sans participation de la
volonté ; loin de là, puisqu'ils deviennent souvent très importuns. Ce qui
exclut, en outre, la pensée qu'ils peuvent être un effet de l'imagination
surexcitée par les idées spirites, c'est qu'ils se produisent chez des
personnes qui n'en ont jamais entendu parler, et au moment où elles s'y
attendent le moins. Ces phénomènes, qu'on pourrait appeler le spiritisme
pratique naturel, sont très importants, parce qu'ils ne peuvent être
suspectés de connivence ; c'est pourquoi nous engageons les personnes
qui s'occupent des phénomènes spirites à recueillir tous les faits de ce
genre qui viendraient à leur connaissance, mais surtout à en constater
avec soin la réalité par une étude minutieuse des circonstances, afin de
s'assurer qu'on n'est pas le jouet d'une illusion ou d'une mystification.
83. De toutes les manifestations spirites, les plus simples et les plus
fréquentes sont les bruits et les coups frappés ; c'est ici surtout qu'il faut
craindre l'illusion, car une foule de causes naturelles peuvent en
produire : le vent qui siffle ou qui agite un objet, un corps que l'on remue
soi-même sans s'en apercevoir, un effet acoustique, un animal caché, un
insecte, etc., voire même les espiègleries des mauvais plaisants. Les
bruits spirites ont d'ailleurs un caractère particulier, tout en affectant une
intensité et un timbre très variés, qui les rendent aisément
reconnaissables et ne permettent pas de les confondre avec le
craquement du bois, le pétillement du feu ou le tic-tac monotone d'une
pendule ; ce sont des coups secs, tantôt sourds, faibles et légers, tantôt
clairs, distincts, quelquefois bruyants, qui changent de place et se
répètent sans avoir une régularité mécanique. De tous les moyens de
contrôle le plus efficace, celui qui ne peut laisser de doute sur leur
origine, c'est l'obéissance à la volonté. Si les coups se font entendre dans
l'endroit désigné, s'ils répondent à la pensée par leur nombre ou leur
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 78
intensité, on ne peut méconnaître en eux une cause intelligente ; mais le
défaut d'obéissance n'est pas toujours une preuve contraire.
84. Admettons maintenant que, par une constatation minutieuse, on
acquière la certitude que les bruits ou tous autres effets sont des
manifestations réelles, est-il rationnel de s'en effrayer ? Non,
assurément ; car, dans aucun cas, il ne saurait y avoir le moindre danger ;
les personnes auxquelles on persuade que c'est le diable, peuvent seules
en être affectées d'une manière fâcheuse, comme les enfants auxquels on
fait peur du loup-garou ou de Croque-mitaine. Ces manifestations
acquièrent dans certaines circonstances, il faut en convenir, des
proportions et une persistance désagréables, dont on a le désir bien
naturel de se débarrasser. Une explication est nécessaire à ce sujet.
85. Nous avons dit que les manifestations physiques ont pour but
d'appeler notre attention sur quelque chose, et de nous convaincre de la
présence d'une puissance supérieure à l'homme. Nous avons dit aussi que
les Esprits élevés ne s'occupent pas de ces sortes de manifestations ; ils
se servent des Esprits inférieurs pour les produire, comme nous nous
servons de serviteurs pour la grosse besogne, et cela dans le but que
nous venons d'indiquer. Ce but une fois atteint, la manifestation
matérielle cesse, parce qu'elle n'est plus nécessaire. Un ou deux
exemples feront mieux comprendre la chose.
86. Il y a plusieurs années, au début de mes études sur le spiritisme,
étant un soir occupé d'un travail sur cette matière, des coups se firent
entendre autour de moi pendant quatre heures consécutives ; c'était la
première fois que pareille chose m'arrivait ; je constatai qu'ils n'avaient
aucune cause accidentelle, mais dans le moment je n'en pus savoir
davantage. J'avais à cette époque occasion de voir fréquemment un
excellent médium écrivain. Dès le lendemain, j'interrogeai l'Esprit qui se
communiquait par son intermédiaire sur la cause de ces coups. C'est, me
fut-il répondu, ton Esprit familier qui voulait te parler. - Et que voulaitil
me dire ? Rép. : Tu peux le lui demander toi-même, car il est là. -
Ayant donc interrogé cet Esprit, il se fit connaître sous un nom
allégorique (j'ai su depuis, par d'autres Esprits, qu'il appartient à un ordre
très élevé, et qu'il a joué sur la terre un rôle important) ; il me signala des
erreurs dans mon travail, en m'indiquant les lignes où elles se trouvaient,
me donna d'utiles et sages conseils, et ajouta qu'il serait toujours avec
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 79
moi, et viendrait à mon appel toutes les fois que je voudrais l'interroger.
Depuis lors, en effet, cet Esprit ne m'a jamais quitté. Il m'a donné
maintes preuves d'une grande supériorité, et son intervention
bienveillante et efficace a été manifeste pour moi dans les affaires de la
vie matérielle, comme en ce qui touche aux choses métaphysiques. Mais
dès notre premier entretien les coups ont cessé. Que voulait-il en effet ?
Entrer en communication régulière avec moi ; pour cela il fallait
m'avertir. L'avertissement donné, puis expliqué, les relations régulières
établies, les coups devenaient inutiles, c'est pourquoi ils ont cessé. On ne
bat plus le tambour pour réveiller les soldats une fois qu'ils sont debout.
Un fait à peu près semblable est arrivé à un de nos amis. Depuis
quelque temps, sa chambre retentissait de bruits divers qui devenaient
très fatigants. L'occasion s'étant présentée d'interroger l'Esprit de son
père par un médium écrivain, il sut ce qu'on lui voulait, fit ce qui lui fut
recommandé, et depuis lors il n'a plus rien entendu. Il est à remarquer
que les personnes qui ont avec les Esprits un moyen régulier et facile de
communication, ont beaucoup plus rarement des manifestations de ce
genre, et cela se conçoit.
87. Les manifestations spontanées ne se bornent pas toujours à des
bruits et à des coups frappés ; elles dégénèrent quelquefois en véritable
tapage et en perturbations ; des meubles et objets divers sont
bouleversés, des projectiles de toutes sortes sont lancés du dehors, des
portes et des fenêtres sont ouvertes et fermées par des mains invisibles,
des carreaux sont brisés, ce qui ne peut être mis sur le compte de
l'illusion.
Le bouleversement est souvent très effectif, mais quelquefois il n'a que
les apparences de la réalité. On entend du vacarme dans une pièce
voisine, un bruit de vaisselle qui tombe et se brise avec fracas, des
bûches qui roulent sur le plancher ; on se hâte d'accourir, et l'on trouve
tout tranquille et en ordre ; puis, à peine sorti, le tumulte recommence.
88. Les manifestations de ce genre ne sont ni rares ni nouvelles ; il y a
peu de chronique locale qui ne renferme quelque histoire de ce genre. La
peur a sans doute souvent exagéré des faits qui ont dû prendre des
proportions gigantesquement ridicules en passant de bouche en bouche ;
la superstition aidant, les maisons où ils se sont passés ont été réputées
hantées par le diable, et de là tous les contes merveilleux ou terribles de
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 80
revenants. De son côté, la fourberie n'a pas laissé échapper une si belle
occasion d'exploiter la crédulité, et cela souvent au profit d'intérêts
personnels. On conçoit, du reste, l'impression que des faits de ce genre,
même réduits à la réalité, peuvent faire sur des caractères faibles et
prédisposés par l'éducation aux idées superstitieuses. Le plus sûr moyen
de prévenir les inconvénients qu'ils pourraient avoir, puisqu'on ne saurait
les empêcher, c'est de faire connaître la vérité. Les choses les plus
simples deviennent effrayantes quand la cause est inconnue. Quand on
sera familiarisé avec les Esprits, et que ceux auxquels ils se manifestent
ne croiront plus avoir une légion de démons à leurs trousses, ils n'en
auront plus peur.
On peut voir, dans la Revue spirite, le récit de plusieurs faits
authentiques de ce genre, entre autres l'histoire de l'Esprit frappeur de
Bergzabern, dont les mauvais tours ont duré plus de huit ans (numéros
de mai, juin et juillet 1858) ; celle de Dibbelsdorf (août 1858) ; celle du
boulanger des Grandes-Ventes, près Dieppe (mars 1860) ; celle de la rue
des Noyers, à Paris (août 1860) ; celle de l'Esprit de Castelnaudary, sous
le titre d'Histoire d'un damné (février 1860) ; celle du fabricant de Saint
Pétersbourg (avril 1860), et beaucoup d'autres.
89. Les faits de cette nature ont souvent le caractère d'une véritable
persécution. Nous connaissons six soeurs qui habitaient ensemble, et
qui, pendant plusieurs années, trouvaient le matin leurs robes dispersées,
cachées jusque sur les toits, déchirées et coupées en morceaux, quelques
précautions qu'elles prissent de les enfermer à clef. Il est souvent arrivé
que des personnes couchées et parfaitement éveillées voyaient secouer
leurs rideaux, arracher violemment leurs couvertures et leurs oreillers,
étaient soulevées sur leurs matelas, et quelquefois même jetées hors du
lit. Ces faits sont plus fréquents qu'on ne croit ; mais la plupart du temps,
ceux qui en sont victimes n'osent pas en parler par la crainte du ridicule.
Il est à notre connaissance que l'on a cru guérir certains individus, de ce
qu'on regardait comme des hallucinations, en les soumettant au
traitement des aliénés, ce qui les a rendus réellement fous. La médecine
ne peut comprendre ces choses, parce qu'elle n'admet dans les causes que
l'élément matériel, d'où résultent des méprises souvent funestes.
L'histoire, un jour, racontera certains traitements du dix-neuvième siècle,
comme on raconte aujourd'hui certains procédés du moyen âge.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 81
Nous admettons parfaitement que certains faits sont l'oeuvre de la
malice ou de la malveillance ; mais si, toutes constatations faites, il
demeure avéré qu'ils ne sont pas l'oeuvre des hommes, il faut bien
convenir qu'ils sont celle, les uns diront du diable, nous, nous dirons des
Esprits ; mais de quels Esprits ?
90. Les Esprits supérieurs, pas plus que parmi nous les hommes graves
et sérieux, ne s'amusent à donner des charivaris. Nous en avons souvent
fait venir pour leur demander le motif qui les porte à troubler ainsi le
repos. La plupart n'ont d'autre but que de s'amuser ; ce sont des Esprits
plutôt légers que méchants, qui se rient des frayeurs qu'ils occasionnent,
et des recherches inutiles que l'on fait pour découvrir la cause du
tumulte. Souvent, ils s'acharnent après un individu qu'ils se plaisent à
vexer et qu'ils poursuivent de demeure en demeure ; d'autres fois ils
s'attachent à un local sans autre motif que leur caprice. C'est quelquefois
aussi une vengeance qu'ils exercent comme nous aurons l'occasion de le
voir. Dans certains cas, leur intention est plus louable ; ils veulent
appeler l'attention et se mettre en rapport, soit pour donner un
avertissement utile à la personne à laquelle ils s'adressent, soit pour
demander quelque chose pour eux-mêmes. Nous en avons souvent vu
demander des prières, d'autres solliciter l'accomplissement en leur nom
d'un voeu qu'ils n'avaient pu remplir, d'autres enfin vouloir, dans l'intérêt
de leur propre repos, réparer une mauvaise action commise par eux de
leur vivant. En général, on a tort de s'en effrayer ; leur présence peut être
importune, mais non dangereuse. On conçoit, du reste, le désir qu'on a de
s'en débarrasser et l'on fait généralement pour cela tout le contraire de ce
qu'il faudrait. Si ce sont des Esprits qui s'amusent, plus on prend la chose
au sérieux, plus ils persistent, comme des enfants espiègles qui harcèlent
d'autant plus ceux qu'ils voient s'impatienter, et qui font peur aux
poltrons. Si l'on prenait le sage parti de rire soi-même de leurs mauvais
tours, ils finiraient par se lasser et par rester tranquilles. Nous
connaissons quelqu'un qui, loin de s'irriter, les excitait, les mettait au
défi de faire telle ou telle chose, si bien qu'au bout de quelques jours, ils
ne revinrent plus. Mais, comme nous l'avons dit, il y en a dont le motif
est moins frivole. C'est pourquoi il est toujours utile de savoir ce qu'ils
veulent. S'ils demandent quelque chose, on peut être certain qu'ils
cesseront leurs visites dès que leur désir sera satisfait. Le meilleur
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 82
moyen d'être renseigné à cet égard, c'est d'évoquer l'Esprit par
l'intermédiaire d'un bon médium écrivain ; à ses réponses, on verra tout
de suite à qui l'on a affaire, et l'on agira en conséquence ; si c'est un
Esprit malheureux, la charité veut qu'on le traite avec les égards qu'il
mérite ; si c'est un mauvais plaisant, on peut agir envers lui sans façon ;
s'il est malveillant, il faut prier Dieu de le rendre meilleur. En tout état de
cause, la prière ne peut toujours avoir qu'un bon résultat. Mais la gravité
des formules d'exorcisme les fait rire et ils n'en tiennent aucun compte.
Si l'on peut entrer en communication avec eux, il faut se défier des
qualifications burlesques ou effrayantes qu'ils se donnent quelquefois
pour s'amuser de la crédulité.
Nous reviendrons avec plus de détails sur ce sujet, et sur les causes qui
rendent souvent les prières inefficaces, dans les chapitres des lieux
hantés et de l'obsession.
91. Ces phénomènes, quoique exécutés par des Esprits inférieurs, sont
souvent provoqués par des Esprits d'un ordre plus élevé, dans le but de
convaincre de l'existence des êtres incorporels et d'une puissance
supérieure à l'homme. Le retentissement qui en résulte, l'effroi même que
cela cause, appellent l'attention, et finiront par faire ouvrir les yeux aux
plus incrédules. Ceux-ci trouvent plus simple de mettre ces phénomènes
sur le compte de l'imagination, explication très commode et qui dispense
d'en donner d'autres ; pourtant quand des objets sont bousculés ou vous
sont jetés à la tête, il faudrait une imagination bien complaisante pour se
figurer que pareilles choses sont quand elles ne sont pas. On remarque
un effet quelconque, cet effet a nécessairement une cause ; si une froide
et calme observation nous démontre que cet effet est indépendant de
toute volonté humaine et de toute cause matérielle, si de plus il nous
donne des signes évidents d'intelligence et de libre volonté, ce qui est le
signe le plus caractéristique, on est bien forcé de l'attribuer à une
intelligence occulte. Quels sont ces êtres mystérieux ? c'est ce que les
études spirites nous apprennent de la manière la moins contestable, par
les moyens qu'elles nous donnent de communiquer avec eux. Ces études
nous apprennent en outre à faire la part de ce qu'il y a de réel, de faux ou
d'exagéré dans les phénomènes dont nous ne nous rendons pas compte.
Si un effet insolite se produit : bruit, mouvement, apparition même, la
première pensée que l'on doit avoir, c'est qu'il est dû à une cause toute
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 83
naturelle, parce que c'est la plus probable ; il faut alors rechercher cette
cause avec le plus grand soin, et n'admettre l'intervention des Esprits
qu'à bon escient ; c'est le moyen de ne pas se faire illusion. Celui, par
exemple, qui, sans être approché par personne, recevrait un soufflet ou
des coups de bâton dans le dos, comme cela s'est vu, ne saurait douter de
la présence d'un être invisible.
On doit se tenir en garde non seulement contre des récits qui peuvent
être tout au moins entachés d'exagération, mais contre ses propres
impressions, et ne pas attribuer une origine occulte à tout ce que l'on ne
comprend pas. Une infinité de causes très simples et très naturelles
peuvent produire des effets étranges au premier abord, et ce serait une
véritable superstition de voir partout des Esprits occupés à renverser les
meubles, briser la vaisselle, susciter enfin les mille et une tracasseries de
ménage qu'il est plus rationnel de mettre sur le compte de la maladresse.
Objets lancés.
92. L'explication donnée du mouvement des corps inertes s'applique
naturellement à tous les effets spontanés que nous venons de voir. Les
bruits, quoique plus forts que les coups frappés dans la table, ont la
même cause ; les objets lancés ou déplacés le sont par la même force qui
soulève un objet quelconque. Une circonstance vient même ici à l'appui
de cette théorie. On pourrait se demander où est le médium dans cette
circonstance. Les Esprits nous ont dit qu'en pareil cas il y a toujours
quelqu'un dont le pouvoir s'exerce à son insu. Les manifestations
spontanées se produisent très rarement dans les endroits isolés ; c'est
presque toujours dans des maisons habitées qu'elles ont lieu, et par le fait
de la présence de certaines personnes qui exercent une influence sans le
vouloir ; ces personnes sont de véritables médiums qui s'ignorent euxmêmes,
et que nous appelons, pour cette raison, médiums naturels ; ils
sont aux autres médiums ce que les somnambules naturels sont aux
somnambules magnétiques, et tout aussi curieux à observer.
93. L'intervention volontaire ou involontaire d'une personne douée
d'une aptitude spéciale pour la production de ces phénomènes paraît être
nécessaire dans la plupart des cas, quoiqu'il y en ait où l'Esprit semble
agir seul ; mais alors il se pourrait qu'il puisât le fluide animalisé ailleurs
que chez une personne présente. Ceci explique pourquoi les Esprits qui
nous entourent sans cesse ne produisent pas à chaque instant des
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 84
perturbations. Il faut d'abord que l'Esprit le veuille, qu'il ait un but, un
motif, sans cela il ne fait rien. Il faut souvent ensuite qu'il trouve,
précisément dans le lieu où il voudrait agir, une personne apte à le
seconder, coïncidence qui se rencontre assez rarement. Cette personne
survenant inopinément, il en profite. Malgré la réunion des circonstances
favorables, il pourrait encore en être empêché par une volonté supérieure
qui ne lui permettrait pas d'agir à son gré. Il peut ne lui être permis de le
faire que dans certaines limites, et dans le cas où ces manifestations
seraient jugées utiles, soit comme moyen de conviction, soit comme
épreuve pour la personne qui en est l'objet.
94. Nous ne citerons à ce sujet que l'entretien provoqué à propos des
faits qui se sont passés en juin 1860 dans la rue des Noyers, à Paris. On
en trouvera les détails dans la Revue spirite, n° d'août 1860.
1. (A saint Louis). Auriez-vous la bonté de nous dire si les faits qu'on
dit s'être passés dans la rue des Noyers sont réels ? quant à la possibilité,
nous n'en doutons pas.
«Oui, ces faits sont vrais ; seulement l'imagination des hommes les
grossira, soit par peur, soit par ironie ; mais, je le répète, ils sont vrais.
Ces manifestations sont provoquées par un Esprit qui s'amuse un peu
aux dépens des habitants du lieu.»
2. Y a-t-il, dans la maison, une personne qui soit cause de ces
manifestations ?
«Elles sont toujours causées par la présence de la personne à laquelle
on s'attaque ; c'est que l'Esprit perturbateur en veut à l'habitant du lieu où
il est, et qu'il veut lui faire des malices, ou même cherche à le faire
déloger.»
3. Nous demandons si, parmi les habitants de la maison, il y a
quelqu'un qui soit la cause de ces phénomènes par une influence
médianimique spontanée et involontaire ?
«Il le faut bien, sans cela le fait ne pourrait avoir lieu. Un Esprit
habite un endroit de prédilection pour lui ; il reste dans l'inaction tant
qu'une nature qui lui soit convenable ne s'est pas présentée dans cet
endroit ; quand cette personne arrive, alors il s'amuse autant qu'il le
peut.»
4. La présence de cette personne sur les lieux mêmes est-elle
indispensable ?
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 85
«C'est le cas le plus ordinaire, et c'est celui du fait que vous citez ;
c'est pourquoi j'ai dit que sans cela le fait n'aurait pu avoir lieu ; mais je
n'ai pas entendu généraliser ; il en est où la présence immédiate n'est pas
nécessaire.»
5. Ces Esprits étant toujours d'un ordre inférieur, l'aptitude à leur
servir d'auxiliaire est-elle une présomption défavorable pour la
personne ? cela annonce-t-il une sympathie avec les êtres de cette
nature ?
«Non, pas précisément, car cette aptitude tient à une disposition
physique ; cependant cela annonce très souvent une tendance matérielle
qu'il serait préférable de ne pas avoir ; car plus on est élevé moralement,
plus on attire à soi les bons Esprits, qui éloignent nécessairement les
mauvais.»
6. Où l'Esprit va-t-il prendre les projectiles dont il se sert ?
«Ces divers objets sont, le plus souvent, pris sur les lieux, ou dans le
voisinage ; une force venant d'un Esprit les lance dans l'espace, et ils
tombent dans un endroit désigné par cet Esprit.»
7. Puisque les manifestations spontanées sont souvent permises et
même provoquées dans le but de convaincre, il nous semble que si
certains incrédules en étaient personnellement l'objet, ils seraient bien
forcés de se rendre à l'évidence. Ils se plaignent quelquefois de ne
pouvoir être témoins de faits concluants ; ne dépendrait-il pas des Esprits
de leur faire donner quelque preuve sensible ?
«Les athées et les matérialistes ne sont-ils pas à chaque instant témoins
des effets de la puissance de Dieu et de la pensée ? Cela ne les empêche
pas de nier Dieu et l'âme. Les miracles de Jésus ont-ils converti tous ses
contemporains ? Les Pharisiens qui lui disaient : "Maître, faites-nous
voir quelque prodige", ne ressemblent-ils pas à ceux qui, de votre temps,
demandent que vous leur fassiez voir des manifestations ? S'ils ne sont
pas convaincus par les merveilles de la création, ils ne le seraient pas
davantage quand bien même les Esprits leur apparaîtraient de la manière
la moins équivoque, parce que leur orgueil les rend comme des chevaux
rétifs. Les occasions de voir ne leur manqueraient pas s'ils les
cherchaient de bonne foi, c'est pourquoi Dieu ne juge pas à propos de
faire pour eux plus qu'il ne fait pour ceux qui cherchent sincèrement à
s'instruire, car il ne récompense que les hommes de bonne volonté. Leur
incrédulité n'empêchera pas la volonté de Dieu de s'accomplir ; vous
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 86
voyez bien qu'elle n'a pas empêché la doctrine de se répandre. Cessez
donc de vous inquiéter de leur opposition qui est à la doctrine comme
l'ombre est au tableau, et lui donne un plus grand relief. Quel mérite
auraient-ils à être convaincus par la force ? Dieu leur laisse toute la
responsabilité de leur entêtement, et cette responsabilité sera plus terrible
que vous ne pensez. Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu, a dit
Jésus, parce que ceux-là ne doutent pas de la puissance de Dieu.»
8. Croyez-vous qu'il serait utile d'évoquer cet Esprit pour lui demander
quelques explications ?
«Evoquez-le si vous voulez ; mais c'est un Esprit inférieur qui ne vous
donnera que des réponses assez insignifiantes.»
95. Entretien avec l'Esprit perturbateur de la rue des Noyers.
1. Evocation.
«Qu'avez-vous donc de m'appeler ? Vous voulez donc des coups de
pierres ? C'est alors qu'on verrait un beau sauve-qui-peut, malgré votre
air de bravoure.»
2. Quand tu nous enverrais des pierres ici, cela ne nous effrayerait
pas ; nous demandons même positivement si tu peux nous en envoyer.
«Ici, je ne pourrais peut-être pas ; vous avez un gardien qui veille bien
sur vous.»
3. Dans la rue des Noyers, y avait-il une personne qui te servait
d'auxiliaire pour te faciliter les mauvais tours que tu jouais aux habitants
de la maison ?
«Certainement, j'ai trouvé un bon instrument, et aucun Esprit docte,
savant et prude pour m'en empêcher ; car je suis gai, j'aime parfois à
m'amuser.»
4. Quelle était la personne qui t'a servi d'instrument ?
«Une servante.»
5. Etait-ce à son insu qu'elle te servait d'auxiliaire ?
«Oh ! oui ; la pauvre fille ! elle était la plus effrayée.»
6. Agissais-tu dans un but hostile ?
«Moi, je n'avais aucun but hostile ; mais les hommes qui s'emparent de
tout le feront tourner à leur avantage.»
7. Qu'entends-tu par là ? nous ne te comprenons pas.
«Je cherchais à m'amuser ; mais vous autres, vous étudierez la chose et
vous aurez un fait de plus pour montrer que nous existons.»
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 87
8. Tu dis que tu n'avais pas de but hostile, et pourtant tu as cassé tous
les carreaux de l'appartement ; tu as ainsi causé un préjudice réel.
«C'est un détail.»
9. Où t'es-tu procuré les objets que tu as lancés ?
«Ils sont assez communs ; je les ai trouvés dans la cour, dans les
jardins voisins.»
10. Les as-tu tous trouvés, ou en as-tu fabriqués quelques-uns ? (Voir
ci-après chapitre VIII).
«Je n'ai rien créé, rien composé.»
11. Si tu n'en avais pas trouvé, aurais-tu pu en fabriquer ?
«C'eût été plus difficile ; mais, à la rigueur, on mêle des matières, et
cela fait un tout quelconque.»
12. Maintenant, dis-nous comment tu les as lancés ?
«Ah ! ceci est plus difficile à dire ; je me suis aidé de la nature
électrique de cette fille, jointe à la mienne moins matérielle ; nous avons
pu transporter ainsi ces diverses matières à nous deux.»
13. Tu voudras bien, je pense, nous donner quelques renseignements
sur ta personne. Dis-nous donc d'abord s'il y a longtemps que tu es
mort ?
«Il y a assez longtemps ; il y a bien cinquante ans.»
14. Qu'étais-tu de ton vivant ?
«Pas grand-chose de bon ; je chiffonnais dans ce quartier, et on me
disait parfois des sottises, parce que j'aimais trop la liqueur rouge du
bonhomme Noé ; aussi je voulais les faire tous décamper.»
15. Etait-ce toi-même et de ton plein gré que tu as répondu à nos
questions ?
«J'avais un instituteur.»
16. Quel est cet instituteur ?
«Votre bon roi Louis.»
Remarque. Cette question est motivée par la nature de certaines réponses qui
ont paru dépasser la portée de cet Esprit, par le fond des idées et même par la
forme du langage. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'il ait été aidé par un Esprit
plus éclairé, qui voulait profiter de cette occasion pour nous donner une
instruction. Ceci est un fait très ordinaire, mais une particularité remarquable dans
cette circonstance, c'est que l'influence de l'autre Esprit s'est fait sentir sur
l'écriture même ; celle des réponses où il est intervenu est plus régulière et plus
coulante ; celle du chiffonnier est anguleuse, grosse, irrégulière, souvent peu
lisible, et porte un tout autre caractère.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 88
17. Que fais-tu maintenant ; t'occupes-tu de ton avenir ?
«Pas encore ; j'erre. On pense si peu à moi sur la terre, que personne
ne prie pour moi : aussi je ne suis pas aidé, je ne travaille pas.»
Remarque. On verra plus tard combien on peut contribuer à l'avancement et au
soulagement des Esprits inférieurs par la prière et les conseils.
18. Quel était ton nom de ton vivant ?
«Jeannet.»
19. Eh bien ! Jeannet, nous prierons pour toi. Dis-nous si notre
évocation t'a fait plaisir ou t'a contrarié ?
«Plutôt plaisir, car vous êtes de bons enfants, de gais vivants, quoique
un peu austères ; c'est égal, vous m'avez écouté, je suis content.»
JEANNET.
Phénomène des apports.
96. Ce phénomène ne diffère de ceux dont nous venons de parler que
par l'intention bienveillante de l'Esprit qui en est l'auteur, par la nature
des objets presque toujours gracieux, et par la manière douce et souvent
délicate dont ils sont apportés. Il consiste dans l'apport spontané d'objets
qui n'existent pas dans l'endroit où l'on est ; ce sont le plus souvent des
fleurs, quelquefois des fruits, des bonbons, des bijoux, etc..
97. Disons d'abord que ce phénomène est un de ceux qui se prêtent le
plus à l'imitation, et que par conséquent il faut se tenir en garde contre la
supercherie. On sait jusqu'où peut aller l'art de la prestidigitation en fait
d'expériences de ce genre ; mais, sans avoir affaire à un homme du
métier, on pourrait être facilement dupe d'une manoeuvre habile et
intéressée. La meilleure de toutes les garanties est dans le caractère,
l'honorabilité notoire, le désintéressement absolu de la personne qui
obtient de semblables effets ; en second lieu dans l'examen attentif de
toutes les circonstances dans lesquelles les faits se produisent ; enfin
dans la connaissance éclairée du spiritisme, qui seule peut faire
découvrir ce qui serait suspect.
Dissertation d'un esprit sur les apports.
98. La théorie du phénomène des apports, et des manifestations
physiques en général, se trouve résumée d'une manière remarquable dans
la dissertation suivante, par un Esprit dont toutes les communications ont
un cachet incontestable de profondeur et de logique. On en trouvera
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 89
plusieurs dans la suite de cet ouvrage. Il s'est fait connaître sous le nom
d'Eraste, disciple de saint Paul, et comme Esprit protecteur du médium
qui lui a servi d'interprète :
«Il faut nécessairement, pour obtenir des phénomènes de cet ordre,
avoir avec soi des médiums que j'appellerai sensitifs, c'est-à-dire doués
au plus haut degré des facultés médianimiques d'expansion et de
pénétrabilité ; parce que le système nerveux de ces médiums, facilement
excitable, leur permet, au moyen de certaines vibrations, de projeter
autour d'eux avec profusion leur fluide animalisé.
Les natures impressionnables, les personnes dont les nerfs vibrent au
moindre sentiment, à la plus petite sensation, que l'influence morale ou
physique, interne ou externe, sensibilise, sont des sujets très aptes à
devenir d'excellents médiums pour les effets physiques de tangibilité et
d'apports. En effet, leur système nerveux, presque entièrement dépourvu
de l'enveloppe réfractaire qui isole ce système chez la plupart des autres
incarnés, les rend propres au développement de ces divers phénomènes.
En conséquence, avec un sujet de cette nature, et dont les autres facultés
ne sont pas hostiles à la médianimisation, on obtiendra plus facilement
les phénomènes de tangibilité, les coups frappés dans les murs et dans
les meubles, les mouvements intelligents, et même la suspension dans
l'espace de la matière inerte la plus lourde. A fortiori, obtiendra-t-on ces
résultats si, au lieu d'un médium, on en a sous la main plusieurs
également bien doués.
Mais de la production de ces phénomènes à l'obtention de celui des
apports, il y a tout un monde ; car, dans ce cas, non seulement le travail
de l'Esprit est plus complexe, plus difficile, mais, bien plus, l'Esprit ne
peut opérer qu'au moyen d'un seul appareil médianimique, c'est-à-dire
que plusieurs médiums ne peuvent pas concourir simultanément à la
production du même phénomène. Il arrive même, au contraire, que la
présence de certaines personnes antipathiques à l'Esprit qui opère
entrave radicalement son opération. A ces motifs qui, comme vous le
voyez, ne manquent pas d'importance, ajoutez que les apports
nécessitent toujours une plus grande concentration, et en même temps
une plus grande diffusion de certains fluides, et qu'ils ne peuvent être
obtenus qu'avec des médiums les mieux doués, ceux, en un mot, dont
l'appareil électromédianimique est le mieux conditionné.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 90
En général, les faits d'apports sont et resteront excessivement rares. Je
n'ai pas besoin de vous démontrer pourquoi ils sont et seront moins
fréquents que les autres faits de tangibilité ; de ce que je dis, vous le
déduirez vous-même. D'ailleurs, ces phénomènes sont d'une nature telle,
que non seulement tous les médiums n'y sont pas propres, mais que tous
les Esprits eux-mêmes ne peuvent pas les produire. En effet, il faut
qu'entre l'Esprit et le médium influencé il existe une certaine affinité, une
certaine analogie, en un mot, une certaine ressemblance qui permette à la
partie expansible du fluide périspritique1 de l'incarné de se mêler, de
s'unir, de se combiner avec celui de l'Esprit qui veut faire un apport.
Cette fusion doit être telle que la force résultante devienne, pour ainsi
dire, une ; de même qu'un courant électrique, en agissant sur le charbon,
produit un foyer, une clarté uniques. Pourquoi cette union, pourquoi
cette fusion, direz-vous ? C'est que, pour la production de ces
phénomènes, il faut que les propriétés essentielles de l'Esprit moteur
soient augmentées de quelques-unes de celles du médianimisé ; c'est que
le fluide vital, indispensable à la production de tous les phénomènes
médianimiques, est l'apanage exclusif de l'incarné, et que, par
conséquent, l'Esprit opérateur est obligé de s'en imprégner. Ce n'est
qu'alors qu'il peut, au moyen de certaines propriétés de votre milieu
ambiant, inconnues pour vous, isoler, rendre invisibles, et faire mouvoir
certains objets matériels, et des incarnés eux-mêmes.
Il ne m'est pas permis, pour le moment, de vous dévoiler ces lois
particulières qui régissent les gaz et les fluides qui vous environnent ;
mais, avant que des années soient écoulées, avant qu'une existence
d'homme soit accomplie, l'explication de ces lois et de ces phénomènes
vous sera révélée, et vous verrez surgir et se produire une nouvelle
variété de médiums, qui tomberont dans un état cataleptique particulier
dès qu'ils seront médianimisés.
Vous voyez de combien de difficultés la production des apports se
trouve entourée ; vous pouvez en conclure très logiquement que les
phénomènes de cette nature sont excessivement rares, comme je l'ai dit,
1 On voit que, lorsqu'il s'agit d'exprimer une idée nouvelle pour laquelle la langue manque de
terme, les Esprits savent parfaitement créer des néologismes. Ces mots, électromédianimique,
périspritique, ne sont pas de nous. Ceux qui nous ont critiqué d'avoir créé les mots spirite,
spiritisme, périsprit, qui n'avaient pas leurs analogues, pourront aussi faire le même procès
aux Esprits.
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 91
et avec d'autant plus de raison que les Esprits s'y prêtent fort peu, parce
que cela motive de leur part un travail quasi matériel, ce qui est un ennui
et une fatigue pour eux. D'autre part, il arrive encore ceci : c'est que très
souvent, malgré leur énergie et leur volonté, l'état du médium lui-même
leur oppose une barrière infranchissable.
Il est donc évident, et votre raisonnement le sanctionne, je n'en doute
pas, que les faits tangibles de coups, de mouvements et de suspension,
sont des phénomènes simples, qui s'opèrent par la concentration et la
dilatation de certains fluides, et qu'ils peuvent être provoqués et obtenus
par la volonté et le travail des médiums qui y sont aptes, quand ceux-ci
sont secondés par des Esprits amis et bienveillants ; tandis que les faits
d'apport sont multiples, complexes, exigent un concours de
circonstances spéciales, ne peuvent s'opérer que par un seul Esprit et un
seul médium, et nécessitent, en dehors des besoins de la tangibilité, une
combinaison toute particulière pour isoler et rendre invisibles l'objet ou
les objets qui font le sujet de l'apport.
Vous tous, spirites, vous comprenez mes explications et vous vous
rendez parfaitement compte de cette concentration de fluides spéciaux,
pour la locomotion et la tactilité de la matière inerte ; vous y croyez,
comme vous croyez aux phénomènes de l'électricité et du magnétisme,
avec lesquels les faits médianimiques sont pleins d'analogie, et en sont,
pour ainsi dire, la consécration et le développement. Quant aux
incrédules, et aux savants pires que les incrédules, je n'ai que faire de les
convaincre, je ne m'occupe pas d'eux ; ils seront un jour convaincus par
la force de l'évidence, car il faudra bien qu'ils s'inclinent devant le
témoignage unanime des faits spirites, comme ils ont été forcés de le
faire devant tant d'autres faits qu'ils avaient d'abord repoussés.
Pour me résumer : si les faits de tangibilité sont fréquents, les faits
d'apport sont très rares, parce que les conditions en sont très difficiles ;
par conséquent, nul médium ne peut dire : à telle heure, à tel moment,
j'obtiendrai un apport ; car souvent l'Esprit lui-même se trouve empêché
dans son oeuvre. Je dois ajouter que ces phénomènes sont doublement
difficiles en public, car on y rencontre presque toujours des éléments
énergiquement réfractaires qui paralysent les efforts de l'Esprit, et à plus
forte raison l'action du médium. Tenez, au contraire, pour certain que ces
phénomènes se produisent presque toujours en particulier,
spontanément, le plus souvent à l'insu des médiums et sans
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 92
préméditation, et enfin fort rarement quand ceux-ci sont prévenus ; d'où
vous devez conclure qu'il y a motif légitime de suspicion toutes les fois
qu'un médium se flatte de les obtenir à volonté, autrement dit de
commander aux Esprits comme à des serviteurs, ce qui est tout
simplement absurde. Tenez encore pour règle générale que les
phénomènes spirites ne sont point faits pour être donnés en spectacle et
pour amuser les curieux. Si quelques Esprits se prêtent à ces sortes de
choses, ce ne peut être que pour des phénomènes simples, et non pour
ceux qui, tels que les apports et autres semblables, exigent des
conditions exceptionnelles.
Rappelez-vous, spirites, que s'il est absurde de repousser
systématiquement tous les phénomènes d'outre-tombe, il n'est pas sage
non plus de les accepter tous aveuglément. Quand un phénomène de
tangibilité, d'apparition, de visibilité ou d'apport se manifeste
spontanément et d'une manière instantanée, acceptez-le ; mais, je ne
saurais trop vous le répéter, n'acceptez rien aveuglément ; que chaque
fait subisse un examen minutieux, approfondi et sévère ; car, croyez-le,
le spiritisme, si riche en phénomènes sublimes et grandioses, n'a rien à
gagner à ces petites manifestations que d'habiles prestidigitateurs
peuvent imiter.
Je sais bien ce que vous allez me dire : c'est que ces phénomènes sont
utiles pour convaincre les incrédules ; mais sachez que, si vous n'aviez
pas eu d'autres moyens de conviction, vous n'auriez pas aujourd'hui la
centième partie des spirites que vous avez. Parlez au coeur, c'est par là
que vous ferez le plus de conversions sérieuses. Si vous croyez utile,
pour certaines personnes, d'agir par les faits matériels, présentez-les au
moins dans des circonstances telles qu'ils ne puissent donner lieu à
aucune fausse interprétation, et surtout ne sortez pas des conditions
normales de ces faits, car les faits présentés dans de mauvaises
conditions fournissent des arguments aux incrédules, au lieu de les
convaincre.»
ERASTE.
99. Ce phénomène offre une particularité assez singulière, c'est que
certains médiums ne l'obtiennent que dans l'état somnambulique ; et cela
s'explique facilement. Il y a chez le somnambule un dégagement naturel,
une sorte d'isolement de l'Esprit et du périsprit qui doit faciliter la
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 93
combinaison des fluides nécessaires. Tel est le cas des apports dont nous
avons été témoin. Les questions suivantes ont été adressées à l'Esprit qui
les avait produits, mais ses réponses se ressentent parfois de son
insuffisance ; nous les avons soumises à l'Esprit Eraste, beaucoup plus
éclairé au point de vue théorique, et qui les a complétées par des
remarques très judicieuses. L'un est l'artisan, l'autre le savant, et la
comparaison même de ces deux intelligences est une étude instructive,
car elle prouve qu'il ne suffit pas d'être Esprit pour tout comprendre.
1. Veuillez, je vous prie, nous dire pourquoi les apports que vous
faites ne se produisent que dans le sommeil magnétique du médium ?
«Cela tient à la nature du médium ; les faits que je produis quand le
mien est endormi, je pourrais également les produire dans l'état de veille
avec un autre médium.»
2. Pourquoi faites-vous attendre si longtemps l'apport des objets, et
pourquoi excitez-vous la convoitise du médium en irritant son désir
d'obtenir l'objet promis ?
«Ce temps m'est nécessaire afin de préparer les fluides qui servent à
l'apport ; quant à l'excitation, ce n'est souvent que pour amuser les
personnes présentes et la somnambule.»
Remarque d'Eraste. L'Esprit qui a répondu n'en sait pas davantage ; il ne se rend
pas compte du motif de cette convoitise qu'il aiguillonne instinctivement sans en
comprendre l'effet ; il croit amuser, tandis qu'en réalité il provoque sans s'en
douter une plus grande émission de fluide ; c'est la conséquence de la difficulté
que présente le phénomène, difficulté toujours plus grande quand il n'est pas
spontané, surtout avec certains médiums.
3. La production du phénomène tient-elle à la nature spéciale du
médium, et pourrait-il se produire par d'autres médiums avec plus de
facilité et de promptitude ?
«La production tient à la nature du médium et ne peut se produire
qu'avec des natures correspondantes ; pour la promptitude, l'habitude
que nous prenons, en correspondant souvent avec le même médium,
nous est d'un grand secours.»
4. L'influence des personnes présentes y est-elle pour quelque chose ?
«Quand il y a de l'incrédulité, de l'opposition, on peut beaucoup nous
gêner ; nous aimons bien mieux faire nos preuves avec des croyants et
des personnes versées dans le spiritisme ; mais je n'entends pas par là
dire que la mauvaise volonté pourrait nous paralyser complètement.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 94
5. Où avez-vous été prendre les fleurs et les bonbons que vous avez
apportés ?
«Les fleurs, je les prends dans les jardins, où elles me plaisent.»
6. Et les bonbons ? le marchand a dû s'apercevoir qu'ils lui
manquaient.
«Je les prends où cela me plaît ; le marchand ne s'en est pas aperçu du
tout, parce que j'en ai mis d'autres à la place.»
7. Mais les bagues ont une valeur ; où les avez-vous prises ? Est-ce
que cela n'a pas fait de tort à celui à qui vous les avez empruntées ?
«Je les ai prises dans des endroits inconnus à tous, et de manière que
personne ne puisse en éprouver aucun tort.»
Remarque d'Eraste. Je crois que le fait est expliqué d'une manière insuffisante
en raison de la capacité de l'Esprit qui a répondu. Si ; il peut y avoir un tort réel de
causé, mais l'Esprit n'a pas voulu passer pour avoir détourné quoi que ce soit. Un
objet ne peut être remplacé que par un objet identique, de même forme, de même
valeur ; par conséquent, si un Esprit avait la faculté de substituer un objet pareil à
celui qu'il prend, il n'aurait pas de raison pour le prendre, et devrait donner celui
qui sert de remplaçant.
8. Est-il possible d'apporter des fleurs d'une autre planète ?
«Non, ce n'est pas possible à moi.»
- (A Eraste.) D'autres Esprits auraient-ils ce pouvoir ?
«Non, cela n'est pas possible, en raison de la différence des milieux
ambiants.»
9. Pourriez-vous apporter des fleurs d'un autre hémisphère ; des
tropiques, par exemple ?
«Du moment que c'est sur terre, je le puis.»
10. Les objets que vous avez apportés, pourriez-vous les faire
disparaître et les remporter ?
«Aussi bien que je les ai fait venir, je puis les remporter à ma
volonté.»
11. La production du phénomène des apports vous cause-t-elle une
peine, un embarras quelconque ?
«Elle ne nous cause aucune peine quand nous en avons la permission ;
elle pourrait nous en causer de très grandes si nous voulions produire des
effets sans y être autorisés.»
Remarque d'Eraste. Il ne veut pas convenir de sa peine, quoiqu'elle soit réelle,
puisqu'il est forcé de faire une opération pour ainsi dire matérielle.
12. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
MANIFESTATIONS PHYSIQUES SPONTANEES 95
«Aucune autre que de mauvaises dispositions fluidiques qui peuvent
nous être contraires.»
13. Comment apportez-vous l'objet ; le tenez-vous avec les mains ?
«Non, nous l'enveloppons en nous.»
Remarque d'Eraste. Il n'explique pas clairement son opération, car il
n'enveloppe pas l'objet avec sa propre personnalité ; mais comme son fluide
personnel est dilatable, pénétrable et expansible, il combine une partie de ce fluide
avec une partie de fluide animalisé du médium, et c'est dans cette combinaison
qu'il cache et transporte l'objet sujet de l'apport. Il n'est donc pas juste de dire qu'il l'enveloppe en lui.
14. Apporteriez-vous avec la même facilité un objet d'un poids
considérable ; de 50 kg, par exemple ?
«Le poids n'est rien pour nous ; nous apportons des fleurs, parce que
cela peut être plus agréable qu'un poids volumineux.»
Remarque d'Eraste. C'est juste ; il peut apporter cent et deux-cent kg d'objets,
car la pesanteur qui existe pour vous est annulée pour lui ; mais ici encore il ne se
rend pas compte de ce qui se passe. La masse de fluides combinés est
proportionnée à la masse des objets, en un mot la force doit être en raison de la
résistance ; d'où il suit que, si l'Esprit n'apporte qu'une fleur ou un objet léger, c'est
souvent parce qu'il ne trouve pas dans le médium, ou en lui-même, les éléments
nécessaires pour un effort plus considérable.
15. Y a-t-il quelquefois des disparitions d'objets dont la cause est
ignorée, et qui seraient le fait des Esprits ?
«Cela arrive très souvent, plus souvent que vous ne le pensez, et l'on
pourrait y remédier en priant l'Esprit de rapporter l'objet disparu.»
Remarque d'Eraste. C'est vrai ; mais quelquefois ce qui est enlevé est bien
enlevé ; car tels objets qu'on ne retrouve plus chez soi sont souvent emportés fort
loin. Cependant, comme l'enlèvement des objets exige à peu près les mêmes
conditions fluidiques que les apports, il ne peut avoir lieu qu'à l'aide de médiums
doués de facultés spéciales ; c'est pourquoi, lorsque quelque chose disparaît, il y a
plus de probabilité que c'est le fait de votre étourderie que celui des Esprits.
16. Y a-t-il des effets que l'on regarde comme des phénomènes
naturels et qui sont dus à l'action de certains Esprits ?
«Vos jours sont remplis de ces fait-là que vous ne comprenez pas,
parce que vous n'y avez pas songé, et qu'un peu de réflexion vous ferait
voir clairement.»
Remarque d'Eraste. N'attribuez pas aux Esprits ce qui est l'oeuvre de
l'humanité ; mais croyez à leur influence occulte, constante, qui fait naître autour
SECONDE PARTIE - CHAPITRE V 96
de vous mille circonstances, mille incidents nécessaires à l'accomplissement de
vos actes, de votre existence.
17. Parmi les objets apportés, n'y en a-t-il pas qui peuvent être
fabriqués par les Esprits ; c'est-à-dire produits spontanément par les
modifications que les Esprits peuvent faire subir au fluide ou à l'élément
universel ?
«Pas par moi, car je n'en ai pas la permission ; un Esprit élevé le peut
seul.»
18. Comment avez-vous introduit ces objets l'autre jour, puisque la
chambre était close ?
«Je les ai fait entrer avec moi, enveloppés, pour ainsi dire, dans ma
substance ; quand à vous en dire plus long, ce n'est pas explicable.»
19. Comment avez-vous fait pour rendre visibles ces objets qui étaient
invisibles un instant auparavant ?
«J'ai ôté la matière qui les enveloppait.»
Remarque d'Eraste. Ce n'est pas de la matière proprement dite qui les
enveloppe, mais un fluide puisé mi-partie dans le périsprit du médium, mi-partie
dans celui de l'Esprit qui opère.
20. (A Eraste.) Un objet peut-il être apporté dans un endroit
parfaitement clos ; en un mot, l'Esprit peut-il spiritualiser un objet
matériel, de manière qu'il puisse pénétrer la matière ?
«Cette question est complexe. Pour les objets apportés, l'Esprit peut
les rendre invisibles mais non pénétrables ; il ne peut rompre l'agrégation
de la matière, ce qui serait la destruction de l'objet. Cet objet rendu
invisible, il peut l'apporter quand il veut, et ne le dégager qu'au moment
convenable pour le faire apparaître. Il en est autrement pour ceux que
nous composons ; comme nous n'introduisons que les éléments de la
matière, et que ces éléments sont essentiellement pénétrables ; que nous
pénétrons nous-mêmes et traversons les corps les plus condensés avec
autant de facilité que les rayons solaires traversent les carreaux de vitre,
nous pouvons parfaitement dire que nous avons introduit l'objet dans un
endroit, quelque clos qu'il soit ; mais c'est seulement dans ce cas.»
Nota. Voir ci-après, pour la théorie de la formation spontanée des
objets, le chapitre intitulé : Laboratoire du monde invisible.
CHAPITRE VI.
1
MANIFESTATIONS VISUELLES.
Questions sur les apparitions.
100. De toutes les manifestations spirites les plus intéressantes sont,
sans contredit, celles par lesquelles les Esprits peuvent se rendre
visibles. On verra, par l'explication de ce phénomène, qu'il n'est pas plus
surnaturel que les autres. Nous donnons d'abord les réponses qui ont été
faites à ce sujet par les Esprits :
1. Les Esprits peuvent-ils se rendre visibles ?
«Oui, surtout pendant le sommeil ; cependant certaines personnes les
voient aussi pendant la veille, mais c'est plus rare.»
Remarque. Pendant que le corps repose, l'Esprit se dégage des liens matériels ;
il est plus libre, et peut plus facilement voir les autres Esprits avec lesquels il entre
en communication. Le rêve n'est que le souvenir de cet état ; quand on ne se
souvient de rien, on dit qu'on n'a pas rêvé, mais l'âme n'en a pas moins vu, et joui
de sa liberté. Nous nous occupons plus spécialement ici des apparitions à l'état de
veille1.
2. Les Esprits qui se manifestent à la vue appartiennent-ils plutôt à une
classe qu'à une autre ?
«Non ; ils peuvent appartenir à toutes les classes, aux plus élevées
comme aux plus inférieures.»
3. Est-il donné à tous les Esprits de se manifester visiblement ?
«Tous le peuvent ; mais ils n'en ont pas toujours la permission ni la
volonté.»
4. Quel est le but des Esprits qui se manifestent visiblement ?
«Cela dépend ; selon leur nature, le but peut être bon ou mauvais.»
5. Comment cette permission peut-elle être donnée quand le but est
mauvais ?
«C'est alors pour éprouver ceux auxquels ils apparaissent. L'intention
de l'Esprit peut être mauvaise, mais le résultat peut être bon.»
Voir, pour plus de détails sur l'état de l'Esprit pendant le sommeil, le Livre des Esprits,
chapitre Emancipation de l'âme, n° 409.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 98
6. Quel peut être le but des Esprits qui ont une mauvaise intention en
se faisant voir ?
«Effrayer, et souvent se venger.»
- Quel est celui des Esprits qui viennent avec une bonne intention ?
«Consoler les personnes qui les regrettent ; prouver qu'ils existent et
sont près de vous ; donner des conseils et quelquefois réclamer
assistance pour eux-mêmes.»
7. Quel inconvénient y aurait-il à ce que la possibilité de voir les
Esprits fût permanente et générale ? Ne serait-ce pas un moyen de lever
les doutes des plus incrédules ?
«L'homme étant constamment environné d'Esprits, leur vue incessante
le troublerait, le gênerait dans ses actions et lui ôterait son initiative dans
la plupart des cas, tandis que, se croyant seul, il agit plus librement.
Quant aux incrédules, ils ont assez de moyens de se convaincre, s'ils
veulent en profiter et s'ils ne sont pas aveuglés par l'orgueil. Vous savez
bien qu'il y a des personnes qui ont vu et qui ne croient pas davantage
pour cela, puisqu'elles disent que ce sont des illusions. Ne vous inquiétez
pas de ces gens-là, Dieu s'en charge.»
Remarque. Il y aurait autant d'inconvénient à se voir constamment en présence
des Esprits qu'à voir l'air qui nous environne, ou les myriades d'animaux
microscopiques qui pullulent autour de nous et sur nous. D'où nous devons
conclure que ce que Dieu fait est bien fait, et qu'il sait mieux que nous ce qui nous
convient.
8. Si la vue des Esprits a des inconvénients, pourquoi est-elle permise
dans certains cas ?
«C'est afin de donner une preuve que tout ne meurt pas avec le corps,
et que l'âme conserve son individualité après la mort. Cette vue
passagère suffit pour donner cette preuve et attester la présence de vos
amis auprès de vous ; mais elle n'a pas les inconvénients de la
permanence.»
9. Dans les mondes plus avancés que le nôtre, la vue des Esprits estelle
plus fréquente ?
«Plus l'homme se rapproche de la nature spirituelle, plus il entre
facilement en rapport avec les Esprits ; c'est la grossièreté de votre
enveloppe qui rend plus difficile et plus rare la perception des êtres
éthérés.»
10. Est-il rationnel de s'effrayer de l'apparition d'un Esprit ?
MANIFESTATIONS VISUELLES 99
«Celui qui réfléchit doit comprendre qu'un Esprit, quel qu'il soit, est
moins dangereux qu'un vivant. Les Esprits, d'ailleurs, vont partout, et
l'on a pas besoin de les voir pour savoir qu'on peut en avoir à côté de soi.
L'Esprit qui voudrait nuire peut le faire sans se faire voir, et même plus
sûrement ; il n'est pas dangereux parce qu'il est Esprit, mais bien par
l'influence qu'il peut exercer sur la pensée en détournant du bien et en
poussant au mal.»
Remarque. Les personnes qui ont peur dans la solitude ou l'obscurité se rendent
rarement compte de la cause de leur frayeur ; elles ne sauraient dire de quoi elles
ont peur, mais assurément elles devraient plus redouter de rencontrer des hommes
que des Esprits, car un malfaiteur est plus dangereux vivant qu'après sa mort. Une
dame de notre connaissance eut un soir, dans sa chambre, une apparition si bien
caractérisée, qu'elle crut à la présence de quelqu'un, et son premier mouvement fut
celui de l'effroi. S'étant assurée qu'il n'y avait personne, elle se dit : Il parait que ce
n'est qu'un Esprit : je puis dormir tranquille.
11. Celui auquel un Esprit apparaît pourrait-il engager une
conversation avec lui ?
«Parfaitement, et c'est même ce que l'on doit toujours faire en pareil
cas, en demandant à l'Esprit qui il est, ce qu'il désire et ce qu'on peut
faire pour lui être utile. Si l'Esprit est malheureux et souffrant, la
commisération qu'on lui témoigne le soulage ; si c'est un Esprit
bienveillant, il peut venir dans l'intention de donner de bons conseils.»
- Comment, dans ce cas, l'Esprit peut-il répondre ?
«Il le fait quelquefois par des sons articulés, comme le ferait une
personne vivante ; le plus souvent il y a transmission de pensées.»
12. Les Esprits qui apparaissent avec des ailes en ont-ils réellement,
ou bien ces ailes ne sont-elles qu'une apparence symbolique ?
«Les Esprits n'ont pas d'ailes ; ils n'en ont pas besoin, puisqu'ils
peuvent se transporter partout comme Esprits. Ils apparaissent selon la
façon dont ils veulent affecter la personne à laquelle ils se montrent : les
uns paraîtront avec le costume vulgaire, d'autres enveloppés de
draperies, quelques-uns avec des ailes, comme attribut de la catégorie
d'Esprits qu'ils représentent.»
13. Les personnes que l'on voit en rêve sont-elles toujours celles dont
elles ont l'aspect ?
«Ce sont presque toujours ces personnes mêmes que votre Esprit va
trouver ou qui viennent vous trouver.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 100
14. Les Esprits moqueurs ne pourraient-ils prendre l'apparence des
personnes qui nous sont chères pour nous induire en erreur ?
«Ils ne prennent des apparences fantastiques que pour s'amuser à vos
dépens ; mais il est des choses dont il ne leur est pas permis de se jouer.»
15. La pensée étant une sorte d'évocation, on comprend qu'elle
provoque la présence de l'Esprit ; mais comment se fait-il que souvent
les personnes auxquelles on pense le plus, qu'on désire ardemment
revoir, ne se présentent jamais en songe, tandis qu'on voit des gens
indifférents et auxquels on ne pense nullement ?
«Les Esprits n'ont pas toujours la possibilité de se manifester à la vue,
même en rêve, et malgré le désir qu'on a de les voir ; des causes
indépendantes de leur volonté peuvent en empêcher. C'est souvent aussi
une épreuve dont le désir le plus ardent ne peut affranchir. Quant aux
personnes indifférentes, si vous ne pensez pas à elles, il est possible
qu'elles pensent à vous. D'ailleurs, vous ne pouvez vous faire une idée
des relations du monde des Esprits ; vous y rencontrez une foule de
connaissances intimes, anciennes ou nouvelles, dont vous n'avez nulle
idée dans l'état de veille.»
Remarque. Lorsqu'il n'y a aucun moyen de contrôler les visions ou apparitions,
on peut sans doute les mettre sur le compte de l'hallucination ; mais lorsqu'elles
sont confirmées par les événements, on ne saurait les attribuer à l'imagination :
telles sont, par exemple, les apparitions au moment de leur mort, en rêve ou à l'état
de veille, de personnes auxquelles on ne songe nullement, et qui, par divers signes,
viennent révéler les circonstances tout à fait inattendues de leur fin. On a vu
souvent des chevaux se cabrer et refuser d'avancer devant des apparitions qui
effrayaient ceux qui les conduisaient. Si l'imagination est pour quelque chose chez
les hommes, assurément elle n'est pour rien chez les animaux. D'ailleurs, si les
images que l'on voit en rêve étaient toujours un effet des préoccupations de la
veille, rien n'expliquerait pourquoi il arrive souvent qu'on ne rêve jamais aux
choses auxquelles on pense le plus.
16. Pourquoi certaines visions sont-elles plus fréquentes dans l'état de
maladie ?
«Elles ont également lieu dans l'état de parfaite santé ; mais dans la
maladie les liens matériels sont relâchés ; la faiblesse du corps laisse
plus de liberté à l'Esprit, qui entre plus facilement en communication
avec les autres Esprits.»
MANIFESTATIONS VISUELLES 101
17. Les apparitions spontanées paraissent être plus fréquentes dans
certaines contrées. Est-ce que certains peuples sont mieux doués que
d'autres pour avoir ces sortes de manifestations ?
«Dressez-vous des procès-verbaux de chaque apparition ? Les
apparitions, les bruits, toutes les manifestations enfin, sont également
répandues sur toute la terre, mais elles présentent des caractères
distinctifs selon les peuples chez lesquels elles s'accomplissent. Chez
ceux, par exemple, où l'écriture est peu répandue, il n'y a pas de
médiums écrivains ; chez d'autres ils abondent ; ailleurs il y a plus
souvent des bruits et des mouvements que des communications
intelligentes, parce que celles-ci sont moins estimées et recherchées.»
18. Pourquoi les apparitions ont-elles plutôt lieu la nuit ? Ne serait-ce
pas un effet du silence et de l'obscurité sur l'imagination ?
«C'est par la même raison qui vous fait voir pendant la nuit les étoiles
que vous ne voyez pas en plein jour. La grande clarté peut effacer une
apparition légère ; mais c'est une erreur de croire que la nuit y soit pour
quelque chose. Interrogez tous ceux qui en ont eu, et vous verrez que la
plupart les ont eues le jour.»
Remarque. Les faits d'apparition sont beaucoup plus fréquents et plus généraux
qu'on ne croit ; mais beaucoup de personnes ne les avouent pas par la crainte du
ridicule, d'autres les attribuent à l'illusion. S'ils paraissent plus multipliés chez
certains peuples, cela tient à ce que l'on y conserve plus soigneusement les
traditions vraies ou fausses, presque toujours amplifiées par l'attrait du
merveilleux, auquel prête plus ou moins l'aspect des localités ; la crédulité fait
alors voir des effets surnaturels dans les phénomènes les plus vulgaires : le silence
de la solitude, l'escarpement des ravins, le mugissement de la forêt, les rafales de
la tempête, l'écho des montagnes, la forme fantastique des nuages, les ombres, les
mirages, tout enfin prête à l'illusion pour des imaginations simples et naïves, qui
racontent de bonne foi ce qu'elles ont vu ou ce qu'elles ont cru voir. Mais à côté de
la fiction, il y a la réalité ; c'est à la dégager de tous les accessoires ridicules de la
superstition que conduit l'étude sérieuse du spiritisme.
19. La vue des Esprits se produit-elle dans l'état normal, ou seulement
dans un état extatique ?
«Elle peut avoir lieu dans les conditions parfaitement normales ;
cependant les personnes qui les voient sont assez souvent dans un état
particulier, voisin de l'extase, qui leur donne une sorte de double vue.
(Livre des Esprits, n° 447.)»
20. Ceux qui voient les Esprits les voient-ils par les yeux ?
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 102
«Ils le croient ; mais en réalité c'est l'âme qui voit, et, ce qui le prouve,
c'est qu'on peut les voir les yeux fermés.»
21. Comment l'Esprit peut-il se rendre visible ?
«Le principe est le même que celui de toutes les manifestations, il tient
aux propriétés du périsprit, qui peut subir diverses modifications au gré
de l'Esprit.»
22. L'Esprit proprement dit peut-il se rendre visible, ou bien ne le
peut-il qu'à l'aide du périsprit ?
«Dans votre état matériel, les Esprits ne peuvent se manifester qu'à
l'aide de leur enveloppe semi-matérielle ; c'est l'intermédiaire par lequel
ils agissent sur vos sens. C'est sous cette enveloppe qu'ils apparaissent
quelquefois avec une forme humaine ou toute autre, soit dans les rêves,
soit même à l'état de veille, aussi bien à la lumière que dans l'obscurité.»
23. Pourrait-on dire que c'est par la condensation du fluide du périsprit
que l'Esprit devient visible ?
«Condensation n'est pas le mot ; c'est plutôt une comparaison qui peut
aider à vous faire comprendre le phénomène, car il n'y a pas réellement
condensation. Par la combinaison des fluides, il se produit dans le
périsprit une disposition particulière qui n'a pas d'analogue pour vous, et
qui le rend perceptible.»
24. Les Esprits qui apparaissent sont-ils toujours insaisissables et
inaccessibles au toucher ?
«Insaisissables comme dans un songe, dans leur état normal ;
cependant ils peuvent faire impression sur le toucher, et laisser des traces
de leur présence, et même, dans certains cas, devenir momentanément
tangibles, ce qui prouve qu'entre eux et vous il y a une matière.»
25. Tout le monde est-il apte à voir les Esprits ?
«Dans le sommeil oui, mais non à l'état de veille. Dans le sommeil,
l'âme voit sans intermédiaire ; dans la veille, elle est toujours plus ou
moins influencée par les organes : c'est pourquoi les conditions ne sont
pas tout à fait les mêmes.»
26. A quoi tient la faculté de voir les Esprits pendant la veille ?
«Cette faculté dépend de l'organisation ; elle tient, à la faculté plus ou
moins grande qu'a le fluide du voyant de se combiner avec celui de
l'Esprit. Ainsi il ne suffit pas à l'Esprit de vouloir se montrer, il faut
encore qu'il trouve dans la personne à laquelle il veut se faire voir
l'aptitude nécessaire.»
MANIFESTATIONS VISUELLES 103
- Cette faculté peut-elle se développer par l'exercice ?
«Elle le peut, comme toutes les autres facultés ; mais c'est une de
celles dont il vaut mieux attendre le développement naturel que de le
provoquer, dans la crainte de surexciter l'imagination. La vue générale et
permanente des Esprits est exceptionnelle et n'est pas dans les conditions
normales de l'homme.»
27. Peut-on provoquer l'apparition des Esprits ?
«Cela se peut quelquefois, mais très rarement ; elle est presque
toujours spontanée. Il faut pour cela être doué d'une faculté spéciale.»
28. Les Esprits peuvent-ils se rendre visibles sous une autre apparence
que la forme humaine ?
«La forme humaine est la forme normale ; l'Esprit peut en varier
l'apparence, mais c'est toujours le type humain.»
- Ne peuvent-ils se manifester sous forme de flamme ?
«Ils peuvent produire des flammes des lueurs, comme tous autres
effets, pour attester leur présence ; mais ce ne sont pas les Esprits euxmêmes.
La flamme n'est souvent qu'un mirage ou une émanation du
périsprit ; ce n'en est, dans tous les cas, qu'une partie ; le périsprit
n'apparaît tout entier que dans les visions».
29. Que penser de la croyance qui attribue les feux follets à la
présence d'âmes ou Esprits ?
«Superstition produite par l'ignorance. La cause physique des feux
follets est bien connue.»
- La flamme bleue qui parut, dit-on, sur la tête de Servius Tullius
enfant, est-elle une fable ou une réalité ?
«C'était réel ; elle était produite par l'Esprit familier qui voulait avertir
la mère. Cette mère, médium voyant, avait aperçu un rayonnement de
l'Esprit protecteur de son enfant. Tous les médiums voyants ne voient
pas au même degré, de même que vos médiums écrivains n'écrivent pas
tous la même chose. Tandis que cette mère ne voyait qu'une flamme, un
autre médium aurait pu voir le corps même de l'Esprit.»
30. Les Esprits pourraient-ils se présenter sous la forme d'animaux ?
«Cela peut arriver ; mais ce ne sont toujours que des Esprits très
inférieurs qui prennent ces apparences. Ce ne serait, dans tous les cas,
qu'une apparence momentanée ; car il serait absurde de croire qu'un
animal véritable quelconque pût être l'incarnation d'un Esprit. Les
animaux ne sont toujours que des animaux et rien autre chose.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 104
Remarque. La superstition seule peut faire croire que certains animaux sont
animés par des Esprits ; il faut une imagination bien complaisante ou bien frappée
pour voir quelque chose de surnaturel dans les circonstances un peu bizarres dans
lesquelles ils se présentent quelquefois ; mais la peur fait souvent voir ce qui
n'existe pas. La peur n'est pas toujours la source de cette idée ; nous avons connu
une dame, très intelligente du reste, qui affectionnait outre mesure un gros chat
noir, parce qu'elle le croyait d'une nature sur-animale ; elle n'avait pourtant jamais
entendu parler du spiritisme ; si elle l'eût connu, il lui aurait fait comprendre le
ridicule de la cause de sa prédilection, en lui prouvant l'impossibilité d'une pareille
métamorphose.
Essai théorique sur les apparitions.
101. Les manifestations apparentes les plus ordinaires ont lieu dans le
sommeil, par les rêves : ce sont les visions. Il ne peut entrer dans notre
cadre d'examiner toutes les particularités que peuvent présenter les
rêves ; nous nous résumons en disant qu'ils peuvent être : une vision
actuelle des choses présentes ou absentes ; une vision rétrospective du
passé, et, dans quelques cas exceptionnels, un pressentiment de l'avenir.
Ce sont souvent aussi des tableaux allégoriques que les Esprits font
passer sous nos yeux pour nous donner d'utiles avertissements et de
salutaires conseils, si ce sont de bons Esprits ; ou pour nous induire en
erreur et flatter nos passions, si ce sont des Esprits imparfaits. La théorie
ci-après s'applique aux rêves, comme à tous les autres cas d'apparitions.
(Voir Livre des Esprits, n° 400 et suivants.)
Nous croirions faire injure au bon sens de nos lecteurs en réfutant ce
qu'il y a d'absurde et de ridicule dans ce qu'on nomme vulgairement
l'interprétation des songes.
102. Les apparitions, proprement dites, ont lieu à l'état de veille, et
alors qu'on jouit de la plénitude et de l'entière liberté de ses facultés.
Elles se présentent généralement sous une forme vaporeuse et diaphane,
quelquefois vague et indécise ; c'est souvent, au premier abord, une lueur
blanchâtre dont les contours se dessinent peu à peu. D'autres fois les
formes sont nettement accentuées, et l'on distingue les moindres traits du
visage, au point d'en pouvoir faire une description très précise. Les
allures, l'aspect, sont semblables à ce qu'était l'Esprit de son vivant.
Pouvant prendre toutes les apparences, l'Esprit se présente sous celle
qui peut le mieux le faire reconnaître, si tel est son désir. Ainsi, bien que,
comme Esprit, il n'ait plus aucune infirmité corporelle, il se montrera
MANIFESTATIONS VISUELLES 105
estropié, boiteux, bossu, blessé, avec des cicatrices, si cela est nécessaire
pour constater son identité. Esope, par exemple, comme Esprit, n'est pas
difforme ; mais si on l'évoque en tant qu'Esope, aurait-il eu plusieurs
existences depuis, il apparaîtra laid et bossu, avec le costume
traditionnel. Une chose remarquable, c'est qu'à moins de circonstances
particulières, les parties les moins dessinées sont les membres inférieurs,
tandis que la tête, le tronc, les bras et les mains, sont toujours nettement
accusés : aussi ne les voit-on presque jamais marcher, mais glisser
comme des ombres. Quant au costume, il se compose le plus
ordinairement d'une draperie se terminant en longs plis flottants ; c'est,
du moins, avec une chevelure ondoyante et gracieuse, l'apparence des
Esprits qui n'ont rien conservé des choses terrestres ; mais les Esprits
vulgaires, ceux que l'on a connus, ont généralement le costume qu'ils
avaient dans la dernière période de leur existence. Souvent ils ont des
attributs caractéristiques de leur élévation, comme une auréole, ou des
ailes pour ceux que l'on peut considérer comme des anges, tandis que
d'autres ont ceux qui rappellent leurs occupations terrestres : ainsi un
guerrier pourra apparaître avec son armure, un savant avec des livres, un
assassin avec un poignard, etc.. Les Esprits supérieurs ont une figure
belle, noble et sereine ; les plus inférieurs ont quelque chose de farouche
et de bestial, et quelquefois portent encore les traces des crimes qu'ils ont
commis ou des supplices qu'ils ont endurés. La question du costume et
de tous ces objets accessoires est peut-être celle qui étonne le plus ; nous
y reviendrons dans un chapitre spécial, parce qu'elle se lie à d'autres faits
très importants.
103. Nous avons dit que l'apparition a quelque chose de vaporeux ;
dans certains cas on pourrait la comparer à l'image reflétée dans une
glace sans tain, et qui, malgré sa netteté, n'empêche pas de voir au
travers les objets qui sont par-derrière. C'est assez généralement ainsi
que les distinguent les médiums voyants ; ils les voient aller, venir,
entrer dans un appartement ou en sortir, circuler parmi la foule des
vivants, en ayant l'air, du moins pour les Esprits vulgaires, de prendre
une part active à tout ce qui se fait autour d'eux, de s'y intéresser,
d'écouter ce qui se dit. Souvent on les voit s'approcher d'une personne,
lui souffler des idées, l'influencer, la consoler s'ils sont bons, la railler
s'ils sont malins, se montrer tristes ou contents des résultats qu'ils
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 106
obtiennent ; c'est en un mot la doublure du monde corporel. Tel est ce
monde occulte qui nous entoure, au milieu duquel nous vivons sans nous
en douter, comme nous vivons, sans nous en douter davantage, au milieu
des myriades du monde microscopique. Le microscope nous a révélé le
monde des infiniment petits que nous ne soupçonnions pas ; le
spiritisme, aidé des médiums voyants, nous a révélé le monde des Esprits
qui, lui aussi, est une des forces actives de la nature. A l'aide des
médiums voyants, nous avons pu étudier le monde invisible, nous initier
à ses habitudes, comme un peuple d'aveugles pourrait étudier le monde
visible à l'aide de quelques hommes qui jouiraient de la vue. (Voir ciaprès,
au chapitre des médiums, l'article concernant les médiums
voyants.)
104. L'Esprit qui veut ou peut apparaître revêt quelquefois une forme
plus nette encore, ayant toutes les apparences d'un corps solide, au point
de produire une illusion complète et de faire croire que l'on a devant soi
un être corporel. Dans quelques cas enfin, et sous l'empire de certaines
circonstances, la tangibilité peut devenir réelle, c'est-à-dire qu'on peut
toucher, palper, sentir la même résistance, la même chaleur que de la part
d'un corps vivant, ce qui ne l'empêche pas de s'évanouir avec la rapidité
de l'éclair. Ce n'est plus alors par les yeux qu'on en constate la présence,
mais par le toucher. Si l'on pouvait attribuer à l'illusion ou à une sorte de
fascination l'apparition simplement visuelle, le doute n'est pas permis
quand on peut la saisir, la palper, quand elle-même vous saisit et vous
étreint. Les faits d'apparitions tangibles sont les plus rares ; mais ceux
qui se sont passés dans ces derniers temps par l'influence de quelques
médiums puissants2, et qui ont toute l'authenticité de témoignages
irrécusables, prouvent et expliquent ceux que l'histoire rapporte au sujet
de personnes qui se sont montrées depuis leur mort avec toutes les
apparences de la réalité. Au reste, comme nous l'avons dit, quelque
extraordinaires que soient de pareils phénomènes, tout le merveilleux
disparaît quand on connaît la manière dont ils se produisent, et l'on
comprend que, loin d'être une dérogation aux lois de la nature, ils n'en
sont qu'une nouvelle application.
2 Entre autres M. Home.
MANIFESTATIONS VISUELLES 107
105. Par sa nature et dans son état normal, le périsprit est invisible, et
il a cela de commun avec une foule de fluides que nous savons exister et
que nous n'avons cependant jamais vus ; mais il peut aussi, de même que
certains fluides, subir des modifications qui le rendent perceptible à la
vue, soit par une sorte de condensation, soit par un changement dans la
disposition moléculaire ; c'est alors qu'il nous apparaît sous une forme
vaporeuse. La condensation (il ne faudrait pas prendre ce mot à la lettre ;
nous ne l'employons que faute d'autre, et à titre de comparaison), la
condensation, disons-nous, peut être telle, que le périsprit acquière les
propriétés d'un corps solide et tangible ; mais il peut instantanément
reprendre son état éthéré et invisible. Nous pouvons nous rendre compte
de cet effet par celui de la vapeur, qui peut passer de l'invisibilité à l'état
brumeux, puis liquide, puis solide, et vice versa. Ces différents états du
périsprit sont le résultat de la volonté de l'Esprit, et non d'une cause
physique extérieure comme dans nos gaz. Quand il nous apparaît, c'est
qu'il met son périsprit dans l'état nécessaire pour le rendre visible ; mais
pour cela sa volonté ne suffit pas, car la modification du périsprit s'opère
par sa combinaison avec le fluide propre du médium ; or, cette
combinaison n'est pas toujours possible, ce qui explique pourquoi la
visibilité des Esprits n'est pas générale. Ainsi il ne suffit pas que l'Esprit
veuille se montrer ; il ne suffit pas non plus qu'une personne veuille le
voir : il faut que les deux fluides puissent se combiner, qu'il y ait entre
eux une sorte d'affinité ; peut-être aussi que l'émission du fluide de la
personne soit assez abondante pour opérer la transformation du périsprit,
et probablement encore d'autres conditions qui nous sont inconnues ; il
faut enfin que l'Esprit ait la permission de se faire voir à telle personne,
ce qui ne lui est pas toujours accordé ou ne l'est que dans certaines
circonstances, par des motifs que nous ne pouvons apprécier.
106. Une autre propriété du périsprit, et qui tient à sa nature éthérée,
c'est la pénétrabilité. Aucune matière ne lui fait obstacle : il les traverse
toutes, comme la lumière traverse les corps transparents. C'est pourquoi
il n'est pas de clôture qui puisse s'opposer à l'entrée des Esprits ; ils vont
visiter le prisonnier dans son cachot aussi facilement que l'homme qui
est au milieu des champs.
107. Les apparitions à l'état de veille ne sont ni rares ni nouvelles ; il y
en a eu de tout temps ; l'histoire en rapporte un grand nombre ; mais sans
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 108
remonter si haut, de nos jours elles sont très fréquentes, et beaucoup de
personnes en ont eu qu'elles ont prises au premier abord pour ce qu'on
est convenu d'appeler des hallucinations. Elles sont fréquentes surtout
dans les cas de mort de personnes absentes qui viennent visiter leurs
parents ou amis. Souvent, elles n'ont pas de but bien déterminé, mais on
peut dire qu'en général les esprits qui apparaissent ainsi sont attirés par
la sympathie. Que chacun veuille bien interroger ses souvenirs, et l'on
verra qu'il est peu de personnes qui n'aient connaissance de quelques
faits de ce genre dont l'authenticité ne saurait être révoquée en doute.
Esprits globules.
108. Nous ajouterons aux considérations précédentes l'examen de
quelques effets d'optique qui ont donné lieu au singulier système des
Esprits globules.
L'air n'est pas toujours d'une limpidité absolue, et il est telles
circonstances où les courants des molécules aériformes et leur agitation
produite par la chaleur sont parfaitement visibles. Quelques personnes
ont pris cela pour des amas d'Esprits s'agitant dans l'espace ; il suffit de
signaler cette opinion pour la réfuter. Mais voici un autre genre d'illusion
non moins bizarre contre laquelle il est également bon d'être prémuni.
L'humeur aqueuse de l'oeil offre des points à peine perceptibles qui
ont perdu de leur transparence. Ces points sont comme des corps
opaques en suspension dans le liquide dont ils suivent les mouvements.
Ils produisent dans l'air ambiant, et à distance, par l'effet du
grossissement et de la réfraction, l'apparence de petits disques variant de
un à dix millimètres de diamètre et qui semblent nager dans
l'atmosphère. Nous avons vu des personnes prendre ces disques pour des
Esprits qui les suivaient et les accompagnaient partout, et dans leur
enthousiasme prendre pour des figures les nuances de l'irisation, ce qui
est à peu près aussi rationnel que de voir une figure dans la lune. Une
simple observation, fournie par ces personnes elles-mêmes, va les
ramener sur le terrain de la réalité.
Ces disques ou médaillons, disent-elles, non seulement les
accompagnent, mais suivent tous leurs mouvements ; ils vont à droite, à
gauche, en haut, en bas, ou s'arrêtent selon le mouvement de la tête. Cela
n'est pas étonnant ; puisque le siège de l'apparence est dans le globe de
l'oeil, elle doit en suivre les mouvements. Si c'étaient des Esprits, il
MANIFESTATIONS VISUELLES 109
faudrait convenir qu'ils seraient astreints à un rôle par trop mécanique
pour des êtres intelligents et libres ; rôle bien fastidieux, même pour des
esprits inférieurs, à plus forte raison incompatible avec l'idée que nous
nous faisons des Esprits supérieurs. Quelques-uns, il est vrai, prennent
pour de mauvais Esprits les points noirs ou mouches amaurotiques. Ces
disques, de même que les taches noires, ont un mouvement ondulatoire
qui ne s'écarte jamais de l'amplitude d'un certain angle, et ce qui ajoute à
l'illusion, c'est qu'ils ne suivent pas avec brusquerie les mouvements de
la ligne visuelle. La raison en est bien simple. Les points opaques de
l'humeur aqueuse, cause première du phénomène, sont, avons-nous dit,
comme tenus en suspension, et ils ont toujours une tendance à
descendre : lorsqu'ils montent, c'est qu'ils y sont sollicités par le
mouvement de l'oeil de bas en haut ; mais arrivés à une certaine hauteur,
si on fixe l'oeil, on voit les disques descendre d'eux-mêmes, puis
s'arrêter. Leur mobilité est extrême, parce qu'il suffit d'un mouvement
imperceptible de l'oeil pour les faire changer de direction et leur faire
parcourir rapidement toute l'amplitude de l'arc dans l'espace où se
produit l'image. Tant qu'il n'est pas prouvé qu'une image possède un
mouvement propre, spontané et intelligent, on ne peut y voir qu'un
simple phénomène optique ou physiologique.
Il en est de même des étincelles qui se produisent quelquefois en
gerbes ou en faisceaux plus ou moins compactes par la contraction des
muscles de l'oeil, et qui sont probablement dues à l'électricité
phosphorescente de l'iris, puisqu'elles sont généralement circonscrites
dans la circonférence du disque de cet organe.
De pareilles illusions ne peuvent être que le résultat d'une observation
incomplète. Quiconque aura sérieusement étudié la nature des Esprits,
par tous les moyens que donne la science pratique, comprendra tout ce
qu'elles ont de puéril. Autant nous combattons les théories hasardées par
lesquelles on attaque les manifestations, quand ces théories sont basées
sur l'ignorance des faits, autant nous devons chercher à détruire les idées
fausses qui prouvent plus d'enthousiasme que de réflexion, et qui, par
cela même, font plus de mal que de bien auprès des incrédules, déjà si
disposés à chercher le côté ridicule.
109. Le périsprit, comme on le voit, est le principe de toutes les
manifestations ; sa connaissance a donné la clef d'une foule de
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 110
phénomènes ; elle a fait faire un pas immense à la science spirite, et l'a
fait entrer dans une voie nouvelle, en lui ôtant tout caractère
merveilleux. Nous avons trouvé, par les Esprits eux-mêmes, car
remarquez bien que ce sont eux qui nous ont mis sur la voie,
l'explication de l'action de l'Esprit sur la matière, du mouvement des
corps inertes, des bruits et des apparitions. Nous y trouverons encore
celle de plusieurs autres phénomènes qui nous restent à examiner avant
de passer à l'étude des communications proprement dites. On les
comprendra d'autant mieux qu'on se sera mieux rendu compte des causes
premières. Si l'on a bien compris ce principe, on en fera facilement soimême
l'application aux divers faits qui pourront se présenter à
l'observateur.
110. Nous sommes loin de regarder la théorie que nous donnons
comme absolue et comme étant le dernier mot ; elle sera sans doute
complétée ou rectifiée plus tard par de nouvelles études, mais quelque
incomplète ou imparfaite qu'elle soit encore aujourd'hui, elle peut
toujours aider à se rendre compte de la possibilité des faits par des
causes qui n'ont rien de surnaturel ; si c'est une hypothèse, on ne peut
toutefois lui refuser le mérite de la rationalité et de la probabilité, et elle
vaut bien toutes les explications que donnent les négateurs pour prouver
que tout n'est qu'illusion, fantasmagorie et subterfuge dans les
phénomènes spirites.
Théorie de l'hallucination.
111. Ceux qui n'admettent pas le monde incorporel et invisible, croient
tout expliquer par le mot hallucination. La définition de ce mot est
connue ; c'est : Une erreur, une illusion d'une personne qui croit avoir
des perceptions qu'elle n'a pas réellement (du latin hallucinari, errer, fait
de ad lucem) ; mais les savants n'en ont point encore, que nous sachions,
donné la raison physiologique.
L'optique et la physiologie ne paraissent plus avoir de secrets pour
eux, comment se fait-il qu'ils n'aient point encore expliqué la nature et la
source des images qui s'offrent à l'esprit en certaines circonstances ?
Ils veulent tout expliquer par les lois de la matière, soit ; qu'ils donnent
donc par ces lois une théorie de l'hallucination ; bonne ou mauvaise, ce
sera toujours une explication.
MANIFESTATIONS VISUELLES 111
112. La cause des rêves n'a jamais été expliquée par la science ; elle
les attribue à un effet de l'imagination ; mais elle ne nous dit pas ce que
c'est que l'imagination, ni comment elle produit ces images si claires et si
nettes qui nous apparaissent quelquefois ; c'est expliquer une chose qui
n'est pas connue, par une autre qui ne l'est pas davantage ; la question
reste donc tout entière. C'est, dit-on, un souvenir des préoccupations de
la veille ; mais en admettant même cette solution, qui n'en est pas une, il
resterait encore à savoir quel est ce miroir magique qui conserve ainsi
l'empreinte des choses ; comment expliquer surtout ces visions de choses
réelles que l'on n'a jamais vues à l'état de veille, et auxquelles même on
n'a jamais pensé ? Le spiritisme seul pouvait nous donner la clef de ce
phénomène bizarre, qui passe inaperçu à cause de sa vulgarité même,
comme toutes les merveilles de la nature que nous foulons sous nos
pieds.
Les savants ont dédaigné de s'occuper de l'hallucination ; qu'elle soit
réelle ou non, ce n'en est pas moins un phénomène que la physiologie
doit pouvoir expliquer, sous peine d'avouer son insuffisance. Si un jour
un savant entreprend d'en donner, non pas une définition, entendonsnous
bien, mais une explication physiologique, nous verrons si sa théorie
résout tous les cas ; qu'il n'omette pas surtout les faits si communs
d'apparitions de personnes au moment de leur mort ; qu'il dise d'où vient
la coïncidence de l'apparition avec la mort de la personne ? Si c'était un
fait isolé, on pourrait l'attribuer au hasard ; mais comme il est très
fréquent, le hasard n'a pas de ces récidives. Si encore celui qui voit
l'apparition avait l'imagination frappée par l'idée que la personne doit
mourir, soit ; mais celle qui apparaît est le plus souvent celle à laquelle il
songe le moins : donc l'imagination n'y est pour rien. On peut encore
moins expliquer par l'imagination les circonstances de la mort dont on
n'a aucune idée. Les hallucinationistes diront-ils que l'âme (si tant est
qu'ils admettent une âme) a des moments de surexcitation où ses facultés
sont exaltées ? Nous sommes d'accord ; mais quand ce qu'elle voit est
réel, ce n'est donc pas une illusion. Si, dans son exaltation, l'âme voit une
chose qui n'est pas présente, c'est donc qu'elle se transporte ; mais si
notre âme peut se transporter vers une personne absente, pourquoi l'âme
de cette personne ne se transporterait-elle pas vers nous ? Que, dans leur
théorie de l'hallucination, ils veuillent bien tenir compte de ces faits, et
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 112
ne pas oublier qu'une théorie à laquelle on peut opposer des faits
contraires est nécessairement fausse ou incomplète.
En attendant leur explication, nous allons essayer d'émettre quelques
idées à ce sujet.
113. Les faits prouvent qu'il y a de véritables apparitions dont la
théorie spirite rend parfaitement compte, et que peuvent seuls nier ceux
qui n'admettent rien en dehors de l'organisme ; mais à côté des visions
réelles, y a-t-il des hallucinations dans le sens attaché à ce mot ? Cela
n'est pas douteux. Quelle en est la source ? Ce sont les Esprits qui vont
nous mettre sur la voie, car l'explication nous semble tout entière dans
les réponses faites aux questions suivantes :
- Les visions sont-elles toujours réelles, et ne sont-elles pas
quelquefois l'effet de l'hallucination ? Quand on voit, en rêve ou
autrement, le diable, par exemple, ou d'autres choses fantastiques qui
n'existent pas, n'est-ce pas un produit de l'imagination ?
«Oui, quelquefois, quand on est frappé par certaines lectures ou par
des histoires de diableries qui impressionnent, on se souvient et l'on croit
voir ce qui n'existe pas. Mais nous avons dit aussi que l'Esprit, sous son
enveloppe semi-matérielle, peut prendre toutes sortes de formes pour se
manifester. Un Esprit moqueur peut donc apparaître avec des cornes et
des griffes si cela lui plaît, pour se jouer de la crédulité, comme un bon
Esprit peut se montrer avec des ailes et une figure radieuse.»
- Peut-on considérer comme des apparitions les figures et autres
images qui se présentent souvent dans le demi-sommeil, ou simplement
quand on ferme les yeux ?
«Dès que les sens s'engourdissent, l'Esprit se dégage, et peut voir au
loin ou de près ce qu'il ne pourrait voir avec les yeux. Ces images sont
très souvent des visions, mais elles peuvent être aussi un effet des
impressions que la vue de certains objets a laissées dans le cerveau qui
en conserve des traces comme il conserve celles des sons. L'Esprit
dégagé voit alors dans son propre cerveau ces empreintes qui s'y sont
fixées comme sur une plaque de daguerréotype. Leur variété et leur
mélange forment des ensembles bizarres et fugitifs qui s'effacent presque
aussitôt, malgré les efforts que l'on fait pour les retenir. C'est à une cause
semblable qu'il faut attribuer certaines apparitions fantastiques qui n'ont
rien de réel et qui se produisent souvent dans l'état de maladie.»
MANIFESTATIONS VISUELLES 113
Il est constant que la mémoire est le résultat des empreintes conservées
par le cerveau ; par quel singulier phénomène ces empreintes si variées,
si multiples, ne se confondent-elles pas ? C'est là un mystère
impénétrable, mais qui n'est pas plus étrange que celui des ondulations
sonores qui se croisent dans l'air, et n'en restent pas moins distinctes.
Dans un cerveau sain et bien organisé, ces empreintes sont nettes et
précises ; dans un état moins favorable, elles s'effacent et se confondent ;
de là, la perte de la mémoire ou la confusion des idées. Cela paraît
encore moins extraordinaire si l'on admet, comme en phrénologie, une
destination spéciale à chaque partie, et même à chaque fibre du cerveau.
Les images arrivées au cerveau par les yeux y laissent donc une
empreinte, qui fait qu'on se souvient d'un tableau comme si on l'avait
devant soi, mais ce n'est toujours qu'une affaire de mémoire, car on ne le
voit pas ; or, dans un certain état d'émancipation, l'âme voit dans le
cerveau et y retrouve ces images, celles surtout qui ont le plus frappé,
selon la nature des préoccupations ou les dispositions de l'esprit, c'est
ainsi qu'elle y retrouve l'empreinte de scènes religieuses, diaboliques,
dramatiques, mondaines, des figures d'animaux bizarres qu'elle a vus à
une autre époque en peintures ou même en récits, car les récits laissent
aussi des empreintes. Ainsi l'âme voit réellement, mais elle ne voit
qu'une image daguerréotypée dans le cerveau. Dans l'état normal ces
images sont fugitives et éphémères, parce que toutes les parties
cérébrales fonctionnent librement ; mais dans l'état de maladie, le
cerveau est toujours plus ou moins affaibli, l'équilibre n'existe pas entre
tous les organes, quelques-uns seulement conservent leur activité, tandis
que d'autres sont en quelque sorte paralysés ; de là la permanence de
certaines images qui ne sont plus effacées, comme dans l'état normal, par
les préoccupations de la vie extérieure. C'est là la véritable hallucination
et la cause première des idées fixes.
Comme on le voit, nous avons rendu compte de cette anomalie par une
loi toute physiologique bien connue, celle des empreintes cérébrales ;
mais il nous a toujours fallu faire intervenir l'âme ; or, si les matérialistes
n'ont pu encore donner une solution satisfaisante de ce phénomène, c'est
qu'ils ne veulent pas admettre d'âme ; aussi diront-ils que notre
explication est mauvaise, parce que nous posons en principe ce qui est
contesté. Contesté par qui ? Par eux, mais admis par l'immense majorité
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VI 114
depuis qu'il y a des hommes sur la terre, et la négation de quelques-uns
ne peut faire loi.
Notre explication est-elle bonne ? Nous la donnons pour ce qu'elle
peut valoir à défaut d'autre, et si l'on veut à titre de simple hypothèse en
attendant mieux. Telle qu'elle est rend-elle raison de tous les cas de
vision ? Certainement non, et nous mettons tous les physiologistes au
défi d'en donner une seule à leur point de vue exclusif qui les résolve
tous ; car, quand ils ont prononcé leurs mots sacramentels de
surexcitation et d'exaltation, ils n'ont rien dit ; donc, si toutes les théories
de l'hallucination sont insuffisantes pour expliquer tous les faits, c'est
qu'il y a autre chose que l'hallucination proprement dite. Notre théorie
serait fausse si nous l'appliquions à tous les cas de vision, parce qu'il en
est qui viendraient la contredire ; elle peut être juste si elle est restreinte
à certains effets.
CHAPITRE VII.
BI-CORPOREITE ET TRANSFIGURATION.
Apparitions de l'Esprit des vivants.
114. Ces deux phénomènes sont des variétés de celui des
manifestations visuelles, et quelque merveilleux qu'ils puissent paraître
au premier abord, on reconnaîtra facilement, par l'explication qui peut en
être donnée, qu'ils ne sortent pas de l'ordre des phénomènes naturels. Ils
reposent l'un et l'autre sur ce principe, que tout ce qui a été dit sur les
propriétés du périsprit après la mort s'applique au périsprit des vivants.
Nous savons que pendant le sommeil l'Esprit recouvre en partie sa
liberté, c'est-à-dire qu'il s'isole du corps, et c'est dans cet état que nous
avons eu maintes fois occasion de l'observer. Mais l'Esprit, que l'homme
soit mort ou vivant, a toujours son enveloppe semi-matérielle qui, par les
mêmes causes que nous avons décrites, peut acquérir la visibilité et la
tangibilité. Des faits bien positifs ne peuvent laisser aucun doute à cet
égard ; nous n'en citerons que quelques exemples qui sont à notre
connaissance personnelle, et dont nous pouvons garantir l'exactitude,
chacun étant à même d'en recueillir d'analogues en consultant ses
souvenirs.
115. La femme d'un de nos amis vit à plusieurs reprises, pendant la
nuit, entrer dans sa chambre, qu'elle eût ou non de la lumière, une
marchande fruitière des environs qu'elle connaissait de vue, mais à
laquelle elle n'avait jamais parlé. Cette apparition lui causa une frayeur
d'autant plus grande qu'à cette époque cette dame n'avait aucune
connaissance du spiritisme, et que ce phénomène se renouvela très
souvent. Or, la marchande était parfaitement vivante, et dormait
probablement à cette heure ; pendant que son corps matériel était chez
elle, son Esprit et son corps fluidique étaient chez cette dame ; pour quel
motif ? c'est ce qu'on ne sait pas. En pareil cas, un spirite, initié à ces
sortes de choses, le lui eût demandé, mais c'est ce dont elle n'eut pas
l'idée. Chaque fois l'apparition s'éclipsa sans qu'elle sût comment, et
chaque fois aussi, après sa disparition, elle alla s'assurer que toutes les
portes étaient parfaitement fermées et que personne n'avait pu
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VII 116
s'introduire dans son appartement. Cette précaution lui prouva qu'elle
était bien éveillée et qu'elle n'était pas le jouet d'un rêve. D'autres fois,
elle vit de la même manière un homme qu'elle ne connaissait pas, mais
un jour elle vit son frère qui était alors en Californie ; il avait tellement
l'apparence d'une personne réelle, qu'au premier moment elle crut à son
retour et voulut lui adresser la parole, mais il disparut sans lui en laisser
le temps. Une lettre reçue postérieurement lui prouva qu'il n'était pas
mort. Cette dame était ce qu'on peut appeler un médium voyant naturel,
mais à cette époque, comme nous l'avons dit, elle n'avait jamais entendu
parler de médiums.
116. Une autre dame qui habite la province, étant assez gravement
malade, vit un soir, vers les dix heures, un monsieur âgé habitant la
même ville et qu'elle voyait quelquefois dans la société, mais sans aucun
rapport d'intimité. Ce monsieur était assis dans un fauteuil au pied de son
lit, et de temps en temps prenait une prise de tabac ; il avait l'air de la
veiller. Surprise d'une telle visite à pareille heure, elle veut lui en
demander le motif, mais le monsieur lui fait signe de ne pas parler et de
dormir ; à plusieurs reprises elle veut lui adresser la parole, et chaque
fois la même recommandation. Elle finit par s'endormir. A quelques
jours de là, étant rétablie, elle reçut la visite de ce même monsieur, mais
à une heure plus convenable, et cette fois c'était bien lui ; il avait le
même costume, la même tabatière et exactement les mêmes manières.
Persuadée qu'il était venu pendant sa maladie, elle le remercia de la
peine qu'il avait prise. Le monsieur, fort surpris, lui dit qu'il n'avait pas
eu l'avantage de la voir depuis assez longtemps. La dame, qui
connaissait les phénomènes spirites, comprit ce qu'il en était ; mais ne
voulant pas s'en expliquer avec lui, elle se contenta de lui dire que
probablement elle l'avait rêvé.
C'est ce qui est probable, diront les incrédules, les esprits forts, ce qui
pour eux, est synonyme de gens d'esprit ; mais il est constant que cette
dame ne dormait pas du tout, pas plus que la précédente. - C'est qu'alors
elle rêvait tout éveillée ; autrement dit elle avait une hallucination. -
Voilà le grand mot, l'explication universelle de tout ce qu'on ne
comprend pas. Comme nous avons déjà suffisamment réfuté cette
objection, nous poursuivrons en nous adressant à ceux qui peuvent nous
comprendre.
BI-CORPOREITE ET TRANSFIGURATION 117
117. Voici cependant un autre fait plus caractéristique, et nous serions
curieux de voir comment on pourrait l'expliquer par le seul jeu de
l'imagination.
Un monsieur habitant la province n'avait jamais voulu se marier,
malgré les instances de sa famille. On avait notamment insisté en faveur
d'une personne habitant une ville voisine, et qu'il n'avait jamais vue. Un
jour, étant dans sa chambre, il fut tout étonné de se voir en présence
d'une jeune fille, vêtue de blanc, et la tête ornée d'une couronne de
fleurs. Elle lui dit qu'elle était sa fiancée, lui tendit la main qu'il prit dans
la sienne, et à laquelle il vit un anneau. Au bout de quelques instants tout
disparut. Surpris de cette apparition, et s'étant assuré qu'il était bien
éveillé, il s'informe si quelqu'un est venu dans la journée ; mais on lui dit
qu'on n'avait vu personne. Un an après, cédant à de nouvelles
sollicitations d'une parente, il se décida à aller voir celle qu'on lui
proposait. Il arriva le jour de la Fête-Dieu ; on revenait de la procession,
et une des premières personnes qui s'offre à sa vue en entrant dans la
maison, c'est une jeune fille qu'il reconnaît pour celle qui lui était
apparue ; elle était vêtue de même, car le jour de l'apparition était aussi
celui de la Fête-Dieu. Il reste interdit, et de son côté, la jeune fille pousse
un cri de surprise et se trouve mal. Revenue à elle, elle dit qu'elle a déjà
vu ce monsieur à pareil jour l'année précédente. Le mariage fut conclu.
C'était vers 1835 ; à cette époque il n'était pas question des Esprits, et
d'ailleurs l'un et l'autre sont des gens d'un positivisme extrême et de
l'imagination la moins exaltée qui soit au monde.
On dira peut-être que l'un et l'autre avaient l'esprit frappé de l'idée de
l'union proposée et que cette préoccupation détermina une hallucination ;
mais il ne faut pas oublier que le mari y était si indifférent, qu'il fut un an
sans aller voir sa prétendue. En admettant même cette hypothèse, il
resterait à expliquer la double apparition, la coïncidence du costume
avec le jour de la Fête-Dieu, et enfin la reconnaissance physique entre
personnes qui ne s'étaient jamais vues, circonstances qui ne peuvent être
le produit de l'imagination.
118. Avant d'aller plus loin, nous devons répondre immédiatement à
une question qu'on ne manquera pas de faire, c'est de savoir comment le
corps peut vivre tandis que l'Esprit est absent. Nous pourrions dire que le
corps peut vivre de la vie organique qui est indépendante de la présence
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VII 118
de l'Esprit, et la preuve en est, c'est que les plantes vivent et n'ont pas
d'Esprit ; mais nous devons ajouter que, pendant la vie, l'Esprit n'est
jamais complètement détaché du corps. Les Esprits, de même que
certains médiums voyants, reconnaissent l'Esprit d'une personne vivante
à une traînée lumineuse qui aboutit à son corps, phénomène qui n'a
jamais lieu quand le corps est mort, car alors la séparation est complète.
C'est par cette communication que l'Esprit est averti instantanément, à
quelque distance qu'il soit, du besoin que le corps peut avoir de sa
présence, et alors il y revient avec la promptitude de l'éclair. Il en résulte
que le corps ne peut jamais mourir pendant l'absence de l'Esprit, et qu'il
ne peut jamais arriver que celui-ci, à son retour, trouve la porte close,
ainsi que l'ont dit quelques romanciers dans des histoires faites à plaisir.
(Livre des Esprits, n° 400 et suivants.)
Hommes doubles. - Saint Alphonse de Liguori et saint Antoine de
Padoue.
119. Revenons à notre sujet. L'Esprit d'une personne vivante, isolé du
corps, peut apparaître comme celui d'une personne morte, et avoir toutes
les apparences de la réalité ; de plus, par les mêmes causes que nous
avons expliquées, il peut acquérir une tangibilité momentanée. C'est ce
phénomène, désigné sous le nom de bi-corporéité, qui a donné lieu aux
histoires des hommes doubles, c'est-à-dire d'individus dont la présence
simultanée a été constatée en deux endroits différents. En voici deux
exemples tirés, non des légendes populaires, mais de l'histoire
ecclésiastique.
Saint Alphonse de Liguori fut canonisé avant le temps voulu pour
s'être montré simultanément en deux endroits différents, ce qui passa
pour un miracle.
Saint Antoine de Padoue était en Espagne, et au temps où il prêchait,
son père, qui était à Padoue, allait au supplice accusé d'un meurtre. A ce
moment, saint Antoine paraît, démontre l'innocence de son père et fait
connaître le véritable criminel qui, plus tard, subit le châtiment. Il fut
constaté qu'à ce moment saint Antoine n'avait pas quitté l'Espagne.
Saint Alphonse ayant été évoqué et interrogé par nous sur le fait cidessus,
voici les réponses qu'il fit :
1. Pourriez-vous nous donner l'explication de ce phénomène ?
BI-CORPOREITE ET TRANSFIGURATION 119
«Oui ; l'homme, lorsqu'il s'est complètement dématérialisé par sa
vertu, qu'il a élevé son âme vers Dieu, peut apparaître en deux endroits à
la fois, voici comment. L'Esprit incarné, en sentant le sommeil venir,
peut demander à Dieu de se transporter dans un lieu quelconque. Son
Esprit, ou son âme, comme vous voudrez l'appeler, abandonne alors son
corps, suivie d'une partie de son périsprit, et laisse la matière immonde
dans un état voisin de la mort. Je dis voisin de la mort, parce qu'il est
resté dans le corps un lien qui rattache le périsprit et l'âme à la matière, et
ce lien ne peut être défini. Le corps apparaît donc dans l'endroit
demandé. Je crois que c'est tout ce que vous désirez savoir.»
2. Ceci ne nous donne pas l'explication de la visibilité et de la
tangibilité du périsprit.
«L'Esprit se trouvant dégagé de la matière suivant son degré
d'élévation peut se rendre tangible à la matière.»
3. Le sommeil du corps est-il indispensable pour que l'Esprit
apparaisse en d'autres endroits ?
«L'âme peut se diviser lorsqu'elle se sent portée dans un lieu différent
de celui où se trouve le corps. Il peut arriver que le corps ne dorme pas,
quoique cela soit très rare, mais alors le corps n'est jamais dans un état
parfaitement normal, il est toujours dans un état plus ou moins
extatique.»
Remarque. L'âme ne se divise pas dans le sens littéral du mot ; elle rayonne de
différents côtés, et peut ainsi se manifester sur plusieurs points sans être partagée ;
il en est de même d'une lumière qui peut simultanément se refléter dans plusieurs
glaces.
4. L'homme étant plongé dans le sommeil tandis que son Esprit
apparaît ailleurs, qu'arriverait-il s'il était réveillé subitement ?
«Cela n'arriverait pas, parce que si quelqu'un avait l'intention de
l'éveiller, l'Esprit rentrerait dans le corps et préviendrait l'intention,
attendu que l'Esprit lit dans la pensée.»
Une explication tout à fait identique nous a été donnée plusieurs fois
par l'Esprit de personnes mortes ou vivantes. Saint Alphonse explique le
fait de la double présence, mais il ne donne pas la théorie de la visibilité
et de la tangibilité.
Vespasien.
120. Tacite rapporte un fait analogue :
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VII 120
Pendant les mois que Vespasien passa dans Alexandrie pour attendre
le retour périodique des vents d'été et la saison où la mer devient sûre,
plusieurs prodiges arrivèrent, par où se manifesta la faveur du ciel et
l'intérêt que les dieux semblaient prendre à ce prince...
Ces prodiges redoublèrent dans Vespasien le désir de visiter le séjour
sacré du dieu, pour le consulter au sujet de l'empire. Il ordonne que le
temple soit fermé à tout le monde ; entré lui-même et tout entier à ce
qu'allait prononcer l'oracle, il aperçoit derrière lui un des principaux
Egyptiens, nommé Basilide, qu'il savait être retenu malade à plusieurs
journées d'Alexandrie. Il s'informe aux prêtres si Basilide est venu ce
jour-là dans le temple ; il s'informe aux passants si on l'a vu dans la ville,
enfin, il envoie des hommes à cheval, et il s'assure que dans ce momentlà
même il était à quatre-vingts milles de distance. Alors, il ne douta plus
que la vision ne fût surnaturelle, et le nom de Basilide lui tint lieu
d'oracle. (TACITE. Histoires, livre IV, chapitres 81 et 82. Traduction de
Burnouf.)
121. L'individu qui se montre simultanément en deux endroits
différents a donc deux corps ; mais de ces deux corps un seul est réel,
l'autre n'est qu'une apparence ; on peut dire que le premier a la vie
organique et que le second a la vie de l'âme ; au réveil les deux corps se
réunissent, et la vie de l'âme rentre dans le corps matériel. Il ne paraît pas
possible, du moins nous n'en n'avons pas d'exemple, et la raison semble
le démontrer, que dans l'état de séparation, les deux corps puissent jouir
simultanément et au même degré de la vie active et intelligente. Il
ressort, en outre, de ce que nous venons de dire que le corps réel ne
pourrait pas mourir tandis que le corps apparent resterait visible :
l'approche de la mort rappelant toujours l'Esprit dans le corps, ne fût-ce
que pour un instant. Il en résulte également que le corps apparent ne
pourrait être tué, parce qu'il n'est pas organique et qu'il n'est pas formé
de chair et d'os ; il disparaît au moment où l'on voudrait lui donner la
mort1
1 Voir la Revue Spirite, janvier 1859, Le Follet de Bayonne ; février 1859, Les agénères ; mon
ami Hermann ; mai 1859, Le lien entre l'Esprit et le corps ; novembre 1859, L'âme errante ;
janvier 1860, L'Esprit d'un coté et le corps de l'autre ; mars 1860, Etudes sur l'Esprit de
personnes vivantes : le docteur V. et mademoiselle I.; avril 1860, Le Fabricant de Saint
Pétersbourg ; apparitions tangibles ; novembre 1860, Histoire de Marie d'Agréda ; juillet
1861, Une apparition providentielle.
BI-CORPOREITE ET TRANSFIGURATION 121
Transfiguration.
122. Nous passons au second phénomène, celui de la transfiguration.
Il consiste dans le changement d'aspect d'un corps vivant. Voici à cet
égard un fait dont nous pouvons garantir la parfaite authenticité, et qui
s'est passé dans les années 1858 et 1859 aux environs de Saint-Etienne.
Une jeune fille d'une quinzaine d'années jouissait de la singulière faculté
de se transfigurer, c'est-à-dire de prendre à des moments donnés toutes
les apparences de certaines personnes mortes ; l'illusion était si
complète, qu'on croyait avoir la personne devant soi, tant étaient
semblables les traits du visage, le regard, le son de la voix et jusqu'au
jargon. Ce phénomène s'est renouvelé des centaines de fois sans que la
volonté de la jeune fille y fût pour rien. Elle prit plusieurs fois
l'apparence de son frère, mort quelques années auparavant ; elle en avait
non seulement la figure, mais la taille et le volume du corps. Un médecin
du pays, maintes fois témoin de ces effets bizarres, et voulant s'assurer
s'il n'était pas le jouet d'une illusion, fit l'expérience suivante. Nous
tenons les faits de lui-même, du père de la jeune fille et de plusieurs
autres témoins oculaires très honorables et très dignes de foi. Il eut l'idée
de peser la jeune fille dans son état normal, puis dans celui de
transfiguration, alors qu'elle avait l'apparence de son frère âgé de vingt et
quelques années, et qui était beaucoup plus grand et plus fort. Eh bien !
il s'est trouvé que dans ce dernier état le poids était presque le double.
L'expérience était concluante, et il était impossible d'attribuer cette
apparence à une simple illusion d'optique. Essayons d'expliquer ce fait,
que dans un temps on eût appelé miracle, et que nous appelons tout
simplement phénomène.
123. La transfiguration, dans certains cas, peut avoir pour cause une
simple contraction musculaire qui peut donner à la physionomie une tout
autre expression, au point de rendre la personne presque
méconnaissable. Nous l'avons souvent observée chez certaines
somnambules, mais dans ce cas la transformation n'est pas radicale ; une
femme pourra paraître jeune ou vieille, belle ou laide, mais ce sera
toujours une femme, et son poids surtout n'augmentera ni ne diminuera.
Dans le cas dont il s'agit, il est bien évident qu'il y a quelque chose de
plus ; la théorie du périsprit va nous mettre sur la voie.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VII 122
Il est admis en principe que l'Esprit peut donner à son périsprit toutes
les apparences ; que par une modification dans la disposition
moléculaire, il peut lui donner la visibilité, la tangibilité, et par
conséquent l'opacité ; que le périsprit d'une personne vivante, isolé du
corps, peut subir les mêmes transformations ; que ce changement d'état
s'opère par la combinaison des fluides. Figurons-nous maintenant le
périsprit d'une personne vivante, non pas isolé, mais rayonnant autour du
corps de manière à l'envelopper comme d'une vapeur ; dans cet état, il
peut subir les mêmes modifications que s'il en était séparé ; s'il perd sa
transparence, le corps peut disparaître, devenir invisible, et être voilé
comme s'il était plongé dans le brouillard. Il pourra même changer
d'aspect, devenir brillant si telle est la volonté ou le pouvoir de l'Esprit.
Un autre Esprit, combinant son propre fluide avec le premier, peut y
substituer sa propre apparence ; de telle sorte que le corps réel disparaît
sous une enveloppe fluidique extérieure dont l'apparence peut varier au
gré de l'Esprit. Telle paraît être la véritable cause du phénomène étrange,
et rare, il faut le dire, de la transfiguration. Quant à la différence du
poids, elle s'explique de la même manière que pour les corps inertes. Le
poids intrinsèque du corps n'a pas varié, parce que la quantité de matière
n'a pas augmenté ; il subit l'influence d'un agent extérieur qui peut en
augmenter ou en diminuer le poids relatif, comme nous l'avons expliqué
ci-dessus, n° 78 et suivants. Il est donc probable que si la transfiguration
eût lieu sous l'aspect d'un petit enfant, le poids eût diminué en
proportion.
Invisibilité.
124. On conçoit que le corps puisse prendre une autre apparence plus
grande ou de même dimension ; mais comment pourrait-il en prendre
une plus petite, celle d'un petit enfant, comme nous venons de le dire ?
Dans ce cas, le corps réel ne devrait-il pas dépasser les limites du corps
apparent ? Aussi ne disions-nous pas que le fait se soit produit ; nous
avons seulement voulu montrer, en nous rapportant à la théorie du poids
spécifique, que le poids apparent aurait pu diminuer. Quant au
phénomène en lui-même, nous n'affirmons ni sa possibilité, ni son
impossibilité ; mais dans le cas où il aurait lieu, de ce qu'on ne pourrait
en donner une solution satisfaisante, cela n'infirmerait pas la chose ; il ne
faut pas oublier que nous sommes au début de la science, et qu'elle est
BI-CORPOREITE ET TRANSFIGURATION 123
loin d'avoir dit son dernier mot sur ce point comme sur beaucoup
d'autres. D'ailleurs les parties excédantes pourraient parfaitement être
rendues invisibles.
La théorie du phénomène de l'invisibilité ressort tout naturellement
des explications précédentes et de celles qui ont été données au sujet du
phénomène des apports, n° 96 et suivants.
125. Il nous resterait à parler du singulier phénomène des agénères
qui, tout extraordinaire qu'il puisse paraître au premier abord, n'est pas
plus surnaturel que les autres. Mais, comme nous l'avons expliqué dans
la Revue spirite (février 1859), nous croyons inutile d'en reproduire ici
les détails ; nous dirons seulement que c'est une variété de l'apparition
tangible ; c'est l'état de certains Esprits qui peuvent revêtir
momentanément les formes d'une personne vivante, au point de faire
complètement illusion. (Du grec a privatif, et géine, géinomaï
engendrer ; qui n'a pas été engendré.)
CHAPITRE VIII.
LABORATOIRE DU MONDE INVISIBLE.
Vêtements des Esprits. - Formation spontanée d'objets tangibles.
126. Nous avons dit que les Esprits se présentent vêtus de tuniques, de
draperies ou même de leurs habits ordinaires. Les draperies paraissent
être un costume général dans le monde des Esprits ; mais on se demande
où ils vont prendre des habillements en tout semblables à ceux qu'ils
portaient de leur vivant, avec tous les accessoires de la toilette. Il est
bien certain qu'ils n'ont pas emporté ces objets avec eux, puisque les
objets réels sont encore là sous nos yeux ; d'où proviennent donc ceux
qu'ils portent dans l'autre monde ? Cette question a toujours beaucoup
intrigué ; mais pour beaucoup de gens c'était une simple affaire de
curiosité ; elle confirmait pourtant une question de principe d'une grande
importance, car sa solution nous a mis sur la voie d'une loi générale qui
trouve également son application dans notre monde corporel. Plusieurs
faits sont venus la compliquer et démontrer l'insuffisance des théories
qu'on avait essayées.
On pouvait, jusqu'à un certain point, se rendre compte du costume,
parce qu'on peut le considérer comme faisant en quelque sorte partie de
l'individu ; il n'en est pas de même des objets accessoires, comme par
exemple la tabatière du visiteur de la dame malade dont nous avons parlé
n° 116. Remarquons à ce sujet qu'il ne s'agissait pas ici d'un mort mais
d'un vivant, et que ce monsieur, lorsqu'il revint en personne, avait une
tabatière en tout semblable. Où donc son Esprit avait-il trouvé celle qu'il
avait quand il était au pied du lit de la malade ? Nous pourrions citer un
grand nombre de cas où des Esprits de morts ou de vivants sont apparus
avec divers objets, tels que bâtons, armes, pipes, lanternes, livres, etc..
Il nous vint alors une pensée, c'est que les corps inertes pouvaient
avoir leurs analogues éthérés dans le monde invisible ; que la matière
condensée qui forme les objets pouvait avoir une partie quintessenciée
échappant à nos sens. Cette théorie n'était pas dénuée de vraisemblance,
mais elle était impuissante à rendre raison de tous les faits. Il en est un
surtout qui semblait devoir déjouer toutes les interprétations. Jusqu'alors
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VIII 126
il ne s'est agi que d'images ou apparences ; nous avons bien vu que le
périsprit peut acquérir les propriétés de la matière et devenir tangible,
mais cette tangibilité n'est que momentanée, et le corps solide s'évanouit
comme une ombre. C'est déjà un phénomène fort extraordinaire, mais ce
qui l'est bien autrement, c'est de voir se produire de la matière solide
persistante, ainsi que le prouvent de nombreux faits authentiques, et
notamment celui de l'écriture directe dont nous parlerons en détail dans
un chapitre spécial. Toutefois, comme ce phénomène se lie intimement
au sujet que nous traitons en ce moment, et qu'il en est une des
applications les plus positives, nous anticiperons sur l'ordre dans lequel
il doit venir.
127. L'écriture directe, ou pneumatographie, est celle qui se produit
spontanément sans le secours ni de la main du médium, ni du crayon. Il
suffit de prendre une feuille de papier blanc, ce que l'on peut faire avec
toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'on ne peut pas être
dupe d'aucune supercherie, de la plier et de la déposer quelque part, dans
un tiroir, ou simplement sur un meuble, et si l'on est dans les conditions
convenables, au bout d'un temps plus ou moins long, on trouve sur le
papier des caractères tracés, des signes divers, des mots, des phrases et
même des discours, le plus souvent avec une substance grisâtre analogue
à la mine de plomb, d'autres fois avec du crayon rouge, de l'encre
ordinaire et même de l'encre d'imprimerie. Voilà le fait dans toute sa
simplicité, et dont la reproduction, quoique peu commune, n'est
cependant pas très rare, car il est des personnes qui l'obtiennent assez
facilement. Si l'on mettait un crayon avec le papier, on pourrait croire
que l'Esprit s'en est servi pour écrire ; mais du moment que le papier est
entièrement seul, il est évident que l'écriture est formée par une matière
déposée ; où l'Esprit a-t-il pris cette matière ? telle est la question à la
solution de laquelle nous avons été conduits par la tabatière dont nous
avons parlé tout à l'heure.
128. C'est l'Esprit de saint Louis qui nous a donné cette solution dans
les réponses suivantes :
1. Nous avons cité un cas d'apparition de l'Esprit d'une personne
vivante. Cet Esprit avait une tabatière et prisait. Eprouvait-il la sensation
que l'on éprouve en prisant ?
«Non.»
LABORATOIRE DU MONDE INVISIBLE 127
2. Cette tabatière avait la forme de celle dont il se servait
habituellement, et qui était chez lui. Qu'était-ce que cette tabatière entre
les mains de cet homme ?
«Une apparence ; c'était pour que la circonstance fût remarquée
comme elle l'a été, et que l'apparition ne fût pas prise pour une
hallucination produite par l'état de santé du voyant. L'Esprit voulait que
cette dame crût à la réalité de sa présence, il a pris toutes les apparences
de la réalité.»
3. Vous dites que c'est une apparence ; mais une apparence n'a rien de
réel, c'est comme une illusion d'optique ; nous voudrions savoir si cette
tabatière n'était qu'une image sans réalité, ou s'il y avait quelque chose
de matériel ?
«Certainement ; c'est à l'aide de ce principe matériel que le périsprit
prend l'apparence de vêtements semblables à ceux que l'Esprit portait de
son vivant.»
Remarque. Il est évident qu'il faut entendre ici le mot apparence dans le sens
d'aspect, imitation. La tabatière réelle n'était pas là ; celle que tenait l'Esprit n'en
était que la représentation : c'était donc une apparence comparée à l'original,
quoique formée d'un principe matériel.
L'expérience nous apprend qu'il ne faut pas toujours prendre à la lettre certaines
expressions employées par les Esprits ; en les interprétant selon nos idées, nous
nous exposons à de grandes méprises ; c'est pourquoi il faut approfondir le sens de
leurs paroles toutes les fois qu'il présente la moindre ambiguïté ; c'est une
recommandation que nous font constamment les Esprits eux-mêmes. Sans
l'explication que nous avons provoquée, le mot apparence, constamment reproduit
dans les cas analogues, pouvait donner lieu à une fausse interprétation.
4. Est-ce que la matière inerte se dédoublerait ? Y aurait-il dans le
monde invisible une matière essentielle qui revêtirait la forme des objets
que nous voyons ? En un mot ces objets auraient-ils leur doublure
éthérée dans le monde invisible, comme les hommes y sont représentés
par les Esprits ?
«Ce n'est point ainsi que cela se passe ; l'Esprit a sur les éléments
matériels répandus partout dans l'espace, dans votre atmosphère, une
puissance que vous êtes loin de soupçonner. Il peut à son gré concentrer
ces éléments et leur donner la forme apparente propre à ses projets.»
Remarque. Cette question, comme on l'a vu, était la traduction de notre pensée,
c'est-à-dire de l'idée que nous nous étions formée sur la nature de ces objets. Si les
réponses étaient, comme quelques-uns le prétendent, le reflet de la pensée, nous
aurions obtenu la confirmation de notre théorie, au lieu d'une théorie contraire.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VIII 128
5. Je pose de nouveau la question d'une manière catégorique, afin
d'éviter toute équivoque :
Les vêtements dont se couvrent les Esprits sont-ils quelque chose ?
«Il me semble que ma réponse précédente résout la question. Ne
savez-vous pas que le périsprit lui-même est quelque chose ?»
6. Il résulte de cette explication que les Esprits font subir à la matière
éthérée des transformations à leur gré, et qu'ainsi, par exemple, pour la
tabatière, l'Esprit ne l'a point trouvée toute faite, mais qu'il l'a faite luimême
pour le moment où il en avait besoin, par un acte de sa volonté, et
qu'il a pu la défaire ; il doit en être de même de tous les autres objets, tels
que vêtements, bijoux, etc..
«Mais évidemment.»
7. Cette tabatière a été visible pour cette dame, au point de lui faire
illusion. L'Esprit aurait-il pu la rendre tangible pour elle ?
«Il l'aurait pu.»
8. Le cas échéant, cette dame aurait-elle pu la prendre dans ses mains,
croyant avoir une tabatière véritable ?
«Oui.»
9. Si elle l'eût ouverte, elle y eût probablement trouvé du tabac ; si
elle eût pris ce tabac, l'aurait-il fait éternuer ?
«Oui.»
Modification des propriétés de la matière.
10. L'Esprit peut donc donner, non seulement la forme, mais des
propriétés spéciales ?
«S'il le veut ; ce n'est qu'en vertu de ce principe que j'ai répondu
affirmativement aux questions précédentes. Vous aurez des preuves de la
puissante action qu'exerce l'Esprit sur la matière, et que vous êtes loin de
soupçonner, comme je vous l'ai dit.»
11. Supposons alors qu'il eût voulu faire une substance vénéneuse et
qu'une personne en eût pris, aurait-elle été empoisonnée ?
«Il l'aurait pu, mais il ne l'aurait pas fait ; cela ne lui aurait pas été
permis.»
12. Aurait-il eu le pouvoir de faire une substance salutaire et propre à
guérir en cas de maladie, et le cas s'est-il présenté ?
«Oui, fort souvent.»
LABORATOIRE DU MONDE INVISIBLE 129
13. Il pourrait alors tout aussi bien faire une substance alimentaire ;
supposons qu'il ait fait un fruit, un mets quelconque, quelqu'un aurait-il
pu en manger et être rassasié ?
«Oui, oui ; mais ne cherchez donc pas tant pour trouver ce qui est si
facile à comprendre. Il suffit d'un rayon de soleil pour rendre
perceptibles à vos organes grossiers ces particules matérielles qui
encombrent l'espace au milieu duquel vous vivez ; ne savez-vous pas
que l'air contient des vapeurs d'eau ? condensez-les, vous les ramènerez
à l'état normal ; privez-les de chaleur, et voilà que ces molécules
impalpables et invisibles sont devenues un corps solide, et très solide, et
bien d'autres substances dont les chimistes vous tireront des merveilles
plus étonnantes encore ; seulement l'Esprit possède des instruments plus
parfaits que les vôtres : la volonté et la permission de Dieu.»
Remarque. La question de satiété est ici fort importante. Comment une
substance qui n'a qu'une existence et des propriétés temporaires et en quelque
sorte de convention peut-elle produire la satiété ? Cette substance, par son contact
avec l'estomac, produit la sensation de la satiété, mais non la satiété résultant de la
plénitude. Si une telle substance peut agir sur l'économie et modifier un état
morbide, elle peut tout aussi bien agir sur l'estomac et y produire le sentiment de la
satiété. Nous prions toutefois MM. les pharmaciens et restaurateurs de ne pas en
concevoir de jalousie, ni croire que les Esprits viennent leur faire concurrence :
ces cas sont rares, exceptionnels, et ne dépendent jamais de la volonté ; autrement
on se nourrirait et l'on se guérirait à trop bon marché.
14. Les objets, rendus tangibles par la volonté de l'Esprit, pourraientils
avoir un caractère de permanence et de stabilité, et devenir usuels ?
«Cela se pourrait, mais cela ne se fait pas ; c'est en dehors des lois.»
15. Tous les Esprits ont-ils au même degré le pouvoir de produire des
objets tangibles ?
«Il est certain que plus l'Esprit est élevé, plus facilement il l'obtient ;
mais encore cela dépend des circonstances : des Esprits inférieurs
peuvent avoir ce pouvoir.»
16. L'Esprit se rend-il toujours compte de la manière dont il produit
soit ses vêtements, soit les objets dont il offre l'apparence ?
«Non ; souvent il concourt à leur formation par un acte instinctif qu'il
ne comprend pas lui-même, s'il n'est pas assez éclairé pour cela.»
17. Si l'Esprit peut puiser dans l'élément universel les matériaux pour
faire toutes ces choses, donner à ces choses une réalité temporaire avec
leurs propriétés, il peut tout aussi bien y puiser ce qui est nécessaire pour
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VIII 130
écrire, et par conséquent ceci nous paraît donner la clef du phénomène
de l'écriture directe ?
«Enfin vous y voilà donc !»
Remarque. C'était là, en effet, où nous voulions en venir par toutes nos
questions préliminaires ; la réponse prouve que l'Esprit avait lu notre pensée.
18. Si la matière dont se sert l'Esprit n'a pas de persistance, comment
se fait-il que les traces de l'écriture directe ne disparaissent pas ?
«N'épiloguez pas sur les mots ; je n'ai d'abord pas dit : jamais ; il était
question d'un objet matériel volumineux ; ici, ce sont des signes tracés
qu'il est utile de conserver, et on les conserve. J'ai voulu dire que les
objets ainsi composés par l'Esprit ne pourraient devenir des objets
usuels, car il n'y a pas en réalité agrégation de matière comme dans vos
corps solides.»
129. La théorie ci-dessus peut se résumer ainsi : l'Esprit agit sur la
matière ; il puise dans la matière cosmique universelle les éléments
nécessaires pour former à son gré des objets ayant l'apparence des divers
corps qui existent sur la terre. Il peut également opérer sur la matière
élémentaire, par sa volonté, une transformation intime qui lui donne des
propriétés déterminées. Cette faculté est inhérente à la nature de l'Esprit,
qui l'exerce souvent comme un acte instinctif quand cela est nécessaire,
et sans s'en rendre compte. Les objets formés par l'Esprit ont une
existence temporaire, subordonnée à sa volonté ou à la nécessité ; il peut
les faire et les défaire à son gré. Ces objets peuvent, dans certains cas,
avoir aux yeux des personnes vivantes toutes les apparences de la réalité,
c'est-à-dire devenir momentanément visibles et même tangibles. Il y a
formation, mais non création, attendu que l'Esprit ne peut rien tirer du
néant.
130. L'existence d'une matière élémentaire unique est à peu près
généralement admise aujourd'hui par la science, et confirmée, comme on
l'a vu, par les Esprits. Cette matière donne naissance à tous les corps de
la nature ; par les transformations qu'elle subit, elle produit aussi les
diverses propriétés de ces mêmes corps ; c'est ainsi qu'une substance
salutaire peut devenir vénéneuse par une simple modification ; la chimie
nous en offre de nombreux exemples. Tout le monde sait que deux
substances innocentes combinées en certaines proportions peuvent en
produire une qui soit délétère. Une partie d'oxygène et deux
LABORATOIRE DU MONDE INVISIBLE 131
d'hydrogène, tous deux inoffensifs, forment l'eau ; ajoutez un atome
d'oxygène et vous avez un liquide corrosif. Sans changer les proportions,
il suffit souvent d'un simple changement dans le mode d'agrégation
moléculaire pour changer les propriétés ; c'est ainsi qu'un corps opaque
peut devenir transparent, et vice versa. Puisque l'Esprit a, par sa seule
volonté, une action si puissante sur la matière élémentaire, on conçoit
qu'il puisse non seulement former des substances, mais encore en
dénaturer les propriétés, la volonté faisant ici l'effet d'un réactif.
Action magnétique curative.
131. Cette théorie nous donne la solution d'un fait bien connu en
magnétisme, mais jusqu'à présent inexpliqué, celui du changement des
propriétés de l'eau par la volonté. L'Esprit agissant est celui du
magnétiseur, le plus souvent assisté par un Esprit étranger ; il opère une
transmutation à l'aide du fluide magnétique qui, comme on l'a dit, est la
substance qui se rapproche le plus de la matière cosmique, ou élément
universel. S'il peut opérer une modification dans les propriétés de l'eau,
il peut également produire un phénomène analogue sur les fluides de
l'organisme, et de là l'effet curatif de l'action magnétique
convenablement dirigée.
On sait le rôle capital que joue la volonté dans tous les phénomènes du
magnétisme ; mais comment expliquer l'action matérielle d'un agent si
subtil ? La volonté n'est point un être, une substance quelconque ; ce
n'est même pas une propriété de la matière la plus éthérée ; la volonté est
l'attribut essentiel de l'esprit, c'est-à-dire de l'être pensant. A l'aide de ce
levier, il agit sur la matière élémentaire, et, par une action consécutive, il
réagit sur ses composés dont les propriétés intimes peuvent ainsi être
transformées.
La volonté est l'attribut de l'Esprit incarné aussi bien que de l'Esprit
errant ; de là la puissance du magnétiseur, puissance que l'on sait être en
raison de la force de volonté. L'Esprit incarné pouvant agir sur la matière
élémentaire peut donc également en varier les propriétés dans certaines
limites, c'est ainsi que s'explique la faculté de guérir par le contact et
l'imposition des mains, faculté que quelques personnes possèdent à un
degré plus ou moins grand. (Voir au chapitre des médiums, l'article
relatif aux médiums guérisseurs. Voir aussi la Revue spirite, juillet 1859,
SECONDE PARTIE - CHAPITRE VIII 132
pages 184 et 189 : Le zouave de Magenta ; Un officier de l'armée
d'Italie.)
CHAPITRE IX.
DES LIEUX HANTES.
132. Les manifestations spontanées qui se sont produites de tout
temps, et la persistance de quelques Esprits à donner des marques
ostensibles de leur présence dans certaines localités, sont la source de la
croyance aux lieux hantés. Les réponses suivantes ont été faites aux
questions adressées à ce sujet.
1. Les Esprits s'attachent-ils seulement aux personnes, ou s'attachentils
aussi aux choses ?
«Cela dépend de leur élévation. Certains Esprits peuvent s'attacher aux
objets terrestres ; des avares, par exemple, qui ont caché leurs trésors, et
qui ne sont pas assez dématérialisés, peuvent encore les surveiller et les
garder.»
2. Les Esprits errants ont-ils des lieux de prédilection ?
«C'est encore le même principe. Les Esprits qui ne tiennent plus à la
terre vont où ils trouvent à aimer ; ils y sont attirés par les personnes
plutôt que par les objets matériels ; cependant il en est qui peuvent
momentanément avoir une préférence pour certains lieux, mais ce sont
toujours des Esprits inférieurs.»
3. Puisque l'attachement des Esprits pour une localité est un signe
d'infériorité, est-ce également une preuve que ce sont de mauvais
Esprits ?
«Assurément non ; un Esprit peut être peu avancé sans être mauvais
pour cela ; n'en est-il pas de même parmi les hommes ?»
4. La croyance que les Esprits fréquentent de préférence les ruines a-telle
quelque fondement ?
«Non ; les Esprits vont dans ces endroits comme ils vont partout
ailleurs ; mais l'imagination est frappée de l'aspect lugubre de certains
lieux, et attribue à leur présence ce qui n'est le plus souvent qu'un effet
très naturel. Que de fois la peur n'a-t-elle pas fait prendre l'ombre d'un
arbre pour un fantôme, le cri d'un animal ou le souffle du vent pour des
revenants ! Les Esprits aiment la présence des hommes, c'est pourquoi
ils rechercheront plutôt les endroits habités que les lieux isolés.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IX 134
- Cependant, d'après ce que nous savons de la diversité de caractère
des Esprits, il doit y en avoir de misanthropes et qui peuvent préférer la
solitude.
«Aussi n'ai-je pas répondu d'une manière absolue à la question ; j'ai dit
qu'ils peuvent aller dans les lieux déserts comme partout ailleurs, et il est
bien évident que ceux qui se tiennent à l'écart, c'est que cela leur plaît ;
mais ce n'est pas une raison pour que les ruines soient forcément des
lieux de prédilection pour eux ; car, certes, il y en a beaucoup plus dans
les villes et les palais que dans le fond des bois.»
5. Les croyances populaires ont, en général, un fond de vérité ; quelle
peut être la source de celle des lieux hantés ?
«Le fond de vérité, c'est la manifestation des Esprits à laquelle
l'homme a cru de tout temps par instinct ; mais, comme je l'ai dit, l'aspect
des lieux lugubres frappe son imagination, et il y place naturellement les
êtres qu'il regarde comme surnaturels. Cette croyance superstitieuse est
entretenue par les récits des poètes et les contes fantastiques dont on
berce son enfance.»
6. Les Esprits qui se rassemblent ont-ils pour cela des jours et des
heures de prédilection ?
«Non ; les jours et les heures sont des contrôles du temps à l'usage des
hommes, et pour la vie corporelle, mais dont les Esprits n'ont pas besoin
et ne s'inquiètent pas.»
7. Quelle est l'origine de l'idée que les Esprits viennent de préférence
la nuit ?
«L'impression produite sur l'imagination par le silence et l'obscurité.
Toutes ces croyances sont des superstitions que la connaissance
raisonnée du spiritisme doit détruire. Il en est de même des jours et des
heures qu'on croit leur être plus propices ; croyez bien que l'influence de
minuit n'a jamais existé que dans les contes.»
- S'il en est ainsi, pourquoi donc certains Esprits annoncent-ils leur
arrivée et leurs manifestations pour cette heure-là, et pour des jours
déterminés, comme le vendredi, par exemple ?
«Ce sont des Esprits qui profitent de la crédulité et s'en amusent. C'est
par la même raison qu'il y en a qui disent être le diable ou se donnent des
noms infernaux. Montrez-leur que vous n'êtes pas leurs dupes, et ils n'y
reviendront pas.»
LES LIEUX HANTES 135
8. Les Esprits reviennent-ils de préférence vers les tombes où repose
leur corps ?
«Le corps n'était qu'un vêtement ; ils ne tiennent pas plus à l'enveloppe
qui les a fait souffrir que le prisonnier à ses chaînes. Le souvenir des
personnes qui leur sont chères est la seule chose à laquelle ils attachent
du prix.»
- Les prières que l'on va faire sur leurs tombes leur sont-elles plus
agréables, et les y attirent-elles plutôt qu'ailleurs ?
«La prière est une évocation qui attire les Esprits, vous le savez bien.
La prière a d'autant plus d'action qu'elle est plus fervente et plus sincère ;
or, devant une tombe vénérée, on est plus recueilli, et la conservation de
pieuses reliques est un témoignage d'affection que l'on donne à l'Esprit,
et auquel il est toujours sensible. C'est toujours la pensée qui agit sur
l'Esprit, et non les objets matériels ; ces objets ont plus d'influence sur
celui qui prie en fixant son attention, que sur l'Esprit.»
9. D'après cela, la croyance aux lieux hantés ne paraîtrait pas
absolument fausse ?
«Nous avons dit que certains Esprits peuvent être attirés par des
choses matérielles ; ils peuvent l'être par certains lieux où ils semblent
élire domicile, jusqu'à ce que cessent les circonstances qui les y
amenaient.»
- Quelles sont les circonstances qui peuvent les y amener ?
«Leur sympathie pour quelques-unes des personnes qui les
fréquentent, ou le désir de communiquer avec elles. Cependant, leurs
intentions ne sont pas toujours aussi louables ; quand ce sont de mauvais
Esprits, ils peuvent vouloir exercer une vengeance sur certaines
personnes dont ils ont eu à se plaindre. Le séjour dans un lieu déterminé
peut être aussi, pour quelques-uns, une punition qui leur est infligée,
surtout s'ils y ont commis un crime, afin qu'ils aient constamment ce
crime devant les yeux1.»
10. Les lieux hantés le sont-ils toujours par d'anciens habitants de ces
demeures ?
«Quelquefois, mais pas toujours, car si l'ancien habitant est un Esprit
élevé, il ne tiendra pas plus à sa demeure terrestre qu'à son corps. Les
Esprits qui hantent certains lieux n'ont souvent pas d'autre motif que le
1 Voir Revue Spirite, février 1860 ; Histoire d'un damné.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE IX 136
caprice, à moins qu'ils n'y soient attirés par leur sympathie pour certaines
personnes.»
- Peuvent-ils s'y fixer en vue de protéger une personne ou sa famille ?
«Assurément, si ce sont de bons Esprits ; mais dans ce cas ils ne
manifestent jamais leur présence par des choses désagréables.»
11. Y a-t-il quelque chose de réel dans l'histoire de la dame Blanche ?
«C'est un conte tiré de mille faits qui sont vrais.»
12. Est-il rationnel de redouter les lieux hantés par les Esprits ?
«Non ; les Esprits qui hantent certains lieux et y font du tapage
cherchent plutôt à s'amuser aux dépens de la crédulité et de la
poltronnerie qu'à faire du mal. D'ailleurs figurez-vous bien qu'il y a des
Esprits partout, et que quelque part que vous soyez vous en avez sans
cesse à vos côtés, même dans les maisons les plus paisibles. Ils ne
paraissent souvent hanter certaines habitations que parce qu'ils y
trouvent une occasion de manifester leur présence.»
13. Y a-t-il un moyen de les expulser ?
«Oui, et le plus souvent ce qu'on fait pour cela les attire au lieu de les
éloigner. Le meilleur moyen de chasser les mauvais Esprits, c'est d'attirer
les bons. Attirez donc les bons Esprits en faisant le plus de bien possible,
et les mauvais s'en iront ; car le bien et le mal sont incompatibles. Soyez
toujours bons, et vous n'aurez que de bons Esprits à vos côtés.»
- Il y a pourtant des personnes très bonnes qui sont en butte aux
tracasseries des mauvais Esprits ?
«Si ces personnes sont réellement bonnes, ce peut être une épreuve
pour exercer leur patience et les exciter à être encore meilleures ; mais
croyez bien que ce ne sont pas ceux qui parlent sans cesse de la vertu qui
en ont le plus. Celui qui possède des qualités réelles les ignore souvent
lui-même ou n'en parle pas.»
14. Que faut-il croire relativement à l'efficacité de l'exorcisme pour
chasser les mauvais Esprits des lieux hantés ?
«Avez-vous souvent vu ce moyen réussir ? N'avez-vous pas vu, au
contraire, le tapage redoubler après les cérémonies de l'exorcisme ? C'est
qu'ils s'amusent d'être pris pour le diable.
Les Esprits qui ne viennent pas avec une mauvaise intention peuvent
aussi manifester leur présence par du bruit, et même en se rendant
visibles, mais ils ne font jamais de tapage incommode. Ce sont souvent
des Esprits souffrants que vous pouvez soulager en priant pour eux ;
LES LIEUX HANTES 137
d'autres fois même ce sont des Esprits bienveillants qui veulent vous
prouver qu'ils sont auprès de vous, ou enfin des Esprits légers qui
folâtrent. Comme ceux qui troublent le repos par du tapage sont presque
toujours des Esprits qui s'amusent, ce qu'on a de mieux à faire c'est d'en
rire ; ils se lasseront s'ils voient qu'ils ne parviennent ni à effrayer, ni à
impatienter.» (Voir ci-dessus chapitre V, manifestations physiques
spontanées.)
Il résulte des explications ci-dessus qu'il y a des Esprits qui s'attachent
à certaines localités et s'y tiennent de préférence, mais qu'ils n'ont pas
pour cela besoin de manifester leur présence par des effets sensibles. Un
lieu quelconque peut être le séjour forcé ou de prédilection d'un Esprit,
même mauvais, sans qu'il s'y soit jamais produit aucune manifestation.
Les Esprits qui s'attachent aux localités ou aux choses matérielles ne
sont jamais des Esprits supérieurs, mais sans être supérieurs ils peuvent
n'être pas méchants et n'avoir aucune mauvaise intention ; ce sont même
quelquefois des commensaux plus utiles que nuisibles, car s'ils
s'intéressent aux personnes, ils peuvent les protéger.
CHAPITRE X.
NATURE DES COMMUNICATIONS.
133. Nous avons dit que tout effet qui révèle dans sa cause un acte de
libre volonté, quelque insignifiant que soit cet acte, accuse par cela
même une cause intelligente. Ainsi un simple mouvement de table qui
répond à notre pensée, ou présente un caractère intentionnel, peut être
considéré comme une manifestation intelligente. Si le résultat devait se
borner à cela, il n'aurait pour nous qu'un intérêt très secondaire ; ce
serait, toutefois, quelque chose de nous donner la preuve qu'il y a dans
ces phénomènes plus qu'une action purement matérielle ; mais l'utilité
pratique qui en sortirait pour nous serait nulle ou du moins restreinte ; il
en est tout autrement quand cette intelligence acquiert un développement
qui permet un échange régulier et suivi de pensées ; ce ne sont plus alors
de simples manifestations intelligentes mais de véritables
communications. Les moyens dont on dispose aujourd'hui permettent de
les obtenir aussi étendues, aussi explicites, et aussi rapides que celles
que nous entretenons avec les hommes.
Si l'on s'est bien pénétré, d'après l'échelle spirite (Livre des Esprits,
n° 100), de la variété infinie qui existe entre les Esprits sous le double
rapport de l'intelligence et de la moralité, on concevra facilement la
différence qui doit exister dans leurs communications ; elles doivent
refléter l'élévation ou la bassesse de leurs idées, leur savoir et leur
ignorance, leurs vices et leurs vertus ; en un mot elles ne doivent pas
plus se ressembler que celles des hommes, depuis le sauvage jusqu'à
l'Européen le plus éclairé. Toutes les nuances qu'elles présentent peuvent
se grouper en quatre catégories principales ; selon leurs caractères les
plus tranchés, elles sont : grossières, frivoles, sérieuses, ou instructives.
Communications grossières.
134. Les communications grossières sont celles qui se traduisent par
des expressions qui choquent les bienséances. Elles ne peuvent émaner
que d'Esprits de bas étage, encore souillés de toutes les impuretés de la
matière, et ne diffèrent en rien de celles que pourraient donner des
hommes vicieux et grossiers. Elles répugnent à toute personne qui a la
SECONDE PARTIE - CHAPITRE X 140
moindre délicatesse de sentiment ; car elles sont, selon le caractère des
Esprits, triviales, ordurières, obscènes, insolentes, arrogantes,
malveillantes et même impies.
Communications frivoles.
135. Les communications frivoles émanent d'Esprits légers, moqueurs
et espiègles, plus malins que méchants, et qui n'attachent aucune
importance à ce qu'ils disent. Comme elles n'ont rien de malséant, elles
plaisent à certaines personnes qui s'en amusent, et trouvent du plaisir
dans ces entretiens futiles où l'on parle beaucoup pour ne rien dire. Ces
esprits font quelquefois assaut de saillies spirituelles et mordantes, et au
milieu de facéties banales disent souvent de dures vérités qui frappent
presque toujours juste. Ces Esprits légers pullulent autour de nous, et
saisissent toutes les occasions de se mêler aux communications ; la vérité
est le moindre de leurs soucis, c'est pourquoi ils se font un malin plaisir
de mystifier ceux qui ont la faiblesse, et quelquefois la présomption de
les croire sur parole. Les personnes qui se complaisent dans ces sortes de
communications donnent naturellement accès aux Esprits légers et
trompeurs ; les Esprits sérieux s'en éloignent comme parmi nous les
hommes sérieux s'éloignent des sociétés d'étourdis.
Communications sérieuses.
136. Les communications sérieuses sont graves quant au sujet et à la
manière dont elles sont faites. Toute communication qui exclut la
frivolité et la grossièreté, et qui a un but utile, fût-il d'intérêt privé, est
par cela même sérieuse ; mais elle n'est pas pour cela toujours exempte
d'erreurs. Les Esprits sérieux ne sont pas tous également éclairés ; il est
beaucoup de choses qu'ils ignorent et sur lesquelles ils peuvent se
tromper de bonne foi ; c'est pourquoi les Esprits vraiment supérieurs
nous recommandent sans cesse de soumettre toutes les communications
au contrôle de la raison et de la plus sévère logique.
Il faut donc distinguer les communications sérieuses-vraies des
communications sérieuses-fausses, et ce n'est pas toujours facile, car
c'est à la faveur même de la gravité du langage que certains Esprits
présomptueux ou faux savants cherchent à faire prévaloir les idées les
plus fausses et les systèmes les plus absurdes ; et pour se donner plus de
crédit et d'importance, ils ne se font pas scrupule de se parer des noms
NATURE DES COMMUNICATIONS 141
les plus respectables et même les plus vénérés. C'est là un des plus
grands écueils de la science pratique ; nous y reviendrons plus tard avec
tous les développements que nécessite un sujet aussi important, en même
temps que nous ferons connaître les moyens de se prémunir contre le
danger des fausses communications.
Communications instructives.
137. Les communications instructives sont les communications
sérieuses qui ont pour objet principal un enseignement quelconque
donné par les Esprits sur les sciences, la morale, la philosophie, etc..
Elles sont plus ou moins profondes, selon le degré d'élévation et de
dématérialisation de l'Esprit. Pour retirer de ces communications un fruit
réel, il faut qu'elles soient régulières, et suivies avec persévérance. Les
Esprits sérieux s'attachent à ceux qui veulent s'instruire et ils les
secondent, tandis qu'ils laissent aux Esprits légers le soin d'amuser ceux
qui ne voient dans ces manifestations qu'une distraction passagère. Ce
n'est que par la régularité et la fréquence de ces communications qu'on
peut apprécier la valeur morale et intellectuelle des Esprits avec lesquels
on s'entretient, et le degré de confiance qu'ils méritent. S'il faut de
l'expérience pour juger les hommes, il en faut plus encore peut-être pour
juger les Esprits.
En donnant à ces communications la qualification d'instructives, nous
les supposons vraies, car une chose qui ne serait pas vraie ne saurait être
instructive, fût-elle dite dans le langage le plus imposant. Nous ne
saurions donc ranger dans cette catégorie certains enseignements qui
n'ont de sérieux que la forme souvent ampoulée et emphatique à l'aide de
laquelle les Esprits plus présomptueux que savants qui les dictent
espèrent faire illusion ; mais ces Esprits ne pouvant remplacer le fond
qui manque chez eux, ne sauraient longtemps soutenir leur rôle ; ils
trahissent bientôt leur côté faible, pour peu que leurs communications
aient de la suite, ou qu'on sache les pousser dans leurs derniers
retranchements.
138. Les moyens de communication sont très variés. Les Esprits
agissant sur nos organes et sur tous nos sens, peuvent se manifester à la
vue dans les apparitions, au toucher par des impressions tangibles
occultes ou visibles, à l'ouïe par des bruits, à l'odorat par des odeurs sans
cause connue. Ce dernier mode de manifestation, quoique très réel, est
SECONDE PARTIE - CHAPITRE X 142
sans contredit le plus incertain par les nombreuses causes qui peuvent
induire en erreur ; aussi nous ne nous y arrêterons pas. Ce que nous
devons examiner avec soin, ce sont les divers moyens d'obtenir des
communications, c'est-à-dire un échange régulier et suivi de pensées.
Ces moyens sont : les coups frappés, la parole et l'écriture. Nous les
développerons dans des chapitres spéciaux.
CHAPITRE XI.
SEMATOLOGIE ET TYPTOLOGIE.
Langage des signes et des coups frappés. Typtologie alphabétique.
139. Les premières manifestations intelligentes ont été obtenues par
les coups frappés ou la typtologie. Ce moyen primitif, qui se ressentait
de l'enfance de l'art, n'offrait que des ressources très bornées, et l'on en
était réduit, dans les communications, aux réponses monosyllabiques par
oui ou par non, à l'aide d'un nombre convenu de coups. On le
perfectionna plus tard ainsi que nous l'avons dit. Les coups frappés
s'obtiennent de deux manières par des médiums spéciaux ; il faut
généralement pour ce mode d'opérer une certaine aptitude pour les
manifestations physiques. La première, que l'on pourrait appeler
typtologie par bascule, consiste dans le mouvement de la table qui se
lève d'un côté, puis retombe en frappant du pied. Il suffit pour cela que
le médium pose les mains sur le bord de la table ; s'il désire s'entretenir
avec un Esprit déterminé, il faut en faire l'évocation ; dans le cas
contraire, c'est le premier venu qui se présente ou celui qui a l'habitude
de venir. Etant convenu, par exemple, d'un coup pour oui, et de deux
coups pour non, ceci est indifférent, on adresse à l'Esprit les questions
que l'on désire ; nous verrons plus tard celles dont il convient de
s'abstenir. L'inconvénient est dans la brièveté des réponses et dans la
difficulté de formuler la question de manière à amener un oui ou un non.
Supposons qu'on demande à l'Esprit : Que désires-tu ? il ne pourrait
répondre que par une phrase ; il faut alors dire : désires-tu telle chose ?
Non ; - telle autre ? Oui ; et ainsi de suite.
140. Il est à remarquer qu'à l'emploi de ce moyen, l'Esprit joint
souvent une sorte de mimique, c'est-à-dire qu'il exprime l'énergie de
l'affirmation ou de la négation par la force des coups. Il exprime aussi la
nature des sentiments qui l'animent : la violence, par la brusquerie des
mouvements ; la colère et l'impatience en frappant avec force des coups
réitérés comme une personne qui frappe du pied avec emportement,
quelquefois en jetant la table par terre. S'il est bienveillant et poli, au
début et à la fin de la séance, il incline la table en forme de salut ; veut-il
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XI 144
s'adresser directement à une personne de la société, il dirige la table vers
elle avec douceur ou violence, selon qu'il veut lui témoigner de
l'affection ou de l'antipathie. C'est là, à proprement parler, la sématologie
ou langage des signes, comme la typtologie est le langage des coups
frappés. Voici un remarquable exemple de l'emploi spontané de la
sématologie :
Un monsieur de notre connaissance étant un jour dans son salon, où
plusieurs personnes s'occupaient de manifestations, reçut à ce moment
une lettre de nous. Pendant qu'il la lisait, le guéridon qui servait aux
expériences vient tout à coup vers lui. La lecture de la lettre achevée il
va la poser sur une table à l'autre extrémité du salon ; le guéridon le suit
et se dirige vers la table où était la lettre. Surpris de cette coïncidence, il
pense qu'il y a quelque rapport entre ce mouvement et la lettre ; il
interroge l'Esprit qui répond être notre Esprit familier. Ce monsieur nous
ayant informé de la circonstance, nous priâmes à notre tour cet Esprit de
nous dire le motif de la visite qu'il lui avait faite ; il répondit : «Il est
naturel que j'aille voir les personnes avec lesquelles tu es en relation,
afin de pouvoir, au besoin, te donner ainsi qu'à elles les avis
nécessaires.»
Il est donc évident que l'Esprit avait voulu appeler l'attention de ce
monsieur, et cherchait une occasion de lui faire savoir qu'il était là. Un
muet ne s'y serait pas mieux pris.
141. La typtologie ne tarda pas à se perfectionner, et s'enrichit d'un
moyen de communication plus complet, celui de la typtologie
alphabétique. Il consiste à faire désigner les lettres de l'alphabet au
moyen des coups frappés ; on put alors obtenir des mots, des phrases et
même des discours entiers. Suivant une méthode, la table frappe autant
de coups qu'il en faut pour indiquer chaque lettre, c'est-à-dire un coup
pour a, deux pour b, et ainsi de suite ; pendant ce temps, une personne
écrit les lettres à mesure qu'elles sont désignées. Quand l'Esprit a fini, il
le fait savoir par un signe quelconque de convention.
Ce mode de procéder, comme on le voit, est très long, et demande un
temps énorme pour les communications d'une certaine étendue ;
cependant il y a des personnes qui ont eu la patience de s'en servir pour
obtenir des dictées de plusieurs pages ; mais la pratique fit découvrir des
moyens abréviatifs qui permirent d'aller avec une certaine rapidité. Celui
SEMATOLOGIE ET TYPTOLOGIE 145
qui est le plus en usage consiste à avoir devant soi un alphabet tout écrit
ainsi que la série des chiffres marquant les unités. Tandis que le médium
est à la table, une autre personne parcourt successivement les lettres de
l'alphabet s'il s'agit d'un mot, ou celles des chiffres s'il s'agit d'un
nombre ; arrivé sur la lettre nécessaire, la table frappe d'elle-même un
coup, et l'on écrit la lettre ; puis on recommence pour la 2°, la 3° et ainsi
de suite. Si l'on s'est trompé pour une lettre, l'Esprit avertit par plusieurs
coups ou par un mouvement de la table, et l'on recommence. Avec de
l'habitude, on va assez vite ; mais on abrège surtout beaucoup en
devinant la fin d'un mot commencé et que le sens de la phrase fait
connaître ; si l'on est dans l'incertitude, on demande à l'Esprit s'il a voulu
mettre tel mot, et il répond par oui ou par non.
142. Tous les effets que nous venons d'indiquer peuvent s'obtenir
d'une manière encore plus simple par les coups qui se font entendre dans
le bois même de la table, sans aucune espèce de mouvement, et que nous
avons décrits au chapitre des manifestations physiques n° 64 : c'est la
typtologie intime. Tous les médiums ne sont pas également propres à ce
dernier mode de communication ; car il en est qui n'obtiennent que les
coups frappés par bascule ; cependant, avec de l'exercice, ils peuvent y
arriver pour la plupart, et cette manière a le double avantage d'être plus
rapide et de moins prêter à la suspicion que la bascule, qu'on peut
attribuer à une pression volontaire. Il est vrai que les coups intimes
pourraient aussi être imités par des médiums de mauvaise foi. Les
meilleures choses peuvent être contrefaites, ce qui ne prouve rien contre
elles. (Voir à la fin de ce volume le chapitre intitulé : Fraudes et
supercheries.)
Quels que soient les perfectionnements que l'on ait pu apporter dans
cette manière de procéder, elle ne peut jamais atteindre la rapidité et la
facilité que présente l'écriture, aussi l'emploie-t-on très peu maintenant ;
elle est cependant quelquefois très intéressante au point de vue du
phénomène, principalement pour les novices, et elle a surtout l'avantage
de prouver d'une manière péremptoire l'indépendance absolue de la
pensée du médium. On obtient souvent ainsi des réponses si imprévues,
si saisissantes d'à-propos, qu'il faudrait un parti pris bien déterminé pour
ne pas se rendre à l'évidence ; aussi est-ce pour beaucoup de personnes
un puissant motif de conviction ; mais par ce moyen, pas plus que par les
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XI 146
autres, les Esprits n'aiment à se prêter aux caprices des curieux qui
veulent les mettre à l'épreuve par des questions déplacées.
143. Dans le but de mieux assurer l'indépendance de la pensée du
médium, on a imaginé divers instruments consistant dans les cadrans sur
lesquels sont tracées les lettres à la manière des cadrans des télégraphes
électriques. Une aiguille mobile, mise en mouvement par l'influence du
médium à l'aide d'un fil conducteur et d'une poulie, indique les lettres.
Nous ne connaissons ces instruments que par les dessins et par les
descriptions qui en ont été publiés en Amérique ; nous ne pouvons donc
nous prononcer sur leur mérite, mais nous pensons que leur complication
même est un inconvénient ; que l'indépendance du médium est tout aussi
bien attestée par les coups intimes et qu'elle l'est bien plus encore par
l'imprévu des réponses que par tous les moyens matériels. D'un autre
côté, les incrédules qui sont toujours disposés à voir partout des ficelles
et des préparations sont encore plus portés à en supposer dans un
mécanisme spécial, que dans la première table venue dépourvue de tout
accessoire.
144. Un appareil plus simple, mais dont la mauvaise foi peut aisément
abuser, comme nous le verrons au chapitre des Fraudes, est celui que
nous désignerons sous le nom de Table-Girardin, en souvenir de l'usage
qu'en faisait Mme Emile de Girardin dans les nombreuses
communications qu'elle obtenait comme médium ; car Mme de Girardin,
toute femme d'esprit qu'elle était, avait la faiblesse de croire aux Esprits
et à leurs manifestations. Cet instrument consiste en un dessus de
guéridon mobile de trente à quarante centimètres de diamètre, tournant
librement et facilement sur son axe, à la manière de la roulette. Sur la
surface et à la circonférence sont tracés, comme sur un cadran, les
lettres, les chiffres et les mots oui et non. Au centre est une aiguille fixe.
Le médium posant ses doigts sur le bord de la tablette, celle-ci tourne et
s'arrête quand la lettre voulue est sous l'aiguille. On prend note des
lettres indiquées, et l'on forme ainsi assez rapidement les mots et les
phrases.
Il est à remarquer que la tablette ne glisse pas sous les doigts, mais que
les doigts y restant appliqués suivent le mouvement de la tablette. Peutêtre
un médium puissant pourrait-il obtenir un mouvement indépendant,
nous le croyons possible, mais nous n'en avons jamais été témoin. Si
SEMATOLOGIE ET TYPTOLOGIE 147
l'expérience pouvait se faire de cette manière, elle serait infiniment plus
concluante, parce qu'elle écarterait toute possibilité de supercherie.
145. Il nous reste à détruire une erreur assez répandue, et qui consiste
à confondre tous les Esprits qui se communiquent par des coups avec les
Esprits frappeurs. La typtologie est un moyen de communication comme
un autre, et qui n'est pas plus indigne des Esprits élevés que l'écriture ou
la parole. Tous les Esprits, bons ou mauvais, peuvent donc s'en servir
tout aussi bien que des autres modes. Ce qui caractérise les Esprits
supérieurs, c'est l'élévation de la pensée, et non l'instrument dont ils se
servent pour la transmettre ; sans doute ils préfèrent les moyens les plus
commodes et surtout les plus rapides ; mais, à défaut de crayons et de
papier, ils se serviront sans scrupule de la vulgaire table parlante, et la
preuve en est, c'est qu'on obtient par ce moyen les choses les plus
sublimes. Si nous ne nous en servons pas, ce n'est donc pas que nous le
méprisions, mais uniquement parce que, comme phénomène, il nous a
appris tout ce que nous pouvions savoir, qu'il ne peut rien ajouter à nos
convictions, et que l'étendue des communications que nous recevons
exige une rapidité incompatible avec la typtologie.
Tous les Esprits qui frappent ne sont donc pas des Esprits frappeurs ;
ce nom doit être réservé pour ceux qu'on peut appeler frappeurs de
profession, et qui, à l'aide de ce moyen, se plaisent à faire des tours pour
amuser une société, ou à vexer par leur importunité. De leur part on peut
attendre quelquefois des choses spirituelles, mais jamais des choses
profondes ; aussi serait-ce perdre son temps que leur adresser des
questions d'une certaine portée scientifique ou philosophique ; leur
ignorance et leur infériorité leur ont valu à juste titre, de la part des
autres Esprits, la qualification d'Esprits bateleurs ou de saltimbanques du
monde spirite. Ajoutons que, s'ils agissent souvent pour leur propre
compte, ils sont souvent aussi des instruments dont se servent les Esprits
supérieurs quand ceux-ci veulent produire des effets matériels.
CHAPITRE XII.
PNEUMATOGRAPHIE OU ECRITURE DIRECTE.
PNEUMATOPHONIE.
Ecriture directe.
146. La pneumatographie est l'écriture produite directement par
l'Esprit, sans aucun intermédiaire ; elle diffère de la psychographie en ce
que celle-ci est la transmission de la pensée de l'Esprit au moyen de
l'écriture par la main d'un médium.
Le phénomène de l'écriture directe est sans contredit l'un des plus
extraordinaires du spiritisme ; mais, quelque anormal qu'il paraisse au
premier abord, c'est aujourd'hui un fait avéré et incontestable. Si la
théorie est nécessaire pour se rendre compte de la possibilité des
phénomènes spirites en général, elle l'est plus encore peut-être dans ce
cas, sans contredit, l'un des plus étranges qui se soient encore présentés,
mais qui cesse de paraître surnaturel dès que l'on en comprend le
principe.
A la première révélation de ce phénomène, le sentiment dominant a été
celui du doute ; l'idée d'une supercherie est aussitôt venue à la pensée ;
en effet, tout le monde connaît l'action des encres dites sympathiques,
dont les traces, d'abord complètement invisibles, apparaissent au bout de
quelque temps. Il se pouvait donc qu'on eût abusé de la crédulité, et nous
n'affirmerions pas qu'on ne l'ait jamais fait ; nous sommes même
convaincu que certaines personnes, soit dans un but mercenaire, soit
uniquement par amour-propre et pour faire croire à leur puissance, ont
employé des subterfuges. (Voir le chapitre des Fraudes.)
Mais de ce qu'on peut imiter une chose, il serait absurde de conclure
que la chose n'existe pas. N'a-t-on pas, dans ces derniers temps, trouvé le
moyen d'imiter la lucidité somnambulique au point de faire illusion ? Et
de ce que ce procédé d'escamoteur a couru toutes les foires, faut-il
conclure qu'il n'y a pas de vrais somnambules ? Parce que certains
marchands vendent du vin frelaté, est-ce une raison pour qu'il n'y ait pas
de vin pur ? Il en est de même de l'écriture directe ; les précautions pour
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XII 150
s'assurer de la réalité du fait étaient d'ailleurs bien simples et bien faciles,
et, grâce à ces précautions, il ne peut aujourd'hui faire l'objet d'aucun
doute.
147. Puisque la possibilité d'écrire sans intermédiaire est un des
attributs de l'Esprit, que les Esprits ont existé de tout temps, et de tout
temps aussi ont produit les divers phénomènes que nous connaissons, ils
ont dû également produire l'écriture directe dans l'antiquité aussi bien
que de nos jours ; et c'est ainsi que l'on peut expliquer l'apparition des
trois mots dans la salle du festin de Balthazar. Le moyen âge, si fécond
en prodiges occultes, mais qui ont été étouffés sous les bûchers, a dû
connaître aussi l'écriture directe, et peut-être trouverait-on dans la théorie
des modifications que les Esprits peuvent opérer sur la matière, et que
nous avons développée dans le chapitre VIII, le principe de la croyance à
la transmutation des métaux.
Quoi qu'il en soit des résultats obtenus à diverses époques, ce n'est que
depuis la vulgarisation des manifestations spirites qu'il est sérieusement
question de l'écriture directe. Le premier qui paraît l'avoir fait connaître à
Paris dans ces dernières années, c'est M. le baron de Guldenstubbe, qui a
publié sur ce sujet un ouvrage très intéressant, contenant un grand
nombre de fac-similé des écritures qu'il a obtenues1. Le phénomène était
déjà connu en Amérique depuis quelque temps. La position sociale de
M. de Guldenstubbe, son indépendance, la considération dont il jouit
dans le monde le plus élevé, écartent incontestablement toute suspicion
de fraude volontaire, car il ne peut être mû par aucun motif d'intérêt. On
pourrait tout au plus croire qu'il était lui-même le jouet d'une illusion ;
mais à cela un fait répond péremptoirement, c'est l'obtention du même
phénomène par d'autres personnes, en s'entourant de toutes les
précautions nécessaires pour éviter toute supercherie et toute cause
d'erreur.
148. L'écriture directe s'obtient, comme en général la plupart des
manifestations spirites non spontanées, par le recueillement, la prière et
l'évocation. On en a souvent obtenu dans les églises, sur les tombeaux,
au pied des statues ou des images des personnages que l'on appelle ;
mais il est évident que la localité n'a d'autre influence que de provoquer
1 La réalité des Esprits et de leurs manifestations, démontrée par le phénomène de l'écriture
directe. Par M. le baron de Guldenstubbe. 1 vol. in-8°, avec 15 planches et 93 fac-similé.
PNEUMATOGRAPHIE - PNEUMATOPHONIE 151
un plus grand recueillement et une plus grande concentration de la
pensée ; car il est prouvé qu'on l'obtient également sans ces accessoires
et dans les endroits les plus vulgaires, sur un simple meuble domestique,
si l'on se trouve dans les conditions morales voulues, et si l'on jouit de la
faculté médianimique nécessaire.
Dans le principe on prétendait qu'il fallait déposer un crayon avec le
papier ; le fait alors pouvait jusqu'à un certain point s'expliquer. On sait
que les Esprits opèrent le mouvement et le déplacement des objets ;
qu'ils les saisissent et les lancent quelquefois à travers l'espace ; ils
pouvaient donc tout aussi bien saisir le crayon et s'en servir pour tracer
des caractères ; puisqu'ils lui donnent l'impulsion par l'intermédiaire de
la main du médium, d'une planchette, etc., ils pouvaient également le
faire d'une manière directe. Mais on ne tarda pas à reconnaître que la
présence du crayon n'était pas nécessaire, et qu'il suffisait d'un simple
morceau de papier plié ou non, sur lequel on trouve, après quelques
minutes, des caractères tracés. Ici le phénomène change complètement
de face et nous jette dans un ordre de choses entièrement nouveau ; ces
caractères ont été tracés avec une substance quelconque ; du moment
qu'on n'a pas fourni cette substance à l'Esprit, il l'a donc faite, composée
lui-même ; où l'a-t-il puisée ? Là était le problème.
Si l'on veut bien se reporter aux explications données dans le chapitre
VIII, n° 127 et 128, on y trouvera la théorie complète de ce phénomène.
Dans cette écriture, l'Esprit ne se sert ni de nos substances, ni de nos
instruments ; il fait lui-même la matière et les instruments dont il a
besoin, en puisant ses matériaux dans l'élément primitif universel auquel
il fait subir, par sa volonté, les modifications nécessaires à l'effet qu'il
veut produire. Il peut donc tout aussi bien fabriquer du crayon rouge, de
l'encre d'impression ou de l'encre ordinaire que du crayon noir, voire
même des caractères typographiques assez résistants pour donner un
relief à l'empreinte, ainsi que nous en avons vu des exemples. La fille
d'un monsieur que nous connaissons, enfant de 12 à 13 ans, a obtenu des
pages entières écrites avec une substance analogue au pastel.
149. Tel est le résultat auquel nous a conduit le phénomène de la
tabatière rapporté dans le chapitre VII, n° 116, et sur lequel nous nous
sommes longuement étendu, parce que nous y avons vu l'occasion de
sonder une des lois les plus graves du spiritisme, loi dont la
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XII 152
connaissance peut éclairer plus d'un mystère même du monde visible.
C'est ainsi que d'un fait, vulgaire en apparence, peut jaillir la lumière ; le
tout est d'observer avec soin, et c'est ce que chacun peut faire comme
nous, quand on ne se bornera pas à voir des effets sans en chercher les
causes. Si notre foi s'affermit de jour en jour, c'est parce que nous
comprenons ; faites donc comprendre, si vous voulez faire des prosélytes
sérieux. L'intelligence des causes a un autre résultat, c'est de tracer une
ligne de démarcation entre la vérité et la superstition.
Si nous envisageons l'écriture directe au point de vue des avantages
qu'elle peut offrir, nous dirons que, jusqu'à présent, sa principale utilité a
été la constatation matérielle d'un fait grave : l'intervention d'une
puissance occulte qui trouve par là un nouveau moyen de se manifester.
Mais les communications que l'on obtient ainsi sont rarement de quelque
étendue ; elles sont généralement spontanées et bornées à des mots, des
sentences, souvent des signes inintelligibles ; on en a obtenu dans toutes
les langues, en grec, en latin, en syriaque, en caractères hiéroglyphiques,
etc., mais elles ne se sont point encore prêtées à ces entretiens suivis et
rapides que permet la psychographie ou écriture par médiums.
Pneumatophonie.
150. Les Esprits, pouvant produire des bruits et des coups frappés,
peuvent tout aussi bien faire entendre des cris de toute nature, et des
sons vocaux imitant la voix humaine, à nos côtés ou dans le vague de
l'air ; c'est ce phénomène que nous désignons sous le nom de
pneumatophonie. D'après ce que nous connaissons de la nature des
Esprits, on peut penser que certains d'entre eux, quand ils sont d'un ordre
inférieur, se font illusion et croient parler comme de leur vivant. (Voir
Revue spirite, février 1858 : Histoire du revenant de mademoiselle
Clairon.)
Il faudrait toutefois se garder de prendre pour des voix occultes tous
les sons qui n'ont pas de cause connue, ou de simples tintements
d'oreilles, et surtout de croire qu'il y a la moindre vérité dans la croyance
vulgaire que l'oreille qui tinte nous avertit qu'on parle de nous quelque
part. Ces tintements, dont la cause est purement physiologique, n'ont
d'ailleurs aucun sens, tandis que les sons pneumatophoniques expriment
des pensées, et c'est à cela seul qu'on peut reconnaître qu'ils sont dus à
une cause intelligente et non accidentelle. On peut poser en principe que
PNEUMATOGRAPHIE - PNEUMATOPHONIE 153
les effets notoirement intelligents sont les seuls qui puissent attester
l'intervention des Esprits ; quant aux autres, il y a au moins cent chances
contre une qu'ils sont dus à des causes fortuites.
151. Il arrive assez fréquemment que dans le demi-sommeil on entend
distinctement prononcer des mots, des noms, quelquefois même des
phrases entières, et cela assez fortement pour nous réveiller en sursaut.
Quoiqu'il puisse arriver qu'en certains cas ce soit bien réellement une
manifestation, ce phénomène n'a rien d'assez positif pour qu'on ne puisse
aussi l'attribuer à une cause analogue à celle que nous avons développée
dans la théorie de l'hallucination, chapitre VI, n° 111 et suivants. Ce que
l'on entend de cette manière n'a du reste aucune suite ; il n'en est pas de
même quand on est tout à fait éveillé, car alors, si c'est un Esprit qui se
fait entendre, on peut presque toujours faire avec lui échange de pensées
et lier une conversation régulière.
Les sons spirites ou pneumatophoniques ont deux manières bien
distinctes de se produire : c'est quelquefois une voix intime qui retentit
dans le for intérieur ; mais, bien que les paroles soient claires et
distinctes, elles n'ont cependant rien de matériel ; d'autres fois elles sont
extérieures et aussi distinctement articulées que si elles provenaient
d'une personne que l'on aurait à côté de soi.
De quelque manière qu'il se produise, le phénomène de la
pneumatophonie est presque toujours spontané et ne peut que bien
rarement être provoqué.
CHAPITRE XIII.
PSYCHOGRAPHIE.
Psychographie indirecte : corbeilles et planchettes.
152. La science spirite a progressé comme toutes les autres, et plus
rapidement que les autres ; car quelques années à peine nous séparent de
ces moyens primitifs et incomplets qu'on appelait trivialement les tables
parlantes et l'on en est déjà à pouvoir communiquer avec les Esprits
aussi facilement et aussi rapidement que les hommes le font entre eux, et
cela par les mêmes moyens : l'écriture et la parole. L'écriture a surtout
l'avantage d'accuser plus matériellement l'intervention d'une puissance
occulte et de laisser des traces que l'on peut conserver, comme nous le
faisons pour notre propre correspondance. Le premier moyen employé a
été celui des planchettes et des corbeilles munies d'un crayon. Voici
quelle en est la disposition.
153. Nous avons dit qu'une personne douée d'une aptitude spéciale
peut imprimer un mouvement de rotation à une table ou à un objet
quelconque ; prenons, au lieu d'une table, une petite corbeille de quinze
à vingt centimètres de diamètre (qu'elle soit en bois ou en osier, peu
importe, la substance est indifférente). Si maintenant à travers le fond de
cette corbeille on fait passer un crayon solidement assujetti, la pointe en
dehors et en bas, et qu'on maintienne le tout en équilibre sur la pointe du
crayon, placé lui-même sur une feuille de papier, en posant les doigts sur
les bords de la corbeille, celle-ci prendra son mouvement ; mais au lieu
de tourner, elle promènera le crayon en sens divers sur le papier, de
manière à former soit des traits insignifiants, soit des caractères
d'écriture. Si un Esprit est évoqué, et qu'il veuille se communiquer, il
répondra, non plus par des coups frappés, comme dans la typtologie,
mais par des mots écrits. Le mouvement de la corbeille n'est plus
automatique comme dans les tables tournantes, il devient intelligent.
Dans cette disposition, le crayon, arrivé à l'extrémité de la ligne, ne
revient pas sur lui-même pour en commencer une autre ; il continue
circulairement, de telle sorte que la ligne d'écriture forme une spirale et
qu'il faut retourner plusieurs fois le papier pour lire ce qui est écrit.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIII 156
L'écriture ainsi obtenue n'est pas toujours très lisible, les mots n'étant
point séparés ; mais le médium, par une sorte d'intuition, la déchiffre
aisément. Par système d'économie, on peut substituer l'ardoise et le
crayon d'ardoise au papier et au crayon ordinaire. Nous désignerons cette
corbeille sous le nom de corbeille-toupie. A la corbeille on substitue
quelquefois un carton assez semblable aux boîtes de dragées ; le crayon
en forme l'axe comme dans le jouet appelé toton.
154. Plusieurs autres dispositions ont été imaginées pour atteindre le
même but. Le plus commode est celle que nous appellerons corbeille à
bec, et qui consiste à adapter sur la corbeille une tige de bois inclinée,
faisant saillie de dix à quinze centimètres d'un côté, dans la position du
mât de beaupré d'un navire. Par un trou pratiqué à l'extrémité de cette
tige, ou du bec, on fait passer un crayon assez long pour que la pointe
repose sur le papier. Le médium ayant les doigts sur les bords de la
corbeille, tout l'appareil s'agite et le crayon écrit comme dans le cas cidessus,
avec cette différence que l'écriture est, en général, plus lisible,
les mots séparés, et que les lignes ne sont plus en spirale, mais se suivent
comme dans l'écriture ordinaire, le médium pouvant aisément ramener le
crayon d'une ligne à l'autre. On obtient ainsi des dissertations de
plusieurs pages aussi rapidement que si l'on écrivait avec la main.
155. L'intelligence qui agit se manifeste souvent par d'autres signes
équivoques. Arrivé à la fin de la page, le crayon fait spontanément un
mouvement pour la retourner ; veut-il se reporter à un passage précédent,
dans la même page ou dans une autre, il la cherche avec la pointe du
crayon, comme on le ferait avec le doigt, puis le souligne. L'Esprit veutil
enfin s'adresser à l'un des assistants, le bout de la tige de bois se dirige
vers lui. Pour abréger, il exprime souvent les mots oui et non par les
signes d'affirmation et de négation que nous faisons avec la tête ; s'il
veut exprimer la colère et l'impatience, il frappe à coups redoublés avec
la pointe du crayon, et souvent il le casse.
156. Au lieu de corbeille, quelques personnes se servent d'une sorte de
petite table faite exprès, de douze à quinze centimètres de long sur cinq à
six de hauteur, à trois pieds, dont l'un porte le crayon ; les deux autres
sont arrondis ou garnis d'une petite boule d'ivoire, pour glisser
facilement sur le papier. D'autres se servent simplement d'une planchette
de quinze à vingt centimètres carrés, triangulaire, oblongue ou ovale ;
PSYCHOGRAPHIE 157
sur l'un des bords est un trou oblique pour mettre le crayon ; placée pour
écrire, elle se trouve inclinée, et s'appuie par un de ses côtés sur le
papier ; le côté qui pose sur le papier est quelquefois garni de deux
petites roulettes pour faciliter le mouvement. On conçoit, du reste, que
toutes ces dispositions n'ont rien d'absolu ; la plus commode est la
meilleure.
Avec tous ces appareils, il faut presque toujours être deux ; mais il
n'est pas nécessaire que la seconde personne soit douée de la faculté
médianimique : elle sert uniquement à maintenir l'équilibre et à diminuer
la fatigue du médium.
Psychographie directe ou manuelle.
157. Nous appelons psychographie indirecte l'écriture ainsi obtenue,
par opposition à la psychographie directe ou manuelle obtenue par le
médium même. Pour comprendre ce dernier procédé, il faut se rendre
compte de ce qui se passe dans cette opération. L'Esprit étranger qui se
communique agit sur le médium ; celui-ci, sous cette influence, dirige
machinalement son bras et sa main pour écrire, sans avoir (c'est du
moins le cas le plus ordinaire) la moindre conscience de ce qu'il écrit ; la
main agit sur la corbeille, et la corbeille sur le crayon. Ainsi ce n'est
point la corbeille qui devient intelligente, c'est un instrument dirigé par
une intelligence ; ce n'est en réalité qu'un porte-crayon, un appendice de
la main, un intermédiaire entre la main et le crayon ; supprimez cet
intermédiaire, et placez le crayon dans la main, vous aurez le même
résultat, avec un mécanisme beaucoup plus simple, puisque le médium
écrit comme il le fait dans les conditions normales ; ainsi toute personne
qui écrit à l'aide d'une corbeille, planchette ou autre objet, peut écrire
directement. De tous les moyens de communication, l'écriture à la main,
désignée par quelques-uns sous le nom d'écriture involontaire, est, sans
contredit, le plus simple, le plus facile et le plus commode, parce qu'il
n'exige aucune préparation, et qu'il se prête, comme l'écriture courante,
aux développements les plus étendus. Nous y reviendrons en parlant des
médiums.
158. Au début des manifestations, alors qu'on avait à ce sujet des idées
moins précises, plusieurs écrits ont été publiés avec cette désignation :
Communications d'une corbeille, d'une planchette, d'une table, etc.. On
comprend aujourd'hui tout ce que ces expressions ont d'insuffisant ou
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIII 158
d'erroné, abstraction faite de leur caractère peu sérieux. En effet, comme
nous venons de le voir, les tables, planchettes et corbeilles ne sont que
des instruments inintelligents, quoique animés momentanément d'une vie
factice, et qui ne peuvent rien communiquer par eux-mêmes ; c'est ici
prendre l'effet pour la cause, l'instrument pour le principe ; autant
vaudrait qu'un auteur mît sur le titre de son ouvrage qu'il l'a écrit avec
une plume métallique ou une plume d'oie. Ces instruments, d'ailleurs, ne
sont point absolus ; nous connaissons quelqu'un qui, au lieu de la
corbeille-toupie que nous avons décrite, se servait d'un entonnoir au
goulot duquel il passait le crayon. On aurait donc pu avoir les
communications d'un entonnoir, et tout aussi bien celles d'une casserole
ou d'un saladier. Si elles ont lieu au moyen de coups, et que ces coups
soient frappés par une chaise ou un bâton, ce n'est plus une table
parlante, mais une chaise ou un bâton parlant. Ce qu'il importe de
connaître, ce n'est pas la nature de l'instrument, mais le mode
d'obtention. Si la communication a lieu par l'écriture, que le porte-crayon
soit tout ce que l'on voudra, c'est pour nous de la psychographie ; si c'est
par les coups, c'est de la typtologie. Le spiritisme prenant les proportions
d'une science, il lui faut un langage scientifique.
CHAPITRE XIV.
DES MEDIUMS.
159. Toute personne qui ressent à un degré quelconque l'influence des
Esprits est, par cela même, médium. Cette faculté est inhérente à
l'homme, et par conséquent n'est point un privilège exclusif ; aussi en
est-il peu chez lesquels on n'en trouve quelques rudiments. On peut donc
dire que tout le monde, à peu de chose près, est médium. Toutefois, dans
l'usage, cette qualification ne s'applique qu'à ceux chez lesquels la
faculté médianimique est nettement caractérisée, et se traduit par des
effets patents d'une certaine intensité, ce qui dépend alors d'une
organisation plus ou moins sensitive. Il est, en outre, à remarquer que
cette faculté ne se révèle pas chez tous de la même manière ; les
médiums ont généralement une aptitude spéciale pour tel ou tel ordre de
phénomènes, ce qui en fait autant de variétés qu'il y a de sortes de
manifestations. Les principales sont : les médiums à effets physiques ; les
médiums sensitifs ou impressibles ; auditifs ; parlants ; voyants ;
somnambules ; guérisseurs ; pneumatographes ; écrivains ou
psychographes.
Médiums à effets physiques.
160. Les médiums à effets physiques sont plus spécialement aptes à
produire des phénomènes matériels, tels que les mouvements des corps
inertes, les bruits, etc.. On peut les diviser en médiums facultatifs et
médiums involontaires. (Voir 2° partie, chapitres II et IV.)
Les médiums facultatifs sont ceux qui ont la conscience de leur
pouvoir et qui produisent des phénomènes spirites par l'acte de leur
volonté. Cette faculté, bien qu'inhérente à l'espèce humaine, comme nous
l'avons déjà dit, est loin d'exister chez tous au même degré ; mais s'il est
peu de personnes chez lesquelles elle soit absolument nulle, celles qui
sont aptes à produire les grands effets, tels que la suspension des corps
graves dans l'espace, la translation aérienne et surtout les apparitions,
sont plus rares encore. Les effets les plus simples sont ceux de la rotation
d'un objet, des coups frappés par le soulèvement de cet objet ou dans sa
substance même. Sans attacher une importance capitale à ces
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 160
phénomènes, nous engageons à ne pas les négliger ; ils peuvent donner
lieu à des observations intéressantes et aider à la conviction. Mais il est à
remarquer que la faculté de produire des effets matériels existe rarement
chez ceux qui ont des moyens plus parfaits de communication, comme
l'écriture ou la parole. Généralement la faculté diminue dans un sens à
mesure qu'elle se développe dans un autre.
161. Les médiums involontaires ou naturels sont ceux dont l'influence
s'exerce à leur insu. Ils n'ont aucune conscience de leur pouvoir, et
souvent ce qui se passe d'anormal autour d'eux ne leur semble nullement
extraordinaire ; cela fait partie d'eux-mêmes, absolument comme les
personnes douées de la seconde vue et qui ne s'en doutent pas. Ces sujets
sont très dignes d'observation, et l'on ne doit pas négliger de recueillir et
d'étudier les faits de ce genre qui peuvent venir à notre connaissance ; ils
se manifestent à tout âge, et souvent chez de très jeunes enfants. (Voir
ci-dessus, chapitre V, Manifestations spontanées.)
Cette faculté n'est point, par elle-même, l'indice d'un état
pathologique, car elle n'est pas incompatible avec une santé parfaite. Si
celui qui la possède est souffrant, cela tient à une cause étrangère ; aussi
les moyens thérapeutiques sont-ils impuissants pour la faire cesser. Elle
peut, dans certains cas, être consécutive d'une certaine faiblesse
organique, mais elle n'est jamais cause efficiente. On ne saurait donc
raisonnablement en concevoir aucune inquiétude au point de vue
hygiénique ; elle ne pourrait avoir d'inconvénient que si le sujet, devenu
médium facultatif, en faisait un usage abusif, parce qu'alors il y aurait
chez lui émission trop abondante de fluide vital, et, par suite,
affaiblissement des organes.
162. La raison se révolte à l'idée des tortures morales et corporelles
auxquelles la science a quelquefois soumis des êtres faibles et délicats en
vue de s'assurer s'il n'y avait pas supercherie de leur part ; ces
expérimentations, le plus souvent faites avec malveillance, sont toujours
nuisibles aux organisations sensitives ; il pourrait en résulter de graves
désordres dans l'économie ; faire de telles épreuves, c'est jouer avec la
vie. L'observateur de bonne foi n'a pas besoin de l'emploi de ces
moyens ; celui qui est familiarisé avec ces sortes de phénomènes sait,
d'ailleurs, qu'ils appartiennent plus à l'ordre moral qu'à l'ordre physique,
et qu'on en chercherait vainement la solution dans nos sciences exactes.
DES MEDIUMS 161
Par cela même que ces phénomènes tiennent à l'ordre moral, on doit
éviter avec un soin non moins scrupuleux tout ce qui peut surexciter
l'imagination. On sait les accidents que peut occasionner la peur, et l'on
serait moins imprudent si l'on connaissait tous les cas de folie et
d'épilepsie qui ont leur source dans les contes de loups-garous et de
Croque-mitaine ; que sera-ce donc si l'on persuade que c'est le diable ?
Ceux qui accréditent de telles idées ne savent pas la responsabilité qu'ils
assument : ils peuvent tuer. Or, le danger n'est pas pour le sujet seul, il
est aussi pour ceux qui l'entourent et qui peuvent être effrayés par la
pensée que leur maison est un repaire de démons. C'est cette croyance
funeste qui a causé tant d'actes d'atrocité dans les temps d'ignorance.
Avec un peu plus de discernement cependant, on aurait dû songer qu'en
brûlant le corps censément possédé par le diable, on ne brûlait pas le
diable. Puisqu'on voulait se défaire du diable, c'est lui qu'il fallait tuer ;
la doctrine spirite, en nous éclairant sur la véritable cause de tous ces
phénomènes, lui donne le coup de grâce. Loin donc de faire naître cette
pensée, on doit, et c'est un devoir de moralité et d'humanité, la
combattre si elle existe.
Ce qu'il faut faire quand une faculté semblable se développe
spontanément chez un individu, c'est de laisser le phénomène suivre son
cours naturel : la nature est plus prudente que les hommes ; la
Providence, d'ailleurs, a ses vues, et le plus petit peut être l'instrument
des plus grands desseins. Mais, il faut en convenir, ce phénomène
acquiert quelquefois des proportions fatigantes et importunes pour tout
le monde1 ; or, voici dans tous les cas ce qu'il faut faire. Dans le chapitre
1 Un des faits les plus extraordinaires de cette nature, par la variété et l'étrangeté des
phénomènes, est sans contredit celui qui eut lieu, en 1852, dans le Palatinat (Bavière rhénane),
à Bergzabern près de Wissembourg. Il est d'autant plus remarquable qu'il réunit à peu près, et
chez le même sujet, tous les genres de manifestations spontanées : tapage à ébranler la
maison, bouleversement des meubles, objets lancés au loin par une main invisible, visions et
apparitions, somnambulisme, extase, catalepsie, attraction électrique, cris et sons aériens,
instruments jouant sans contact, communications intelligentes, etc., et, ce qui n'est pas d'une
médiocre importance, la constatation de ces faits, pendant près de deux ans, par
d'innombrables témoins oculaires dignes de foi par leur savoir et leur position sociale. Le récit
authentique en a été publié, à cette époque, dans plusieurs journaux allemands, et notamment
dans une brochure aujourd'hui épuisée et très rare. On trouvera la traduction complète de cette
brochure dans la Revue Spirite de 1858, avec les commentaires et explications nécessaires.
C'est, à notre connaissance, la seule publication française qui en ait été faite. Outre l'intérêt
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 162
V, des Manifestations physiques spontanées, nous avons déjà donné
quelques conseils à ce sujet, en disant qu'il faut chercher à se mettre en
rapport avec l'Esprit pour savoir de lui ce qu'il veut. Le moyen suivant
est également fondé sur l'observation.
Les Etres invisibles qui révèlent leur présence par des effets sensibles
sont, en général, des Esprits d'un ordre inférieur, et que l'on peut
dominer par l'ascendant moral ; c'est cet ascendant qu'il faut chercher à
acquérir.
Pour obtenir cet ascendant, il faut faire passer le sujet de l'état de
médium naturel à celui de médium facultatif. Il se produit alors un effet
analogue à ce qui a lieu dans le somnambulisme. On sait que le
somnambulisme naturel cesse généralement quand il est remplacé par le
somnambulisme magnétique. On n'arrête point la faculté émancipatrice
de l'âme, on lui donne un autre cours. Il en est de même de la faculté
médianimique. A cet effet, au lieu d'entraver les phénomènes, ce à quoi
l'on réussit rarement et ce qui n'est pas toujours sans danger, il faut
exciter le médium à les produire à sa volonté en s'imposant à l'Esprit ;
par ce moyen, il parvient à le maîtriser, et d'un dominateur quelquefois
tyrannique, il en fait un être subordonné et souvent très docile. Un fait
digne de remarque, et justifié par l'expérience, c'est qu'en pareil cas un
enfant a autant et souvent plus d'autorité qu'un adulte : preuve nouvelle à
l'appui de ce point capital de la doctrine, que l'Esprit n'est enfant que par
le corps, et qu'il a par lui-même un développement nécessairement
antérieur à son incarnation actuelle, développement qui peut lui donner
de l'ascendant sur des Esprits qui lui sont inférieurs.
La moralisation de l'Esprit par les conseils d'une tierce personne
influente et expérimentée, si le médium n'est pas en état de le faire, est
souvent un moyen très efficace ; nous y reviendrons plus tard.
Personnes électriques.
163. C'est à cette catégorie de médiums que sembleraient appartenir
les personnes douées d'une certaine dose d'électricité naturelle,
véritables torpilles humaines, produisant par le simple contact tous les
effets d'attraction et de répulsion. On aurait tort cependant de les
regarder comme des médiums, car la véritable médiumnité suppose
saisissant qui se rattache à ces phénomènes, ils sont éminemment instructifs au point de vue
de l'étude pratique du spiritisme.
l'intervention directe d'un Esprit ; or, dans le cas dont nous parlons, des
expériences concluantes ont prouvé que l'électricité est l'unique agent de
ces phénomènes. Cette faculté bizarre, qu'on pourrait presque appeler
une infirmité, peut quelquefois s'allier à la médiumnité, comme on peut
le voir dans l'histoire de l'Esprit frappeur de Bergzabern ; mais souvent
elle est complètement indépendante. Ainsi que nous l'avons dit, la seule
preuve de l'intervention des Esprits, c'est le caractère intelligent des
manifestations ; toutes les fois que ce caractère n'existe pas, on est fondé
à les attribuer à une cause purement physique. La question est de savoir
si les personnes électriques auraient une aptitude plus grande à devenir
médiums à effets physiques ; nous le pensons, mais ce serait un résultat
d'expérience.
Médiums sensitifs ou impressibles.
164. On désigne ainsi les personnes susceptibles de ressentir la
présence des Esprits par une vague impression, une sorte de frôlement
sur tous les membres, dont elles ne peuvent se rendre compte. Cette
variété n'a pas de caractère bien tranché ; tous les médiums sont
nécessairement impressibles, l'impressionnabilité est ainsi plutôt une
qualité générale que spéciale : c'est la faculté rudimentaire indispensable
au développement de toutes les autres ; elle diffère de
l'impressionnabilité purement physique et nerveuse, avec laquelle il ne
faut pas la confondre ; car il y a des personnes qui n'ont pas les nerfs
délicats et qui ressentent plus ou moins l'effet de la présence des Esprits,
de même que d'autres très irritables ne les ressentent pas du tout.
Cette faculté se développe par l'habitude, et peut acquérir une telle
subtilité, que celui qui en est doué reconnaît à l'impression qu'il ressent,
non seulement la nature bonne ou mauvaise de l'Esprit qui est à ses
côtés, mais même son individualité, comme l'aveugle reconnaît à un
certain je ne sais quoi l'approche de telle ou telle personne ; il devient,
par rapport aux Esprits, un véritable sensitif. Un bon Esprit fait toujours
une impression douce et agréable ; celle d'un mauvais Esprit, au
contraire, est pénible, anxieuse et désagréable ; il y a comme un flair
d'impureté.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 164
Médiums auditifs.
165. Ils entendent la voix des Esprits ; c'est, comme nous l'avons dit en
parlant de la pneumatophonie, quelquefois une voix intime qui se fait
entendre dans le for intérieur ; d'autres fois c'est une voix extérieure,
claire et distincte comme celle d'une personne vivante. Les médiums
auditifs peuvent ainsi entrer en conversation avec les Esprits. Lorsqu'ils
ont l'habitude de communiquer avec certains Esprits, ils les
reconnaissent immédiatement au caractère de la voix. Quand on n'est pas
soi-même doué de cette faculté, on peut également communiquer avec
un Esprit, par l'intermédiaire d'un médium auditif qui remplit l'office de
truchement.
Cette faculté est très agréable quand le médium n'entend que de bons
Esprits, ou seulement ceux qu'il appelle ; mais il n'en est pas de même
quand un mauvais Esprit s'acharne après lui et lui fait entendre à chaque
minute les choses les plus désagréables, et quelquefois les plus
inconvenantes. Il faut alors chercher à s'en débarrasser par les moyens
que nous indiquerons au chapitre de l'Obsession.
Médiums parlants.
166. Les médiums auditifs qui ne font que transmettre ce qu'ils
entendent ne sont pas, à proprement parler, des médiums parlants ; ces
derniers, très souvent, n'entendent rien ; chez eux l'Esprit agit sur les
organes de la parole comme il agit sur la main des médiums écrivains.
L'Esprit voulant se communiquer se sert de l'organe qu'il trouve le plus
flexible chez le médium ; à l'un il emprunte la main, à un autre la parole,
à un troisième l'ouïe. Le médium parlant s'exprime généralement sans
avoir la conscience de ce qu'il dit, et souvent il dit des choses
complètement en dehors de ses idées habituelles, de ses connaissances et
même de la portée de son intelligence. Quoi qu'il soit parfaitement
éveillé et dans un état normal, il conserve rarement le souvenir de ce
qu'il dit ; en un mot, la parole est chez lui un instrument dont se sert
l'Esprit, et avec lequel une personne étrangère peut entrer en
communication, comme il peut le faire par l'entremise du médium
auditif.
La passivité du médium parlant n'est pas toujours aussi complète ; il
en est qui ont l'intuition de ce qu'ils disent au moment même où ils
DES MEDIUMS 165
prononcent les mots. Nous reviendrons sur cette variété quand nous
traiterons des médiums intuitifs.
Médiums voyants.
167. Les médiums voyants sont doués de la faculté de voir les Esprits.
Il en est qui jouissent de cette faculté dans l'état normal, alors qu'ils sont
parfaitement éveillés, et en conservent un souvenir exact ; d'autres ne
l'ont que dans un état somnambulique ou voisin du somnambulisme.
Cette faculté est rarement permanente ; elle est presque toujours l'effet
d'une crise momentanée et passagère. On peut placer dans la catégorie
des médiums voyants toutes les personnes douées de la seconde vue. La
possibilité de voir les Esprits en rêve résulte sans contredit d'une sorte de
médiumnité, mais ne constitue pas, à proprement parler, les médiums
voyants. Nous avons expliqué ce phénomène dans le chapitre VI, des
Manifestations visuelles.
Le médium voyant croit voir par les yeux, comme ceux qui ont la
double vue ; mais, en réalité, c'est l'âme qui voit, et c'est la raison pour
laquelle ils voient tout aussi bien les yeux fermés que les yeux ouverts ;
d'où il suit qu'un aveugle peut voir les Esprits comme celui qui a la vue
intacte. Il y aurait sur ce dernier point une étude intéressante à faire, ce
serait de savoir si cette faculté est plus fréquente chez les aveugles. Des
Esprits qui avaient été aveugles nous ont dit que, de leur vivant, ils
avaient, par l'âme, la perception de certains objets, et qu'ils n'étaient pas
plongés dans l'obscurité noire.
168. Il faut distinguer les apparitions accidentelles et spontanées de la
faculté proprement dite de voir les Esprits. Les premières sont
fréquentes, surtout au moment de la mort des personnes que l'on a
aimées ou connues, et qui viennent avertir qu'elles ne sont plus de ce
monde. Il y a de nombreux exemples de faits de ce genre, sans parler des
visions pendant le sommeil. D'autres fois, ce sont également des parents
ou amis qui, quoique morts depuis plus ou moins longtemps,
apparaissent, soit pour avertir d'un danger, soit pour donner un conseil
ou demander un service. Le service que peut réclamer un Esprit consiste
généralement dans l'accomplissement d'une chose qu'il n'a pu faire de
son vivant, ou dans le secours des prières. Ces apparitions sont des faits
isolés qui ont toujours un caractère individuel et personnel et ne
constituent pas une faculté proprement dite. La faculté consiste dans la
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 166
possibilité, sinon permanente, du moins très fréquente, de voir le premier
Esprit venu, même celui qui nous est le plus étranger. C'est cette faculté
qui constitue, à proprement parler, les médiums voyants.
Parmi les médiums voyants, il en est qui ne voient que les Esprits que
l'on évoque et dont ils peuvent faire la description avec une minutieuse
exactitude ; ils décrivent dans les moindres détails leurs gestes,
l'expression de leur physionomie, les traits du visage, le costume et
jusqu'aux sentiments dont ils paraissent animés. Il en est d'autres chez
lesquels cette faculté est encore plus générale ; ils voient toute la
population spirite ambiante aller, venir, et l'on pourrait dire vaquer à ses
affaires.
169. Nous assistâmes un soir à la représentation de l'opéra d'Obéron
avec un très bon médium voyant. Il y avait dans la salle un assez grand
nombre de places vacantes, mais dont beaucoup étaient occupées par des
Esprits qui avaient l'air de prendre leur part du spectacle ; quelques-uns
allaient auprès de certains spectateurs et semblaient écouter leur
conversation. Sur le théâtre se passait une autre scène ; derrière les
acteurs plusieurs Esprits d'humeur joviale s'amusaient à les contrefaire
en imitant leurs gestes d'une manière grotesque ; d'autres, plus sérieux,
semblaient inspirer les chanteurs, et faire des efforts pour leur donner de
l'énergie. L'un d'eux était constamment auprès d'une des principales
cantatrices ; nous lui crûmes des intentions un peu légères ; l'ayant
appelé après la chute du rideau, il vint à nous, et nous reprocha avec
quelque sévérité notre jugement téméraire. Je ne suis pas ce que vous
croyez, dit-il, je suis son guide et son Esprit protecteur ; c'est moi qui
suis chargé de la diriger. Après quelques minutes d'un entretien très
grave, il nous quitta en disant : Adieu ; elle est dans sa loge ; il faut que
j'aille veiller sur elle. Nous évoquâmes ensuite l'Esprit de Weber, l'auteur
de l'opéra, et lui demandâmes ce qu'il pensait de l'exécution de son
oeuvre. «Ce n'est pas trop mal, dit-il, mais c'est mou ; les acteurs
chantent, voilà tout ; il n'y a pas d'inspiration. Attendez, ajouta-t-il, je
vais essayer de leur donner un peu du feu sacré.» Alors on le vit sur la
scène, planant au-dessus des acteurs ; un effluve semblait partir de lui et
se répandre sur eux ; à ce moment, il y eut chez eux une recrudescence
visible d'énergie.
DES MEDIUMS 167
170. Voici un autre fait qui prouve l'influence que les Esprits exercent
sur les hommes à leur insu. Nous étions, comme ce soir-là, à une
représentation théâtrale avec un autre médium voyant. Ayant engagé une
conversation avec un Esprit spectateur, celui-ci nous dit : Vous voyez
bien ces deux dames seules dans cette loge des premières ; eh bien ! je
me fais fort de leur faire quitter la salle. Cela dit, on le vit aller se placer
dans la loge en question et parler aux deux dames ; tout à coup celles-ci,
qui étaient très attentives au spectacle, se regardent, semblent se
consulter, puis s'en vont et ne reparaissent plus. L'Esprit nous fit alors un
geste comique pour montrer qu'il avait tenu parole ; mais nous ne le
revîmes plus pour lui demander de plus amples explications. C'est ainsi
que nous avons pu maintes fois être témoin du rôle que jouent les Esprits
parmi les vivants ; nous les avons observés dans divers lieux de réunion,
au bal, au concert, au sermon, aux funérailles, aux noces, etc., et partout
nous en avons trouvé attisant les passions mauvaises, soufflant la
discorde, excitant les rixes et se réjouissant de leurs prouesses ; d'autres,
au contraire, combattaient cette influence pernicieuse, mais n'étaient que
rarement écoutés.
171. La faculté de voir les Esprits peut sans doute se développer, mais
c'est une de celles dont il convient d'attendre le développement naturel
sans le provoquer, si l'on ne veut s'exposer à être le jouet de son
imagination. Quand le germe d'une faculté existe, elle se manifeste
d'elle-même ; en principe, il faut se contenter de celles que Dieu nous a
accordées, sans rechercher l'impossible ; car alors, en voulant trop avoir,
on risque de perdre ce qu'on a.
Quand nous avons dit que les faits d'apparitions spontanées sont
fréquents (n° 107), nous n'avons pas voulu dire qu'ils sont très
communs ; quant aux médiums voyants proprement dits, ils sont encore
plus rares, et il y a beaucoup à se défier de ceux qui prétendent jouir de
cette faculté ; il est prudent de n'y ajouter foi que sur des preuves
positives. Nous ne parlons même pas de ceux qui se font la ridicule
illusion des Esprits globules, que nous avons décrite n° 108, mais de
ceux qui prétendent voir les Esprits d'une manière rationnelle. Certaines
personnes peuvent sans doute se tromper de bonne foi, mais d'autres
peuvent aussi simuler cette faculté par amour-propre ou par intérêt. Dans
ce cas, il faut particulièrement tenir compte du caractère, de la moralité
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 168
et de la sincérité habituelle ; mais c'est surtout dans les circonstances de
détail qu'on peut trouver le contrôle le plus certain, car il en est qui ne
peuvent laisser de doute, comme, par exemple, l'exactitude du portrait
d'Esprits que le médium n'a jamais connus vivants. Le fait suivant est
dans cette catégorie.
Une dame veuve, dont le mari se communique fréquemment à elle, se
trouvait un jour avec un médium voyant qui ne la connaissait pas, non
plus que sa famille ; le médium lui dit : - Je vois un Esprit près de vous. -
Ah ! dit la dame, c'est sans doute mon mari qui ne me quitte presque
jamais. - Non, répondit le médium, c'est une femme d'un certain âge ;
elle est coiffée d'une manière singulière ; elle a un bandeau blanc sur le
front.
A cette particularité et à d'autres détails descriptifs, la dame reconnut
sa grand-mère à ne pas s'y méprendre, et à laquelle elle ne songeait
nullement dans ce moment. Si le médium avait voulu simuler la faculté,
il lui était facile d'abonder dans la pensée de la dame, tandis qu'au lieu
du mari dont elle était préoccupée, il voit une femme avec une
particularité de coiffure dont rien ne pouvait lui donner l'idée. Ce fait
prouve une autre chose, c'est que la vue, chez le médium, n'était le reflet
d'aucune pensée étrangère. (Voir n° 102.)
Médiums somnambules.
172. Le somnambulisme peut être considéré comme une variété de la
faculté médianimique, ou pour mieux dire, ce sont deux ordres de
phénomènes qui se trouvent très souvent réunis. Le somnambule agit
sous l'influence de son propre Esprit ; c'est son âme qui, dans les
moments d'émancipation, voit, entend et perçoit en dehors de la limite
des sens ; ce qu'il exprime, il le puise en lui-même ; ses idées sont en
général plus justes que dans l'état normal, ses connaissances plus
étendues, parce que son âme est libre ; en un mot, il vit par anticipation
de la vie des Esprits. Le médium, au contraire, est l'instrument d'une
intelligence étrangère ; il est passif, et ce qu'il dit ne vient point de lui.
En résumé, le somnambule exprime sa propre pensée, et le médium
exprime celle d'un autre. Mais l'Esprit qui se communique à un médium
ordinaire peut tout aussi bien le faire à un somnambule ; souvent même
l'état d'émancipation de l'âme, pendant le somnambulisme, rend cette
communication plus facile. Beaucoup de somnambules voient
DES MEDIUMS 169
parfaitement les Esprits et les décrivent avec autant de précision que les
médiums voyants ; ils peuvent s'entretenir avec eux et nous transmettre
leur pensée ; ce qu'ils disent en dehors du cercle de leurs connaissances
personnelles leur est souvent suggéré par d'autres Esprits. Voici un
exemple remarquable où la double action de l'Esprit du somnambule et
de l'Esprit étranger se révèle de la manière la moins équivoque.
173. Un de nos amis avait pour somnambule un jeune garçon de 14 à
15 ans, d'une intelligence très vulgaire et d'une instruction extrêmement
bornée. Néanmoins, en somnambulisme, il a donné des preuves d'une
lucidité extraordinaire et d'une grande perspicacité. Il excellait surtout
dans le traitement des maladies, et a fait un grand nombre de cures
regardées comme impossibles. Un jour, il donnait une consultation à un
malade dont il décrivit le mal avec une exactitude parfaite. - Ce n'est pas
tout, lui dit-on, il s'agit maintenant d'indiquer le remède. - Je ne puis pas,
répond-il, mon ange docteur n'est pas là. - Qu'entendez-vous par votre
ange docteur ? - Celui qui me dicte les remèdes. - Ce n'est donc pas vous
qui voyez les remèdes ? - Eh ! non ; puisque je vous dis que c'est mon
ange docteur qui me les dicte.
Ainsi, chez ce somnambule, l'action de voir le mal était le fait de son
propre Esprit qui, pour cela, n'avait besoin d'aucune assistance ; mais
l'indication des remèdes lui était donnée par un autre ; cet autre n'étant
pas là, il ne pouvait rien dire. Seul, il n'était que somnambule ; assisté de
ce qu'il appelait son ange docteur, il était somnambule-médium.
174. La lucidité somnambulique est une faculté qui tient à l'organisme
et qui est tout à fait indépendante de l'élévation, de l'avancement et
même de l'état moral du sujet. Un somnambule peut donc être très lucide
et être incapable de résoudre certaines questions si son Esprit est peu
avancé. Celui qui parle par lui-même peut donc dire des choses bonnes
ou mauvaises, justes ou fausses, mettre plus ou moins de délicatesse et
de scrupule dans ses procédés, selon le degré d'élévation ou d'infériorité
de son propre Esprit ; c'est alors que l'assistance d'un Esprit étranger peut
suppléer à son insuffisance ; mais un somnambule peut être assisté par
un Esprit menteur, léger, ou même mauvais, tout aussi bien que les
médiums ; c'est ici surtout que les qualités morales ont une grande
influence pour attirer les bons Esprits. (Voir Livre des Esprits,
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 170
Somnambulisme, n° 425 ; et ci-après le chapitre sur l'influence morale
du médium.)
Médiums guérisseurs.
175. Nous ne parlerons ici que pour mémoire de cette variété de
médiums, parce que ce sujet exigerait des développements trop étendus
pour notre cadre ; nous savons d'ailleurs qu'un médecin de nos amis se
propose de le traiter dans un ouvrage spécial sur la médecine intuitive.
Nous dirons seulement que ce genre de médiumnité consiste
principalement dans le don que certaines personnes possèdent de guérir
par le simple attouchement, par le regard, par un geste même, sans le
secours d'aucune médication. On dira sans doute que ce n'est pas autre
chose que du magnétisme. Il est évident que le fluide magnétique joue
ici un grand rôle ; mais quand on examine ce phénomène avec soin, on
reconnaît sans peine qu'il y a quelque chose de plus. La magnétisation
ordinaire est un véritable traitement suivi, régulier et méthodique ; là les
choses se passent tout différemment. Tous les magnétiseurs sont à peu
près aptes à guérir s'ils savent s'y prendre convenablement, tandis que
chez les médiums guérisseurs la faculté est spontanée, et quelques-uns
même la possèdent sans avoir jamais entendu parler de magnétisme.
L'intervention d'une puissance occulte, qui constitue la médiumnité,
devient évidente en certaines circonstances, elle l'est surtout quand on
considère que la plupart des personnes que l'on peut avec raison qualifier
de médiums guérisseurs ont recours à la prière, qui est une véritable
évocation. (Voir ci-dessus, n° 131.)
176. Voici les réponses qui nous ont été faites aux questions suivantes
adressées aux Esprits sur ce sujet.
1. Peut-on considérer les personnes douées de la puissance
magnétique comme formant une variété de médiums ?
«Vous n'en pouvez douter.»
2. Cependant, le médium est un intermédiaire entre les Esprits et
l'homme ; or, le magnétiseur, puisant sa force en lui-même, ne semble
être l'intermédiaire d'aucune puissance étrangère ?
«C'est une erreur ; la puissance magnétique réside sans doute en
l'homme, mais elle est augmentée par l'action des Esprits qu'il appelle à
son aide. Si tu magnétises en vue de guérir, par exemple, et que tu
invoques un bon Esprit qui s'intéresse à toi et à ton malade, il augmente
DES MEDIUMS 171
ta force et ta volonté, il dirige ton fluide et lui donne les qualités
nécessaires.»
3. Il y a cependant de très bons magnétiseurs qui ne croient pas aux
Esprits ?
«Penses-tu donc que les Esprits n'agissent que sur ceux qui croient en
eux ? Ceux qui magnétisent pour le bien sont secondés par de bons
Esprits. Tout homme qui a le désir du bien les appelle sans s'en douter ;
de même que, par le désir du mal et les mauvaises intentions, il appelle
les mauvais.»
4. Celui qui ayant la puissance croirait à l'intervention des Esprits,
agirait-il plus efficacement ?
«Il ferait des choses que vous regarderiez comme des miracles.»
5. Certaines personnes ont-elles véritablement le don de guérir par le
simple attouchement, sans l'emploi des passes magnétiques ?
«Assurément ; n'en avez-vous pas de nombreux exemples ?»
6. Dans ce cas y a-t-il action magnétique ou seulement influence des
Esprits ?
«L'un et l'autre. Ces personnes sont de véritables médiums,
puisqu'elles agissent sous l'influence des Esprits ; mais ce n'est pas à dire
qu'elles soient médiums guérisseurs comme vous l'entendez.»
7. Ce pouvoir peut-il se transmettre ?
«Le pouvoir, non ; mais la connaissance des choses nécessaires pour
l'exercer si on le possède. Tel ne se douterait pas qu'il a ce pouvoir s'il ne
croyait qu'il lui a été transmis.»
8. Peut-on obtenir des guérisons par la seule prière ?
«Oui, quelquefois si Dieu le permet ; mais peut-être que le bien du
malade est de souffrir encore, et alors vous croyez que votre prière n'est
pas écoutée.»
9. Y a-t-il pour cela des formules de prières plus efficaces les unes que
les autres ?
«La superstition seule peut attacher une vertu à certaines paroles, et
des Esprits ignorants ou menteurs peuvent seuls entretenir de pareilles
idées en prescrivant des formules. Cependant, il peut arriver que, pour
des personnes peu éclairées et incapables de comprendre les choses
purement spirituelles, l'emploi d'une formule contribue à leur donner
confiance ; dans ce cas ce n'est pas la formule qui est efficace, mais la
foi qui est augmentée par l'idée attachée à l'emploi de la formule.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIV 172
Médiums pneumatographes.
177. On donne ce nom aux médiums aptes à obtenir l'écriture directe,
ce qui n'est pas donné à tous les médiums écrivains. Cette faculté est
jusqu'à présent assez rare ; elle se développe probablement par
l'exercice ; mais, comme nous l'avons dit, son utilité pratique se borne à
une constatation patente de l'intervention d'une puissance occulte dans
les manifestations. L'expérience seule peut faire connaître si on la
possède ; on peut donc essayer et d'ailleurs on peut le demander à un
Esprit protecteur par les autres moyens de communication. Selon le plus
ou le moins de puissance du médium, on obtient de simples traits, des
signes, des lettres, des mots, des phrases et même des pages entières. Il
suffit ordinairement de poser une feuille de papier pliée dans un endroit
quelconque ou désigné par l'Esprit, pendant dix minutes ou un quart
d'heure, quelquefois plus. La prière et le recueillement sont des
conditions essentielles ; c'est pourquoi on peut regarder comme
impossible de rien obtenir dans une réunion de personnes peu sérieuses,
ou qui ne seraient pas animées de sentiments sympathiques et
bienveillants. (Voir la théorie de l'écriture directe, chapitre VIII,
Laboratoire du monde invisible (n° 127 et suivants), et chapitre XII,
Pneumatographie.)
Nous traiterons d'une manière spéciale des médiums écrivains dans les
chapitres suivants.
CHAPITRE XV.
MEDIUMS ECRIVAINS OU PSYCHOGRAPHES.
178. De tous les moyens de communication, l'écriture manuelle est le
plus simple, le plus commode et surtout le plus complet. C'est vers celuilà
que doivent tendre tous les efforts, car il permet d'établir avec les
Esprits des relations aussi suivies et aussi régulières que celles qui
existent entre nous. On doit s'y attacher d'autant plus que c'est celui par
lequel les Esprits révèlent le mieux leur nature et le degré de leur
perfection ou de leur infériorité. Par la facilité qu'ils ont à s'exprimer, ils
nous font connaître leurs pensées intimes et nous mettent ainsi à même
de les juger et de les apprécier à leur valeur. La faculté d'écrire, pour un
médium, est en outre celle qui est le plus susceptible de se développer
par l'exercice.
Médiums mécaniques.
179. Si l'on examine certains effets qui se produisent dans les
mouvements de la table, de la corbeille ou de la planchette qui écrit, on
ne peut douter d'une action exercée directement par l'Esprit sur ces
objets. La corbeille s'agite parfois avec tant de violence, qu'elle échappe
des mains du médium ; quelquefois même elle se dirige vers certaines
personnes du cercle pour les frapper ; d'autres fois ses mouvements
témoignent d'un sentiment affectueux. La même chose a lieu lorsque le
crayon est placé dans la main ; souvent il est lancé au loin avec force, ou
bien la main, comme la corbeille, s'agite convulsivement et frappe la
table avec colère, alors même que le médium est dans le plus grand
calme et s'étonne de n'être pas maître de lui. Disons, en passant, que ces
effets dénotent toujours la présence d'Esprits imparfaits ; les Esprits
réellement supérieurs sont constamment calmes, dignes et bienveillants ;
s'ils ne sont pas écoutés convenablement, ils se retirent, et d'autres
prennent leur place. L'Esprit peut donc exprimer directement sa pensée,
soit par le mouvement d'un objet dont la main du médium n'est que le
point d'appui, soit par son action sur la main elle-même.
Lorsque l'Esprit agit directement sur la main, il donne à celle-ci une
impulsion complètement indépendante de la volonté. Elle marche sans
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XV 174
interruption et malgré le médium tant que l'Esprit a quelque chose à dire,
et s'arrête quand il a fini.
Ce qui caractérise le phénomène dans cette circonstance, c'est que le
médium n'a pas la moindre conscience de ce qu'il écrit, l'inconscience
absolue, dans ce cas, constitue ce qu'on appelle les médiums passifs ou
mécaniques. Cette faculté est précieuse en ce qu'elle ne peut laisser
aucun doute sur l'indépendance de la pensée de celui qui écrit.
Médiums intuitifs.
180. La transmission de la pensée a aussi lieu par l'intermédiaire de
l'Esprit du médium, ou mieux de son âme, puisque nous désignons sous
ce nom l'Esprit incarné. L'Esprit étranger, dans ce cas, n'agit pas sur la
main pour la faire écrire ; il ne la tient pas, il ne la guide pas ; il agit sur
l'âme avec laquelle il s'identifie. L'âme, sous cette impulsion, dirige la
main, et la main dirige le crayon. Remarquons ici une chose importante à
savoir, c'est que l'Esprit étranger ne se substitue point à l'âme, car il ne
saurait la déplacer : il la domine à son insu, il lui implique sa volonté.
Dans cette circonstance, le rôle de l'âme n'est point absolument passif ;
c'est elle qui reçoit la pensée de l'Esprit étranger et qui la transmet. Dans
cette situation, le médium a la conscience de ce qu'il écrit, quoique ce ne
soit pas sa propre pensée ; il est ce qu'on appelle médium intuitif.
S'il en est ainsi, dira-t-on, rien ne prouve que ce soit plutôt un Esprit
étranger qui écrit que celui du médium. La distinction est en effet
quelquefois assez difficile à faire, mais il peut arriver que cela importe
peu. Toutefois, on peut reconnaître la pensée suggérée en ce qu'elle n'est
jamais préconçue ; elle naît à mesure que l'on écrit, et souvent elle est
contraire à l'idée préalable qu'on s'était formée ; elle peut même être en
dehors des connaissances et des capacités du médium.
Le rôle du médium mécanique est celui d'une machine ; le médium
intuitif agit comme le ferait un truchement ou interprète. Celui-ci, en
effet, pour transmettre la pensée, doit la comprendre, se l'approprier en
quelque sorte pour la traduire fidèlement, et pourtant cette pensée n'est
pas la sienne : elle ne fait que traverser son cerveau. Tel est exactement
le rôle du médium intuitif.
MEDIUMS ECRIVAINS OU PSYCHOGRAPHES 175
Médiums semi-mécaniques.
181. Dans le médium purement mécanique, le mouvement de la main
est indépendant de la volonté ; dans le médium intuitif, le mouvement est
volontaire et facultatif. Le médium semi-mécanique participe des deux
autres ; il sent une impulsion donnée à sa main malgré lui, mais en même
temps, il a la conscience de ce qu'il écrit à mesure que les mots se
forment. Chez le premier, la pensée suit l'acte de l'écriture ; chez le
second, elle le précède ; chez le troisième, elle l'accompagne. Ces
derniers médiums sont les plus nombreux.
Médiums inspirés.
182. Toute personne qui, soit dans l'état normal, soit dans l'état
d'extase, reçoit, par la pensée, des communications étrangères à ses idées
préconçues, peut être rangée dans la catégorie des médiums inspirés ;
c'est, comme on le voit, une variété de la médiumnité intuitive, avec
cette différence que l'intervention d'une puissance occulte y est encore
bien moins sensible, car, chez l'inspiré, il est encore plus difficile de
distinguer la pensée propre de celle qui est suggérée. Ce qui caractérise
cette dernière, c'est surtout la spontanéité. L'inspiration nous vient des
Esprits qui nous influencent en bien ou en mal, mais elle est plutôt le fait
de ceux qui nous veulent du bien et dont nous avons trop souvent le tort
de ne pas suivre les conseils ; elle s'applique à toutes les circonstances de
la vie dans les résolutions que nous devons prendre ; sous ce rapport on
peut dire que tout le monde est médium, car il n'est personne qui n'ait ses
Esprits protecteurs et familiers qui font tous leurs efforts pour suggérer à
leurs protégés des pensées salutaires. Si l'on était bien pénétré de cette
vérité, on aurait plus souvent recours à l'inspiration de son ange gardien
dans les moments où l'on ne sait que dire ou que faire. Qu'on l'invoque
donc avec ferveur et confiance en cas de nécessité, et l'on sera le plus
souvent étonné des idées qui surgiront comme par enchantement, soit
que l'on ait un parti à prendre, soit que l'on ait quelque chose à
composer. Si aucune idée ne venait, c'est qu'il faudrait attendre. La
preuve que l'idée qui survient est bien une idée étrangère à soi, c'est que
si elle eût été en soi, on en eût toujours été maître, et il n'y aurait pas de
raison pour qu'elle ne se manifestât pas à volonté. Celui qui n'est pas
aveugle n'a qu'à ouvrir les yeux pour voir quand il veut ; de même, celui
qui a des idées à lui les a toujours à sa disposition ; si elles ne lui
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XV 176
viennent pas à son gré, c'est qu'il est obligé de les puiser ailleurs que
dans son propre fonds.
On peut encore rattacher à cette catégorie les personnes qui, sans être
douées d'une intelligence hors ligne, et sans sortir de l'état normal, ont
des éclairs d'une lucidité intellectuelle qui leur donne momentanément
une facilité inaccoutumée de conception et d'élocution, et, dans certains
cas, le pressentiment des choses futures. Dans ces moments qu'on
appelle justement d'inspiration, les idées abondent, se suivent,
s'enchaînent pour ainsi dire d'elles-mêmes et par une impulsion
involontaire et presque fébrile ; il nous semble qu'une intelligence
supérieure vient nous aider et que notre esprit est débarrassé d'un
fardeau.
183. Les hommes de génie dans tous les genres, artistes, savants,
littérateurs, sont sans doute des Esprits avancés, capables par eux-mêmes
de comprendre et de concevoir de grandes choses ; or, c'est précisément
parce qu'ils sont jugés capables, que les Esprits qui veulent
l'accomplissement de certains travaux leur suggèrent les idées
nécessaires, et c'est ainsi qu'ils sont le plus souvent médiums sans le
savoir. Ils ont pourtant une vague intuition d'une assistance étrangère,
car celui qui fait appel à l'inspiration ne fait pas autre chose qu'une
évocation ; s'il n'espérait pas être entendu, pourquoi s'écrierait-il si
souvent : Mon bon génie, viens à mon aide !
Les réponses suivantes confirment cette assertion.
- Quelle est la cause première de l'inspiration ?
«Esprit qui se communique par la pensée.»
- L'inspiration n'a-t-elle pour objet que la révélation des grandes
choses ?
«Non, elle a souvent rapport aux circonstances les plus ordinaires de la
vie. Par exemple, tu veux aller quelque part : une voix secrète te dit de
ne pas le faire parce qu'il y a du danger pour toi ; ou bien elle te dit de
faire une chose à laquelle tu ne pensais pas : c'est de l'inspiration. Il y a
bien peu de personnes qui n'aient été plus ou moins inspirées dans
certains moments.»
- Un auteur, un peintre, un musicien, par exemple, dans les moments
d'inspiration, pourraient-ils être considérés comme médiums ?
MEDIUMS ECRIVAINS OU PSYCHOGRAPHES 177
«Oui, car dans ces moments, leur âme est plus libre et comme dégagée
de la matière ; elle recouvre une partie de ses facultés d'Esprit et reçoit
plus facilement les communications des autres Esprits qui l'inspirent.»
Médiums à pressentiments.
184. Le pressentiment est une intuition vague des choses futures.
Certaines personnes ont cette faculté plus ou moins développée ; elles
peuvent la devoir à une sorte de double vue qui leur permet d'entrevoir
les conséquences des choses présentes et la filiation des événements ;
mais souvent aussi elle est le fait de communications occultes, et c'est
dans ce cas surtout qu'on peut donner à ceux qui en sont doués le nom de
médiums à pressentiments, qui sont une variété des médiums inspirés.
CHAPITRE XVI.
MEDIUMS SPECIAUX.
Aptitudes spéciales des médiums.
185. Outre les catégories de médiums que nous venons d'énumérer, la
médiumnité présente une variété infinie de nuances qui constituent ce
qu'on appelle les médiums spéciaux, et qui tiennent à des aptitudes
particulières non encore définies, abstraction faite des qualités et des
connaissances de l'Esprit qui se manifeste.
La nature des communications est toujours relative à la nature de
l'Esprit, et porte le cachet de son élévation ou de son infériorité, de son
savoir ou de son ignorance ; mais à mérite égal, au point de vue
hiérarchique, il y a incontestablement chez lui une propension à
s'occuper d'une chose plutôt que d'une autre ; les Esprits frappeurs, par
exemple, ne sortent guère des manifestations physiques ; et parmi ceux
qui donnent des manifestations intelligentes il y a des Esprits poètes,
musiciens, dessinateurs, moralistes, savants, médecins, etc.. Nous
parlons des Esprits d'un ordre moyen, car, arrivées à un certain degré, les
aptitudes se confondent dans l'unité de la perfection. Mais, à côté de
l'aptitude de l'Esprit, il y a celle du médium qui est pour lui un
instrument plus ou moins commode, plus ou moins flexible, et dans
lequel il découvre des qualités particulières que nous ne pouvons
apprécier.
Prenons une comparaison : un musicien très habile a sous la main
plusieurs violons qui, pour le vulgaire, seront tous de bons instruments,
mais entre lesquels l'artiste consommé fait une grande différence ; il y
saisit des nuances d'une extrême délicatesse qui lui feront choisir les uns
et rejeter les autres, nuances qu'il comprend par intuition plutôt qu'il ne
peut les définir. Il en est de même à l'égard des médiums : à qualités
égales dans la puissance médianimique, l'Esprit donnera la préférence à
l'un ou à l'autre, selon le genre de communication qu'il veut faire. Ainsi,
par exemple, on voit des personnes écrire, comme médiums,
d'admirables poésies, quoique, dans les conditions ordinaires, elles
n'aient jamais pu ou su faire deux vers ; d'autres, au contraire, qui sont
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 180
poètes, et qui, comme médiums, n'ont jamais pu écrire que de la prose,
malgré leur désir. Il en est de même du dessin, de la musique, etc.. Il y en
a qui, sans avoir par eux-mêmes des connaissances scientifiques, ont une
aptitude plus particulière pour recevoir des communications savantes ;
d'autres sont pour les études historiques ; d'autres servent plus aisément
d'interprètes aux Esprits moralistes ; en un mot, quelle que soit la
flexibilité du médium, les communications qu'il reçoit avec le plus de
facilité ont généralement un cachet spécial ; il en est même qui ne sortent
pas d'un certain cercle d'idées, et quand ils s'en écartent, ils n'ont que des
communications incomplètes, laconiques et souvent fausses. En dehors
des causes d'aptitude, les Esprits se communiquent encore plus ou moins
volontiers par tel ou tel intermédiaire, selon leurs sympathies ; ainsi,
toutes choses égales d'ailleurs, le même Esprit sera beaucoup plus
explicite avec certains médiums, uniquement parce qu'ils lui conviennent
mieux.
186. On serait donc dans l'erreur si, par cela seul qu'on a sous la main
un bon médium, eût-il même l'écriture la plus facile, on pensait obtenir
par lui de bonnes communications en tous genres. La première condition
est, sans contredit, de s'assurer de la source d'où elles émanent, c'est-àdire
des qualités de l'Esprit qui les transmet ; mais il n'est pas moins
nécessaire d'avoir égard aux qualités de l'instrument que l'on donne à
l'Esprit ; il faut donc étudier la nature du médium comme on étudie la
nature de l'Esprit, car ce sont là les deux éléments essentiels pour obtenir
un résultat satisfaisant. Il en est un troisième qui joue un rôle également
important, c'est l'intention, la pensée intime, le sentiment plus ou moins
louable de celui qui interroge ; et cela se conçoit : Pour qu'une
communication soit bonne, il faut qu'elle émane d'un Esprit bon ; pour
que ce bon Esprit PUISSE la transmettre, il lui faut un bon instrument ;
pour qu'il VEUILLE la transmettre, il faut que le but lui convienne.
L'Esprit, qui lit dans la pensée, juge si la question qu'on lui propose
mérite une réponse sérieuse, et si la personne qui la lui adresse est digne
de la recevoir ; dans le cas contraire, il ne perd pas son temps à semer de
bons grains sur des pierres, et c'est alors que les Esprits légers et
moqueurs se donnent carrière, parce que, s'inquiétant peu de la vérité, ils
n'y regardent pas de si près, et sont généralement assez peu scrupuleux
sur le but et sur les moyens.
MEDIUMS SPECIAUX 181
Nous résumons ici les principaux genres de médiumnité afin d'en
présenter, en quelque sorte, le tableau synoptique, comprenant ceux que
nous avons déjà décrits dans les chapitres précédents, en indiquant les
numéros où il en est question avec plus de détails.
Nous avons groupé les différentes variétés de médiums par analogie
de causes et d'effets, sans que cette classification ait rien d'absolu.
Quelques-unes se rencontrent fréquemment ; d'autres, au contraire, sont
rares et même exceptionnelles, ce que nous avons soin de mentionner.
Ces dernières indications ont toutes été fournies par les Esprits qui, du
reste, ont revu ce tableau avec un soin tout particulier et l'ont complété
par de nombreuses observations et de nouvelles catégories, de telle sorte
qu'il est, pour ainsi dire, entièrement leur ouvrage. Nous avons indiqué
par des guillemets leurs observations textuelles lorsque nous avons cru
devoir les faire ressortir. Elles sont pour la plupart d'Eraste et de
Socrate.
Tableau synoptique des différentes variétés de médiums.
187. On peut diviser les médiums en deux grandes catégories :
LES MEDIUMS A EFFETS PHYSIQUES ; ceux qui ont le pouvoir
de provoquer des effets matériels ou des manifestations ostensibles.
(N° 160.)
LES MEDIUMS A EFFETS INTELLECTUELS ; ceux qui sont plus
spécialement propres à recevoir et à transmettre les communications
intelligentes. (N° 65 et suivants.)
Toutes les autres variétés se rattachent plus ou moins directement à
l'une ou à l'autre de ces deux catégories ; quelques-unes tiennent aux
deux. Si l'on analyse les différents phénomènes produits sous l'influence
médianimique, on verra que, dans tous, il y a un effet physique, et qu'aux
effets physiques se joint le plus souvent un effet intelligent. La limite
entre les deux est quelquefois difficile à établir, mais cela ne tire à
aucune conséquence. Nous comprenons sous la dénomination de
médiums à effets intellectuels ceux qui peuvent plus spécialement servir
d'intermédiaires pour les communications régulières et suivies. (N° 133.)
188. Variétés communes à tous les genres de médiumnité.
Médiums sensitifs ; personnes susceptibles de ressentir la présence des
esprits par une impression générale ou locale, vague ou matérielle. La
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 182
plupart distinguent les Esprits bons ou mauvais à la nature de
l'impression. (N° 164.)
«Les médiums délicats et très sensitifs doivent s'abstenir des
communications avec les Esprits violents ou dont l'impression est
pénible, à cause de la fatigue qui en résulte.»
Médiums naturels ou inconscients ; ceux qui produisent les
phénomènes spontanément, sans aucune participation de leur volonté, et
Médiums facultatifs ou volontaires ; ceux qui ont la puissance de
le plus souvent à leur insu. (N° 161.)
provoquer les phénomènes par un acte de leur volonté. (N° 160.)
«Quelle que soit cette volonté, ils ne peuvent rien si les Esprits s'y
refusent ; ce qui prouve l'intervention d'une puissance étrangère.»
189. Variétés spéciales pour les effets physiques.
Médiums typteurs ; ceux par l'influence desquels se produisent les
bruits et les coups frappés. Variété très commune, avec ou sans la
volonté.
Médiums moteurs ; ceux qui produisent le mouvement des corps
inertes. Très communs. (N° 61.)
Médiums à translations et à suspensions ; ceux qui produisent la
translation aérienne et la suspension des corps inertes dans l'espace sans
point d'appui. Il en est qui peuvent s'élever eux-mêmes. Plus ou moins
rares, selon le développement du phénomène ; très rares dans le dernier
cas. (N° 75 et suivants ; n° 80.)
Médiums à effets musicaux ; ils provoquent le jeu de certains
instruments sans contact. Très rares. (N° 74 ; question 24.)
Médiums à apparitions ; ceux qui peuvent provoquer des apparitions
fluidiques ou tangibles, visibles pour les assistants. Très exceptionnels.
(N° 100 ; question 27 ; n° 104.)
Médiums à apports ; ceux qui peuvent servir d'auxiliaires aux Esprits
pour l'apport d'objets matériels. Variété des médiums moteurs et à
translations. Exceptionnels. (N° 96.)
Médiums nocturnes ; ceux qui n'obtiennent certains effets physiques
que dans l'obscurité. Voici la réponse d'un Esprit à la question de savoir
si l'on peut considérer ces médiums comme formant une variété.
«On peut certainement en faire une spécialité, mais ce phénomène
tient plutôt à des conditions ambiantes qu'à la nature du médium ou des
MEDIUMS SPECIAUX 183
(ERASTE).
Esprits ; je dois ajouter que quelques-uns échappent à cette influence du
milieu, et que la plupart des médiums nocturnes pourraient arriver, par
l'exercice, à agir aussi bien à la lumière que dans l'obscurité. Cette
variété de médiums est peu nombreuse ; et, il faut bien le dire, à la
faveur de cette condition qui laisse toute liberté dans l'emploi des trucs,
de la ventriloquie et des tuyaux acoustiques, des charlatans ont trop
souvent abusé de la crédulité en se faisant passer pour médiums afin de
récolter des écus. Mais qu'importe ? les jongleurs en chambre, comme
les jongleurs de place publique, seront cruellement démasqués, et les
Esprits leur prouveront qu'il ne fait pas bon s'immiscer dans leurs
oeuvres. Oui, je le répète, certains charlatans recevront sur les doigts
d'une façon assez rude pour les dégoûter du métier de faux médiums. Du
reste, tout cela n'aura qu'un temps.»
Médiums pneumatographes ; ceux qui obtiennent l'écriture directe.
Phénomène très rare, et surtout très facile à imiter par la jonglerie.
(N° 177.)
Remarque. Les Esprits ont insisté, contre notre opinion, pour placer l'écriture
directe parmi les phénomènes de l'ordre physique, par la raison, ont-ils dit, que :
«Les effets intelligents sont ceux pour lesquels l'Esprit se sert des matériaux
cérébraux du médium, ce qui n'est pas le cas dans l'écriture directe ; l'action du
médium est ici toute matérielle, tandis que chez le médium écrivain, même
complètement mécanique, le cerveau joue toujours un rôle actif.»
Médiums guérisseurs ; ceux qui ont le pouvoir de guérir ou de
soulager par l'imposition des mains ou la prière.
«Cette faculté n'est pas essentiellement médianimique ; elle appartient
à tous les vrais croyants, qu'ils soient médiums ou non ; elle n'est
souvent qu'une exaltation de la puissance magnétique fortifiée en cas de
besoin par le concours de bons Esprits.» (N° 175.)
Médiums excitateurs ; personnes qui ont le pouvoir de développer
chez les autres, par leur influence, la faculté d'écrire.
«C'est plutôt ici un effet magnétique qu'un fait de médiumnité
proprement dite, car rien ne prouve l'intervention d'un Esprit. Dans tous
les cas, il appartient à l'ordre des effets physiques.» (Voir le chapitre de
la Formation des médiums.)
190. Médiums spéciaux pour les effets intellectuels. Aptitudes diverses.
Médiums auditifs ; ceux qui entendent les Esprits. Assez communs.
(N° 165.)
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 184
«Il y en a beaucoup qui se figurent entendre ce qui n'est que dans leur
imagination.»
Médiums parlants ; ceux qui parlent sous l'influence des Esprits.
Assez communs. (N° 166.)
Médiums voyants ; ceux qui voient les Esprits à l'état de veille. La vue
accidentelle et fortuite d'un Esprit dans une circonstance particulière est
assez fréquente ; mais la vue habituelle ou facultative des Esprits sans
distinction est exceptionnelle. (N° 167.)
«C'est une aptitude à laquelle s'oppose l'état actuel des organes ; c'est
pourquoi il est utile de ne pas toujours croire sur parole ceux qui disent
voir les Esprits.»
Médiums inspirés ; ceux auxquels des pensées sont suggérées par les
Esprits, le plus souvent à leur insu, soit pour les actes ordinaires de la
vie, soit pour les grands travaux de l'intelligence. (N° 182.)
Médiums à pressentiments ; personnes qui, dans certaines
circonstances, ont une vague intuition des choses futures vulgaires.
(N° 184.)
Médiums prophétiques ; variété des médiums inspirés ou à
pressentiments ; ils reçoivent, avec la permission de Dieu, et avec plus
de précision que les médiums à pressentiments, la révélation des choses
futures d'un intérêt général, et qu'ils sont chargés de faire connaître aux
hommes pour leur instruction.
«S'il y a de vrais prophètes, il y en a plus encore de faux, et qui
prennent les rêves de leur imagination pour des révélations, quand ce ne
sont pas des fourbes qui se font passer pour tels par ambition.» (Voir au
Livre des Esprits, n° 624, caractères du vrai prophète.)
Médiums somnambules ; ceux qui, dans l'état de somnambulisme, sont
assistés par des Esprits. (N° 172.)
Médiums extatiques ; ceux qui, dans l'état d'extase, reçoivent des
révélations de la part des Esprits.
«Beaucoup d'extatiques sont le jouet de leur propre imagination et des
Esprits trompeurs qui profitent de leur exaltation. Ceux qui méritent une
entière confiance sont très rares.»
Médiums peintres et dessinateurs ; ceux qui peignent ou dessinent
sous l'influence des Esprits. Nous parlons de ceux qui obtiennent des
choses sérieuses, car on ne saurait donner ce nom à certains médiums
MEDIUMS SPECIAUX 185
auxquels des Esprits moqueurs font faire des choses grotesques que
désavouerait le dernier écolier.
Les Esprits légers sont imitateurs. A l'époque où parurent les
remarquables dessins de Jupiter, il surgit un grand nombre de prétendus
médiums dessinateurs, auxquels des Esprits moqueurs s'amusèrent à
faire faire les choses les plus ridicules. L'un d'eux, entre autres, voulant
éclipser les dessins de Jupiter, au moins par la dimension si ce n'est par
la qualité, fit dessiner à un médium un monument occupant un assez
grand nombre de feuilles pour atteindre la hauteur de deux étages.
Beaucoup d'autres firent faire de soi-disant portraits qui étaient de
véritables caricatures. (Revue spirite, août 1858.)
Médiums musiciens ; ceux qui exécutent, composent ou écrivent de la
musique sous l'influence des Esprits. Il y a des médiums musiciens
mécaniques, semi-mécaniques, intuitifs, et inspirés comme pour les
communications littéraires. (Voir Médiums à effets musicaux.)
Variétés des médiums écrivains.
191. 1° Selon le mode d'exécution.
Médiums écrivains ou psychographes ; ceux qui ont la faculté d'écrire
eux-mêmes sous l'influence des Esprits.
Médiums écrivains mécaniques ; ceux dont la main reçoit une
impulsion involontaire et qui n'ont aucune conscience de ce qu'ils
écrivent. Très rares. (N° 179.)
Médiums semi-mécaniques ; ceux dont la main marche
involontairement, mais qui ont la conscience instantanée des mots ou des
phrases à mesure qu'ils écrivent. Les plus communs. (N° 181.)
Médiums intuitifs ; ceux à qui les Esprits se communiquent par la
pensée et dont la main est guidée par la volonté. Ils diffèrent des
médiums inspirés, en ce que ces derniers n'ont pas besoin d'écrire, tandis
que le médium intuitif écrit la pensée qui lui est suggérée instantanément
sur un sujet déterminé et provoqué. (N° 180.)
«Ils sont très communs, mais aussi très sujets à l'erreur, parce que
souvent ils ne peuvent discerner ce qui provient des Esprits ou de leur
propre fait.»
Médiums polygraphes ; ceux dont l'écriture change avec l'Esprit qui se
communique, ou qui sont aptes à reproduire l'écriture que l'Esprit avait
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 186
de son vivant. Le premier cas est très ordinaire ; le second, celui de
Médiums polyglottes ; ceux qui ont la faculté de parler ou d'écrire dans
Médiums illettrés ; ceux qui écrivent, comme médiums sans savoir ni
l'identité de l'écriture, est plus rare. (N° 219.)
des langues qui leur sont étrangères. Très rares.
lire ni écrire dans l'état ordinaire.
«Plus rares que les précédents ; il y a une plus grande difficulté
matérielle à vaincre.»
192. 2° Selon le développement de la faculté.
Médiums novices ; ceux dont les facultés ne sont point encore
complètement développées et qui manquent de l'expérience nécessaire.
Médiums improductifs ; ceux qui ne parviennent à obtenir que des
choses insignifiantes, des monosyllabes, des traits ou des lettres sans
suite. (Voir le chapitre de la Formation des médiums.)
Médiums faits ou formés ; ce sont ceux dont les facultés
médianimiques sont complètement développées, qui transmettent les
communications qu'ils reçoivent avec facilité, promptitude, sans
hésitation. On conçoit que ce résultat ne peut s'obtenir que par
l'habitude, tandis que, chez les médiums novices, les communications
sont lentes et difficiles.
Médiums laconiques ; ceux dont les communications, quoique faciles,
sont brèves et sans développement.
Médiums explicites ; les communications qu'ils obtiennent ont toute
l'ampleur et toute l'étendue que l'on peut attendre d'un écrivain
consommé.
«Cette aptitude tient à l'expansion et à la facilité de combinaison des
fluides ; les Esprits les recherchent pour traiter les sujets qui comportent
de grands développements.»
Médiums expérimentés. La facilité d'exécution est une affaire
d'habitude qui s'acquiert souvent en peu de temps, tandis que
l'expérience est le résultat d'une étude sérieuse de toutes les difficultés
qui se présentent dans la pratique du spiritisme. L'expérience donne au
médium le tact nécessaire pour apprécier la nature des Esprits qui se
manifestent, juger leurs qualités bonnes ou mauvaises par les signes les
plus minutieux, discerner la fourberie des Esprits trompeurs qui
s'abritent sous les apparences de la vérité. On comprend facilement
MEDIUMS SPECIAUX 187
l'importance de cette qualité, sans laquelle toutes les autres sont sans
utilité réelle ; le mal est que beaucoup de médiums confondent
l'expérience, fruit de l'étude, avec l'aptitude, produit de l'organisation ;
ils se croient passés maîtres parce qu'ils écrivent facilement ; ils
répudient tous conseils et deviennent la proie des Esprits menteurs et
hypocrites qui les captent en flattant leur orgueil. (Voir, ci-après, le
chapitre de l'Obsession.)
Médiums flexibles ; ceux dont la faculté se prête plus facilement aux
divers genres de communications, et par lesquels tous les Esprits, ou à
peu près, peuvent se manifester, spontanément ou par évocation.
«Cette variété de médiums se rapproche beaucoup des médiums
sensitifs.»
Médiums exclusifs ; ceux par lesquels un Esprit se manifeste de
préférence, et même à l'exclusion de tous autres, et répond pour ceux que
l'on appelle par l'entremise du médium.
«Cela tient toujours à un défaut de flexibilité ; quand l'Esprit est bon,
il peut s'attacher au médium par sympathie et dans un but louable ;
quand il est mauvais, c'est toujours en vue de mettre le médium sous sa
dépendance. C'est plutôt un défaut qu'une qualité, et très voisin de
l'obsession.» (Voir le chapitre de l'Obsession.)
Médiums à évocations ; les médiums flexibles sont naturellement les
plus propres à ce genre de communication, et aux questions de détail
qu'on peut adresser aux Esprits. Il y a sous ce rapport des médiums tout à
fait spéciaux.
«Leurs réponses se renferment presque toujours dans un cadre
restreint, incompatible avec le développement des sujets généraux.»
Médiums à dictées spontanées ; ils reçoivent de préférence des
communications spontanées de la part d'Esprits qui se présentent sans
être appelés. Lorsque cette faculté est spéciale chez un médium, il est
difficile, quelquefois même impossible, de faire par lui une évocation.
«Cependant, ils sont mieux outillés que ceux de la nuance précédente.
Comprenez que l'outillage s'entend ici des matériaux cérébraux, car il
faut souvent, je dirai même toujours, une plus grande somme
d'intelligence pour les dictées spontanées que pour les évocations.
Entendez ici par dictées spontanées celles qui méritent véritablement ce
nom, et non pas quelques phrases incomplètes ou quelques pensées
banales qui se retrouvent dans tous les casiers humains.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 188
193. 3° Selon le genre et la spécialité des communications.
Médiums versificateurs ; ils obtiennent plus facilement que d'autres
des communications versifiées. Assez communs pour les mauvais vers ;
très rares pour les bons.
Médiums poétiques ; sans obtenir de vers, les communications qu'ils
reçoivent ont quelque chose de vaporeux, de sentimental ; rien n'y sent la
rudesse ; ils sont, plus que d'autres, propres à l'expression des sentiments
tendres et affectueux. Tout y est vague, et il serait inutile de leur
demander rien de précis. Très communs.
Médiums positifs ; leurs communications ont, en général, un caractère
de netteté et de précision qui se prête volontiers aux détails
circonstanciés, aux renseignements exacts. Assez rares.
Médiums littéraires ; ils n'ont ni le vague des médiums poétiques, ni le
terre à terre des médiums positifs ; mais ils dissertent avec sagacité ; leur
style est correct, élégant et souvent d'une remarquable éloquence.
Médiums incorrects ; ils peuvent obtenir de très bonnes choses, des
pensées d'une moralité irréprochable, mais leur style est diffus, incorrect,
surchargé de répétitions et de termes impropres.
«L'incorrection matérielle du style tient généralement au défaut de
culture intellectuelle du médium qui n'est pas, pour l'Esprit, un bon
instrument sous ce rapport ; l'Esprit y attache peu d'importance ; pour lui
la pensée est la chose essentielle, et il vous laisse libre d'y donner la
forme convenable. Il n'en est pas de même des idées fausses et illogiques
que peut renfermer une communication ; elles sont toujours un indice de
l'infériorité de l'Esprit qui se manifeste.»
Médiums historiens ; ceux qui ont une aptitude spéciale pour les
développements historiques. Cette faculté, comme toutes les autres, est
indépendante des connaissances du médium, car on voit des gens sans
instruction, et même des enfants, traiter des sujets bien au-dessus de leur
portée. Variété rare des médiums positifs.
Médiums scientifiques ; nous ne disons pas savants, car ils peuvent
être fort ignorants ; et nonobstant cela ils sont plus spécialement propres
aux communications relatives aux sciences.
Médiums médicaux ; leur qualité est de servir plus facilement
d'interprètes aux Esprits pour les prescriptions médicales. Il ne faut pas
les confondre avec les médiums guérisseurs, car ils ne font absolument
MEDIUMS SPECIAUX 189
que transmettre la pensée de l'Esprit, et n'ont par eux-mêmes aucune
influence. Assez communs.
Médiums religieux ; ils reçoivent plus spécialement des
communications d'un caractère religieux, ou qui traitent les questions de
religion, nonobstant leurs croyances ou leurs habitudes.
Médiums philosophes et moralistes ; leurs communications ont
généralement pour objet les questions de morale et de haute philosophie.
Très communs pour la morale.
«Toutes ces nuances sont des variétés d'aptitudes de bons médiums.
Quant à ceux qui ont une aptitude spéciale pour certaines
communications scientifiques, historiques, médicales ou autres, audessus
de leur portée actuelle, soyez persuadés qu'ils ont possédé ces
connaissances dans une autre existence, et qu'elles sont restées chez eux
à l'état latent ; elles font partie des matériaux cérébraux nécessaires à
l'Esprit qui se manifeste ; ce sont les éléments qui lui facilitent la voie
pour communiquer ses propres idées, car ces médiums sont pour lui des
instruments plus intelligents et plus souples que ne le serait une brute.»
(ERASTE.)
Médiums à communications triviales et ordurières ; ces mots
indiquent le genre de communications que certains médiums reçoivent
d'habitude, et la nature des Esprits qui les font. Quiconque a étudié le
monde spirite à tous les degrés de l'échelle sait qu'il y en a dont la
perversité égale celle des hommes les plus dépravés, et qui se
complaisent à exprimer leurs pensées dans les termes les plus grossiers.
D'autres, moins abjects, se contentent d'expressions triviales. On
comprend que ces médiums doivent avoir le désir d'être délivrés de la
préférence que ces Esprits leur accordent, et qu'ils doivent envier ceux
qui, dans les communications qu'ils reçoivent, n'ont jamais eu un mot
malséant. Il faudrait une étrange aberration d'idées et avoir divorcé avec
le bon sens, pour croire qu'un pareil langage puisse être le fait de bons
Esprits.
194. 4° Selon les qualités physiques du médium.
Médiums calmes ; ils écrivent toujours avec une certaine lenteur et
sans éprouver la moindre agitation.
Médiums véloces ; ils écrivent avec une rapidité plus grande qu'ils ne
pourraient le faire volontairement dans l'état ordinaire. Les Esprits se
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 190
communiquent à eux avec la promptitude de l'éclair ; on dirait qu'il y a
en eux une surabondance de fluide qui leur permet de s'identifier
instantanément avec l'Esprit. Cette qualité a quelquefois son
inconvénient, c'est que la rapidité de l'écriture rend celle-ci très difficile
à lire pour tout autre que pour le médium.
«Elle est même très fatigante, parce qu'elle dépense trop de fluide
inutilement.»
Médiums convulsifs ; ils sont dans un état de surexcitation presque
fébrile ; leur main, et quelquefois toute leur personne est agitée d'un
tremblement qu'ils ne peuvent maîtriser. La cause première en est sans
doute dans l'organisation, mais elle dépend beaucoup aussi de la nature
des Esprits qui se communiquent à eux ; les Esprits bons et bienveillants
font toujours une impression douce et agréable ; les mauvais, au
contraire, en font une pénible.
«Il faut que ces médiums ne se servent que rarement de leur faculté
médianimique, dont l'usage trop fréquent pourrait affecter le système
nerveux.» (Chapitre de l'Identité, distinction des bons et des mauvais
Esprits.)
195. 5° Selon les qualités morales du médium.
Nous les mentionnons sommairement pour mémoire et pour compléter
le tableau, attendu qu'elles seront développées ci-après dans les chapitres
spéciaux : De l'Influence morale des médiums, De l'Obsession, De
l'Identité des Esprits, et autres, sur lesquels nous appelons une attention
particulière ; on y verra l'influence que les qualités et les travers des
médiums peuvent exercer sur la sûreté des communications, et quels sont
ceux que l'on peut avec raison considérer comme médiums imparfaits ou
bons médiums.
196. Médiums imparfaits.
Médiums obsédés ; ceux qui ne peuvent se débarrasser d'Esprits
Médiums fascinés ; ceux qui sont abusés par des Esprits trompeurs et
Médiums subjugués ; ceux qui subissent une domination morale et
Médiums légers ; ceux qui ne prennent point leur faculté au sérieux, et
importuns et trompeurs, mais ne s'abusent pas.
se font illusion sur la nature des communications qu'ils reçoivent.
souvent matérielle de la part de mauvais Esprits.
ne s'en servent que comme amusement ou pour des choses futiles.
MEDIUMS SPECIAUX 191
Médiums indifférents ; ceux qui ne tirent aucun profit moral des
instructions qu'ils reçoivent et ne modifient en rien leur conduite et leurs
habitudes.
Médiums présomptueux ; ceux qui ont la prétention d'être seuls en
rapport avec des Esprits supérieurs. Ils croient à leur infaillibilité, et
regardent comme inférieur et erroné tout ce qui ne vient pas d'eux.
Médiums orgueilleux ; ceux qui tirent vanité des communications
qu'ils reçoivent ; ils croient n'avoir plus rien à apprendre en spiritisme, et
ne prennent pas pour eux les leçons qu'ils reçoivent souvent de la part
des Esprits. Ils ne se contentent pas des facultés qu'ils possèdent : ils
veulent les avoir toutes.
Médiums susceptibles ; variété des médiums orgueilleux ; ils se
blessent des critiques dont leurs communications peuvent être l'objet ; ils
se fâchent de la moindre contradiction, et s'ils montrent ce qu'ils
obtiennent, c'est pour le faire admirer et non pour demander des avis.
Généralement ils prennent en aversion les personnes qui n'y
applaudissent pas sans réserve, et désertent les réunions où ils ne
peuvent s'imposer et dominer.
(ERASTE.)
«Laissez-les aller se pavaner ailleurs et chercher des oreilles plus
complaisantes ou se retirer dans l'isolement ; les réunions qu'ils privent
de leur présence ne font pas une grande perte.»
Médiums mercenaires ; ceux qui exploitent leur faculté.
Médiums ambitieux ; ceux qui, sans mettre à prix leur faculté, espèrent
en tirer des avantages quelconques.
Médiums de mauvaise foi ; ceux qui, ayant des facultés réelles,
simulent celles qu'ils n'ont pas pour se donner de l'importance. On ne
peut donner le titre de médium aux personnes qui, n'ayant aucune faculté
médianimique, ne produisent des effets que par la jonglerie.
Médiums égoïstes ; ceux qui ne se servent de leur faculté que pour leur
usage personnel, et gardent pour eux les communications qu'ils
reçoivent.
Médiums jaloux ; ceux qui voient avec dépit d'autres médiums mieux
appréciés et qui leur sont supérieurs.
Toutes ces mauvaises qualités ont nécessairement leur contrepartie en
bien.
197. Bons médiums.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 192
Médiums sérieux ; ceux qui ne se servent de leur faculté que pour le
bien et pour des choses vraiment utiles ; ils croiraient la profaner en la
faisant servir à la satisfaction des curieux et des indifférents ou pour des
futilités.
Médiums modestes ; ceux qui ne se font aucun mérite des
communications qu'ils reçoivent, quelque belles qu'elles soient ; ils s'y
regardent comme étrangers, et ne se croient pas à l'abri des
mystifications. Loin de fuir les avis désintéressés, ils les sollicitent.
Médiums dévoués ; ceux qui comprennent que le vrai médium a une
mission à remplir et doit, quand cela est nécessaire, sacrifier ses goûts,
ses habitudes, ses plaisirs, son temps, et même ses intérêts matériels, au
bien des autres.
Médiums sûrs ; ceux qui, outre la facilité d'exécution, méritent le plus
de confiance, par leur propre caractère, la nature élevée des Esprits dont
ils sont assistés, et qui sont le moins exposés à être trompés. Nous
verrons plus tard que cette sécurité ne dépend nullement des noms plus
ou moins respectables que prennent les Esprits.
«Il est incontestable, vous le sentez bien, qu'en épiloguant ainsi les
qualités et les travers des médiums, cela suscitera des contrariétés et
même des animosités chez quelques-uns ; mais qu'importe ? la
médiumnité se répand de jour en jour davantage, et le médium qui
prendrait ces réflexions en mal prouverait une chose, c'est qu'il n'est pas
bon médium, c'est-à-dire qu'il est assisté par de mauvais Esprits. Au
reste, comme je l'ai dit, tout cela n'aura qu'un temps, et les mauvais
médiums, ceux qui abusent ou mésusent de leurs facultés, en subiront de
tristes conséquences, comme cela est déjà arrivé pour quelques-uns ; ils
apprendront à leurs dépens ce qu'il en coûte de faire tourner au profit de
leurs passions terrestres un don que Dieu ne leur avait accordé que pour
leur avancement moral. Si vous ne pouvez les ramener dans la bonne
voie, plaignez-les, car, je puis le dire, ils sont réprouvés de Dieu.»
(ERASTE.)
«Ce tableau est d'une grande importance, non seulement pour les
médiums sincères qui chercheront de bonne foi, en le lisant, à se
préserver des écueils auxquels ils sont exposés, mais aussi pour tous
ceux qui se servent de médiums, parce qu'il leur donnera la mesure de ce
qu'ils peuvent rationnellement en attendre. Il devrait être constamment
sous les yeux de quiconque s'occupe de manifestations, de même que
MEDIUMS SPECIAUX 193
l'échelle spirite dont il est le complément ; ces deux tableaux résument
tous les principes de la doctrine, et contribueront, plus que vous ne le
croyez, à ramener le spiritisme dans sa véritable voie.» (SOCRATE.)
198. Toutes ces variétés de médiums présentent des degrés infinis
dans leur intensité ; il en est plusieurs qui ne constituent, à proprement
parler, que des nuances, mais qui n'en sont pas moins le fait d'aptitudes
spéciales. On conçoit qu'il doit être assez rare que la faculté d'un
médium soit rigoureusement circonscrite dans un seul genre ; le même
médium peut sans doute avoir plusieurs aptitudes, mais il y en a toujours
une qui domine, et c'est celle qu'il doit s'attacher à cultiver si elle est
utile. C'est un tort grave que de vouloir pousser quand même au
développement d'une faculté qu'on ne possède pas ; il faut cultiver toutes
celles dont on reconnaît le germe en soi ; mais poursuivre les autres, c'est
d'abord perdre son temps, et en second lieu perdre peut-être, affaiblir
pour sûr, celles dont on est doué.
(SOCRATE.)
«Lorsque le principe, le germe d'une faculté existe, elle se manifeste
toujours par des signes non équivoques. En se renfermant dans sa
spécialité, le médium peut exceller et obtenir de grandes et belles
choses ; en s'occupant de tout, il n'obtiendra rien de bien. Remarquez en
passant que le désir d'étendre indéfiniment le cercle de ses facultés est
une prétention orgueilleuse que les Esprits ne laissent jamais impunie ;
les bons abandonnent toujours le présomptueux, qui devient ainsi le
jouet des Esprits menteurs. Il n'est malheureusement pas rare de voir des
médiums ne pas se contenter des dons qu'ils ont reçus, et aspirer, par
amour-propre ou ambition, à posséder des facultés exceptionnelles
propres à les faire remarquer ; cette prétention leur ôte la qualité la plus
précieuse : celle de médiums sûrs.»
199. L'étude de la spécialité des médiums est nécessaire, non
seulement pour ceux-ci, mais encore pour l'évocateur. Selon la nature de
l'Esprit que l'on désire appeler et les questions qu'on veut adresser, il
convient de choisir le médium le plus apte à la chose ; s'adresser au
premier venu, c'est s'exposer à des réponses incomplètes ou erronées.
Prenons une comparaison dans les faits usuels. On ne confiera pas une
rédaction, même une simple copie, au premier venu parce qu'il sait
écrire. Un musicien veut faire exécuter un morceau de chant de sa
composition ; il a à sa disposition plusieurs chanteurs, tous habiles ;
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVI 194
cependant, il ne les prendra pas au hasard ; il choisira pour son interprète
celui dont la voix, l'expression, toutes les qualités en un mot répondent
le mieux à la nature du morceau. Les Esprits font de même à l'égard des
médiums et nous devons faire comme les Esprits.
Il est en outre à remarquer que les nuances que présente la
médiumnité, et auxquelles on pourrait encore en ajouter d'autres, ne sont
pas toujours en rapport avec le caractère du médium ; ainsi, par exemple,
un médium naturellement gai et jovial peut avoir habituellement des
communications graves, même sévères et vice versa : c'est encore une
preuve évidente qu'il agit sous l'impulsion d'une influence étrangère.
Nous reviendrons sur ce sujet dans le chapitre qui traite de l'Influence
morale du médium.
CHAPITRE XVII.
FORMATION DES MEDIUMS.
Développement de la médiumnité.
200. Nous nous occuperons spécialement ici des médiums écrivains,
parce que c'est le genre de médiumnité le plus répandu, et en outre parce
que c'est à la fois le plus simple, le plus commode, celui qui donne les
résultats les plus satisfaisants et les plus complets ; c'est aussi celui que
tout le monde ambitionne. Il n'y a malheureusement jusqu'à présent
aucun diagnostic qui puisse indiquer, même approximativement, que l'on
possède cette faculté ; les signes physiques auxquels certaines personnes
ont cru voir des indices n'ont rien de certain. On la trouve chez les
enfants et les vieillards, chez les hommes et les femmes, quels que soient
le tempérament, l'état de santé, le degré de développement intellectuel et
moral. Il n'y a qu'un seul moyen d'en constater l'existence, c'est
d'essayer.
On peut obtenir l'écriture, comme nous l'avons vu, par le moyen des
corbeilles et planchettes, ou directement avec la main ; ce dernier mode
étant le plus facile, et l'on peut dire le seul employé aujourd'hui, c'est
celui auquel nous engageons à s'adonner de préférence. Le procédé est
des plus simples ; il consiste tout uniment à prendre un crayon et du
papier, et à se mettre dans la position d'une personne qui écrit, sans autre
préparation ; mais, pour réussir, plusieurs recommandations sont
indispensables.
201. Comme disposition matérielle, nous recommandons d'éviter tout
ce qui peut gêner le libre mouvement de la main ; il est même préférable
que celle-ci ne repose pas du tout sur le papier. La pointe du crayon doit
appuyer suffisamment pour tracer, mais pas assez pour éprouver de la
résistance. Toutes ces précautions deviennent inutiles une fois que l'on
est parvenu à écrire couramment, car alors nul obstacle ne saurait
arrêter : ce ne sont que les préliminaires de l'écolier.
202. Il est indifférent de se servir de la plume ou du crayon ; certains
médiums préfèrent la plume, mais elle ne peut convenir qu'à ceux qui
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 196
sont formés et qui écrivent posément ; il y en a qui écrivent avec une
telle vélocité, que l'usage de la plume serait presque impossible ou du
moins très incommode ; il en est de même quand l'écriture est saccadée
et irrégulière, ou quand on a affaire à des Esprits violents qui frappent
avec la pointe et la brisent en déchirant le papier.
203. Le désir de tout aspirant médium est naturellement de pouvoir
s'entretenir avec l'Esprit des personnes qui lui sont chères, mais il doit
modérer son impatience, car la communication avec un Esprit déterminé
offre souvent des difficultés matérielles qui la rendent impossible pour le
débutant. Pour qu'un Esprit puisse se communiquer, il faut entre lui et le
médium des rapports fluidiques qui ne s'établissent pas toujours
instantanément ; ce n'est qu'à mesure que la faculté se développe que le
médium acquiert peu à peu l'aptitude nécessaire pour entrer en relation
avec le premier Esprit venu. Il se peut donc que celui avec lequel on
désire communiquer ne soit pas dans des conditions propices pour le
faire malgré sa présence, comme il se peut aussi qu'il n'ait ni la
possibilité, ni la permission de se rendre à l'appel qui lui est fait. C'est
pourquoi il convient, au début, de ne pas s'obstiner à demander un Esprit
déterminé à l'exclusion de tout autre, car il arrive souvent que ce n'est
pas avec celui-là que les rapports fluidiques s'établissent avec le plus de
facilité, quelque sympathie qu'on ait pour lui. Avant donc de songer à
obtenir des communications de tel ou tel Esprit, il faut pousser au
développement de la faculté, et pour cela il faut faire un appel général et
s'adresser surtout à son ange gardien.
Il n'y a point ici de formule sacramentelle ; quiconque prétendrait en
donner une peut hardiment être taxé de jonglerie, car pour les Esprits la
forme n'est rien. Toutefois l'évocation doit toujours être faite au nom de
Dieu ; on peut la faire dans les termes suivants ou tous autres
équivalents : Je prie Dieu tout-puissant de permettre à un bon Esprit de
se communiquer à moi et de me faire écrire ; je prie aussi mon ange
gardien de vouloir bien m'assister et d'écarter les mauvais Esprits. On
attend alors qu'un Esprit se manifeste en faisant écrire quelque chose. Il
se peut que ce soit celui qu'on désire, comme il se peut aussi que ce soit
un Esprit inconnu ou l'ange gardien, dans tous les cas il se fait
généralement connaître en écrivant son nom ; mais alors se présente la
question de l'identité, une de celles qui requièrent le plus d'expérience,
FORMATION DES MEDIUMS 197
car il est peu de débutants qui ne soient exposés à être trompés. Nous la
traitons ci-après dans un chapitre spécial.
Lorsqu'on veut faire appel à des Esprits déterminés, il est très
essentiel, en commençant, de ne s'adresser qu'à ceux que l'on sait être
bons et sympathiques et qui peuvent avoir un motif de venir, comme des
parents ou des amis. Dans ce cas l'évocation peut être ainsi formulée : Au
nom de Dieu tout-puissant, je prie l'Esprit d'un tel de se communiquer à
moi ; ou bien : Je prie Dieu tout-puissant de permettre à l'Esprit d'un tel
de se communiquer à moi ; ou toute autre formule répondant à la même
pensée. Il n'est pas moins nécessaire que les premières questions soient
conçues de telle sorte que la réponse soit simplement oui ou non, comme
par exemple : Es-tu là ? - Veux-tu me répondre ? Peux-tu me faire
écrire ? etc.. Plus tard, cette précaution devient inutile ; il ne s'agit au
commencement que d'un rapport à établir ; l'essentiel est que la question
ne soit pas futile, qu'elle n'ait point trait à des choses d'intérêt privé, et
surtout qu'elle soit l'expression d'un sentiment bienveillant et
sympathique pour l'Esprit auquel on s'adresse. (Voir ci-après le chapitre
spécial sur les Evocations.)
204. Une chose encore plus importante à observer que le mode
d'appel, c'est le calme et le recueillement joints à un désir ardent et à une
ferme volonté de réussir ; et par volonté, nous n'entendons pas ici une
volonté éphémère qui agit par saccade, et qui est à chaque minute
interrompue par d'autres préoccupations ; mais une volonté sérieuse,
persévérante, soutenue, sans impatience ni désir fiévreux. Le
recueillement est favorisé par la solitude, le silence et l'éloignement de
tout ce qui peut causer des distractions. Il ne reste plus alors qu'une
chose à faire, c'est de renouveler tous les jours ses tentatives pendant dix
minutes ou un quart d'heure au plus chaque fois, et cela pendant quinze
jour, un mois, deux mois et plus s'il le faut ; nous connaissons des
médiums qui ne se sont formés qu'après six mois d'exercice, tandis que
d'autres écrivent couramment dès la première fois.
205. Pour éviter des tentatives inutiles, on peut interroger, par un autre
médium, un Esprit sérieux et avancé ; mais il est à remarquer que,
lorsqu'on pose aux Esprits la question de savoir si l'on est ou non
médium, ils répondent presque toujours affirmativement, ce qui
n'empêche pas les essais d'être souvent infructueux. Ceci s'explique
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 198
naturellement. On fait à l'Esprit une question générale, il répond d'une
manière générale ; or, comme on le sait, rien n'est plus élastique que la
faculté médianimique, puisqu'elle peut se présenter sous les formes les
plus variées et à des degrés très différents. On peut donc être médium
sans s'en apercevoir et dans un sens qui n'est pas celui auquel on pense.
A cette question vague : Suis-je médium ? l'Esprit peut répondre oui ; à
cette autre plus précise : Suis-je médium écrivain ? il peut répondre non.
Il faut tenir compte aussi de la nature de l'Esprit que l'on interroge ; il y
en a de si légers et de si ignorants, qu'ils répondent à tort et à travers
comme de véritables étourdis ; c'est pourquoi nous disons de s'adresser à
des Esprits éclairés, qui répondent en général volontiers à ces questions
et indiquent la meilleure marche à suivre s'il y a possibilité de réussir.
206. Un moyen qui réussit assez souvent, consiste à employer comme
auxiliaire momentané un bon médium écrivain flexible déjà formé. S'il
pose sa main ou ses doigts sur la main qui doit écrire, il est rare que
celle-ci ne le fasse pas immédiatement ; on comprend ce qui se passe en
cette circonstance : la main qui tient le crayon devient en quelque sorte
un appendice de la main du médium, comme le serait une corbeille ou
une planchette ; mais cela n'empêche pas cet exercice d'être fort utile
quand on peut l'employer, en ce que, souvent et régulièrement répété, il
aide à surmonter l'obstacle matériel et provoque le développement de la
faculté. Il suffit encore quelquefois de magnétiser fortement dans cette
intention le bras et la main de celui qui veut écrire ; souvent même le
magnétiseur se borne à poser sa main sur l'épaule, et nous en avons vu
écrire promptement sous cette influence. Le même effet peut également
se produire sans aucun contact et par le fait seul de la volonté. On
conçoit sans peine que la confiance du magnétiseur en sa propre
puissance pour produire ce résultat doit jouer ici un grand rôle, et qu'un
magnétiseur incrédule aurait peu, sinon point d'action.
Le concours d'un guide expérimenté est en outre quelquefois fort utile
pour faire observer au débutant une foule de petites précautions qu'il
néglige souvent au détriment de la rapidité des progrès ; il l'est surtout
pour l'éclairer sur la nature des premières questions et la manière de les
poser. Son rôle est celui d'un professeur dont on se passe quand on est
assez habile.
FORMATION DES MEDIUMS 199
207. Un autre moyen qui peut aussi puissamment contribuer au
développement de la faculté consiste à réunir un certain nombre de
personnes, toutes animées du même désir et par la communauté
d'intention ; là, que toutes simultanément, dans un silence absolu, et avec
un religieux recueillement, essayent d'écrire en faisant chacune appel à
son ange gardien ou à un Esprit sympathique quelconque. L'une d'elles
peut également faire, sans désignation spéciale et pour tous les membres
de la réunion, un appel général à de bons Esprits, en disant, par
exemple : Au nom de Dieu tout-puissant, nous prions de bons Esprits de
vouloir bien se communiquer par les personnes ici présentes. Il est rare
que dans le nombre, il n'y en ait pas qui donnent promptement des signes
de médiumnité ou même écrivent couramment en peu de temps.
On comprend aisément ce qui se passe en cette circonstance. Les
personnes unies par une communauté d'intention forment un tout
collectif, dont la puissance et la sensibilité se trouvent accrues par une
sorte d'influence magnétique qui aide au développement de la faculté.
Parmi les Esprits attirés par ce concours de volontés, il en est qui
trouvent dans les assistants l'instrument qui leur convient ; si ce n'est
l'un, ce sera l'autre, et ils en profitent.
Ce moyen doit surtout être employé dans les groupes spirites qui
manquent de médiums, ou qui n'en ont pas en nombre suffisant.
208. On a cherché des procédés pour la formation des médiums,
comme on a cherché des diagnostics ; mais jusqu'à présent nous n'en
connaissons pas de plus efficaces que ceux que nous avons indiqués.
Dans la persuasion que l'obstacle au développement de la faculté est une
résistance toute matérielle, certaines personnes prétendent la vaincre par
une sorte de gymnastique presque disloquante des bras et de la tête.
Nous ne décrirons pas ce procédé qui nous vient de l'autre côté de
l'Atlantique, non seulement parce que nous n'avons aucune preuve de
son efficacité, mais par la conviction où nous sommes qu'il peut offrir du
danger pour les complexions délicates par l'ébranlement du système
nerveux. Si les rudiments de la faculté n'existent pas, rien ne saurait les
donner, pas même l'électrisation, qui a été employée sans succès dans le
même but.
209. La foi chez l'apprenti médium n'est pas une condition de rigueur ;
elle seconde les efforts, sans contredit, mais elle n'est pas indispensable ;
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 200
la pureté d'intention, le désir et la bonne volonté suffisent. On a vu des
personnes parfaitement incrédules être tout étonnées d'écrire malgré
elles, tandis que des croyants sincères n'y peuvent parvenir ; ce qui
prouve que cette faculté tient à une prédisposition organique.
210. Le premier indice d'une disposition à écrire est une sorte de
frémissement dans le bras et dans la main ; peu à peu la main est
entraînée par une impulsion qu'elle ne peut maîtriser. Souvent, elle ne
trace d'abord que des traits insignifiants ; puis les caractères se dessinent
de plus en plus nettement, et l'écriture finit par acquérir la rapidité de
l'écriture courante. Dans tous les cas, il faut abandonner la main à son
mouvement naturel, et n'apporter ni résistance ni propulsion.
Certains médiums écrivent couramment et avec facilité dès le début,
quelquefois même dès la première séance, ce qui est assez rare ; d'autres
font, pendant assez longtemps, des barres et de véritables exercices
calligraphiques ; les Esprits disent que c'est pour leur délier la main. Si
ces exercices se prolongeaient par trop, ou dégénéraient en signes
ridicules, il n'y aurait pas à douter que c'est un Esprit qui s'amuse, car les
bons Esprits ne font jamais rien faire d'inutile ; dans ce cas, il faudrait
redoubler de ferveur pour appeler l'assistance de ceux-ci. Si, malgré cela,
il n'y a pas de changement, il faut s'arrêter dès qu'on s'aperçoit qu'on
n'obtient rien de sérieux. On peut recommencer la tentative chaque jour,
mais il convient de cesser aux premiers signes équivoques pour ne pas
donner cette satisfaction aux Esprits moqueurs.
A ces observations un Esprit ajoute : «Il y a des médiums dont la
faculté ne peut aller au-delà de ces signes ; quand, au bout de quelques
mois, ils n'obtiennent que des choses insignifiantes, des oui ou des non,
ou des lettres sans suite, il est inutile de persister à noircir du papier en
pure perte ; ils sont médiums, mais médiums improductifs. Du reste, les
premières communications obtenues ne doivent être considérées que
comme des exercices que l'on confie à des Esprits secondaires ; c'est
pourquoi il ne faut y attacher qu'une médiocre importance, en raison des
Esprits qui sont pour ainsi dire employés comme maître d'écriture pour
dégrossir le médium débutant ; car ne croyez pas que ce soient jamais
des Esprits élevés qui fassent faire au médium ces exercices
préparatoires ; seulement il arrive que, si le médium n'a pas un but
sérieux, ces Esprits restent et s'attachent à lui. Presque tous les médiums
FORMATION DES MEDIUMS 201
ont passé par ce creuset pour se développer ; c'est à eux de faire ce qu'il
faut pour se concilier la sympathie des Esprits vraiment supérieurs.»
211. L'écueil de la plupart des médiums débutants est d'avoir affaire à
des Esprits inférieurs, et ils doivent s'estimer heureux quand ce ne sont
que des Esprits légers. Toute leur attention doit tendre à ne pas leur
laisser prendre pied, car une fois ancrés il n'est pas toujours facile de s'en
débarrasser. C'est un point tellement capital, surtout au début, que sans
les précautions nécessaires on peut perdre le fruit des plus belles
facultés.
Le premier point consiste à se mettre avec une foi sincère sous la
protection de Dieu, et à réclamer l'assistance de son ange gardien ; celuici
est toujours bon, tandis que les Esprits familiers, sympathisant avec
les bonnes ou les mauvaises qualités du médium, peuvent être légers ou
même mauvais.
Le second point est de s'attacher avec un soin scrupuleux à reconnaître
par tous les indices que fournit l'expérience, la nature des premiers
Esprits qui se communiquent, et dont il est toujours prudent de se défier.
Si ces indices sont suspects, il faut faire un appel fervent à son ange
gardien et repousser de toutes ses forces le mauvais Esprit en lui
prouvant qu'on n'est pas sa dupe, afin de le décourager. C'est pourquoi
l'étude préalable de la théorie est indispensable, si l'on veut éviter les
inconvénients inséparables de l'inexpérience ; on trouvera sur ce sujet
des instructions très développées dans les chapitres de l'Obsession et de
l'Identité des Esprits. Nous nous bornerons à dire ici qu'en outre du
langage, on peut regarder comme des preuves infaillibles de l'infériorité
des Esprits : tous signes, figures, emblèmes inutiles ou puérils ; toute
écriture bizarre, saccadée, torturée à dessein, de dimension exagérée, ou
affectant des formes ridicules et inusitées ; l'écriture peut être très
mauvaise, peu lisible même, ce qui tient plus au médium qu'à l'Esprit,
sans avoir rien d'insolite. Nous avons vu des médiums tellement abusés,
qu'ils mesuraient la supériorité des Esprits à la dimension des caractères,
et qu'ils attachaient une grande importance à des lettres moulées comme
des caractères d'imprimerie, puérilité évidemment incompatible avec une
supériorité réelle.
212. S'il est important de ne pas tomber, sans le vouloir, sous la
dépendance des mauvais Esprits, il l'est plus encore de ne pas s'y mettre
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 202
volontairement, et il ne faut pas qu'un désir immodéré d'écrire fasse
croire qu'il est indifférent de s'adresser au premier venu, sauf à s'en
débarrasser plus tard s'il ne convient pas, car on ne demande pas
impunément assistance, pour quoi que ce soit, à un mauvais Esprit qui
peut faire payer cher ses services.
Quelques personnes, impatientes de voir se développer en elles la
faculté médianimique, trop lente à leur gré, ont eu l'idée d'appeler à leur
aide un Esprit quelconque, fût-il même mauvais, comptant bien le
congédier ensuite. Plusieurs ont été servies à souhait et ont écrit
immédiatement ; mais l'Esprit, ne se souciant pas d'avoir été pris pour pis
aller, a été moins docile à s'en aller qu'à venir. Nous en connaissons qui
ont été punies de leur présomption à se croire fortes pour les éloigner à
leur gré, par des années d'obsessions de toute nature, par les
mystifications les plus ridicules, par une fascination tenace, et même par
des malheurs matériels et les plus cruelles déceptions. L'Esprit se montra
d'abord ouvertement méchant, puis hypocrite, afin de faire croire ou à sa
conversion, ou à la prétendue puissance de son subjugué pour le chasser
à volonté.
213. L'écriture est quelquefois très lisible, les mots et les lettres
parfaitement détachés ; mais avec certains médiums, elle est difficile à
déchiffrer pour tout autre que celui qui écrit : il faut en acquérir
l'habitude. Elle est assez souvent formée à grands traits ; les Esprits sont
peu économes de papier. Lorsqu'un mot ou une phrase est trop peu
lisible, on prie l'Esprit de vouloir bien recommencer, ce qu'il fait
généralement volontiers. Quand l'écriture est habituellement illisible,
même pour le médium, celui-ci parvient presque toujours à en obtenir
une plus nette par des exercices fréquents et soutenus, en y apportant
une forte volonté, et en priant avec ardeur l'Esprit d'être plus correct.
Certains Esprits adoptent souvent des signes conventionnels qui passent
en usage dans les réunions habituelles. Pour marquer qu'une question
leur déplaît, et qu'ils n'y veulent pas répondre, ils feront, par exemple,
une longue barre ou quelque chose d'équivalent.
Lorsque l'Esprit a fini ce qu'il avait à dire, ou qu'il ne veut plus
répondre, la main reste immobile, et le médium, quelles que soient sa
puissance et sa volonté, ne peut obtenir un mot de plus. Au contraire,
tant que l'Esprit n'a pas achevé, le crayon marche sans qu'il soit possible
FORMATION DES MEDIUMS 203
à la main de s'arrêter. Veut-il dire spontanément quelque chose, la main
saisit convulsivement le crayon et se met à écrire sans pouvoir s'y
opposer. Le médium, d'ailleurs, sent presque toujours en lui quelque
chose qui lui indique s'il n'y a que suspension, ou si l'Esprit a terminé. Il
est rare qu'il ne sente pas quand celui-ci est parti.
Telles sont les explications les plus essentielles que nous ayons à
donner touchant le développement de la psychographie ; l'expérience
fera connaître, dans la pratique, certains détails qu'il serait inutile de
rapporter ici, et pour lesquels on se guidera d'après les principes
généraux. Que beaucoup essaient, et l'on trouvera plus de médiums
qu'on ne pense.
214. Tout ce que nous venons de dire s'applique à l'écriture
mécanique ; c'est celle que tous les médiums cherchent à obtenir avec
raison ; mais le mécanisme pur est fort rare, et il s'y mêle très souvent
plus ou moins d'intuition. Le médium ayant la conscience de ce qu'il
écrit est naturellement porté à douter de sa faculté ; il ne sait si cela vient
de lui ou d'un Esprit étranger. Il n'a nullement à s'en inquiéter et doit
poursuivre quand même ; qu'il s'observe avec soin, et il reconnaîtra
facilement dans ce qu'il écrit une foule de choses qui n'étaient pas dans
sa pensée, qui même y sont contraires ; preuve évidente qu'elles ne
viennent pas de lui. Qu'il continue donc, et le doute se dissipera avec
l'expérience.
215. S'il n'est pas donné au médium d'être exclusivement mécanique,
tous les essais pour obtenir ce résultat seront infructueux, et pourtant il
aurait tort de se croire déshérité pour cela ; s'il n'est doué que de la
médiumnité intuitive, il faut bien qu'il s'en contente, et elle ne laissera
pas de lui rendre de grands services s'il sait la mettre à profit, et s'il ne la
repousse pas.
Si après d'inutiles essais poursuivis pendant quelque temps, aucun
indice de mouvement involontaire ne se produit, ou si ces mouvements
sont trop faibles pour donner des résultats, il ne doit pas hésiter à écrire
la première pensée qui lui est suggérée, sans s'inquiéter si elle vient de
lui ou d'une source étrangère : l'expérience lui apprendra à en faire la
distinction. Il arrive très souvent d'ailleurs que le mouvement mécanique
se développe ultérieurement.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 204
Nous avons dit plus haut qu'il est des cas où il est indifférent de savoir
si la pensée vient du médium ou d'un Esprit étranger ; c'est surtout
lorsqu'un médium purement intuitif ou inspiré fait un travail
d'imagination pour lui-même ; peu importe qu'il s'attribue une pensée qui
lui serait suggérée ; s'il lui vient de bonnes idées, qu'il en remercie son
bon génie, et il lui en sera suggéré d'autres. Telle est l'inspiration des
poètes, des philosophes et des savants.
216. Supposons maintenant la faculté médianimique complètement
développée ; que le médium écrive avec facilité ; qu'il soit en un mot ce
qu'on appelle un médium fait, ce serait un grand tort de sa part de se
croire dispensé de toute autre instruction ; il n'a vaincu qu'une résistance
matérielle, mais c'est alors que commencent pour lui les véritables
difficultés, et qu'il a plus que jamais besoin des conseils de la prudence
et de l'expérience, s'il ne veut tomber dans les mille pièges qui vont lui
être tendus. S'il veut trop tôt voler de ses propres ailes, il ne tardera pas à
être la dupe des Esprits menteurs qui chercheront à exploiter sa
présomption.
217. Une fois la faculté développée chez le médium, il est essentiel
qu'il n'en fasse pas abus. La satisfaction qu'elle procure à certains
commençants excite chez eux un enthousiasme qu'il est important de
modérer ; ils doivent songer qu'elle leur est donnée pour le bien et non
pour satisfaire une vaine curiosité ; c'est pourquoi il est utile de ne s'en
servir que dans les moments opportuns et non à chaque instant ; les
Esprits n'étant pas constamment à leurs ordres, ils courent risque d'être
dupes des mystificateurs. Il est bon d'adopter à cet effet des jours et des
heures déterminées, parce qu'on y apporte des dispositions plus
recueillies, et que les Esprits qui veulent venir se trouvent prévenus et se
disposent en conséquence.
218. Si, malgré toutes les tentatives, la médiumnité ne se révélait
d'aucune façon, il faudrait bien y renoncer, comme on renonce à chanter
quand on n'a pas de voix. Celui qui ne sait pas une langue se sert d'un
traducteur ; il faut faire de même, c'est-à-dire avoir recours à un autre
médium. A défaut de médium, il ne faut pas se croire privé de
l'assistance des Esprits. La médiumnité est pour eux un moyen de
s'exprimer, mais non un moyen exclusif d'attraction ; ceux qui nous
affectionnent sont auprès de nous, que l'on soit ou non médium ; un père
FORMATION DES MEDIUMS 205
n'abandonne pas son enfant, parce que celui-ci est sourd et aveugle, et ne
peut ni le voir, ni l'entendre ; il l'entoure de sa sollicitude comme le font
les bons Esprits pour nous ; s'ils ne peuvent nous transmettre
matériellement leur pensée, ils nous viennent en aide par l'inspiration.
Changement d'écriture.
219. Un phénomène très ordinaire chez les médiums écrivains, c'est le
changement d'écriture selon les Esprits qui se communiquent, et ce qu'il
y a de plus remarquable, c'est que la même écriture se reproduit
constamment avec le même Esprit, et quelquefois elle est identique avec
celle qu'il avait de son vivant ; nous verrons plus tard les conséquences
qu'on en peut tirer quant à l'identité. Le changement d'écriture n'a lieu
que chez les médiums mécaniques ou semi-mécaniques, parce que chez
eux, le mouvement de la main est involontaire et dirigé par l'Esprit ; il
n'en est pas de même chez les médiums purement intuitifs, attendu que,
dans ce cas, l'Esprit agit uniquement sur la pensée, et que la main est
dirigée par la volonté comme dans les circonstances ordinaires ; mais
l'uniformité de l'écriture, même chez un médium mécanique, ne prouve
rien contre sa faculté, le changement n'étant point une condition absolue
dans la manifestation des Esprits ; il tient à une aptitude spéciale dont les
médiums les plus mécaniques ne sont pas toujours doués. Nous
désignons ceux qui ont cette aptitude sous le nom de médiums
polygraphes.
Perte et suspension de la médiumnité.
220. La faculté médianimique est sujette à des intermittences et à des
suspensions momentanées, soit pour les manifestations physiques, soit
pour l'écriture. Voici les réponses des Esprits à quelques questions faites
à ce sujet.
1. Les médiums peuvent-ils perdre leur faculté ?
«Cela arrive souvent, quel que soit le genre de cette faculté ; mais
souvent aussi ce n'est qu'une interruption momentanée qui cesse avec la
cause qui l'a produite.»
2. La cause de la perte de la médiumnité est-elle dans l'épuisement du
fluide ?
«De quelque faculté que le médium soit doué, il ne peut rien sans le
concours sympathique des Esprits ; lorsqu'il n'obtient plus rien, ce n'est
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 206
pas toujours la faculté qui lui fait défaut, ce sont souvent les Esprits qui
ne veulent plus ou ne peuvent plus se servir de lui.»
3. Quelle cause peut provoquer chez un médium l'abandon des
Esprits ?
«L'usage qu'il fait de sa faculté est la plus puissante sur les bons
Esprits. Nous pouvons l'abandonner lorsqu'il s'en sert pour des choses
frivoles ou dans des vues ambitieuses ; lorsqu'il refuse de faire part de
notre parole ou de nos faits aux incarnés qui l'appellent ou qui ont besoin
de voir pour se convaincre. Ce don de Dieu n'est point accordé au
médium pour son bon plaisir, et encore moins pour servir son ambition,
mais en vue de sa propre amélioration, et pour faire connaître la vérité
aux hommes. Si l'Esprit voit que le médium ne répond plus à ses vues et
ne profite pas des instructions et des avertissements qu'il lui donne, il se
retire pour chercher un protégé plus digne.»
4. L'Esprit qui se retire ne peut-il être remplacé, et, dans ce cas, on ne
comprendrait pas la suspension de la faculté ?
«Il ne manque pas d'Esprits qui ne demandent pas mieux que de se
communiquer et sont tout prêts à remplacer ceux qui se retirent ; mais
lorsque c'est un bon Esprit qui délaisse le médium, il peut très bien ne le
quitter que momentanément et le priver pour un certain temps de toute
communication, afin de lui servir de leçon et lui prouver que sa faculté
ne dépend pas de lui et qu'il n'en doit pas tirer vanité. Cette impuissance
momentanée est aussi pour donner au médium la preuve qu'il écrit sous
une influence étrangère, autrement il n'y aurait pas d'intermittence.
«Du reste, l'interruption de la faculté n'est pas toujours une punition ;
elle témoigne quelquefois de la sollicitude de l'Esprit pour le médium
qu'il affectionne ; il veut lui procurer un repos matériel qu'il juge
nécessaire, et dans ce cas il ne permet pas à d'autres Esprits de le
remplacer.»
5. On voit cependant des médiums très méritants, moralement parlant,
qui n'éprouvent aucun besoin de repos, et sont très contrariés
d'interruptions dont ils ne comprennent pas le but.
«C'est afin de mettre leur patience à l'épreuve, et de juger de leur
persévérance ; c'est pourquoi les Esprits n'assignent en général aucun
terme à cette suspension ; ils veulent voir si le médium se rebutera. C'est
souvent aussi pour leur laisser le temps de méditer les instructions qu'ils
leur ont données, et c'est à cette méditation de nos enseignements que
FORMATION DES MEDIUMS 207
nous reconnaissons les spirites vraiment sérieux ; nous ne pouvons
donner ce nom à ceux qui ne sont en réalité que des amateurs de
communications.»
6. Est-il nécessaire, dans ce cas, que le médium poursuive ses
tentatives pour écrire ?
«Si l'Esprit le lui conseille, oui ; s'il lui dit de s'abstenir, il doit le
faire.»
7. Y aurait-il un moyen d'abréger cette épreuve ?
«La résignation et la prière. Du reste, il suffit de faire chaque jour une
tentative de quelques minutes, car il serait inutile de perdre son temps en
essais infructueux ; la tentative n'a d'autre but que de s'assurer si la
faculté est recouvrée.»
8. La suspension implique-t-elle l'éloignement des Esprits qui se
communiquent d'habitude ?
«Pas le moins du monde ; le médium est alors dans la position d'une
personne qui perdrait momentanément la vue, et n'en serait pas moins
entourée de ses amis, quoiqu'elle ne puisse pas les voir. Le médium peut
donc, et même il le doit, continuer à s'entretenir par la pensée avec ses
Esprits familiers, et être persuadé qu'il en est entendu. Si le défaut de
médiumnité peut priver des communications matérielles avec certains
Esprits, il ne peut priver des communications morales.»
9. Ainsi l'interruption de la faculté médianimique n'implique pas
toujours un blâme de la part des Esprits ?
«Non sans doute, puisqu'elle peut être une preuve de bienveillance.»
10. A quel signe peut-on reconnaître un blâme dans cette
interruption ?
«Que le médium interroge sa conscience et qu'il se demande l'usage
qu'il a fait de sa faculté, le bien qui en est résulté pour les autres, le profit
qu'il a retiré des conseils qui lui ont été donnés, et il aura la réponse.»
11. Le médium qui ne peut plus écrire ne peut-il avoir recours à un
autre médium ?
«Cela dépend de la cause de l'interruption ; celle-ci a souvent pour
motif de vous laisser quelque temps sans communications après vous
avoir donné des conseils afin que vous ne vous habituiez pas à ne rien
faire que par nous ; dans ce cas, il ne sera pas plus satisfait en se servant
d'un autre médium ; et cela a encore un but, c'est de vous prouver que les
Esprits sont libres et qu'il ne dépend pas de vous de les faire marcher à
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVII 208
votre gré. C'est aussi pour cette raison que ceux qui ne sont pas médiums
n'ont pas toujours toutes les communications qu'ils désirent.»
Remarque. Il est en effet à observer que celui qui a recours à un tiers pour les
communications, nonobstant la qualité du médium, n'obtient souvent rien de
satisfaisant, tandis que dans d'autres temps les réponses sont très explicites. Cela
dépend tellement de la volonté de l'Esprit qu'on n'est pas plus avancé en changeant
de médium ; les Esprits mêmes semblent à cet égard se donner le mot d'ordre car
ce que l'on n'obtient pas de l'un, on ne l'obtiendra pas davantage d'un autre. Il faut
se garder alors d'insister et de s'impatienter, si l'on ne veut être dupe des Esprits
trompeurs qui répondront si on le veut à toute force, et les bons les laisseront faire
pour nous punir de notre insistance.
12. Dans quel but la Providence a-t-elle doué certains individus de la
médiumnité d'une manière spéciale ?
«C'est une mission dont ils sont chargés et dont ils sont heureux ; ils
sont les interprètes entre les Esprits et les hommes.»
13. Il y a cependant des médiums qui n'emploient leur faculté qu'avec
répugnance ?
«Ce sont des médiums imparfaits ; ils ne connaissent pas le prix de la
faveur qui leur est accordée.»
14. Si c'est une mission, comment se fait-il qu'elle ne soit pas le
privilège des hommes de bien, et que cette faculté soit donnée à des gens
qui ne méritent aucune estime et qui peuvent en abuser ?
«Elle leur est donnée parce qu'ils en ont besoin pour leur propre
amélioration, et afin qu'ils soient à même de recevoir de bons
enseignements ; s'ils n'en profitent pas, ils en subiront les conséquences.
Jésus ne donnait-il pas de préférence sa parole aux pécheurs, disant qu'il
faut donner à celui qui n'a pas ?»
15. Les personnes qui ont un grand désir d'écrire comme médiums et
qui ne peuvent réussir, peuvent-elles en conclure quelque chose contre
elles-mêmes touchant la bienveillance des Esprits à leur égard ?
«Non, car Dieu peut leur avoir refusé cette faculté, comme il peut leur
avoir refusé le don de la poésie ou de la musique ; mais si elles ne
jouissent pas de cette faveur, elles peuvent en avoir d'autres.»
16. Comment un homme peut-il se perfectionner par l'enseignement
des Esprits lorsqu'il n'a, ni par lui-même, ni par d'autres médiums, les
moyens de recevoir cet enseignement direct ?
«N'a-t-il pas les livres comme le chrétien a l'Evangile ? Pour pratiquer
la morale de Jésus, le chrétien n'a pas besoin d'avoir entendu ses paroles
sortir de sa bouche.»
FORMATION DES MEDIUMS 209
CHAPITRE XVIII.
INCONVENIENTS ET DANGERS DE LA MEDIUMNITE.
Influence de l'exercice de la médiumnité sur la santé. -
Id. sur le cerveau. - Id. sur les enfants.
221. 1. La faculté médianimique est-elle l'indice d'un état pathologique
quelconque ou simplement anomal ?
«Anomal quelquefois, mais non pathologique ; il y a des médiums
d'une santé robuste ; ceux qui sont malades le sont pour d'autres causes.»
2. L'exercice de la faculté médianimique peut-il occasionner la
fatigue ?
«L'exercice trop prolongé de toute faculté quelconque amène la
fatigue ; la médiumnité est dans le même cas, principalement celle qui
s'applique aux effets physiques ; elle occasionne nécessairement une
dépense de fluide qui amène la fatigue et se répare par le repos.»
3. L'exercice de la médiumnité peut-il avoir des inconvénients par luimême
au point de vue hygiénique, abstraction faite de l'abus ?
«Il est des cas où il est prudent, nécessaire même, de s'en abstenir ou
tout au moins d'en modérer l'usage ; cela dépend de l'état physique et
moral du médium. Le médium le sent d'ailleurs généralement, et lorsqu'il
éprouve de la fatigue il doit s'abstenir.»
4. Y a-t-il des personnes pour lesquelles cet exercice ait plus
d'inconvénients que pour d'autres ?
«J'ai dit que cela dépend de l'état physique et moral du médium. Il y a
des personnes chez lesquelles il est nécessaire d'éviter toute cause de
surexcitation, et celle-ci est du nombre.» (N° 188 et 194.)
5. La médiumnité pourrait-elle produire la folie ?
«Pas plus que toute autre chose lorsqu'il n'y a pas prédisposition par la
faiblesse du cerveau. La médiumnité ne produira pas la folie lorsque le
principe n'y est pas ; mais si le principe existe, ce qu'il est facile de
reconnaître à l'état moral, le bon sens dit qu'il faut user de ménagements
sous tous les rapports, car toute cause d'ébranlement peut être nuisible.»
6. Y a-t-il de l'inconvénient à développer la médiumnité chez les
enfants ?
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XVIII 212
«Certainement, et je soutiens que c'est très dangereux ; car ces
organisations frêles et délicates en seraient trop ébranlées et leur jeune
imagination trop surexcitée ; aussi les parents sages les éloigneront de
ces idées, ou du moins ne leur en parleront qu'au point de vue des
conséquences morales.»
7. Il y a cependant des enfants qui sont médiums naturellement, soit
pour les effets physiques, soit pour l'écriture et les visions ; cela a-t-il le
même inconvénient ?
«Non ; quand la faculté est spontanée chez un enfant, c'est qu'elle est
dans sa nature et que sa constitution s'y prête ; il n'en est pas de même
quand elle est provoquée et surexcitée. Remarquez que l'enfant qui a des
visions en est généralement peu impressionné ; cela lui paraît une chose
toute naturelle, à laquelle il prête une assez faible attention et que
souvent il oublie ; plus tard le fait lui revient en mémoire, et il se
l'explique aisément s'il connaît le spiritisme.»
8. Quel est l'âge auquel on peut, sans inconvénient, s'occuper de
médiumnité ?
«Il n'y a pas d'âge précis, cela dépend entièrement du développement
physique et encore plus du développement moral ; il y a des enfants de
douze ans qui en seront moins affectés que certaines personnes faites. Je
parle de la médiumnité en général, mais celle qui s'applique aux effets
physiques est plus fatigante corporellement ; l'écriture a un autre
inconvénient qui tient à l'inexpérience de l'enfant, dans le cas où il
voudrait s'en occuper seul et en faire un jeu.»
222. La pratique du spiritisme, comme nous le verrons plus tard,
demande beaucoup de tact pour déjouer les ruses des Esprits trompeurs ;
si des hommes faits sont leurs dupes, l'enfance et la jeunesse y sont
encore plus exposées par leur inexpérience. On sait en outre que le
recueillement est une condition sans laquelle on ne peut avoir affaire à
des Esprits sérieux ; les évocations faites avec étourderie et en
plaisantant sont une véritable profanation qui ouvre un facile accès aux
Esprits moqueurs ou malfaisants ; comme on ne peut attendre d'un enfant
la gravité nécessaire à un acte pareil, il serait à craindre qu'il n'en fît un
jeu s'il était livré à lui-même. Dans les conditions même les plus
favorables, il est à désirer qu'un enfant doué de la faculté médianimique
ne l'exerce que sous l'oeil de personnes expérimentées qui lui
INCONVENIENTS ET DANGERS DE LA MEDIUMNITE 213
apprendront, par leur exemple, le respect que l'on doit aux âmes de ceux
qui ont vécu. On voit, d'après cela, que la question d'âge est subordonnée
aux circonstances tant du tempérament que du caractère. Toutefois ce
qui ressort clairement des réponses ci-dessus, c'est qu'il ne faut pas
pousser au développement de cette faculté chez les enfants lorsqu'elle
n'est pas spontanée, et que, dans tous les cas, il faut en user avec une
grande circonspection ; qu'il ne faut non plus ni l'exciter ni l'encourager
chez les personnes débiles. Il faut en détourner, par tous les moyens
possibles, celles qui auraient donné les moindres symptômes
d'excentricité dans les idées ou d'affaiblissement des facultés mentales,
car il y a chez elles prédisposition évidente à la folie que toute cause
surexcitante peut développer. Les idées spirites n'ont pas, sous ce
rapport, une influence plus grande, mais la folie venant à se déclarer
prendrait le caractère de la préoccupation dominante, comme elle
prendrait un caractère religieux si la personne s'adonnait avec excès aux
pratiques de dévotion, et l'on en rendrait le spiritisme responsable. Ce
qu'il y a de mieux à faire avec tout individu qui montre une tendance à
l'idée fixe, c'est de diriger ses préoccupations d'un autre côté, afin de
procurer du repos aux organes affaiblis.
Nous appelons, sous ce rapport, l'attention de nos lecteurs sur le
paragraphe XII de l'introduction du Livre des Esprits.
CHAPITRE XIX.
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS
SPIRITES.
Influence de l'Esprit personnel du médium.
223. 1. Le médium, au moment où il exerce sa faculté, est-il dans un
état parfaitement normal ?
«Il est quelquefois dans un état de crise plus ou moins prononcé, c'est
ce qui le fatigue, et c'est pourquoi il a besoin de repos ; mais le plus
souvent son état ne diffère pas sensiblement de l'état normal, surtout
chez les médiums écrivains.»
2. Les communications écrites ou verbales peuvent-elles aussi
provenir de l'Esprit même incarné dans le médium ?
«L'âme du médium peut se communiquer comme celle de tout autre ;
si elle jouit d'un certain degré de liberté, elle recouvre ses qualités
d'Esprit. Vous en avez la preuve dans l'âme des personnes vivantes qui
viennent vous visiter, et se communiquent à vous par l'écriture souvent
sans que vous les appeliez. Car sachez bien que parmi les Esprits que
vous évoquez, il y en a qui sont incarnés sur la terre ; alors ils vous
parlent comme Esprits et non pas comme hommes. Pourquoi voudriezvous
qu'il n'en fût pas de même du médium ?»
- Cette explication ne semble-t-elle pas confirmer l'opinion de ceux
qui croient que toutes les communications émanent de l'Esprit du
médium, et non d'Esprits étrangers ?
«Ils n'ont tort que parce qu'ils sont absolus ; car il est certain que
l'Esprit du médium peut agir par lui-même ; mais ce n'est pas une raison
pour que d'autres n'agissent pas également par son intermédiaire.»
3. Comment distinguer si l'Esprit qui répond est celui du médium ou
d'un Esprit étranger ?
«A la nature des communications. Etudiez les circonstances et le
langage, et vous distinguerez. C'est surtout dans l'état de
somnambulisme ou d'extase que l'Esprit du médium se manifeste, parce
qu'alors il est plus libre ; mais dans l'état normal c'est plus difficile. Il y a
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 216
d'ailleurs des réponses qu'il est impossible de lui attribuer ; c'est
pourquoi je vous dis d'étudier et d'observer.»
Remarque. Lorsqu'une personne nous parle, nous distinguons facilement ce qui
vient d'elle, ou ce dont elle n'est que l'écho ; il en est de même des médiums.
4. Puisque l'Esprit du médium a pu acquérir, dans des existences
antérieures, des connaissances qu'il a oubliées sous son enveloppe
corporelle, mais dont il se souvient comme Esprit, ne peut-il puiser dans
son propre fonds les idées qui semblent dépasser la portée de son
instruction ?
«Cela arrive souvent dans l'état de crise somnambulique ou extatique ;
mais encore une fois, il est des circonstances qui ne permettent pas de
doute : étudiez longtemps et méditez.»
5. Les communications provenant de l'Esprit du médium sont-elles
toujours inférieures à celles qui pourraient être faites par des Esprits
étrangers ?
«Toujours, non ; car l'Esprit étranger peut être lui-même d'un ordre
inférieur à celui du médium, et pour lors parler moins sensément. On le
voit dans le somnambulisme ; car là c'est le plus souvent l'Esprit du
somnambule qui se manifeste et qui dit pourtant quelquefois de très
bonnes choses.»
6. L'Esprit qui se communique par un médium transmet-il directement
sa pensée, ou bien cette pensée a-t-elle pour intermédiaire l'Esprit
incarné dans le médium ?
«C'est l'Esprit du médium qui est l'interprète, parce qu'il est lié au
corps qui sert à parler, et qu'il faut bien une chaîne entre vous et les
Esprits étrangers qui se communiquent, comme il faut un fil électrique
pour transmettre une nouvelle au loin, et au bout du fil une personne
intelligente qui la reçoit et la transmet.»
7. L'Esprit incarné dans le médium exerce-t-il une influence sur les
communications qu'il doit transmettre et qui proviennent d'Esprits
étrangers ?
«Oui, car s'il ne leur est pas sympathique, il peut altérer leurs réponses,
et les assimiler à ses propres idées et à ses penchants, mais il n'influence
pas les Esprits eux-mêmes : ce n'est qu'un mauvais interprète.»
8. Est-ce la cause de la préférence des Esprits pour certains médiums ?
«Il n'y en a pas d'autre ; ils cherchent l'interprète qui sympathise le
mieux avec eux, et qui rend le plus exactement leur pensée. S'il n'y a pas
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS SPIRITES217
entre eux sympathie, l'Esprit du médium est un antagoniste qui apporte
une certaine résistance, et devient un interprète de mauvais vouloir et
souvent infidèle. Il en est de même parmi vous quand l'avis d'un sage est
transmis par la voix d'un étourdi ou d'un homme de mauvaise foi.»
9. On conçoit qu'il en soit ainsi pour les médiums intuitifs, mais non
pour ceux qui sont mécaniques.
«Vous ne vous rendez pas bien compte du rôle que joue le médium ; il
y a là une loi que vous n'avez pas encore saisie. Rappelez-vous que pour
opérer le mouvement d'un corps inerte, l'Esprit a besoin d'une portion de
fluide animalisé qu'il emprunte au médium pour animer momentanément
la table, afin que celle-ci obéisse à sa volonté ; eh bien, comprenez aussi
que pour une communication intelligente, il a besoin d'un intermédiaire
intelligent et que cet intermédiaire est celui de l'Esprit du médium.»
- Ceci ne paraît pas applicable à ce qu'on appelle les tables parlantes ;
car lorsque des objets inertes, comme des tables, planchettes et
corbeilles, donnent des réponses intelligentes, il semble que l'Esprit du
médium n'y soit pour rien ?
«C'est une erreur ; l'Esprit peut donner au corps inerte une vie factice
momentanée, mais non l'intelligence ; jamais un corps inerte n'a été
intelligent. C'est donc l'Esprit du médium qui reçoit la pensée à son insu
et la transmet de proche en proche à l'aide de divers intermédiaires.»
10. Il semble résulter de ces explications que l'Esprit du médium n'est
jamais complètement passif ?
«Il est passif quand il ne mêle pas ses propres idées à celles de l'Esprit
étranger, mais il n'est jamais absolument nul ; son concours est toujours
nécessaire comme intermédiaire, même dans ce que vous appelez
médiums mécaniques.»
11. N'y a-t-il pas plus de garantie d'indépendance dans le médium
mécanique que dans le médium intuitif ?
«Sans aucun doute, et pour certaines communications un médium
mécanique est préférable ; mais quand on connaît les facultés d'un
médium intuitif, cela devient indifférent, selon les circonstances ; je
veux dire qu'il y a des communications qui réclament moins de
précision.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 218
Système des médiums inertes.
12. Parmi les différents systèmes qui ont été émis pour expliquer les
phénomènes spirites, il en est un qui consiste à croire que la véritable
médiumnité est dans un corps complètement inerte, dans la corbeille ou
le carton, par exemple, qui sert d'instrument ; que l'Esprit étranger
s'identifie avec cet objet et le rend non seulement vivant, mais
intelligent ; de là le nom de médiums inertes donnés à ces objets ; qu'en
pensez-vous ?
«Il n'y a qu'un mot à dire à cela, c'est que si l'Esprit avait transmis
l'intelligence au carton en même temps que la vie, le carton écrirait tout
seul sans le concours de médium ; il serait singulier que l'homme
intelligent devînt machine, et qu'un objet inerte devînt intelligent. C'est
un des nombreux systèmes nés d'une idée préconçue, et qui tombent
comme tant d'autres devant l'expérience et l'observation.»
13. Un phénomène bien connu pourrait accréditer l'opinion qu'il y a
dans les corps inertes animés plus que la vie, mais encore l'intelligence,
c'est celui des tables, corbeilles, etc., qui expriment par leurs
mouvements la colère ou l'affection ?
«Lorsqu'un homme agite un bâton avec colère, ce n'est pas le bâton
qui est en colère, ni même la main qui tient le bâton, mais bien la pensée
qui dirige la main ; les tables et les corbeilles ne sont pas plus
intelligentes que le bâton ; elles n'ont aucun sentiment intelligent, mais
obéissent à une intelligence ; en un mot, ce n'est pas l'Esprit qui se
transforme en corbeille, ni même qui y élit domicile.»
14. S'il n'est pas rationnel d'attribuer l'intelligence à ces objets, peut-on
les considérer comme une variété de médiums en les désignant sous le
nom de médiums inertes ?
«C'est une question de mots qui nous importe peu, pourvu que vous
vous entendiez. Vous êtes libres d'appeler homme une marionnette.»
Aptitude de certains médiums pour les choses qu'ils ne connaissent
pas : les langues, la musique, le dessin.
15. Les Esprits n'ont que le langage de la pensée ; ils n'ont pas de
langage articulé ; c'est pourquoi il n'y a pour eux qu'une seule langue ;
d'après cela un Esprit pourrait-il s'exprimer par voie médianimique dans
une langue qu'il n'a jamais parlée de son vivant ; et dans ce cas, où
puise-t-il les mots dont il se sert ?
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS SPIRITES219
«Vous venez vous-même de répondre à votre question en disant que
les Esprits ont une seule langue qui est celle de la pensée ; cette langue
est comprise de tous, aussi bien des hommes que des Esprits. L'Esprit
errant, en s'adressant à l'Esprit incarné du médium, ne lui parle ni
français, ni anglais, mais la langue universelle qui est celle de la pensée ;
pour traduire ses idées dans un langage articulé, transmissible, il puise
ses mots dans le vocabulaire du médium.»
16. S'il en est ainsi, l'Esprit ne devrait pouvoir s'exprimer que dans la
langue du médium, tandis qu'on en voit écrire dans des langues
inconnues de ce dernier ; n'y a-t-il pas là une contradiction ?
«Remarquez d'abord que tous les médiums ne sont pas également
propres à ce genre d'exercice, et ensuite que les Esprits ne s'y prêtent
qu'accidentellement, quand ils jugent que cela peut être utile ; mais, pour
les communications usuelles et d'une certaine étendue, ils préfèrent se
servir d'une langue familière, parce qu'elle leur présente moins de
difficulté matérielle à vaincre.»
17. L'aptitude de certains médiums à écrire dans une langue qui leur
est étrangère ne viendrait-elle pas de ce que cette langue leur aurait été
familière dans une autre existence, et qu'ils en auraient conservé
l'intuition ?
«Cela peut certainement avoir lieu, mais ce n'est pas une règle ;
l'Esprit peut, avec quelques efforts, surmonter momentanément la
résistance matérielle qu'il rencontre ; c'est ce qui arrive quand le médium
écrit, dans sa propre langue, des mots qu'il ne connaît pas.»
18. Une personne qui ne saurait pas écrire pourrait-elle écrire comme
un médium ?
«Oui ; mais on conçoit qu'il y a là encore une grande difficulté
mécanique à vaincre, la main n'ayant pas l'habitude du mouvement
nécessaire pour former les lettres. Il en est de même chez les médiums
dessinateurs qui ne savent pas dessiner.»
19. Un médium très peu intelligent pourrait-il transmettre des
communications d'un ordre élevé ?
«Oui, par la même raison qu'un médium peut écrire dans une langue
qu'il ne connaît pas. La médiumnité proprement dite est indépendante de
l'intelligence aussi bien que des qualités morales, et à défaut d'un
meilleur instrument l'Esprit peut se servir de celui qu'il a sous la main ;
mais il est naturel que, pour les communications d'un certain ordre, il
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 220
préfère le médium qui lui offre le moins d'obstacles matériels. Et puis
une autre considération : l'idiot n'est souvent idiot que par l'imperfection
de ses organes, mais son Esprit peut être plus avancé que vous ne
croyez ; vous en avez la preuve par certaines évocations d'idiots morts
ou vivants.»
Remarque. Ceci est un fait constaté par l'expérience ; nous avons plusieurs fois
évoqué des idiots vivants qui ont donné des preuves patentes de leurs identité, et
répondaient d'une manière très sensée et même supérieure. Cet état est une
punition pour l'Esprit qui souffre de la contrainte où il se trouve. Un médium idiot
peut donc quelquefois offrir à l'Esprit qui veut se manifester plus de ressources
qu'on ne croit. (Voir Revue Spirite, juillet 1860, article sur la Phrénologie et la
Physiognomonie.)
20. D'où vient l'aptitude de certains médiums à écrire en vers, malgré
leur ignorance en fait de poésie ?
«La poésie est un langage ; ils peuvent écrire en vers, comme ils
peuvent écrire dans une langue qu'ils ne connaissent pas ; et puis, ils
peuvent avoir été poètes dans une autre existence, et, comme on vous l'a
dit, les connaissances acquises ne sont jamais perdues pour l'Esprit qui
doit arriver à la perfection en toutes choses. Alors ce qu'ils ont su leur
donne, sans qu'ils s'en doutent, une facilité qu'ils n'ont pas dans l'état
ordinaire.»
21. En est-il de même de ceux qui ont une aptitude spéciale pour le
dessin et la musique ?
«Oui ; le dessin et la musique sont aussi des manières d'exprimer la
pensée ; les Esprits se servent des instruments qui leur offrent le plus de
facilité.»
22. L'expression de la pensée par la poésie, le dessin ou la musique
dépend-elle uniquement de l'aptitude spéciale du médium ou de celle de
l'Esprit qui se communique ?
«Quelquefois du médium, quelquefois de l'Esprit. Les Esprits
supérieurs ont toutes les aptitudes ; les Esprits inférieurs ont des
connaissances bornées.»
23. Pourquoi l'homme qui a un talent transcendant dans une existence
ne l'a-t-il plus dans une existence suivante ?
«Il n'en est pas toujours ainsi, car souvent il perfectionne dans une
existence ce qu'il a commencé dans une précédente ; mais il peut arriver
qu'une faculté transcendante sommeille pendant un certain temps pour
en laisser une autre plus libre de se développer ; c'est un germe latent qui
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS SPIRITES221
se retrouvera plus tard, et dont il reste toujours quelques traces, ou tout
au moins une vague intuition.»
224. L'Esprit étranger comprend sans doute toutes les langues, puisque
les langues sont l'expression de la pensée, et que l'Esprit comprend par la
pensée ; mais pour rendre cette pensée, il faut un instrument : cet
instrument est le médium. L'âme du médium qui reçoit la communication
étrangère ne peut la transmettre que par les organes de son corps ; or, ces
organes ne peuvent avoir pour une langue inconnue la flexibilité qu'ils
ont pour celle qui leur est familière. Un médium qui ne sait que le
français pourra bien, accidentellement, donner une réponse en anglais,
par exemple, s'il plaît à l'Esprit de le faire ; mais les Esprits qui trouvent
déjà le langage humain trop lent, eu égard à la rapidité de la pensée,
puisqu'ils l'abrègent autant qu'ils peuvent, s'impatientent de la résistance
mécanique qu'ils éprouvent ; voilà pourquoi ils ne le font pas toujours.
C'est aussi la raison pour laquelle un médium novice, qui écrit
péniblement et avec lenteur, même dans sa propre langue, n'obtient en
général que des réponses brèves et sans développement ; aussi les
Esprits recommandent-ils de ne faire par son intermédiaire que des
questions simples. Pour celles d'une haute portée, il faut un médium
formé qui n'offre aucune difficulté mécanique à l'Esprit. Nous ne
prendrions pas pour notre lecteur un écolier qui épelle. Un bon ouvrier
n'aime pas à se servir de mauvais outils. Ajoutons une autre
considération d'une grande gravité en ce qui concerne les langues
étrangères. Les essais de ce genre sont toujours faits dans un but de
curiosité et d'expérimentation ; or, rien n'est plus antipathique aux
Esprits que les épreuves auxquelles on essaie de les soumettre. Les
Esprits supérieurs ne s'y prêtent jamais, et quittent dès que l'on veut
entrer dans cette voie. Autant ils se complaisent aux choses utiles et
sérieuses, autant ils répugnent à s'occuper de choses futiles et sans but.
C'est, diront les incrédules, pour nous convaincre, et ce but est utile,
puisqu'il peut gagner des adeptes à la cause des Esprits. A cela les
Esprits répondent : «Notre cause n'a pas besoin de ceux qui ont assez
d'orgueil pour se croire indispensables ; nous appelons à nous ceux que
nous voulons, et ce sont souvent les plus petits et les plus humbles. Jésus
a-t-il fait les miracles que lui demandaient les scribes, et de quels
hommes s'est-il servi pour révolutionner le monde ? Si vous voulez vous
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 222
convaincre, vous avez d'autres moyens que des tours de force ;
commencez d'abord par vous soumettre : il n'est pas dans l'ordre que
l'écolier impose sa volonté à son maître.»
Il résulte de là qu'à quelques exceptions près, le médium rend la
pensée des Esprits par les moyens mécaniques qui sont à sa disposition,
et que l'expression de cette pensée peut, et doit même le plus souvent se
ressentir de l'imperfection de ces moyens ; ainsi, l'homme inculte, le
paysan, pourra dire les plus belles choses, exprimer les pensées les plus
élevées, les plus philosophiques, en parlant comme un paysan ; car, on le
sait, pour les Esprits la pensée domine tout. Ceci répond à l'objection de
certains critiques au sujet des incorrections de style et d'orthographe
qu'on peut avoir à reprocher aux Esprits, et qui peuvent venir du médium
aussi bien que de l'Esprit. Il y a de la futilité à s'attacher à de pareilles
choses. Il n'est pas moins puéril de s'attacher à reproduire ces
incorrections avec une minutieuse exactitude, comme nous l'avons vu
faire quelquefois. On peut donc les corriger sans aucun scrupule, à
moins qu'elles ne soient un type caractéristique de l'Esprit qui se
communique, auquel cas il est utile de les conserver comme preuve
d'identité. C'est ainsi, par exemple, que nous avons vu un Esprit écrire
constamment Jule (sans s) en parlant à son petit-fils, parce que, de son
vivant, il l'écrivait de cette manière, et quoique le petit-fils, qui servait de
médium, sût parfaitement écrire son nom.
Dissertation d'un Esprit sur le rôle des médiums.
225. La dissertation suivante, donnée spontanément par un Esprit
supérieur qui s'est révélé par des communications de l'ordre le plus
élevé, résume de la manière la plus claire et la plus complète la question
du rôle des médiums :
«Quelle que soit la nature des médiums écrivains, qu'ils soient
mécaniques, semi-mécaniques ou simplement intuitifs, nos procédés de
communication avec eux ne varient pas essentiellement. En effet, nous
communiquons avec les Esprits incarnés eux-mêmes, comme avec les
Esprits proprement dits, par le seul rayonnement de notre pensée.
Nos pensées n'ont pas besoin du vêtement de la parole pour être
comprise par les Esprits, et tous les Esprits perçoivent la pensée que
nous désirons leur communiquer, par cela seul que nous dirigeons cette
pensée vers eux, et ce en raison de leurs facultés intellectuelles ; c'est-à-
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS SPIRITES223
dire que telle pensée peut être comprise par tels et tels, suivant leur
avancement, tandis que chez tels autres, cette pensée ne réveillant aucun
souvenir, aucune connaissance au fond de leur coeur ou de leur cerveau,
n'est pas perceptible pour eux. Dans ce cas, l'Esprit incarné qui nous sert
de médium est plus propre à rendre notre pensée pour les autres incarnés,
bien qu'il ne la comprenne pas, qu'un Esprit désincarné et peu avancé ne
pourrait le faire, si nous étions forcés de recourir à son intermédiaire ;
car l'être terrestre met son corps, comme instrument, à notre disposition,
ce que l'Esprit errant ne peut faire.
Ainsi, quand nous trouvons dans un médium le cerveau meublé de
connaissances acquises dans sa vie actuelle, et son Esprit riche de
connaissances antérieures latentes, propres à faciliter nos
communications, nous nous en servons de préférence, parce qu'avec lui
le phénomène de la communication nous est beaucoup plus facile
qu'avec un médium dont l'intelligence serait bornée, et dont les
connaissances antérieures seraient restées insuffisantes. Nous allons
nous faire comprendre par quelques explications nettes et précises.
Avec un médium dont l'intelligence actuelle ou antérieure se trouve
développée, notre pensée se communique instantanément d'Esprit à
Esprit, par une faculté propre à l'essence de l'Esprit lui-même. Dans ce
cas, nous trouvons dans le cerveau du médium les éléments propres à
donner à notre pensée le vêtement de la parole correspondant à cette
pensée, et cela, que le médium soit intuitif, semi-mécanique ou
mécanique pur. C'est pourquoi, quelle que soit la diversité des Esprits
qui se communiquent à un médium, les dictées obtenues par lui, tout en
procédant d'Esprits divers, portent un cachet de forme et de couleur
personnel à ce médium. Oui, bien que la pensée lui soit tout à fait
étrangère, bien que le sujet sorte du cadre dans lequel il se meut
habituellement lui-même, bien que ce que nous voulons dire ne
provienne en aucune façon de lui, il n'en influence pas moins la forme,
par les qualités, les propriétés qui sont adéquates à son individu. C'est
absolument comme lorsque vous regardez différents points de vue avec
des lunettes nuancées, vertes, blanches ou bleues ; bien que les points de
vue ou objets regardés soient tout à fait opposés et tout à fait
indépendants les uns des autres, ils n'en affectent pas moins toujours une
teinte qui provient de la couleur des lunettes. Ou mieux, comparons les
médiums à ces bocaux pleins de liquides colorés et transparents que l'on
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 224
voit dans la montre des officines pharmaceutiques ; eh bien, nous
sommes comme des lumières qui éclairons certains points de vue
moraux, philosophiques et internes, à travers des médiums bleus, verts
ou rouges, de telle sorte que nos rayons lumineux, obligés de passer à
travers des verres plus ou moins bien taillés, plus ou moins transparents,
c'est-à-dire par des médiums plus ou moins intelligents, n'arrivent sur les
objets que nous voulons éclairer qu'en empruntant la teinte, ou mieux la
forme propre et particulière à ces médiums. Enfin, pour terminer par une
dernière comparaison, nous, Esprits, sommes comme des compositeurs
de musique qui avons composé ou voulons improviser un air, et n'avons
sous la main qu'un piano, qu'un violon, qu'une flûte, qu'un basson ou
qu'un sifflet de deux sous. Il est incontestable qu'avec le piano, la flûte
ou le violon nous exécuterons notre morceau d'une manière très
compréhensible pour nos auditeurs ; bien que les sons provenant du
piano, du basson ou de la clarinette soient essentiellement différents les
uns des autres, notre composition n'en sera pas moins identiquement la
même, sauf les nuances du son. Mais si nous n'avons à notre disposition
qu'un sifflet de deux sous ou qu'un entonnoir de fontainier, là pour nous
gît la difficulté.
En effet, quand nous sommes obligés de nous servir de médiums peu
avancés, notre travail devient bien plus long, bien plus pénible, parce
que nous sommes obligés d'avoir recours à des formes incomplètes, ce
qui est une complication pour nous ; car alors, nous sommes forcés de
décomposer nos pensées et de procéder, mots par mots, lettres par lettres,
ce qui est un ennui et une fatigue pour nous, et une entrave réelle à la
promptitude et au développement de nos manifestations.
C'est pourquoi nous sommes heureux de trouver des médiums bien
appropriés, bien outillés, munis de matériaux prêts à fonctionner, bons
instruments en un mot, parce qu'alors notre périsprit, agissant sur le
périsprit de celui que nous médianimisons, n'a plus qu'à donner
l'impulsion à la main qui nous sert de porte-plume ou de porte-crayon ;
tandis qu'avec les médiums insuffisants, nous sommes obligés de faire
un travail analogue à celui que nous faisons quand nous nous
communiquons par des coups frappés, c'est-à-dire en désignant lettre par
lettre, mot par mot, chacune des phrases qui forment la traduction des
pensées que nous voulons communiquer.
ROLE DU MEDIUM DANS LES COMMUNICATIONS SPIRITES225
C'est pour ces raisons que nous nous sommes adressés de préférence
aux classes éclairées et instruites, pour la divulgation du Spiritisme et le
développement des facultés médianimiques scriptives, bien que ce soit
parmi ces classes que se rencontrent les individus les plus incrédules, les
plus rebelles et les plus immoraux. C'est que de même que nous laissons
aujourd'hui, aux Esprits jongleurs et peu avancés l'exercice des
communications tangibles de coups et d'apports, de même les hommes
peu sérieux parmi vous préfèrent-ils la vue des phénomènes qui frappent
leurs yeux ou leurs oreilles, aux phénomènes purement spirituels,
purement psychologiques.
Quand nous voulons procéder par dictées spontanées, nous agissons
sur le cerveau, sur les casiers du médium, et nous assemblons nos
matériaux avec les éléments qu'il nous fournit, et cela tout à fait à son
insu ; c'est comme si nous prenions dans sa bourse les sommes qu'il peut
y avoir, et que nous en arrangions les différentes monnaies suivant
l'ordre qui nous paraîtrait le plus utile.
Mais quand le médium veut lui-même nous interroger de telle ou telle
façon, il est bon qu'il y réfléchisse sérieusement afin de nous questionner
d'une façon méthodique, en nous facilitant ainsi notre travail de réponse.
Car, comme il vous a été dit dans une précédente instruction, votre
cerveau est souvent dans un désordre inextricable, et il nous est aussi
pénible que difficile de nous mouvoir dans le dédale de vos pensées.
Quand des questions doivent être posées par des tiers, il est bon, il est
utile que la série des questions soit communiquée, par avance, au
médium, pour que celui-ci s'identifie avec l'Esprit de l'évocateur, et s'en
imprègne pour ainsi dire ; parce que nous-mêmes avons alors bien plus
de facilité pour répondre, par l'affinité qui existe entre notre périsprit et
celui du médium qui nous sert d'interprète.
Certainement, nous pouvons parler mathématiques au moyen d'un
médium qui y a l'air tout à fait étranger ; mais souvent l'Esprit de ce
médium possède cette connaissance à l'état latent, c'est-à-dire personnel
à l'être fluidique et non à l'être incarné, parce que son corps actuel est un
instrument rebelle ou contraire à cette connaissance. Il en est de même
de l'astronomie, de la poésie, de la médecine, et des langues diverses
ainsi que de toutes les autres connaissances particulières à l'espèce
humaine. Enfin, nous avons encore le moyen de l'élaboration pénible en
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XIX 226
usage avec les médiums complètement étrangers au sujet traité, en
assemblant les lettres et les mots comme en typographie.
Comme nous l'avons dit, les Esprits n'ont pas besoin de revêtir leur
ERASTE et TIMOTHEE.
pensée ; ils perçoivent et communiquent la pensée, par ce fait seul
qu'elle existe en eux. Les êtres corporels, au contraire, ne peuvent
percevoir la pensée que revêtue. Tandis que la lettre le mot, le substantif,
le verbe, la phrase en un mot, vous sont nécessaires pour percevoir
même mentalement, aucune forme visible ou tangible n'est nécessaire
pour nous.»
Remarque. Cette analyse du rôle des médiums, et des procédés à l'aide desquels
les Esprits se communiquent, est aussi claire que logique. Il en découle ce
principe, que l'Esprit puise, non ses idées, mais les matériaux nécessaires pour les
exprimer dans le cerveau du médium, et que plus ce cerveau est riche en
matériaux, plus la communication est facile. Lorsque l'Esprit s'exprime dans la
langue familière au médium, il trouve en lui les mots tout formés pour revêtir
l'idée ; si c'est dans une langue qui lui est étrangère, il n'y trouve pas les mots,
mais simplement les lettres ; c'est pourquoi l'Esprit est obligé de dicter, pour ainsi
dire, lettre à lettre, exactement comme si nous voulions faire écrire de l'allemand à
celui qui n'en sait pas le premier mot. Si le médium ne sait ni lire ni écrire, il ne
possède pas même les lettres ; il faut donc lui conduire la main comme à un
écolier ; et là est une difficulté matérielle encore plus grande à vaincre. Ces
phénomènes sont donc possibles, et l'on en a de nombreux exemples ; mais on
comprend que cette manière de procéder s'accorde peu avec l'étendue et la rapidité
des communications, et que les Esprits doivent préférer les instruments les plus
faciles, ou, comme ils le disent, les médiums bien outillés à leur point de vue.
Si ceux qui demandent ces phénomènes comme moyen de conviction avaient
préalablement étudié la théorie, ils sauraient dans quelles conditions
exceptionnelles ils se produisent.
CHAPITRE XX.
INFLUENCE MORALE DU MEDIUM.
Questions diverses.
226. 1. Le développement de la médiumnité est-il en raison du
développement moral du médium ?
«Non ; la faculté proprement dite tient à l'organisme ; elle est
indépendante du moral ; il n'en est pas de même de l'usage, qui peut être
plus ou moins bon, suivant les qualités du médium.»
2. Il a toujours été dit que la médiumnité est un don de Dieu, une
grâce, une faveur ; pourquoi donc n'est-elle pas le privilège des hommes
de bien, et pourquoi voit-on des gens indignes qui en sont doués au plus
haut degré et qui en mésusent ?
«Toutes les facultés sont des faveurs dont on doit rendre grâce à Dieu,
puisqu'il y a des hommes qui en sont privés. Vous pourriez aussi
demander pourquoi Dieu accorde une bonne vue à des malfaiteurs, de
l'adresse aux filous, l'éloquence à ceux qui s'en servent pour dire de
mauvaises choses. Il en est de même de la médiumnité ; des gens
indignes en sont doués, parce qu'ils en ont plus besoin que les autres
pour s'améliorer ; pensez-vous que Dieu refuse les moyens de salut aux
coupables ? Il les multiplie sous leurs pas ; il les leur met dans les mains,
c'est à eux d'en profiter. Judas le traître n'a-t-il pas fait des miracles et
guéri des malades comme apôtre ? Dieu a permis qu'il eût ce don pour
rendre sa trahison plus odieuse.»
3. Les médiums qui font un mauvais usage de leur faculté, qui ne s'en
servent pas en vue du bien, ou qui n'en profitent pas pour leur
instruction, en subiront-ils les conséquences ?
«S'ils en usent mal, ils en seront doublement punis, parce qu'ils ont un
moyen de plus de s'éclairer et qu'ils ne le mettent pas à profit. Celui qui
voit clair et qui trébuche est plus blâmable que l'aveugle qui tombe dans
le fossé.»
4. Il y a des médiums à qui il est fait spontanément, et presque
constamment, des communications sur un même sujet, sur certaines
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XX 228
questions morales, par exemple, sur certains défauts déterminés ; cela at-
il un but ?
«Oui, et ce but est de les éclairer sur un sujet souvent répété, ou de les
corriger de certains défauts ; c'est pourquoi à l'un ils parleront sans cesse
de l'orgueil, à un autre de la charité ; ce n'est que la satiété qui peut leur
ouvrir enfin les yeux. Il n'y a pas de médium mésusant de sa faculté, par
ambition ou par intérêt, ou la compromettant par un défaut capital,
comme l'orgueil, l'égoïsme, la légèreté, etc., qui ne reçoive de temps en
temps quelques avertissements de la part des Esprits ; le mal est que la
plupart du temps ils ne prennent pas cela pour eux.»
Remarque. Les Esprits mettent souvent des ménagements dans leurs leçons ; ils
les donnent d'une manière indirecte pour laisser plus de mérite à celui qui sait se
les appliquer et en profiter ; mais l'aveuglement et l'orgueil sont tels chez certaines
personnes qu'elles ne se reconnaissent pas au tableau qu'on leur met sous les
yeux ; bien plus, si l'Esprit leur donne à entendre que c'est d'elles dont il s'agit,
elles se fâchent et traitent l'Esprit de menteur ou de mauvais plaisant. Cela seul
prouve que l'Esprit a raison.
5. Dans les leçons qui sont dictées au médium d'une manière générale
et sans application personnelle, celui-ci n'agit-il pas comme instrument
passif pour servir à l'instruction d'autrui ?
«Souvent ces avis et ces conseils ne sont pas dictés pour lui
personnellement, mais bien pour les autres auxquels nous ne pouvons
nous adresser que par l'intermédiaire de ce médium, mais qui doit en
prendre sa part, s'il n'est pas aveuglé par l'amour-propre.
Ne croyez pas que la faculté médianimique ait été donnée pour
corriger seulement une ou deux personnes ; non ; le but est plus grand :
il s'agit de l'humanité. Un médium est un instrument trop peu important
comme individu ; c'est pourquoi, lorsque nous donnons des instructions
qui doivent profiter à la généralité, nous nous servons de ceux qui
possèdent les facilités nécessaires ; mais admettez pour certain qu'il
viendra un temps où les bons médiums seront assez communs, pour que
les bons Esprits n'aient pas besoin de se servir de mauvais instruments.»
6. Puisque les qualités morales du médium éloignent les Esprits
imparfaits, comment se fait-il qu'un médium doué de bonnes qualités
transmette des réponses fausses ou grossières ?
«Connais-tu tous les replis de son âme ? D'ailleurs, sans être vicieux il
peut être léger et frivole ; et puis quelquefois aussi il a besoin d'une
leçon, afin qu'il se tienne en garde.»
INFLUENCE MORALE DU MEDIUM 229
7. Pourquoi les Esprits supérieurs permettent-ils que des personnes
douées d'une grande puissance comme médiums, et qui pourraient faire
beaucoup de bien, soient les instruments de l'erreur ?
«Ils tâchent de les influencer ; mais quand elles se laissent entraîner
dans une mauvaise voie, ils les laissent aller. C'est pourquoi ils s'en
servent avec répugnance, car la vérité ne peut être interprétée par le
mensonge.»
8. Est-il absolument impossible d'avoir de bonnes communications par
un médium imparfait ?
«Un médium imparfait peut quelquefois obtenir de bonnes choses,
parce que, s'il a une belle faculté, de bons Esprits peuvent s'en servir à
défaut d'un autre dans une circonstance particulière ; mais ce n'est
toujours que momentanément, car dès qu'ils en trouvent un qui leur
convient mieux, ils lui donnent la préférence.»
Remarque. Il est à observer que lorsque les bons Esprits jugent qu'un médium
cesse d'être bien assisté, et devient, par ses imperfections, la proie des Esprits
trompeurs, ils provoquent presque toujours des circonstances qui dévoilent ses
travers, et l'éloignent des gens sérieux et bien intentionnés dont la bonne foi
pourrait être abusée. Dans ce cas, quelles que soient ses facultés, il n'est pas à
regretter.
9. Quel serait le médium que l'on pourrait appeler parfait ?
«Parfait, hélas ! vous savez bien que la perfection n'est pas sur la terre,
sans cela vous n'y seriez pas ; dites donc bon médium, et c'est déjà
beaucoup, car ils sont rares. Le médium parfait serait celui sur lequel les
mauvais Esprits n'auraient jamais osé faire une tentative pour le
tromper ; le meilleur est celui qui, ne sympathisant qu'avec de bons
Esprits, a été trompé le moins souvent.»
10. S'il ne sympathise qu'avec de bons Esprits, comment peuvent-ils
permettre qu'il soit trompé ?
«Les bons Esprits le permettent quelquefois avec les meilleurs
médiums pour exercer leur jugement et leur apprendre à discerner le vrai
du faux ; et puis, quelque bon que soit un médium, il n'est jamais si
parfait qu'il ne puisse donner prise sur lui par quelque côté faible ; cela
doit lui servir de leçon. Les fausses communications qu'il reçoit de temps
en temps sont des avertissements pour qu'il ne se croie pas infaillible et
ne s'enorgueillisse pas ; car le médium qui obtient les choses les plus
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XX 230
remarquables n'a pas plus à s'en glorifier que le joueur d'orgue qui
produit de beaux airs en tournant la manivelle de son instrument.»
11. Quelles sont les conditions nécessaires pour que la parole des
Esprits supérieurs nous arrive pure de toute altération ?
«Vouloir le bien ; chasser l'égoïsme et l'orgueil : l'un et l'autre sont
nécessaires.»
12. Si la parole des Esprits supérieurs ne nous arrive pure que dans des
conditions difficiles à rencontrer, n'est-ce pas un obstacle à la
propagation de la vérité ?
«Non, car la lumière arrive toujours à celui qui veut la recevoir.
Quiconque veut s'éclairer doit fuir les ténèbres, et les ténèbres sont dans
l'impureté du coeur.
Les Esprits que vous regardez comme la personnification du bien ne
se rendent point volontiers à l'appel de ceux dont le coeur est souillé par
l'orgueil, la cupidité et le manque de charité.
Que ceux-là donc qui veulent s'éclairer dépouillent toute vanité
humaine et humilient leur raison devant la puissance infinie du Créateur,
ce sera la meilleure preuve de leur sincérité ; et cette condition, chacun
peut la remplir.»
227. Si le médium, au point de vue de l'exécution, n'est qu'un
instrument, il exerce sous le rapport moral une très grande influence.
Puisque, pour se communiquer, l'Esprit étranger s'identifie avec l'Esprit
du médium, cette identification ne peut avoir lieu qu'autant qu'il y a entre
eux sympathie, et si l'on peut dire affinité. L'âme exerce sur l'Esprit
étranger une sorte d'attraction ou de répulsion, selon le degré de leur
similitude ou de leur dissemblance ; or, les bons ont de l'affinité pour les
bons, et les mauvais pour les mauvais ; d'où il suit que les qualités
morales du médium ont une influence capitale sur la nature des Esprits
qui se communiquent par son intermédiaire. S'il est vicieux, les Esprits
inférieurs viennent se grouper autour de lui et sont toujours prêts à
prendre la place des bons Esprits que l'on a appelés. Les qualités qui
attirent de préférence les bons Esprits sont : la bonté, la bienveillance, la
simplicité du coeur, l'amour du prochain, le détachement des choses
matérielles ; les défauts qui les repoussent sont : l'orgueil, l'égoïsme,
l'envie, la jalousie, la haine, la cupidité, la sensualité, et toutes les
passions par lesquelles l'homme s'attache à la matière.
INFLUENCE MORALE DU MEDIUM 231
228. Toutes les imperfections morales sont autant de portes ouvertes
qui donnent accès aux mauvais Esprits ; mais celle qu'ils exploitent avec
le plus d'habileté, c'est l'orgueil, parce que c'est celle qu'on s'avoue le
moins à soi-même ; l'orgueil a perdu de nombreux médiums doués des
plus belles facultés, et qui, sans cela, eussent pu devenir des sujets
remarquables et très utiles ; tandis que, devenus la proie d'Esprits
menteurs, leurs facultés se sont d'abord perverties, puis annihilées, et
plus d'un s'est vu humilié par les plus amères déceptions.
L'orgueil se traduit chez les médiums par des signes non équivoques
sur lesquels il est d'autant plus nécessaire d'appeler l'attention, que c'est
un des travers qui doivent le plus inspirer de défiance sur la véracité de
leurs communications. C'est d'abord une confiance aveugle dans la
supériorité de ces mêmes communications, et dans l'infaillibilité de
l'Esprit qui les leur donne ; de là un certain dédain pour tout ce qui ne
vient pas d'eux, car ils se croient le privilège de la vérité. Le prestige des
grands noms dont se parent les Esprits qui sont censés les protéger les
éblouit, et comme leur amour-propre souffrirait d'avouer qu'ils sont
dupes, ils repoussent toute espèce de conseils ; ils les évitent même en
s'éloignant de leurs amis et de quiconque pourrait ouvrir leurs yeux ; s'ils
ont la condescendance de les écouter, ils ne tiennent aucun compte de
leurs avis, car douter de la supériorité de leur Esprit, c'est presque une
profanation. Ils s'offusquent de la moindre contradiction, d'une simple
observation critique, et vont quelquefois jusqu'à prendre en haine les
personnes mêmes qui leur ont rendu service. A la faveur de cet isolement
provoqué par les Esprits qui ne veulent pas avoir de contradicteurs,
ceux-ci ont beau jeu pour les entretenir dans leurs illusions, aussi leur
font-ils aisément prendre les plus grosses absurdités pour des choses
sublimes. Ainsi, confiance absolue dans la supériorité de ce qu'ils
obtiennent, mépris de ce qui ne vient pas d'eux, importance irréfléchie
attachée aux grands noms, rejet des conseils, prise en mauvaise part de
toute critique, éloignement de ceux qui peuvent donner des avis
désintéressés, croyance à leur habileté malgré leur défaut d'expérience :
tels sont les caractères des médiums orgueilleux.
Il faut convenir aussi que l'orgueil est souvent excité chez le médium
par son entourage. S'il a des facultés un peu transcendantes, il est
recherché et prôné ; il se croit indispensable et bientôt affecte des airs de
suffisance et de dédain quand il prête son concours. Nous avons eu plus
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XX 232
d'une fois lieu de regretter les éloges que nous avions donnés à certains
médiums, dans le but de les encourager.
229. A côté de cela, mettons en regard le tableau du médium vraiment
bon, celui en qui l'on peut avoir confiance. Nous supposons d'abord une
facilité d'exécution assez grande pour permettre aux Esprits de se
communiquer librement et sans être entravés par aucune difficulté
matérielle. Ceci étant donné, ce qu'il importe le plus de considérer, c'est
la nature des Esprits qui l'assistent d'habitude, et pour cela ce n'est pas au
nom qu'il faut s'en rapporter, mais au langage. Il ne doit jamais perdre de
vue que les sympathies qu'il se conciliera parmi les bons Esprits seront
en raison de ce qu'il fera pour éloigner les mauvais. Persuadé que sa
faculté est un don qui lui est accordé pour le bien, il ne cherche
nullement à s'en prévaloir, il ne s'en fait aucun mérite. Il accepte les
bonnes communications qui lui sont faites comme une grâce dont il doit
s'efforcer de se rendre digne par sa bonté, par sa bienveillance et sa
modestie. Le premier s'enorgueillit de ses rapports avec les Esprits
supérieurs ; celui-ci s'en humilie, parce qu'il se croit toujours au-dessous
de cette faveur.
Dissertation d'un Esprit sur l'influence morale.
230. L'instruction suivante nous a été donnée sur ce sujet par un Esprit
dont nous avons déjà rapporté plusieurs communications :
«Nous l'avons déjà dit : les médiums, en tant que médiums, n'ont
qu'une influence secondaire dans les communications des Esprits ; leur
tâche est celle d'une machine électrique, qui transmet les dépêches
télégraphiques d'un point éloigné à un autre point éloigné de la terre.
Ainsi, quand nous voulons dicter une communication, nous agissons sur
le médium comme l'employé du télégraphe sur son appareil ; c'est-à-dire
de même que le tac-tac du télégraphe dessine à des milliers de lieues, sur
une bande de papier, les signes reproducteurs de la dépêche, de même
nous communiquons à travers les distances incommensurables qui
séparent le monde visible du monde invisible, le monde immatériel du
monde incarné, ce que nous voulons vous enseigner au moyen de
l'appareil médianimique. Mais aussi, de même que les influences
atmosphériques agissent et troublent souvent les transmissions du
télégraphe électrique, l'influence morale du médium agit et trouble
quelquefois la transmission de nos dépêches d'outre-tombe, parce que
INFLUENCE MORALE DU MEDIUM 233
nous sommes obligés de les faire passer par un milieu qui leur est
contraire. Cependant, le plus souvent cette influence est annulée par
notre énergie et notre volonté, et aucun acte perturbateur ne se
manifeste. En effet, des dictées d'une haute portée philosophique, des
communications d'une parfaite moralité sont transmises quelquefois par
des médiums peu propres à ces enseignements supérieurs ; tandis que,
d'un autre côté, des communications peu édifiantes arrivent aussi
quelquefois par des médiums tout honteux de leur avoir servi de
conducteur.
En thèse générale, on peut affirmer que les Esprits similaires appellent
les Esprits similaires, et que rarement les Esprits des pléiades élevées se
communiquent par des appareils mauvais conducteurs, quand ils ont
sous la main de bons appareils médianimiques, de bons médiums en un
mot.
Les médiums légers et peu sérieux appellent donc des Esprits de même
nature ; c'est pourquoi leurs communications sont empreintes de
banalités, de frivolités, d'idées sans suite et souvent fort hétérodoxes,
spiritement parlant. Certes, ils peuvent dire et disent quelquefois de
bonnes choses ; mais c'est dans ce cas surtout qu'il faut apporter un
examen sévère et scrupuleux ; car, au lieu de ces bonnes choses, certains
Esprits hypocrites insinuent avec habileté et avec une perfidie calculée
des faits controuvés, des assertions mensongères, afin de duper la bonne
foi de leurs auditeurs. On doit alors élaguer sans pitié tout mot, toute
phrase équivoques, et ne conserver de la dictée que ce que la logique
accepte, ou ce que la doctrine a déjà enseigné. Les communications de
cette nature ne sont à redouter que pour les Spirites isolés, les groupes
récents ou peu éclairés ; car, dans les réunions où les adeptes sont plus
avancés et ont acquis de l'expérience, le geai a beau se parer des plumes
du paon, il est toujours impitoyablement éconduit.
Je ne parlerai pas des médiums qui se plaisent à solliciter et à écouter
des communications ordurières ; laissons-les se complaire dans la société
des Esprits cyniques. D'ailleurs, les communications de cet ordre
recherchent d'elles-mêmes la solitude et l'isolement ; elles ne pourraient,
en tout cas, que soulever le dédain et le dégoût parmi les membres des
groupes philosophiques et sérieux. Mais où l'influence morale du
médium se fait réellement sentir, c'est quand celui-ci substitue ses idées
personnelles à celles que les Esprits s'efforcent de lui suggérer ; c'est
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XX 234
encore lorsqu'il puise dans son imagination des théories fantastiques
qu'il croit lui-même, de bonne foi, résulter d'une communication
intuitive. Il y a souvent alors mille à parier contre un que ceci n'est que le
reflet de l'Esprit personnel du médium ; et il arrive même ce fait curieux,
c'est que la main du médium se meut quelquefois presque
mécaniquement, poussée qu'elle est par un Esprit secondaire et moqueur.
C'est contre cette pierre de touche que viennent se briser les
imaginations ardentes ; car, emportés par la fougue de leurs propres
idées, par le clinquant de leurs connaissances littéraires, les médiums
méconnaissent la modeste dictée d'un sage Esprit, et, abandonnant la
proie pour l'ombre, y substituent une paraphrase ampoulée. C'est contre
cet écueil redoutable que viennent également échouer les personnalités
ambitieuses qui, à défaut des communications que les bons Esprits leur
refusent, présentent leurs propres oeuvres comme l'oeuvre de ces Esprits
eux-mêmes. Voilà pourquoi il faut que les chefs des groupes spirites
soient pourvus d'un tact exquis et d'une rare sagacité pour discerner les
communications authentiques de celles qui ne le sont pas, et pour ne pas
blesser ceux qui se font illusion à eux-mêmes.
Dans le doute, abstiens-toi, dit un de vos anciens proverbes ;
n'admettez donc que ce qui est pour vous d'une évidence certaine. Dès
qu'une opinion nouvelle se fait jour, pour peu qu'elle vous semble
douteuse, passez-la au laminoir de la raison et de la logique ; ce que la
raison et le bon sens réprouvent, rejetez-le hardiment ; mieux vaut
repousser dix vérités qu'admettre un seul mensonge, une seule fausse
théorie. En effet, sur cette théorie vous pourriez édifier tout un système
qui croulerait au premier souffle de la vérité comme un monument bâti
sur un sable mouvant, tandis que, si vous rejetez aujourd'hui certaines
vérités parce qu'elles ne vous sont pas démontrées logiquement et
clairement, bientôt un fait brutal ou une démonstration irréfutable
viendra vous en affirmer l'authenticité.
Rappelez-vous, néanmoins, ô spirites ! qu'il n'y a d'impossible pour
Dieu et pour les bons Esprits que l'injustice et l'iniquité.
Le spiritisme est assez répandu maintenant parmi les hommes, et a
suffisamment moralisé les adeptes sincères de sa sainte doctrine, pour
que les Esprits ne soient plus réduits à employer de mauvais outils, des
médiums imparfaits. Si donc maintenant un médium, quel qu'il soit,
donne, par sa conduite ou ses moeurs, par son orgueil, par son manque
INFLUENCE MORALE DU MEDIUM 235
d'amour et de charité, un légitime sujet de suspicion, repoussez,
repoussez ses communications, car il y a un serpent caché dans l'herbe.
Voilà ma conclusion sur l'influence morale des médiums.»
ERASTE.
CHAPITRE XXI.
INFLUENCE DU MILIEU.
231. 1. Le milieu dans lequel se trouve le médium exerce-t-il une
influence sur les manifestations ?
«Tous les Esprits qui entourent le médium l'aident dans le bien comme
dans le mal.»
2. Les Esprits supérieurs ne peuvent-ils triompher du mauvais vouloir
de l'Esprit incarné qui leur sert d'interprète et de ceux qui l'entourent ?
«Oui, quand ils le jugent utile, et selon l'intention de la personne qui
s'adresse à eux. Nous l'avons déjà dit : les Esprits les plus élevés peuvent
quelquefois se communiquer par une faveur spéciale, malgré
l'imperfection du médium et du milieu, mais alors ceux-ci y demeurent
complètement étrangers.»
3. Les Esprits supérieurs cherchent-ils à ramener les réunions futiles à
des idées plus sérieuses ?
«Les Esprits supérieurs ne vont pas dans les réunions où ils savent que
leur présence est inutile. Dans les milieux peu instruits, mais où il y a de
la sincérité, nous allons volontiers quand même nous n'y trouverions que
de médiocres instruments ; mais dans les milieux instruits où l'ironie
domine, nous n'allons pas. Là, il faut parler aux yeux et aux oreilles :
c'est le rôle des Esprits frappeurs et moqueurs. Il est bon que les gens qui
se targuent de leur science soient humiliés par les Esprits les moins
savants et les moins avancés.»
4. L'accès des réunions sérieuses est-il interdit aux Esprits inférieurs ?
«Non, ils y restent quelquefois afin de profiter des enseignements qui
vous sont donnés ; mais ils se taisent comme des étourdis dans
l'assemblée des sages.»
232. Ce serait une erreur de croire qu'il faut être médium pour attirer à
soi les êtres du monde invisible. L'espace en est peuplé ; nous en avons
sans cesse autour de nous, à nos côtés, qui nous voient, nous observent,
se mêlent à nos réunions, qui nous suivent ou nous fuient selon que nous
les attirons ou les repoussons. La faculté médianimique n'est rien pour
cela : elle n'est qu'un moyen de communication. D'après ce que nous
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXI 238
avons vu sur les causes de sympathie ou d'antipathie des Esprits, on
comprendra aisément que nous devons être entourés de ceux qui ont de
l'affinité pour notre propre Esprit, selon qu'il est élevé ou dégradé.
Considérons maintenant l'état moral de notre globe, et l'on comprendra
quel est le genre d'Esprits qui doit dominer parmi les Esprits errants. Si
nous prenons chaque peuple en particulier, nous pourrons juger, par le
caractère dominant des habitants, par leurs préoccupations, leurs
sentiments plus ou moins moraux et humanitaires, des ordres d'Esprits
qui s'y donnent de préférence rendez-vous.
Partant de ce principe, supposons une réunion d'hommes légers,
inconséquents, occupés de leurs plaisirs ; quels seront les Esprits qui s'y
trouveront de préférence ? Ce ne seront pas assurément des Esprits
supérieurs, pas plus que nos savants et nos philosophes n'iraient y passer
leur temps. Ainsi, toutes les fois que des hommes s'assemblent, ils ont
avec eux une assemblée occulte qui sympathise avec leurs qualités ou
leurs travers, et cela abstraction faite de toute pensée d'évocation.
Admettons maintenant qu'ils aient la possibilité de s'entretenir avec les
êtres du monde invisible par un interprète, c'est-à-dire par un médium ;
quels sont ceux qui vont répondre à leur appel ? Evidemment ceux qui
sont là, tout prêts, et qui ne cherchent qu'une occasion de se
communiquer. Si, dans une assemblée futile, on appelle un Esprit
supérieur, il pourra venir, et même faire entendre quelques paroles
raisonnables, comme un bon pasteur vient au milieu de ses brebis
égarées ; mais du moment qu'il ne se voit ni compris ni écouté, il s'en va,
comme vous le feriez vous-même à sa place, et les autres ont leurs
coudées franches.
233. Il ne suffit pas toujours qu'une assemblée soit sérieuse pour avoir
des communications d'un ordre élevé ; il y a des gens qui ne rient jamais,
et dont le coeur n'en est pas plus pur ; or, c'est le coeur surtout qui attire
les bons Esprits. Aucune condition morale n'exclut les communications
spirites ; mais si l'on est dans de mauvaises conditions, on cause avec ses
pareils, qui ne se font pas faute de nous tromper, et souvent caressent
nos préjugés.
On voit par là l'énorme influence du milieu sur la nature des
manifestations intelligentes ; mais cette influence ne s'exerce point
comme l'ont prétendu quelques personnes, alors qu'on ne connaissait pas
INFLUENCE DU MILIEU 239
encore le monde des Esprits comme on le connaît aujourd'hui, et avant
que des expériences plus concluantes soient venues éclaircir les doutes.
Lorsque des communications concordent avec l'opinion des assistants, ce
n'est point parce que cette opinion se réfléchit dans l'Esprit du médium
comme dans un miroir, c'est parce que vous avez avec vous des Esprits
qui vous sont sympathiques pour le bien comme pour le mal, et qui
abondent dans votre sens ; et ce qui le prouve, c'est que si vous avez la
force d'attirer à vous d'autres Esprits que ceux qui vous entourent, ce
même médium va vous tenir un langage tout différent, et vous dire les
choses les plus éloignées de votre pensée et de vos convictions. En
résumé, les conditions du milieu seront d'autant meilleures qu'il y aura
plus d'homogénéité pour le bien, plus de sentiments purs et élevés, plus
de désir sincère de s'instruire sans arrière-pensée.
CHAPITRE XXII.
DE LA MEDIANIMITE CHEZ LES ANIMAUX.
Dissertation d'un esprit sur cette question.
234. Les animaux peuvent-ils être médiums ? On s'est souvent posé
cette question, et certains faits sembleraient y répondre affirmativement.
Ce qui a pu surtout accréditer cette opinion, ce sont les signes
remarquables d'intelligence de quelques oiseaux dressés qui paraissent
deviner la pensée et tirent d'un paquet de cartes celles qui peuvent
amener la réponse exacte à une question proposée. Nous avons observé
ces expériences avec un soin tout particulier, et ce que nous avons le
plus admiré, c'est l'art qu'il a fallu déployer pour l'instruction de ces
oiseaux. On ne peut sans doute leur refuser une certaine dose
d'intelligence relative, mais il faudrait convenir que, dans cette
circonstance, leur perspicacité dépasserait de beaucoup celle de
l'homme, car il n'est personne qui puisse se flatter de faire ce qu'ils font ;
il faudrait même, pour certaines expériences, leur supposer un don de
seconde vue supérieur à celui des somnambules les plus clairvoyants. En
effet, on sait que la lucidité est essentiellement variable, et qu'elle est
sujette à de fréquentes intermittences, tandis que chez ces oiseaux elle
serait permanente et fonctionnerait à point nommé avec une régularité et
une précision que l'on ne voit chez aucun somnambule ; en un mot, elle
ne leur ferait jamais défaut. La plupart des expériences que nous avons
vues sont de la nature de celles que font les prestidigitateurs, et ne
pouvaient nous laisser de doute sur l'emploi de quelques-uns de leurs
moyens, notamment celui des cartes forcées. L'art de la prestidigitation
consiste à dissimuler ces moyens, sans quoi l'effet n'aurait plus de
charme. Le phénomène, même réduit à cette proportion, n'en est pas
moins très intéressant, et il reste toujours à admirer le talent de
l'instructeur aussi bien que l'intelligence de l'élève, car la difficulté à
vaincre est bien plus grande que si l'oiseau n'agissait qu'en vertu de ses
propres facultés ; or, en faisant faire à celui-ci des choses qui dépassent
la limite du possible pour l'intelligence humaine, c'est prouver, par cela
seul, l'emploi d'un procédé secret. Il est d'ailleurs un fait constant, c'est
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXII 242
que ces oiseaux n'arrivent à ce degré d'habileté qu'au bout d'un certain
temps, et à l'aide de soins particuliers et persévérants, ce qui ne serait
point nécessaire si leur intelligence en faisait seule les frais. Il n'est pas
plus extraordinaire de les dresser à tirer des cartes que de les habituer à
répéter des airs ou des paroles.
Il en a été de même quand la prestidigitation a voulu imiter la seconde
vue ; on faisait faire au sujet beaucoup trop pour que l'illusion fût de
longue durée. Dès la première fois que nous assistâmes à une séance de
ce genre, nous n'y vîmes qu'une imitation très imparfaite du
somnambulisme, révélant l'ignorance des conditions les plus essentielles
de cette faculté.
235. Quoi qu'il en soit des expériences ci-dessus, la question
principale n'en reste pas moins entière à un autre point de vue ; car de
même que l'imitation du somnambulisme n'empêche pas la faculté
d'exister, l'imitation de la médiumnité par le moyen des oiseaux ne
prouverait rien contre la possibilité d'une faculté analogue chez eux ou
chez d'autres animaux. Il s'agit donc de savoir si les animaux sont aptes,
comme les hommes, à servir d'intermédiaires aux Esprits pour leurs
communications intelligentes. Il semble même assez logique de supposer
qu'un être vivant, doué d'une certaine dose d'intelligence, soit plus
propre à cet effet qu'un corps inerte, sans vitalité, comme une table, par
exemple ; c'est pourtant ce qui n'a pas lieu.
236. La question de la médiumnité des animaux se trouve
complètement résolue dans la dissertation suivante donnée par un Esprit
dont on a pu apprécier la profondeur et la sagacité par les citations que
nous avons déjà eu l'occasion de faire. Pour bien saisir la valeur de sa
démonstration, il est essentiel de se reporter à l'explication qu'il a donnée
du rôle du médium dans les communications, et que nous avons
reproduite ci-dessus. (N° 225.)
Cette communication a été donnée à la suite d'une discussion qui avait
eu lieu, sur ce sujet, dans la Société parisienne des études spirites.
«J'aborde aujourd'hui la question de la médianimité des animaux
soulevée et soutenue par un de vos plus fervents adeptes. Il prétend, en
vertu de cet axiome : Qui peut le plus peut le moins, que nous pouvons
médianimiser les oiseaux et les autres animaux, et nous en servir dans
nos communications avec l'espèce humaine. C'est ce que vous appelez
DE LA MEDIANIMITE CHEZ LES ANIMAUX 243
en philosophie, ou plutôt en logique, purement et simplement un
sophisme. "Vous animez, dit-il, la matière inerte, c'est-à-dire une table,
une chaise, un piano ; a fortiori devez-vous animer la matière déjà
animée et notamment des oiseaux." Eh bien ! dans l'état normal du
spiritisme, cela n'est pas, cela ne peut pas être.
D'abord, convenons bien de nos faits. Qu'est-ce qu'un médium ? C'est
l'être, c'est l'individu qui sert de trait d'union aux Esprits, pour que ceuxci
puissent se communiquer avec facilité aux hommes : Esprits incarnés.
Par conséquent, sans médium, point de communications tangibles,
mentales, scriptives, physiques, ni de quelque sorte que ce soit.
Il est un principe qui, j'en suis sûr, est admis par tous les spirites : c'est
que les semblables agissent avec leurs semblables et comme leurs
semblables. Or, quels sont les semblables des Esprits, sinon les Esprits
incarnés ou non. Faut-il vous le répéter sans cesse ? Eh bien ! je vous le
répéterai encore : votre périsprit et le nôtre sont puisés dans le même
milieu, sont d'une nature identique, sont semblables, en un mot ; ils
possèdent une propriété d'assimilation plus ou moins développée,
d'aimantation plus ou moins vigoureuse, qui nous permet, Esprits et
incarnés, de nous mettre très promptement et très facilement en rapport.
Enfin, ce qui appartient en propre aux médiums, ce qui est de l'essence
même de leur individualité, c'est une affinité spéciale, et en même temps
une force d'expansion particulière qui anéantissent en eux toute
réfractibilité, et établissent entre eux et nous une sorte de courant, une
espèce de fusion qui facilite nos communications. C'est, du reste, cette
réfractibilité de la matière qui s'oppose au développement de la
médianimité chez la plupart de ceux qui ne sont pas médiums.
Les hommes sont toujours portés à tout exagérer ; les uns, je ne parle
pas ici des matérialistes, refusent une âme aux animaux, et d'autres
veulent leur en donner une, pour ainsi dire, pareille à la nôtre. Pourquoi
vouloir ainsi confondre le perfectible avec l'imperfectible ? Non, non,
soyez-en convaincus, le feu qui anime les bêtes, le souffle qui les fait
agir, mouvoir et parler en leur langage, n'a, quant à présent, aucune
aptitude à se mêler, à s'unir, à se fondre avec le souffle divin, l'âme
éthérée, l'Esprit en un mot, qui anime l'être essentiellement perfectible :
l'homme, ce roi de la création. Or, n'est-ce pas ce qui fait la supériorité
de l'espèce humaine sur les autres espèces terrestres que cette condition
essentielle de perfectibilité ? Eh bien ! reconnaissez donc qu'on ne peut
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXII 244
assimiler à l'homme, seul perfectible en lui-même et dans ses oeuvres,
aucun individu des autres races vivantes sur la terre.
Le chien, que son intelligence supérieure parmi les animaux a rendu
l'ami et le commensal de l'homme, est-il perfectible de son chef et de son
initiative personnelle ? Nul n'oserait le soutenir ; car le chien ne fait pas
progresser le chien ; et celui d'entre eux qui est le mieux dressé est
toujours dressé par son maître. Depuis que le monde est monde, la loutre
bâtit toujours sa hutte sur les eaux, d'après les mêmes proportions et
suivant une règle invariable ; les rossignols et les hirondelles n'ont
jamais construit leurs nids autrement que leurs pères ne l'avaient fait. Un
nid de moineaux d'avant le déluge, comme un nid de moineaux de
l'époque moderne, est toujours un nid de moineaux, édifié dans les
mêmes conditions et avec le même système d'entrelacement de brins
d'herbes et de débris, recueillis au printemps à l'époque des amours. Les
abeilles et les fourmis, ces petites républiques ménagères, n'ont jamais
varié dans leurs habitudes d'approvisionnement, dans leurs allures, dans
leurs moeurs, dans leurs productions. Enfin, l'araignée tisse toujours sa
toile de la même manière.
D'un autre côté, si vous cherchez les cabanes de feuillage et les tentes
des premiers âges de la terre, vous rencontrerez à leur place les palais et
les châteaux de la civilisation moderne ; aux vêtements de peaux brutes
ont succédé les tissus d'or et de soie ; enfin, à chaque pas vous trouvez la
preuve de cette marche incessante de l'humanité vers le progrès.
De ce progrès constant, invincible, irrécusable de l'espèce humaine, et
de ce stationnement indéfini des autres espèces animées, concluez avec
moi que s'il existe des principes communs à ce qui vit et ce qui se meut
sur la terre : le souffle et la matière, il n'en est pas moins vrai que vous
seuls, Esprits incarnés, êtes soumis à cette inévitable loi du progrès qui
vous pousse fatalement en avant, et toujours en avant. Dieu a mis les
animaux à côté de vous comme des auxiliaires pour vous nourrir, vous
vêtir, vous seconder. Il leur a donné une certaine dose d'intelligence,
parce que, pour vous aider, il leur fallait comprendre, et il a proportionné
leur intelligence aux services qu'ils sont appelés à rendre ; mais dans sa
sagesse il n'a pas voulu qu'ils fussent soumis à la même loi du progrès ;
tels ils ont été créés, tels ils sont restés et resteront jusqu'à l'extinction de
leurs races.
DE LA MEDIANIMITE CHEZ LES ANIMAUX 245
On a dit : les Esprits médianimisent et font mouvoir la matière inerte,
des chaises, des tables, des pianos ; font mouvoir, oui, mais
médianimisent, non ! Car, encore une fois, sans médium, aucun de ces
phénomènes ne peut se produire. Qu'y a-t-il d'extraordinaire qu'à l'aide
d'un ou de plusieurs médiums nous fassions mouvoir la matière inerte,
passive, qui justement en raison de sa passivité, de son inertie, est propre
à subir les mouvements et les impulsions que nous désirons lui
imprimer ? Pour cela, nous avons besoin de médiums, c'est positif ; mais
il n'est pas nécessaire que le médium soit présent ou conscient, car nous
pouvons agir avec les éléments qu'il nous fournit, à son insu et hors de
sa présence, surtout dans les faits de tangibilité et d'apports. Notre
enveloppe fluidique, plus impondérable et plus subtile que le plus subtil
et le plus impondérable de vos gaz, s'unissant, se mariant, se combinant
avec l'enveloppe fluidique mais animalisée du médium, et dont la
propriété d'expansion et de pénétrabilité est insaisissable pour vos sens
grossiers, et presque inexplicable pour vous, nous permet de mouvoir les
meubles et même de les briser dans des pièces inhabitées.
Certainement, les Esprits peuvent se rendre visibles et tangibles pour
les animaux, et souvent telle frayeur subite qu'ils prennent, et qui ne
vous semble pas motivée, est causée par la vue d'un ou de plusieurs de
ces Esprits mal intentionnés pour les individus présents ou pour ceux à
qui appartiennent ces animaux. Très souvent, vous apercevez des
chevaux qui ne veulent ni avancer, ni reculer, ou qui se cabrent devant
un obstacle imaginaire ; eh bien ! tenez pour certain que l'obstacle
imaginaire est souvent un Esprit ou un groupe d'Esprit qui se plaît à les
empêcher d'avancer. Rappelez-vous l'ânesse de Balaam, qui, voyant un
ange devant elle et redoutant son épée flamboyante, s'obstinait à ne pas
bouger ; c'est qu'avant de se manifester visiblement à Balaam, l'ange
avait voulu se rendre visible pour l'animal seul ; mais, je le répète, nous
ne médianimisons directement ni les animaux ni la matière inerte ; il
nous faut toujours le concours conscient ou inconscient d'un médium
humain, parce qu'il nous faut l'union de fluides similaires, ce que nous
ne trouvons ni dans les animaux, ni dans la matière brute.
M. T... a, dit-il, magnétisé son chien ; à quoi est-il arrivé ? Il l'a tué ;
car ce malheureux animal est mort après être tombé dans une espèce
d'atonie, de langueur, conséquence de sa magnétisation. En effet, en
l'inondant d'un fluide puisé dans une essence supérieure à l'essence
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXII 246
spéciale à sa nature, il l'a écrasé et a agi sur lui, quoique plus lentement,
à la manière de la foudre. Donc, comme il n'y a nulle assimilation
possible entre notre périsprit et l'enveloppe fluidique des animaux
proprement dits, nous les écraserions instantanément en les
médianimisant.
Ceci établi, je reconnais parfaitement que chez les animaux il existe
des aptitudes diverses ; que certains sentiments, certaines passions
identiques aux passions et aux sentiments humains se développent en
eux ; qu'ils sont sensibles et reconnaissants, vindicatifs et haineux,
suivant que l'on agit bien ou mal avec eux. C'est que Dieu, qui ne fait
rien d'incomplet, a donné aux animaux, compagnons ou serviteurs de
l'homme, des qualités de sociabilité qui manquent entièrement aux
animaux sauvages qui habitent les solitudes. Mais de là à pouvoir servir
d'intermédiaires pour la transmission de la pensée des Esprits, il y a un
abîme : la différence des natures.
Vous savez que nous puisons dans le cerveau du médium les éléments
nécessaires pour donner à notre pensée une forme sensible et saisissable
par vous ; c'est à l'aide des matériaux qu'il possède que le médium traduit
notre pensée dans le langage vulgaire ; eh bien ! quels éléments
trouverions-nous dans le cerveau d'un animal ? Y a-t-il des mots, des
nombres, des lettres, des signes quelconques similaires à ceux qui
existent chez l'homme, même le moins intelligent ? Cependant, direzvous,
les animaux comprennent la pensée de l'homme ; ils la devinent
même ; oui, les animaux dressés comprennent certaines pensées, mais en
avez-vous jamais vu les reproduire ? Non ; concluez-en donc que les
animaux ne peuvent nous servir d'interprètes.
(ERASTE).
Pour me résumer : les faits médianimiques ne peuvent se manifester
sans le concours conscient ou inconscient des médiums ; et ce n'est que
parmi les incarnés, Esprits comme nous, que nous pouvons rencontrer
ceux qui peuvent nous servir de médiums. Quant à dresser des chiens,
des oiseaux, ou autres animaux, pour faire tels ou tels exercices, c'est
votre affaire et non la nôtre.»
Nota. On trouvera dans la Revue Spirite de septembre 1861 le détail d'un
procédé employé par les dresseurs d'oiseaux savants, pour leur faire tirer d'un
paquet les cartes voulues.
CHAPITRE XXIII.
subjugation.
DE L'OBSESSION.
237. Au nombre des écueils que présente la pratique du spiritisme, il
faut mettre en première ligne l'obsession, c'est-à-dire l'empire que
quelques Esprits savent prendre sur certaines personnes. Elle n'a jamais
lieu que par les Esprits inférieurs qui cherchent à dominer ; les bons
Esprits ne font éprouver aucune contrainte ; ils conseillent, combattent
l'influence des mauvais, et si on ne les écoute pas, ils se retirent. Les
mauvais, au contraire, s'attachent à ceux sur lesquels ils trouvent prise ;
s'ils parviennent à prendre de l'empire sur quelqu'un, ils s'identifient avec
son propre Esprit et le conduisent comme un véritable enfant.
L'obsession présente des caractères divers qu'il est très nécessaire de
distinguer, et qui résultent du degré de la contrainte et de la nature des
effets qu'elle produit. Le mot obsession est, en quelque sorte, un terme
générique par lequel on désigne ce genre de phénomène dont les
principales variétés sont : l'obsession simple, la fascination et la
Obsession simple.
238. L'obsession simple a lieu quand un Esprit malfaisant s'impose à
un médium, s'immisce malgré lui dans les communications qu'il reçoit,
l'empêche de communiquer avec d'autres Esprits et se substitue à ceux
que l'on évoque.
On n'est pas obsédé par cela seul qu'on est trompé par un Esprit
menteur ; le meilleur médium y est exposé, surtout au début, alors qu'il
manque encore de l'expérience nécessaire, de même que, parmi nous, les
plus honnêtes gens peuvent être dupes des fripons. On peut donc être
trompé sans être obsédé ; l'obsession est dans la ténacité de l'Esprit dont
on ne peut se débarrasser.
Dans l'obsession simple le médium sait très bien qu'il a affaire à un
Esprit trompeur, et celui-ci ne s'en cache pas ; il ne dissimule nullement
ses mauvaises intentions et son désir de contrarier. Le médium reconnaît
sans peine la fourberie, et comme il se tient sur ses gardes, il est
rarement trompé. Ce genre d'obsession est donc simplement désagréable,
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 248
et n'a d'autre inconvénient que d'opposer un obstacle aux
communications que l'on voudrait avoir avec des Esprits sérieux ou ceux
que l'on affectionne.
On peut ranger dans cette catégorie les cas d'obsession physique, c'està-
dire celle qui consiste dans les manifestations bruyantes et obstinées de
certains Esprits qui font entendre spontanément des coups ou autres
bruits. Nous renvoyons pour ce phénomène au chapitre des
Manifestations physiques spontanées. (N° 82.)
Fascination.
239. La fascination a des conséquences beaucoup plus graves. C'est
une illusion produite par l'action directe de l'Esprit sur la pensée du
médium, et qui paralyse en quelque sorte son jugement à l'égard des
communications. Le médium fasciné ne croit pas être trompé ; l'Esprit a
l'art de lui inspirer une confiance aveugle qui l'empêche de voir la
supercherie et de comprendre l'absurdité de ce qu'il écrit, alors même
qu'elle saute aux yeux de tout le monde ; l'illusion peut même aller
jusqu'à lui faire voir du sublime dans le langage le plus ridicule. On
serait dans l'erreur si l'on croyait que ce genre d'obsession ne peut
atteindre que les personnes simples, ignorantes et dépourvues de
jugement ; les hommes les plus spirituels, les plus instruits et les plus
intelligents sous d'autres rapports n'en sont pas exempts, ce qui prouve
que cette aberration est l'effet d'une cause étrangère dont ils subissent
l'influence.
Nous avons dit que les suites de la fascination sont beaucoup plus
graves ; en effet, à la faveur de cette illusion qui en est la conséquence,
l'Esprit conduit celui qu'il est parvenu à maîtriser comme il le ferait d'un
aveugle, et peut lui faire accepter les doctrines les plus bizarres, les
théories les plus fausses comme étant l'unique expression de la vérité ;
bien plus, il peut l'exciter à des démarches ridicules, compromettantes et
même dangereuses.
On comprend facilement toute la différence qui existe entre
l'obsession simple et la fascination ; on comprend aussi que les Esprits
qui produisent ces deux effets doivent différer de caractère. Dans la
première, l'Esprit qui s'attache à vous n'est qu'un être importun par sa
ténacité, et dont on est impatient de se débarrasser. Dans la seconde,
c'est tout autre chose ; pour arriver à de telles fins, il faut un Esprit
DE L'OBSESSION 249
adroit, rusé et profondément hypocrite, car il ne peut donner le change et
se faire accepter qu'à l'aide du masque qu'il sait prendre et d'un fauxsemblant
de vertu ; les grands mots de charité, d'humilité et d'amour de
Dieu sont pour lui comme des lettres de créance ; mais à travers tout cela
il laisse percer des signes d'infériorité qu'il faut être fasciné pour ne pas
apercevoir ; aussi redoute-t-il par-dessus tout les gens qui voient trop
clair ; c'est pourquoi sa tactique est presque toujours d'inspirer à son
interprète de l'éloignement pour quiconque pourrait lui ouvrir les yeux ;
par ce moyen, évitant toute contradiction, il est certain d'avoir toujours
raison.
Subjugation.
240. La subjugation est une étreinte qui paralyse la volonté de celui
qui la subit, et le fait agir malgré lui. Il est, en un mot, sous un véritable
joug.
La subjugation peut être morale ou corporelle. Dans le premier cas, le
subjugué est sollicité à prendre des déterminations souvent absurdes et
compromettantes que, par une sorte d'illusion, il croit sensées : c'est une
sorte de fascination. Dans le second cas, l'Esprit agit sur les organes
matériels, et provoque des mouvements involontaires. Elle se traduit
chez le médium écrivain par un besoin incessant d'écrire, même dans les
moments les plus inopportuns. Nous en avons vu qui, à défaut de plume
ou de crayon, faisaient le simulacre d'écrire avec le doigt, partout où ils
se trouvaient, même dans les rues, sur les portes et les murailles.
La subjugation corporelle va quelquefois plus loin ; elle peut pousser
aux actes les plus ridicules. Nous avons connu un homme qui n'était ni
jeune ni beau, sous l'empire d'une obsession de cette nature, se trouver
contraint, par une force irrésistible, de se mettre à genoux devant une
jeune fille sur laquelle il n'avait aucune vue, et la demander en mariage.
D'autres fois, il sentait sur le dos et les jarrets une pression énergique qui
le forçait, malgré la volonté qu'il y opposait, à se mettre à genoux et à
baiser la terre dans les endroits publics et en présence de la foule. Cet
homme passait pour fou parmi ses connaissances ; mais nous nous
sommes convaincu qu'il ne l'était pas du tout, car il avait la pleine
conscience du ridicule de ce qu'il faisait contre son gré, et en souffrait
horriblement.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 250
241. On donnait jadis le nom de possession à l'empire exercé par de
mauvais Esprits, lorsque leur influence allait jusqu'à l'aberration des
facultés. La possession serait, pour nous, synonyme de la subjugation. Si
nous n'adoptons pas ce terme, c'est par deux motifs : le premier, qu'il
implique la croyance à des êtres créés pour le mal et perpétuellement
voués au mal, tandis qu'il n'y a que des êtres plus ou moins imparfaits,
qui tous peuvent s'améliorer. Le second, qu'il implique également l'idée
de prise de possession du corps par un Esprit étranger, d'une sorte de
cohabitation, tandis qu'il n'y a que contrainte. Le mot subjugation rend
parfaitement la pensée. Ainsi, pour nous, il n'y a pas de possédés, dans le
sens vulgaire du mot, il n'y a que des obsédés, des subjugués et des
fascinés.
avis.
Causes de l'obsession.
242. L'obsession, comme nous l'avons dit, est un des plus grands
écueils de la médiumnité ; c'est aussi un des plus fréquents ; aussi ne
saurait-on apporter trop de soins à la combattre, car, outre les
inconvénients personnels qui peuvent en résulter, c'est un obstacle
absolu à la bonté et à la véracité des communications. L'obsession, à
quelque degré qu'elle soit, étant toujours l'effet d'une contrainte, et cette
contrainte ne pouvant jamais être exercée par un bon Esprit, il en résulte
que toute communication donnée par un médium obsédé est d'origine
suspecte et ne mérite aucune confiance. Si, parfois, il s'y trouve du bon,
il faut le prendre et rejeter tout ce qui est simplement douteux.
243. On reconnaît l'obsession aux caractères suivants :
1° Persistance d'un Esprit à se communiquer bon gré mal gré, par
l'écriture, l'audition, la typtologie, etc., en s'opposant à ce que d'autres
Esprits puissent le faire.
2° Illusion qui, nonobstant l'intelligence du médium, l'empêche de
reconnaître la fausseté et le ridicule des communications qu'il reçoit.
3° Croyance à l'infaillibilité et à l'identité absolue des Esprits qui se
communiquent, et qui, sous des noms respectables et vénérés, disent des
choses fausses ou absurdes.
4° Confiance du médium dans les éloges que lui donnent les Esprits
qui se communiquent à lui.
5° Disposition à s'éloigner des personnes qui peuvent donner d'utiles
DE L'OBSESSION 251
6° Prise en mauvaise part de la critique au sujet des communications
que l'on reçoit.
7° Besoin incessant et inopportun d'écrire.
8° Contrainte physique quelconque dominant la volonté, et forçant
d'agir ou de parler malgré soi.
9° Bruits et bouleversements persistants, autour de soi, et dont on est
la cause ou l'objet.
244. En présence du danger de l'obsession, on se demande si ce n'est
pas une chose fâcheuse d'être médium ; n'est-ce pas cette faculté qui la
provoque ; en un mot, n'est-ce pas là une preuve de l'inconvénient des
communications spirites ? Notre réponse est facile, et nous prions de la
méditer avec soin.
Ce ne sont ni les médiums ni les spirites qui ont créé les Esprits, mais
bien les Esprits qui ont fait qu'il y a des spirites et des médiums ; les
Esprits n'étant que les âmes des hommes, il y a donc des Esprits depuis
qu'il y a des hommes, et par conséquent ils ont de tout temps exercé leur
influence salutaire ou pernicieuse sur l'humanité. La faculté
médianimique n'est pour eux qu'un moyen de se manifester ; à défaut de
cette faculté, ils le font de mille autres manières plus ou moins occultes.
Ce serait donc une erreur de croire que les Esprits n'exercent leur
influence que par des communications écrites ou verbales ; cette
influence est de tous les instants, et ceux qui ne s'occupent pas des
Esprits, ou même n'y croient pas, y sont exposés comme les autres, et
même plus que les autres parce qu'ils n'ont pas de contrepoids. La
médiumnité est pour l'Esprit un moyen de se faire connaître ; s'il est
mauvais, il se trahit toujours, quelque hypocrite qu'il soit ; on peut donc
dire que la médiumnité permet de voir son ennemi face à face, si l'on
peut s'exprimer ainsi, et de le combattre avec ses propres armes ; sans
cette faculté, il agit dans l'ombre, et, à la faveur de son invisibilité, il
peut faire et il fait en réalité beaucoup de mal. A combien d'actes n'eston
pas poussé pour son malheur, et que l'on eût évités si l'on avait eu un
moyen de s'éclairer ! Les incrédules ne croient pas dire si vrai quand ils
disent d'un homme qui se fourvoie avec obstination : «C'est son mauvais
génie qui le pousse à sa perte». Ainsi la connaissance du spiritisme, loin
de donner de l'empire aux mauvais Esprits, doit avoir pour résultat, dans
un temps plus ou moins prochain, et quand elle sera propagée, de
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 252
détruire cet empire en donnant à chacun les moyens de se mettre en
garde contre leurs suggestions, et celui qui succombera ne pourra s'en
prendre qu'à lui-même.
Règle générale : quiconque a de mauvaises communications spirites,
écrites ou verbales, est sous une mauvaise influence ; cette influence
s'exerce sur lui, qu'il écrive ou qu'il n'écrive pas, c'est à dire qu'il soit ou
non médium, qu'il croie ou qu'il ne croie pas. L'écriture donne un moyen
de s'assurer de la nature des Esprits qui agissent sur lui, et de les
combattre s'ils sont mauvais, ce que l'on fait encore avec plus de succès
quand on parvient à connaître le motif qui les fait agir. S'il est assez
aveuglé pour ne pas le comprendre, d'autres peuvent lui ouvrir les yeux.
En résumé, le danger n'est pas dans le spiritisme en lui-même,
puisqu'il peut, au contraire, servir de contrôle et préserver de celui que
nous courons sans cesse à notre insu ; il est dans l'orgueilleuse
propension de certains médiums à se croire trop légèrement les
instruments exclusifs d'Esprits supérieurs, et dans l'espèce de fascination
qui ne leur permet pas de comprendre les sottises dont ils sont les
interprètes. Ceux même qui ne sont pas médiums peuvent s'y laisser
prendre. Citons une comparaison. Un homme a un ennemi secret qu'il ne
connaît pas et qui répand contre lui, par-dessous main, la calomnie et
tout ce que la plus noire méchanceté peut inventer ; il voit sa fortune se
perdre, ses amis s'éloigner, son bonheur intérieur troublé ; ne pouvant
découvrir la main qui le frappe, il ne peut se défendre et succombe ; mais
un jour cet ennemi secret lui écrit, et malgré sa ruse se trahit. Voilà donc
son ennemi découvert, il peut le confondre et se relever. Tel est le rôle
des mauvais Esprits que le spiritisme nous donne la possibilité de
connaître et de déjouer.
245. Les motifs de l'obsession varient selon le caractère de l'Esprit ;
c'est quelquefois une vengeance qu'il exerce sur un individu dont il a eu
à se plaindre pendant sa vie ou dans une autre existence ; souvent aussi il
n'a d'autre raison que le désir de faire le mal ; comme il souffre, il veut
faire souffrir les autres ; il trouve une sorte de jouissance à les
tourmenter, à les vexer ; aussi l'impatience qu'on en témoigne l'excite,
parce que tel est son but, tandis qu'on le lasse par la patience ; en
s'irritant, en montrant du dépit, on fait précisément ce qu'il veut. Ces
Esprits agissent parfois en haine et par jalousie du bien ; c'est pourquoi
ils jettent leurs vues malfaisantes sur les plus honnêtes gens. L'un d'eux
DE L'OBSESSION 253
s'est attaché comme une teigne à une honorable famille de notre
connaissance, qu'il n'a, du reste, pas la satisfaction de prendre pour
dupe ; interrogé sur le motif pour lequel il s'était attaqué à de braves
gens plutôt qu'à des hommes mauvais comme lui, il répondit : Ceux-ci ne
me font pas envie. D'autres sont guidés par un sentiment de lâcheté qui
les porte à profiter de la faiblesse morale de certains individus qu'ils
savent incapables de leur résister. Un de ces derniers qui subjuguait un
jeune homme d'une intelligence très bornée, interrogé sur les motifs de
ce choix, nous répondit : J'ai un besoin très grand de tourmenter
quelqu'un ; une personne raisonnable me repousserait, je m'attache à un
idiot qui ne m'oppose aucune vertu.
246. Il y a des Esprits obsesseurs sans méchanceté, qui ont même du
bon, mais qui ont l'orgueil du faux savoir ; ils ont leurs idées, leurs
systèmes sur les sciences, l'économie sociale, la morale, la religion, la
philosophie ; ils veulent faire prévaloir leur opinion et cherchent à cet
effet des médiums assez crédules pour les accepter les yeux fermés, et
qu'ils fascinent pour les empêcher de discerner le vrai du faux. Ce sont
les plus dangereux, parce que les sophismes ne leur coûtent rien et qu'ils
peuvent accréditer les utopies les plus ridicules ; comme ils connaissent
le prestige des grands noms, ils ne se font aucun scrupule de se parer de
ceux devant lesquels on s'incline, et ne reculent même pas devant le
sacrilège de se dire Jésus, la Vierge Marie ou un saint vénéré. Ils
cherchent à éblouir par un langage pompeux, plus prétentieux que
profond, hérissé de termes techniques, et orné des grands mots de charité
et de morale ; ils se garderont de donner un mauvais conseil, parce qu'ils
savent bien qu'ils seraient éconduits ; aussi ceux qu'ils abusent les
défendent-ils à outrance en disant : Vous voyez bien qu'ils ne disent rien
de mauvais. Mais la morale n'est pour eux qu'un passeport, c'est le
moindre de leurs soucis ; ce qu'ils veulent avant tout, c'est dominer et
imposer leurs idées, quelque déraisonnables qu'elles soient.
247. Les Esprits à systèmes sont assez généralement écrivassiers ; c'est
pourquoi ils recherchent les médiums qui écrivent avec facilité et dont
ils tâchent de se faire des instruments dociles et surtout enthousiastes en
les fascinant. Ils sont presque toujours verbeux, très prolixes, cherchant à
compenser la qualité par la quantité. Ils se plaisent à dicter à leurs
interprètes de volumineux écrits indigestes et souvent peu intelligibles,
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 254
qui ont heureusement pour antidote l'impossibilité matérielle d'être lus
par les masses. Les Esprits vraiment supérieurs sont sobres de paroles ;
ils disent beaucoup de choses en peu de mots ; aussi cette fécondité
prodigieuse doit-elle toujours être suspecte.
On ne saurait être trop circonspect quand il s'agit de publier de
semblables écrits ; les utopies et les excentricités dont ils abondent
souvent, et qui choquent le bon sens, produisent une très fâcheuse
impression sur les personnes novices en leur donnant une idée fausse du
spiritisme, sans compter que ce sont des armes dont ses ennemis se
servent pour le tourner en ridicule. Parmi ces publications, il en est qui,
sans être mauvaises, et sans provenir d'une obsession, peuvent être
regardées comme imprudentes, intempestives, ou maladroites.
248. Il arrive assez souvent qu'un médium ne peut communiquer
qu'avec un seul Esprit, qui s'attache à lui et répond pour ceux que l'on
appelle par son entremise. Ce n'est pas toujours une obsession, car cela
peut tenir à défaut de flexibilité du médium, et à une affinité spéciale de
sa part pour tel ou tel Esprit. Il n'y a obsession proprement dite que
lorsque l'Esprit s'impose et éloigne les autres par sa volonté, ce qui n'est
jamais le fait d'un bon Esprit. Généralement, l'Esprit qui s'empare du
médium en vue de le dominer ne souffre pas l'examen critique de ses
communications ; quand il voit qu'elles ne sont pas acceptées et qu'elles
sont discutées, il ne se retire pas, mais il inspire au médium la pensée de
s'isoler, et souvent même il le lui commande. Tout médium qui se blesse
de la critique des communications qu'il obtient est l'écho de l'Esprit qui
le domine, et cet Esprit ne peut être bon du moment qu'il lui inspire une
pensée illogique, celle de se refuser à l'examen. L'isolement du médium
est toujours une chose fâcheuse pour lui, parce qu'il n'a aucun contrôle
pour ses communications. Non seulement il doit s'éclairer par l'avis des
tiers, mais il lui est nécessaire d'étudier tous les genres de
communications pour les comparer ; en se renfermant dans celles qu'il
obtient, quelque bonnes qu'elles lui paraissent, il s'expose à se faire
illusion sur leur valeur, sans compter qu'il ne peut tout connaître, et
qu'elles roulent à peu près toujours dans le même cercle. (N° 192 ;
Médiums exclusifs.)
DE L'OBSESSION 255
Moyens de la combattre.
249. Les moyens de combattre l'obsession varient selon le caractère
qu'elle revêt. Le danger n'existe réellement pas pour tout médium bien
convaincu d'avoir affaire à un Esprit menteur, comme cela a lieu dans
l'obsession simple ; ce n'est pour lui qu'une chose désagréable. Mais
précisément parce que cela lui est désagréable, c'est une raison de plus
pour l'Esprit de s'acharner après lui pour le vexer. Deux choses
essentielles sont à faire en ce cas : Prouver à l'Esprit qu'on n'est pas sa
dupe, et qu'il lui est impossible de nous abuser ; secondement, lasser sa
patience en se montrant plus patient que lui ; s'il est bien convaincu qu'il
perd son temps, il finira par se retirer, comme le font les importuns qu'on
n'écoute pas.
Mais cela ne suffit pas toujours, et ce peut être long, car il y en a qui
sont tenaces, et pour eux des mois et des années sont peu de chose. Le
médium doit, en outre, faire un appel fervent à son bon ange, ainsi
qu'aux bons Esprits qui lui sont sympathiques, et les prier de l'assister. A
l'égard de l'Esprit obsesseur, quelque mauvais qu'il soit, il faut le traiter
avec sévérité, mais avec bienveillance, et le vaincre par les bons
procédés en priant pour lui. S'il est réellement pervers, il s'en moquera
d'abord ; mais en le moralisant avec persévérance il finira par
s'amender : c'est une conversion à entreprendre, tâche souvent pénible,
ingrate, rebutante même, mais dont le mérite est dans la difficulté, et qui,
si elle est bien accomplie, donne toujours la satisfaction d'avoir rempli
un devoir de charité, et souvent d'avoir ramené dans le bon chemin une
âme perdue.
Il convient également d'interrompre toute communication écrite dès
qu'on reconnaît qu'elle vient d'un mauvais Esprit qui ne veut pas
entendre raison, afin de ne pas lui donner le plaisir d'être écouté. Dans
certains cas même, il peut être utile de cesser d'écrire pour un temps ; on
se règle selon les circonstances. Mais si le médium écrivain peut éviter
ces entretiens en s'abstenant d'écrire, il n'en est pas de même du médium
auditif que l'Esprit obsesseur poursuit quelquefois à tout instant de ses
propos grossiers et obscènes, et qui n'a pas même la ressource de se
boucher les oreilles. Du reste, il faut reconnaître que certaines personnes
s'amusent du langage trivial de ces sortes d'Esprits, qu'elles encouragent
et provoquent en riant de leurs sottises, au lieu de leur imposer silence et
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 256
de les moraliser. Nos conseils ne peuvent s'appliquer à ceux qui veulent
se noyer.
250. Il n'y a donc que désagrément et non danger pour tout médium
qui ne se laisse pas abuser, parce qu'il ne peut être trompé ; il en est tout
autrement de la fascination, car alors l'empire que prend l'Esprit sur celui
dont il s'empare n'a pas de bornes. La seule chose à faire avec lui, c'est
de tâcher de le convaincre qu'il est abusé, et de ramener son obsession au
cas de l'obsession simple ; mais ce n'est pas toujours facile, si ce n'est
même quelquefois impossible. L'ascendant de l'Esprit peut être tel, qu'il
rende le fasciné sourd à toute espèce de raisonnement, et peut aller
jusqu'à le faire douter, quand l'Esprit commet quelque grosse hérésie
scientifique, si la science ne se trompe pas. Comme nous l'avons dit, il
accueille généralement très mal les conseils ; la critique le froisse, l'irrite,
et lui fait prendre en grippe ceux qui ne partagent pas son admiration.
Suspecter son Esprit est presque une profanation à ses yeux, et c'est tout
ce que demande l'Esprit ; car ce qu'il veut, c'est qu'on se mette à genoux
devant sa parole. L'un d'eux exerçait sur une personne de notre
connaissance une fascination extraordinaire ; nous l'évoquâmes, et après
quelques forfanteries, voyant qu'il ne pouvait nous donner le change sur
son identité, il finit par avouer qu'il n'était pas celui dont il prenait le
nom. Lui ayant demandé pourquoi il abusait ainsi cette personne, il
répondit ces mots qui peignent nettement le caractère de ces sortes
d'Esprits : Je cherchais un homme que je pusse mener ; je l'ai trouvé et
j'y reste. - Mais si on lui fait voir clair, il vous chassera. - C'est ce que
nous verrons ! Comme il n'y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut
pas voir, quand on reconnaît l'inutilité de toute tentative pour dessiller
les yeux du fasciné, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de le laisser à ses
illusions. On ne peut guérir un malade qui s'obstine à garder son mal et
s'y complaît.
251. La subjugation corporelle ôte souvent à l'obsédé l'énergie
nécessaire pour dominer le mauvais Esprit, c'est pourquoi il faut
l'intervention d'une tierce personne, agissant soit par le magnétisme, soit
par l'empire de sa volonté. A défaut du concours de l'obsédé, cette
personne doit prendre l'ascendant sur l'Esprit ; mais comme cet
ascendant ne peut être que moral, il n'est donné qu'à un être moralement
supérieur à l'Esprit de l'exercer, et son pouvoir sera d'autant plus grand
DE L'OBSESSION 257
que sa supériorité morale sera plus grande, parce qu'il impose à l'Esprit
qui est forcé de s'incliner devant lui ; c'est pourquoi Jésus avait une si
grande puissance pour chasser ce que l'on appelait alors les démons,
c'est-à-dire les mauvais Esprits obsesseurs.
Nous ne pouvons donner ici que des conseils généraux, car il n'y a
aucun procédé matériel, aucune formule surtout, ni aucune parole
sacramentelle qui ait le pouvoir de chasser les Esprits obsesseurs. Ce qui
manque quelquefois à l'obsédé, c'est une force fluidique suffisante ; dans
ce cas, l'action magnétique d'un bon magnétiseur peut lui venir utilement
en aide. Au reste, il est toujours bon de prendre, par un médium sûr, les
conseils d'un Esprit supérieur ou de son ange gardien.
252. Les imperfections morales de l'obsédé sont souvent un obstacle à
sa délivrance. En voici un exemple remarquable qui peut servir à
l'instruction de tous :
Plusieurs soeurs étaient depuis un certain nombre d'années victimes de
déprédations fort désagréables. Leurs vêtements étaient sans cesse
dispersés dans tous les coins de la maison, et jusque sur les toits, coupés,
déchirés et criblés de trous, quelque soin qu'elles prissent de les mettre
sous clé. Ces dames, reléguées dans une petite localité de province,
n'avaient jamais entendu parler du spiritisme. Leur première pensée fut
naturellement de croire qu'elles étaient en butte à de mauvais plaisants,
mais cette persistance et les précautions qu'elles prenaient leur ôtèrent
cette idée. Ce ne fut que longtemps après que, sur quelques indications,
elles crurent devoir s'adresser à nous pour connaître la cause de ces
dégâts et les moyens d'y porter remède si c'était possible. La cause n'était
pas douteuse ; le remède était plus difficile. L'Esprit qui se manifestait
par de tels actes, était évidemment malveillant. Il se montra, dans
l'évocation, d'une grande perversité et inaccessible à tout bon sentiment.
La prière parut néanmoins exercer une influence salutaire ; mais, après
quelque temps de répit, les déprédations recommencèrent. Voici à ce
sujet le conseil que donna un Esprit supérieur.
«Ce que ces dames ont de mieux à faire, c'est de prier leurs Esprits
protecteurs de ne pas les abandonner ; et je n'ai pas de meilleur conseil à
leur donner que de descendre dans leur conscience pour s'y confesser à
elles-mêmes, et examiner si elles ont toujours pratiqué l'amour du
prochain et la charité ; je ne dis pas la charité qui donne et distribue,
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 258
mais la charité de la langue ; car malheureusement elles ne savent pas
retenir la leur, et ne justifient pas, par leurs actes pieux, le désir qu'elles
ont d'être délivrées de celui qui les tourmente. Elles aiment beaucoup
trop à médire de leur prochain, et l'Esprit qui les obsède prend sa
revanche, car il a été leur souffre-douleur de son vivant. Elles n'ont qu'à
chercher dans leur mémoire, et elles verront bientôt à qui elles ont
affaire.
Cependant, si elles arrivent à s'améliorer, leurs anges gardiens se
rapprocheront d'elles, et leur seule présence suffira pour chasser l'Esprit
mauvais qui n'a pris à partie l'une d'elles surtout que parce que son ange
gardien a dû s'éloigner devant des actes répréhensibles ou des pensées
mauvaises. Ce qu'il leur faut, ce sont de ferventes prières pour ceux qui
souffrent, et surtout la pratique des vertus imposées par Dieu à chacun
suivant sa condition.»
Sur l'observation que ces paroles nous semblaient un peu sévères, et
qu'il faudrait peut-être les adoucir pour les transmettre, l'Esprit ajouta :
«Je dois dire ce que je dis, et comme je le dis, parce que les personnes
en question ont l'habitude de croire qu'elles ne font pas de mal avec la
langue, tandis qu'elles en font beaucoup. Voilà pourquoi il faut frapper
leur esprit de manière que ce soit pour elles un avertissement sérieux.»
Il ressort de là un enseignement d'une grande portée, c'est que les
imperfections morales donnent prise aux Esprits obsesseurs, et que le
plus sûr moyen de s'en débarrasser, c'est d'attirer les bons par la pratique
du bien. Les bons Esprits ont sans doute plus de puissance que les
mauvais, et leur volonté suffit pour éloigner ces derniers ; mais ils
n'assistent que ceux qui les secondent par les efforts qu'ils font pour
s'améliorer, autrement ils s'éloignent et laissent le champ libre aux
mauvais Esprits qui deviennent ainsi, dans certains cas, des instruments
de punition, car les bons les laissent agir dans ce but.
253. Il faut, du reste, se garder d'attribuer à l'action directe des Esprits
tous les désagréments qui peuvent arriver ; ces désagréments sont
souvent la conséquence de l'incurie ou de l'imprévoyance. Un cultivateur
nous fit écrire un jour que depuis douze ans il lui arrivait toutes sortes de
malheurs à l'endroit de ses bestiaux ; tantôt c'étaient ses vaches qui
mouraient ou ne donnaient plus de lait ; tantôt c'étaient ses chevaux, ses
moutons ou ses porcs. Il fit force neuvaines qui ne remédièrent pas au
DE L'OBSESSION 259
mal, non plus que les messes qu'il fit dire, ni les exorcismes qu'il fit
pratiquer. Alors, selon le préjugé des campagnes, il se persuada qu'on
avait jeté un sort sur ses animaux. Nous croyant sans doute doués d'un
pouvoir conjurateur plus grand que celui du curé de son village, il nous
fit demander notre avis. Voici la réponse que nous obtînmes :
«La mortalité ou les maladies des bestiaux de cet homme proviennent
de ce que ses écuries sont infectées, et qu'il ne les fait pas réparer, parce
que ça coûte.»
254. Nous terminerons ce chapitre par les réponses données par les
Esprits à quelques questions, et venant à l'appui de ce que nous avons
dit.
1. Pourquoi certains médiums ne peuvent-ils se débarrasser d'Esprits
mauvais qui s'attachent à eux, et comment les bons Esprits qu'ils
appellent ne sont-ils pas assez puissants pour éloigner les autres et se
communiquer directement ?
«Ce n'est pas la puissance qui manque au bon Esprit, c'est souvent le
médium qui n'est pas assez fort pour le seconder ; sa nature se prête
mieux à certains rapports ; son fluide s'identifie plutôt avec un Esprit
qu'avec un autre ; c'est ce qui donne un si grand empire à ceux qui
veulent en abuser.»
2. Il nous semble cependant qu'il y a des personnes très méritantes,
d'une moralité irréprochable, et qui pourtant sont empêchées de
communiquer avec les bons Esprits ?
«Ceci est une épreuve ; et qui vous dit, d'ailleurs que le coeur n'est pas
entaché d'un peu de mal ? que l'orgueil ne domine pas un peu
l'apparence de bonté ? Ces épreuves, en montrant à l'obsédé sa faiblesse,
doivent le faire tourner vers l'humilité.
Y a-t-il quelqu'un sur la terre qui puisse se dire parfait ? et tel qui a
toutes les apparences de la vertu peut avoir encore bien des défauts
cachés, un vieux levain d'imperfection. Ainsi, par exemple, vous dites de
celui qui ne fait point de mal, qui est loyal dans ses rapports sociaux :
C'est un brave et digne homme ; mais savez-vous si ses bonnes qualités
ne sont pas ternies par l'orgueil ; s'il n'y a pas chez lui un fond
d'égoïsme ; s'il n'est pas avare, jaloux, rancunier, médisant et cent autres
choses que vous n'apercevez pas, parce que vos rapports avec lui ne
vous ont pas mis dans ce cas ? Le moyen le plus puissant de combattre
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIII 260
l'influence des mauvais Esprits est de se rapprocher le plus possible de la
nature des bons.»
3. L'obsession qui s'oppose à ce qu'un médium obtienne les
communications qu'il désire est-elle toujours un signe d'indignité de sa
part ?
«Je n'ai pas dit que ce fût un signe d'indignité, mais qu'un obstacle
peut s'opposer à certaines communications ; c'est à enlever l'obstacle qui
est en lui qu'il doit s'attacher ; sans cela, ses prières, ses supplications ne
feront rien. Il ne suffit pas à un malade de dire à son médecin : Donnezmoi
la santé, je veux me bien porter ; le médecin ne peut rien si le
malade ne fait pas ce qui est nécessaire.»
4. La privation de communiquer avec certains Esprits serait ainsi une
sorte de punition ?
«Dans certains cas, ce peut être une véritable punition, comme la
possibilité de communiquer avec eux est une récompense que vous
devez vous efforcer de mériter.» (Voir Perte et suspension de la
médiumnité, n° 220.)
5. Ne peut-on aussi combattre l'influence des mauvais Esprits en les
moralisant ?
«Oui, c'est ce qu'on ne fait pas, et c'est ce qu'il ne faut pas négliger de
faire ; car souvent c'est une tâche qui vous est donnée, et que vous devez
accomplir charitablement et religieusement. Par de sages conseils, on
peut les exciter au repentir et hâter leur avancement.»
- Comment un homme peut-il avoir sous ce rapport plus d'influence
que n'en ont les Esprits eux-mêmes ?
«Les Esprits pervers se rapprochent plutôt des hommes qu'ils
cherchent à tourmenter que des Esprits dont ils s'éloignent le plus
possible. Dans ce rapprochement avec les humains, quand ils en trouvent
qui les moralisent, ils ne les écoutent pas d'abord, ils en rient ; puis, si on
sait les prendre, ils finissent par se laisser toucher. Les Esprits élevés ne
peuvent leur parler qu'au nom de Dieu, et cela les effraye. L'homme n'a
certainement pas plus de pouvoir que les Esprits supérieurs, mais son
langage s'identifie mieux avec leur nature, et en voyant l'ascendant qu'il
peut exercer sur les Esprits inférieurs, il comprend mieux la solidarité
qui existe entre le ciel et la terre.
Du reste, l'ascendant que l'homme peut exercer sur les Esprits est en
raison de sa supériorité morale. Il ne maîtrise pas les Esprits supérieurs,
DE L'OBSESSION 261
ni même ceux qui, sans être supérieurs, sont bons et bienveillants, mais il
peut maîtriser les Esprits qui lui sont inférieurs en moralité.» (Voir
n° 279.)
6. La subjugation corporelle, poussée à un certain degré, pourrait-elle
avoir pour conséquence la folie ?
«Oui, une espèce de folie dont la cause est inconnue du monde, mais
qui n'a pas de rapport avec la folie ordinaire. Parmi ceux que l'on traite
de fous, il y en a beaucoup qui ne sont que subjugués ; il leur faudrait un
traitement moral, tandis qu'on les rend fous véritables avec les
traitements corporels. Lorsque les médecins connaîtront bien le
spiritisme, ils sauront faire cette distinction et guériront plus de malades
qu'avec les douches.» (221.)
7. Que doit-on penser de ceux qui, voyant un danger quelconque dans
le spiritisme, croient que le moyen de le prévenir serait d'interdire les
communications spirites ?
«S'ils peuvent interdire à certaines personnes de communiquer avec les
Esprits, ils ne peuvent empêcher les manifestations spontanées faites à
ces mêmes personnes, car ils ne peuvent supprimer les Esprits ni
empêcher leur influence occulte. Cela ressemble à ces enfants qui se
bouchent les yeux et croient qu'on ne les voit pas. Ce serait folie de
vouloir supprimer une chose qui offre de grands avantages, parce que
des imprudents peuvent en abuser ; le moyen de prévenir ces
inconvénients, c'est au contraire de faire connaître à fond cette chose.»
CHAPITRE XXIV.
IDENTITE DES ESPRITS.
Preuves possibles d'identité.
255. La question de l'identité des Esprits est une des plus
controversées, même parmi les adeptes du spiritisme ; c'est qu'en effet
les Esprits ne nous apportent pas un acte de notoriété, et l'on sait avec
quelle facilité certains d'entre eux prennent des noms d'emprunt ; aussi,
après l'obsession, est-ce une des plus grandes difficultés du spiritisme
pratique ; du reste, dans beaucoup de cas, l'identité absolue est une
question secondaire et sans importance réelle.
L'identité de l'Esprit des personnages anciens est la plus difficile à
constater, souvent même elle est impossible, et l'on en est réduit à une
appréciation purement morale. On juge les Esprits, comme les hommes,
à leur langage ; si un Esprit se présente sous le nom de Fénelon, par
exemple, et qu'il dise des trivialités ou des puérilités, il est bien certain
que ce ne peut être lui ; mais s'il ne dit que des choses dignes du
caractère de Fénelon et que celui-ci ne désavouerait pas, il y a, sinon
preuve matérielle, du moins toute probabilité morale que ce doit être lui.
C'est dans ce cas surtout que l'identité réelle est une question accessoire ;
du moment que l'Esprit ne dit que de bonnes choses, peu importe le nom
sous lequel elles sont données.
On objectera sans doute que l'Esprit qui prendrait un nom supposé,
même pour ne dire que du bien, n'en commettrait pas moins une fraude,
et dès lors ne peut être un bon Esprit. C'est ici qu'il y a des délicatesses
de nuances assez difficiles à saisir, et que nous allons essayer de
développer.
256. A mesure que les Esprits se purifient et s'élèvent dans la
hiérarchie, les caractères distinctifs de leur personnalité s'effacent en
quelque sorte dans l'uniformité de perfection, et cependant ils n'en
conservent pas moins leur individualité ; c'est ce qui a lieu pour les
Esprits supérieurs et les purs Esprits. Dans cette position, le nom qu'ils
avaient sur la terre, dans une des mille existences corporelles éphémères
par lesquelles ils ont passé, est une chose tout à fait insignifiante.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 264
Remarquons encore que les Esprits sont attirés les uns vers les autres par
la similitude de leurs qualités, et qu'ils forment ainsi des groupes ou
familles sympathiques. D'un autre côté, si l'on considère le nombre
immense d'Esprits qui, depuis l'origine des temps, doivent être arrivés
dans les premiers rangs, et si on le compare avec le nombre si restreint
des hommes qui ont laissé un grand nom sur la terre, on comprendra que,
parmi les Esprits supérieurs qui peuvent se communiquer, la plupart ne
doivent pas avoir de noms pour nous ; mais comme il nous faut des
noms pour fixer nos idées, ils peuvent prendre celui du personnage
connu dont la nature s'identifie le mieux avec la leur ; c'est ainsi que nos
anges gardiens se font connaître le plus souvent sous le nom d'un des
saints que nous vénérons, et généralement sous le nom de celui pour
lequel nous avons le plus de sympathie. Il suit de là que si l'ange gardien
d'une personne se donne pour saint Pierre, par exemple, il n'y a aucune
preuve matérielle que ce soit précisément l'apôtre de ce nom ; ce peut
être lui comme ce peut être un Esprit tout à fait inconnu, appartenant à la
famille d'Esprits dont saint Pierre fait partie ; il s'ensuit encore que, quel
que soit le nom sous lequel on invoque son ange gardien, il viendra à
l'appel qui lui est fait, parce qu'il est attiré par la pensée, et que le nom
lui est indifférent.
Il en est de même toutes les fois qu'un Esprit supérieur se communique
spontanément sous le nom d'un personnage connu ; rien ne prouve que
ce soit précisément l'Esprit de ce personnage ; mais s'il ne dit rien qui
démente l'élévation du caractère de ce dernier, il y a présomption que
c'est lui, et dans tous les cas on peut se dire que, si ce n'est pas lui, ce
doit être un Esprit du même degré, ou peut-être même envoyé par lui. En
résumé, la question de nom est secondaire, le nom pouvant être
considéré comme un simple indice du rang qu'occupe l'Esprit dans
l'échelle spirite.
La position est tout autre lorsqu'un Esprit d'un ordre inférieur se pare
d'un nom respectable pour donner du crédit à ses paroles, et ce cas est
tellement fréquent qu'on ne saurait trop se tenir en garde contre ces
sortes de substitutions ; c'est à la faveur de ces noms d'emprunt et avec
l'aide surtout de la fascination, que certains Esprits systématiques, plus
orgueilleux que savants, cherchent à accréditer les idées les plus
ridicules.
IDENTITE DES ESPRITS 265
La question de l'identité est donc, comme nous l'avons dit, à peu près
indifférente quand il s'agit d'instructions générales, puisque les meilleurs
Esprits peuvent se substituer les uns aux autres sans que cela tire à
conséquence. Les Esprits supérieurs forment, pour ainsi dire, un tout
collectif, dont les individualités nous sont, à peu d'exceptions près,
complètement inconnues. Ce qui nous intéresse, ce n'est pas leur
personne, mais leur enseignement ; or, du moment que cet enseignement
est bon, peu importe que celui qui le donne s'appelle Pierre ou Paul ; on
le juge à sa qualité et non à son enseigne. Si un vin est mauvais, ce n'est
pas l'étiquette qui le rendra meilleur. Il en est autrement dans les
communications intimes, parce que c'est l'individu, sa personne même
qui nous intéresse, et c'est avec raison que, dans cette circonstance, on
tient à s'assurer si l'Esprit qui vient à notre appel est bien réellement
celui qu'on désire.
257. L'identité est beaucoup plus facile à constater quand il s'agit
d'Esprits contemporains dont on connaît le caractère et les habitudes, car
ce sont précisément ces habitudes, dont ils n'ont pas encore eu le temps
de se dépouiller, par lesquelles ils se font reconnaître, et disons tout de
suite que c'est même là un des signes les plus certains d'identité. L'Esprit
peut sans doute en donner des preuves sur la demande qui lui en est
faite, mais il ne le fait toujours que si cela lui convient, et généralement
cette demande le blesse ; c'est pourquoi on doit l'éviter. En quittant son
corps, l'Esprit n'a pas dépouillé sa susceptibilité ; il se froisse de toute
question ayant pour but de le mettre à l'épreuve. Il est telle question
qu'on n'oserait lui faire s'il se présentait vivant, de peur de manquer aux
convenances ; pourquoi donc aurait-on moins d'égards pour lui après sa
mort ? Qu'un homme se présente dans un salon en déclinant son nom,
ira-t-on lui dire à brûle-pourpoint de prouver qu'il est bien un tel en
exhibant ses titres, sous le prétexte qu'il y a des imposteurs ? Cet homme
assurément aurait le droit de rappeler l'interrogateur aux règles du
savoir-vivre. C'est ce que font les Esprits en ne répondant pas ou en se
retirant. Prenons un exemple pour comparaison. Supposons que
l'astronome Arago, de son vivant, se fût présenté dans une maison où sa
personne n'aurait pas été connue, et qu'on l'eût apostrophé ainsi : Vous
dites que vous êtes Arago, mais comme nous ne vous connaissons pas,
veuillez nous le prouver en répondant à nos questions ; résolvez tel
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 266
problème d'astronomie ; dites-nous vos noms, prénoms, ceux de vos
enfants, ce que vous faisiez tel jour, à telle heure, etc. ; qu'aurait-il
répondu ? Eh bien ! comme Esprit, il fera ce qu'il aurait fait de son
vivant, et les autres Esprits font de même.
258. Tandis que les Esprits se refusent à répondre aux questions
puériles et saugrenues qu'on se serait fait scrupule d'adresser à leur
personne vivante, ils donnent souvent d'eux-mêmes et spontanément des
preuves irrécusables de leur identité, par leur caractère qui se révèle dans
leur langage, par l'emploi de mots qui leur étaient familiers, par la
citation de certains faits, de particularités de leur vie quelquefois
inconnues des assistants, et dont l'exactitude a pu être vérifiée. Les
preuves d'identité ressortent en outre d'une foule de circonstances
imprévues qui ne se présentent pas toujours d'un premier coup, mais
dans la suite des entretiens. Il convient donc de les attendre, sans les
provoquer, en observant avec soin toutes celles qui peuvent découler de
la nature des communications. (Voir le fait rapporté n° 70.)
259. Un moyen que l'on emploie quelquefois avec succès pour
s'assurer de l'identité, lorsque l'Esprit qui se communique est suspect,
consiste à lui faire affirmer, au nom de Dieu tout-puissant, qu'il est bien
celui qu'il dit être. Il arrive souvent que celui qui prend un nom usurpé
recule devant un sacrilège, et qu'après avoir commencé à écrire :
J'affirme au nom de..., il s'arrête et trace avec colère des raies
insignifiantes, ou brise le crayon ; s'il est plus hypocrite, il élude la
question par une restriction mentale, en écrivant, par exemple : Je vous
certifie que je dis la vérité ; ou bien encore : J'atteste, au nom de Dieu,
que c'est bien moi qui vous parle, etc.. Mais il y en a qui ne sont pas si
scrupuleux, et qui jurent tout ce qu'on veut. L'un d'eux s'était
communiqué à un médium en se disant être Dieu, et le médium, très
honoré d'une si haute faveur, n'avait pas hésité à le croire. Evoqué par
nous, il n'osa soutenir son imposture, et dit : Je ne suis pas Dieu, mais je
suis son fils. - Vous êtes donc Jésus ? cela n'est pas probable, car Jésus
est trop haut placé pour employer un subterfuge. Osez donc affirmer, au
nom de Dieu, que vous êtes le Christ ? - Je ne dis pas que je sois Jésus ;
je dis que je suis le fils de Dieu, parce que je suis une de ses créatures.
On doit conclure de là que le refus de la part d'un Esprit d'affirmer son
identité au nom de Dieu, est toujours une preuve manifeste que le nom
IDENTITE DES ESPRITS 267
qu'il a pris est une imposture, mais que l'affirmation n'est qu'une
présomption et non une preuve certaine.
260. On peut aussi ranger parmi les preuves d'identité la similitude de
l'écriture et de la signature, mais, outre qu'il n'est pas donné à tous les
médiums d'obtenir ce résultat, ce n'est pas toujours une garantie
suffisante ; il y a des faussaires dans le monde des Esprits comme dans
celui-ci ; ce n'est donc qu'une présomption d'identité qui n'acquiert de
valeur que par les circonstances qui l'accompagnent. Il en est de même
de tous les signes matériels que quelques-uns donnent comme des
talismans inimitables par les Esprits menteurs. Pour ceux qui osent se
parjurer au nom de Dieu, ou contrefaire une signature, un signe matériel
quelconque ne peut leur offrir un obstacle plus grand. La meilleure de
toutes les preuves d'identité est dans le langage et dans les circonstances
fortuites.
261. On dira sans doute que si un Esprit peut imiter une signature, il
peut tout aussi bien imiter le langage. Cela est vrai ; nous en avons vu
qui prenaient effrontément le nom du Christ, et, pour donner le change,
simulaient le style évangélique et prodiguaient à tort et à travers ces
mots bien connus : En vérité, en vérité, je vous le dis ; mais quand on
étudiait l'ensemble sans prévention ; quand on scrutait le fond des
pensées, la portée des expressions ; quant à côté de belles maximes de
charité on voyait des recommandations puériles et ridicules, il aurait
fallu être fasciné pour s'y méprendre. Oui, certaines parties de la forme
matérielle du langage peuvent être imitées, mais non la pensée ; jamais
l'ignorance n'imitera le vrai savoir, et jamais le vice n'imitera la vraie
vertu ; toujours quelque part percera le bout de l'oreille ; c'est alors que
le médium ainsi que l'évocateur ont besoin de toute leur perspicacité et
de tout leur jugement pour démêler la vérité du mensonge. Ils doivent se
persuader que les Esprits pervers sont capables de toutes les ruses, et que
plus le nom sous lequel un Esprit s'annonce est élevé, plus il doit inspirer
de défiance. Que de médiums ont eu des communications apocryphes
signées Jésus, Marie ou d'un saint vénéré !
Distinction des bons et des mauvais Esprits.
262. Si l'identité absolue des Esprits est, dans beaucoup de cas, une
question accessoire et sans importance, il n'en est pas de même de la
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 268
distinction des bons et des mauvais Esprits ; leur individualité peut nous
être indifférente, leur qualité ne l'est jamais. Dans toutes les
communications instructives, c'est donc sur ce point que doit se
concentrer toute l'attention, parce que seul il peut nous donner la mesure
de la confiance que nous pouvons accorder à l'Esprit qui se manifeste,
quel que soit le nom sous lequel il le fasse. L'Esprit qui se manifeste estil
bon ou mauvais ? A quel degré de l'échelle spirite appartient-il ? là est
la question capitale. (Voir Echelle spirite, Livre des Esprits, n° 100.)
263. On juge les Esprits, avons-nous dit, comme on juge les hommes,
à leur langage. Supposons qu'un homme reçoive vingt lettres de
personnes qui lui sont inconnues ; au style, aux pensées, à une foule de
signes enfin il jugera celles qui sont instruites ou ignorantes, polies ou
mal élevées, superficielles, profondes, frivoles, orgueilleuses, sérieuses,
légères, sentimentales, etc.. Il en est de même des Esprits ; on doit les
considérer comme des correspondants qu'on n'a jamais vus, et se
demander ce que l'on penserait du savoir et du caractère d'un homme qui
dirait ou écrirait de pareilles choses. On peut poser comme règle
invariable et sans exception, que le langage des Esprits est toujours en
raison du degré de leur élévation. Non seulement les Esprits réellement
supérieurs ne disent que de bonnes choses, mais ils les disent en termes
qui excluent de la manière la plus absolue toute trivialité ; quelques
bonnes que soient ces choses, si elles sont ternies par une seule
expression qui sente la bassesse, c'est un signe indubitable d'infériorité, à
plus forte raison si l'ensemble de la communication blesse les
convenances par sa grossièreté. Le langage décèle toujours son origine,
soit par la pensée qu'il traduit, soit par sa forme, et alors même qu'un
Esprit voudrait nous donner le change sur sa prétendue supériorité, il
suffit de converser quelque temps avec lui pour l'apprécier.
264. La bonté et la bienveillance sont encore des attributs essentiels
des Esprits épurés ; ils n'ont de haine ni pour les hommes ni pour les
autres Esprits ; ils plaignent les faiblesses, ils critiquent les erreurs, mais
toujours avec modération, sans fiel et sans animosité. Si l'on admet que
les Esprits vraiment bons ne peuvent vouloir que le bien et ne dire que
de bonnes choses, on en conclura que tout ce qui, dans le langage des
Esprits, décèle un manque de bonté et de bienveillance, ne peut émaner
d'un bon Esprit.
IDENTITE DES ESPRITS 269
265. L'intelligence est loin d'être un signe certain de supériorité, car
l'intelligence et le moral ne marchent pas toujours de front. Un Esprit
peut être bon, bienveillant, et avoir des connaissances bornées, tandis
qu'un Esprit intelligent et instruit peut être très inférieur en moralité.
On croit assez généralement qu'en interrogeant l'Esprit d'un homme
qui a été savant dans une spécialité sur la terre, on obtiendra plus
sûrement la vérité ; cela est logique, et portant n'est pas toujours vrai.
L'expérience démontre que les savants, aussi bien que les autres
hommes, ceux surtout qui ont quitté la terre depuis peu, sont encore sous
l'empire des préjugés de la vie corporelle ; ils ne se défont pas
immédiatement de l'esprit de système. Il peut donc se faire que, sous
l'influence des idées qu'ils ont caressées de leur vivant, et dont ils se sont
fait un titre de gloire, ils voient moins clair que nous ne pensons. Nous
ne donnons point ce principe comme une règle, tant s'en faut ; nous
disons seulement que cela se voit, et que, par conséquent, leur science
humaine n'est pas toujours une preuve de leur infaillibilité comme
Esprits.
266. En soumettant toutes les communications à un examen
scrupuleux, en scrutant et en analysant la pensée et les expressions
comme on le fait quand il s'agit de juger un ouvrage littéraire, en rejetant
sans hésiter tout ce qui pèche par la logique et le bon sens, tout ce qui
dément le caractère de l'Esprit qui est censé se manifester, on décourage
les Esprits trompeurs qui finissent par se retirer, une fois bien
convaincus qu'ils ne peuvent nous abuser. Nous le répétons, ce moyen
est le seul, mais il est infaillible, parce qu'il n'y a pas de mauvaise
communication qui puisse résister à une critique rigoureuse. Les bons
Esprits ne s'en offensent jamais, puisque eux-mêmes le conseillent, et
parce qu'ils n'ont rien à craindre de l'examen ; les mauvais seuls s'en
formalisent et en dissuadent, parce qu'ils ont tout à perdre, et par cela
même prouvent ce qu'ils sont.
Voici, à ce sujet, le conseil donné par saint Louis :
«Quelle que soit la confiance légitime que vous inspirent les Esprits
qui président à vos travaux, il est une recommandation que nous ne
saurions trop répéter, et que vous devriez toujours avoir présente à la
pensée quand vous vous livrez à vos études, c'est de peser et de mûrir,
c'est de soumettre au contrôle de la raison la plus sévère toutes les
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 270
communications que vous recevez ; de ne pas négliger, dès qu'un point
vous paraît suspect, douteux ou obscur, de demander les explications
nécessaires pour vous fixer.»
267. On peut résumer les moyens de reconnaître la qualité des Esprits
dans les principes suivants :
1° Il n'y a pas d'autre critérium pour discerner la valeur des Esprits que
le bon sens. Toute formule donnée à cet effet par les Esprits eux-mêmes
est absurde, et ne peut émaner d'Esprits supérieurs.
2° On juge les Esprits à leur langage et à leurs actions. Les actions des
Esprits sont les sentiments qu'ils inspirent et les conseils qu'ils donnent.
3° Etant admis que les bons Esprits ne peuvent dire et faire que le
bien, tout ce qui est mal ne peut venir d'un bon Esprit.
4° Les Esprits supérieurs ont un langage toujours digne, noble, élevé,
sans mélange d'aucune trivialité ; ils disent tout avec simplicité et
modestie, ne se vantent jamais, ne font jamais parade de leur savoir ni de
leur position parmi les autres. Celui des Esprits inférieurs ou vulgaires a
toujours quelque reflet des passions humaines ; toute expression qui sent
la bassesse, la suffisance, l'arrogance, la forfanterie, l'acrimonie, est un
indice caractéristique d'infériorité ou de supercherie si l'Esprit se
présente sous un nom respectable et vénéré.
5° Il ne faut pas juger les Esprits sur la forme matérielle et la
correction de leur style, mais en sonder le sens intime, scruter leurs
paroles, les peser froidement, mûrement et sans prévention. Tout écart de
logique, de raison et de sagesse, ne peut laisser de doute sur leur origine,
quel que soit le nom dont s'affuble l'Esprit. (224.)
6° Le langage des Esprits élevés est toujours identique, sinon pour la
forme, du moins pour le fond. Les pensées sont les mêmes, quels que
soient le temps et le lieu ; elles peuvent être plus ou moins développées,
selon les circonstances, les besoins et les facilités de communiquer, mais
elles ne seront pas contradictoires. Si deux communications portant le
même nom sont en opposition l'une avec l'autre, l'une des deux est
évidemment apocryphe, et la véritable sera celle où RIEN ne dément le
caractère connu du personnage. Entre deux communications signées, par
exemple, de saint Vincent de Paul, dont l'une prêcherait l'union et la
charité, et l'autre tendrait à semer la discorde, il n'est personne de sensé
qui pût se méprendre.
IDENTITE DES ESPRITS 271
7° Les bons Esprits ne disent que ce qu'ils savent ; ils se taisent ou
confessent leur ignorance sur ce qu'ils ne savent pas. Les mauvais
parlent de tout avec assurance, sans se soucier de la vérité. Toute hérésie
scientifique notoire, tout principe qui choque le bon sens, montre la
fraude si l'Esprit se donne pour un Esprit éclairé.
8° On reconnaît encore les Esprits légers à la facilité avec laquelle ils
prédisent l'avenir, et précisent des faits matériels qu'il ne nous est pas
donné de connaître. Les bons Esprits peuvent faire pressentir les choses
futures lorsque cette connaissance peut être utile, mais ne précisent
jamais de dates ; toute annonce d'événement à époque fixe est l'indice
d'une mystification.
9° Les Esprits supérieurs s'expriment simplement, sans prolixité ; leur
style est concis, sans exclure la poésie des idées et des expressions, clair,
intelligible pour tous, et ne demande pas d'efforts pour être compris ; ils
ont l'art de dire beaucoup de choses en peu de mots, parce que chaque
parole a sa portée. Les Esprits inférieurs, ou faux savants, cachent sous
l'enflure et l'emphase le vide des pensées. Leur langage est souvent
prétentieux, ridicule ou obscur à force de vouloir paraître profond.
10° Les bons Esprits ne commandent jamais : ils ne s'imposent pas, ils
conseillent, et, si on ne les écoute pas, ils se retirent. Les mauvais sont
impérieux ; ils donnent des ordres, veulent être obéis et restent quand
même. Tout Esprit qui s'impose trahit son origine. Ils sont exclusifs et
absolus dans leurs opinions, et prétendent avoir seuls le privilège de la
vérité. Ils exigent une croyance aveugle, et ne font point appel à la
raison, parce qu'ils savent que la raison les démasquerait.
11° Les bons Esprits ne flattent point ; ils approuvent quand on fait
bien, mais toujours avec réserve ; les mauvais donnent des éloges
exagérés, stimulent l'orgueil et la vanité tout en prêchant l'humilité, et
cherchent à exalter l'importance personnelle de ceux qu'ils veulent
capter.
12° Les Esprits supérieurs sont au-dessus des puérilités de la forme en
toutes choses. Les Esprits vulgaires seuls peuvent attacher de
l'importance à des détails mesquins, incompatibles avec des idées
véritablement élevées. Toute prescription méticuleuse est un signe
certain d'infériorité et de supercherie de la part d'un Esprit qui prend un
nom imposant.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 272
13° Il faut se défier des noms bizarres et ridicules que prennent
certains Esprits qui veulent en imposer à la crédulité ; il serait
souverainement absurde de prendre ces noms au sérieux.
14° Il faut également se défier des Esprits qui se présentent trop
facilement sous des noms extrêmement vénérés, et n'accepter leurs
paroles qu'avec la plus grande réserve ; c'est là surtout qu'un contrôle
sévère est indispensable, car c'est souvent un masque qu'ils prennent
pour faire croire à de prétendues relations intimes avec les Esprits hors
ligne. Par ce moyen, ils flattent la vanité du médium et en profitent pour
l'induire souvent à des démarches regrettables ou ridicules.
15° Les bons Esprits sont très scrupuleux sur les démarches qu'ils
peuvent conseiller ; elles n'ont jamais, dans tous les cas, qu'un but
sérieux et éminemment utile. On doit donc regarder comme suspectes
toutes celles qui n'auraient pas ce caractère, ou seraient condamnées par
la raison, et mûrement réfléchir avant de les entreprendre, car on
s'exposerait à des mystifications désagréables.
16° On reconnaît aussi les bons Esprits à leur prudente réserve sur
toutes les choses qui peuvent compromettre ; ils répugnent à dévoiler le
mal ; les Esprits légers ou malveillants se plaisent à le faire ressortir.
Tandis que les bons cherchent à adoucir les torts et prêchent
l'indulgence, les mauvais les exagèrent et soufflent la zizanie par des
insinuations perfides.
17° Les bons Esprits ne prescrivent que le bien. Toute maxime, tout
conseil qui n'est pas strictement conforme à la pure charité évangélique
ne peut être l'oeuvre de bons Esprits.
18° Les bons Esprits ne conseillent jamais que des choses parfaitement
rationnelles ; toute recommandation qui s'écarterait de la droite ligne du
bon sens ou des lois immuables de la nature accuse un Esprit borné, et
par conséquent peu digne de confiance.
19° Les Esprits mauvais ou simplement imparfaits se trahissent encore
par des signes matériels auxquels on ne saurait se méprendre. Leur
action sur le médium est quelquefois violente, et provoque chez celui-ci
des mouvements brusques et saccadés, une agitation fébrile et
convulsive qui tranche avec le calme et la douceur des bons Esprits.
20° Les Esprits imparfaits profitent souvent des moyens de
communication dont ils disposent pour donner de perfides conseils ; ils
excitent la défiance et l'animosité contre ceux qui leur sont
IDENTITE DES ESPRITS 273
antipathiques ; ceux qui peuvent démasquer leurs impostures sont
surtout l'objet de leur animadversion.
Les hommes faibles sont leur point de mire pour les induire au mal.
Employant tour à tour les sophismes, les sarcasmes, les injures et
jusqu'aux signes matériels de leur puissance occulte pour mieux
convaincre, ils tâchent de les détourner du sentier de la vérité.
21° L'Esprit des hommes qui ont eu sur la terre une préoccupation
unique, matérielle ou morale, s'ils ne sont pas dégagés de l'influence de
la matière, sont encore sous l'empire des idées terrestres, et portent avec
eux une partie des préjugés, des prédilections et même des manies qu'ils
avaient ici-bas. C'est ce qu'il est aisé de reconnaître à leur langage.
22° Les connaissances dont certains Esprits se parent souvent avec
une sorte d'ostentation ne sont pas un signe de leur supériorité.
L'inaltérable pureté des sentiments moraux est à cet égard la véritable
pierre de touche.
23° Il ne suffit pas d'interroger un Esprit pour connaître la vérité. Il
faut avant tout savoir à qui l'on s'adresse ; car les Esprits inférieurs,
ignorants eux-mêmes, traitent avec frivolité les questions les plus
sérieuses.
Il ne suffit pas non plus qu'un Esprit ait été un grand homme sur la
terre pour avoir dans le monde spirite la souveraine science. La vertu
seule peut, en le purifiant, le rapprocher de Dieu et étendre ses
connaissances.
24° De la part des Esprits supérieurs, la plaisanterie est souvent fine et
piquante, mais n'est jamais triviale. Chez les Esprits railleurs qui ne sont
pas grossiers, la satire mordante est souvent pleine d'à-propos.
25° En étudiant avec soin le caractère des Esprits qui se présentent,
surtout au point de vue moral, on reconnaîtra leur nature et le degré de
confiance qu'on peut leur accorder. Le bon sens ne saurait tromper.
26° Pour juger les Esprits, comme pour juger les hommes, il faut
d'abord savoir se juger soi-même. Il y a malheureusement beaucoup de
gens qui prennent leur opinion personnelle pour mesure exclusive du
bon et du mauvais, du vrai et du faux ; tout ce qui contredit leur manière
de voir, leurs idées, le système qu'ils ont conçu ou adopté, est mauvais à
leurs yeux. De telles gens manquent évidemment de la première qualité
pour une saine appréciation : la rectitude du jugement ; mais ils ne s'en
doutent pas ; c'est le défaut sur lequel on se fait le plus illusion.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 274
Toutes ces instructions découlent de l'expérience et de l'enseignement
donné par les Esprits ; nous les complétons par les réponses mêmes
données par eux sur les points les plus importants.
Questions sur la nature et l'identité des Esprits.
268. 1. A quels signes peut-on reconnaître la supériorité ou l'infériorité
des Esprits ?
«A leur langage, comme vous distinguez un étourdi d'un homme
sensé. Nous l'avons déjà dit, les Esprits supérieurs ne se contredisent
jamais et ne disent que de bonnes choses ; ils ne veulent que le bien :
c'est leur préoccupation.
Les Esprits inférieurs sont encore sous l'empire des idées matérielles ;
leurs discours se ressentent de leur ignorance et de leur imperfection. Il
n'est donné qu'aux Esprits supérieurs de connaître toutes choses et de les
juger sans passion.»
2. La science, chez un Esprit, est-elle toujours un signe certain de son
élévation ?
Non, car s'il est encore sous l'influence de la matière, il peut avoir vos
vices et vos préjugés. Il y a des gens qui sont dans ce monde
excessivement jaloux et orgueilleux ; croyez-vous que dès qu'ils le
quittent ils perdent ces défauts ? Il reste, après le départ d'ici, surtout à
ceux qui ont eu des passions bien tranchées, une sorte d'atmosphère qui
les enveloppe et leur laisse toutes ces mauvaises choses.
Ces Esprits mi-imparfaits sont plus à redouter que les mauvais Esprits,
parce que la plupart réunissent l'astuce et l'orgueil à l'intelligence. Par
leur prétendu savoir, ils en imposent aux gens simples et aux ignorants
qui acceptent sans contrôle leurs théories absurdes et mensongères ;
quoique ces théories ne puissent prévaloir contre la vérité, elles n'en font
pas moins un mal momentané, car elles entravent la marche du
spiritisme, et les médiums s'aveuglent volontiers sur le mérite de ce qui
leur est communiqué. C'est là ce qui demande une très grande étude de la
part des spirites éclairés et des médiums ; c'est à distinguer le vrai du
faux qu'il faut apporter toute son attention.»
3. Beaucoup d'Esprits protecteurs se désignent sous des noms de saints
ou de personnages connus ; que doit-on croire à ce sujet ?
«Tous les noms des saints et des personnages connus ne suffiraient pas
pour fournir un protecteur à chaque homme ; parmi les Esprits, il y en a
IDENTITE DES ESPRITS 275
peu qui aient un nom connu sur la terre : c'est pourquoi très souvent ils
ne s'en donnent pas ; mais la plupart du temps vous voulez un nom ;
alors, pour vous satisfaire, ils prennent celui d'un homme que vous
connaissez et que vous respectez.»
4. Ce nom d'emprunt ne peut-il être considéré comme une fraude ?
«Ce serait une fraude de la part d'un mauvais Esprit qui voudrait
abuser ; mais quand c'est pour le bien, Dieu permet qu'il en soit ainsi
entre Esprits du même ordre, parce qu'il y a entre eux solidarité et
similitude de pensées.»
5. Ainsi, quand un Esprit protecteur se dit être saint Paul, par exemple,
il n'est pas certain que ce soit l'Esprit même ou l'âme de l'apôtre de ce
nom ?
«Nullement, car vous trouvez des milliers de personnes à qui il a été
dit que leur ange gardien est saint Paul, ou tout autre ; mais que vous
importe, si l'Esprit qui vous protège est aussi élevé que saint Paul ? Je
vous l'ai dit, il vous faut un nom, ils en prennent un pour se faire appeler
et reconnaître, comme vous prenez des noms de baptême pour vous
distinguer des autres membres de votre famille. Ils peuvent tout aussi
bien prendre ceux des archanges Raphaël, saint Michel, etc., sans que
cela tire à conséquence.
Du reste, plus un esprit est élevé, plus son rayonnement est multiple ;
croyez donc qu'un Esprit protecteur d'un ordre supérieur peut avoir sous
sa tutelle des centaines d'incarnés. Chez vous, sur la terre, vous avez des
notaires qui se chargent des affaires de cent et deux cents familles ;
pourquoi voudriez-vous que nous fussions, spirituellement parlant,
moins aptes à la direction morale des hommes que ceux-là à la direction
matérielle de leurs intérêts ?»
6. Pourquoi les Esprits qui se communiquent prennent-ils si souvent le
nom des saints ?
«Ils s'identifient avec les habitudes de ceux à qui ils parlent, et
prennent les noms qui sont de nature à faire sur l'homme le plus
d'impression en raison de ses croyances.»
7. Certains Esprits supérieurs que l'on évoque viennent-ils toujours en
personne, ou bien, comme le croient quelques-uns, ne viennent-ils que
par mandataires chargés de transmettre leur pensée ?
«Pourquoi ne viendraient-ils pas en personne, s'ils le peuvent ? mais si
l'Esprit ne peut venir, ce sera forcément un mandataire.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 276
8. Le mandataire est-il toujours suffisamment éclairé pour répondre
comme le ferait l'Esprit qui l'envoie ?
«Les Esprits supérieurs savent à qui ils confient le soin de les
remplacer. D'ailleurs, plus les Esprits sont élevés, plus ils se confondent
dans une pensée commune, de telle sorte que, pour eux, la personnalité
est une chose indifférente, et il doit en être de même pour vous ; croyezvous
donc qu'il n'y ait dans le monde des Esprits supérieurs que ceux
que vous avez connus sur la terre capables de vous instruire ? Vous êtes
tellement portés à vous prendre pour les types de l'univers, que vous
croyez toujours que hors de votre monde il n'y a plus rien. Vous
ressemblez vraiment à ces sauvages qui ne sont pas sortis de leur île et
croient que le monde ne va pas au delà.»
9. Nous comprenons qu'il en soit ainsi quand il s'agit d'un
enseignement sérieux ; mais comment des Esprits élevés permettent-ils à
des Esprits de bas étage de se parer de noms respectables pour induire en
erreur par des maximes souvent perverses ?
«Ce n'est point avec leur permission qu'ils le font ; cela n'arrive-t-il
pas aussi parmi vous ? Ceux qui trompent ainsi en seront punis, croyezle
bien, et leur punition sera proportionnée à la gravité de l'imposture.
D'ailleurs, si vous n'étiez pas imparfaits, vous n'auriez autour de vous
que de bons Esprits, et si vous êtes trompés, vous ne devez vous en
prendre qu'à vous mêmes. Dieu permet qu'il en soit ainsi pour éprouver
votre persévérance et votre jugement, et vous apprendre à distinguer la
vérité de l'erreur ; si vous ne le faites pas, c'est que vous n'êtes pas assez
élevés, et vous avez encore besoin des leçons de l'expérience.»
10. Des Esprits peu avancés, mais animés de bonnes intentions et du
désir de progresser, ne sont-ils pas quelquefois délégués pour remplacer
un Esprit supérieur, afin de leur fournir l'occasion de s'exercer à
l'enseignement ?
«Jamais dans les grands centres ; je veux dire les centres sérieux et
pour un enseignement général ; ceux qui s'y présentent le font toujours
de leur propre chef, et, comme vous le dites, pour s'exercer ; c'est
pourquoi leurs communications, quoique bonnes, portent toujours des
traces de leur infériorité. Quand ils sont délégués, ce n'est que pour les
communications peu importantes, et celles qu'on peut appeler
personnelles.»
IDENTITE DES ESPRITS 277
11. Les communications spirites ridicules sont quelquefois
entremêlées de très bonnes maximes ; comment concilier cette anomalie
qui semblerait indiquer la présence simultanée de bons et de mauvais
Esprits ?
«Les Esprits mauvais ou légers se mêlent aussi de faire des sentences
sans trop en voir la portée ou la signification. Tous ceux qui en font
parmi vous sont-ils des hommes supérieurs ? Non ; les bons et les
mauvais Esprits ne frayent pas ensemble, c'est à l'uniformité constante
des bonnes communications que vous reconnaîtrez la présence des bons
Esprits.»
12. Les Esprits qui induisent en erreur le font-ils toujours sciemment ?
«Non ; il y a des Esprits bons, mais ignorants et qui peuvent se
tromper de bonne foi ; quand ils ont la conscience de leur insuffisance,
ils en conviennent, et ne disent que ce qu'ils savent.»
13. Lorsqu'un Esprit fait une fausse communication, la fait-il toujours
avec une intention malveillante ?
«Non ; si c'est un Esprit léger, il s'amuse à mystifier et n'a pas d'autre
but.»
14. Puisque certains Esprits peuvent tromper par leur langage,
peuvent-ils aussi, aux yeux d'un médium voyant, prendre une fausse
apparence ?
«Cela se fait, mais plus difficilement. Dans tous les cas, cela n'a jamais
lieu que dans un but que les mauvais Esprits ne connaissent pas euxmêmes.
Ils servent d'instrument pour donner une leçon. Le médium
voyant peut voir des Esprits légers et menteurs comme d'autres les
entendent ou écrivent sous leur influence. Les Esprits légers peuvent
profiter de cette disposition pour l'abuser par des apparences
trompeuses ; cela dépend des qualités de son Esprit à lui.»
15. Pour n'être pas abusé, suffit-il d'être animé de bonnes intentions, et
les hommes parfaitement sérieux, qui ne mêlent à leurs études aucun
sentiment de vaine curiosité, sont-ils aussi exposés à être trompés ?
«Moins que d'autres évidemment ; mais l'homme a toujours quelques
travers qui attirent les Esprits moqueurs ; il se croit fort, et souvent il ne
l'est pas ; il doit donc se défier de la faiblesse qui naît de l'orgueil et des
préjugés. On ne tient pas assez compte de ces deux causes dont les
Esprits profitent ; en flattant les manies, ils sont sûrs de réussir.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 278
16. Pourquoi Dieu permet-il que de mauvais Esprits se communiquent
et disent de mauvaises choses ?
«Même dans ce qui est le plus mal, il y a un enseignement ; c'est à
vous de savoir l'en tirer. Il faut bien qu'il y ait des communications de
toutes sortes pour vous apprendre à distinguer les bons Esprits des
mauvais, et vous servir de miroir à vous-mêmes.»
17. Les Esprits peuvent-ils, au moyen de communications écrites,
inspirer d'injustes défiances contre certaines personnes, et brouiller des
amis ?
«Des Esprits pervers et jaloux peuvent faire en mal tout ce que font les
hommes ; c'est pourquoi il faut y prendre garde. Les Esprits supérieurs
sont toujours prudents et réservés quand ils ont à blâmer ; ils ne disent
pas de mal : ils avertissent avec ménagement. S'ils veulent que, dans leur
intérêt, deux personnes cessent de se voir, ils feront naître des incidents
qui les sépareront d'une manière naturelle. Un langage propre à semer le
trouble et la défiance est toujours le fait d'un mauvais Esprit, quel que
soit le nom dont il se pare. Ainsi n'accueillez qu'avec circonspection le
mal qu'un Esprit peut dire de l'un de vous, surtout quand un bon Esprit
vous en a dit du bien ; et défiez-vous aussi de vous-même et de vos
propres préventions. Dans les communications des Esprits, ne prenez
que ce qu'il y a de bon, de grand, de rationnel, et ce que votre conscience
approuve.»
18. Par la facilité avec laquelle les mauvais Esprits se mêlent aux
communications, il parait qu'on n'est jamais certains d'avoir la vérité ?
«Si, puisque vous avez un jugement pour les apprécier. A la lecture
d'une lettre, vous savez bien reconnaître si c'est un goujat ou un homme
bien élevé, un sot ou un savant, qui vous écrit ; pourquoi ne pourriezvous
le faire quand ce sont des Esprits qui vous écrivent ? Si vous
recevez une lettre d'un ami éloigné, qui vous prouve qu'elle est bien de
lui ? Son écriture, direz-vous ; mais n'y a-t-il pas des faussaires qui
imitent toutes les écritures ; des fripons qui peuvent connaître vos
affaires ? Cependant il est des signes auxquels vous ne vous méprendrez
pas ; il en est de même des Esprits. Figurez-vous donc que c'est un ami
qui vous écrit, ou que vous lisez l'ouvrage d'un écrivain, et jugez par les
mêmes moyens.»
19. Les Esprits supérieurs pourraient-ils empêcher les mauvais Esprits
de prendre de faux noms ?
IDENTITE DES ESPRITS 279
«Certainement ils le peuvent ; mais plus les Esprits sont mauvais, plus
ils sont entêtés, et souvent ils résistent aux injonctions. Il faut bien aussi
que vous sachiez qu'il est des personnes auxquelles les Esprits supérieurs
s'intéressent plus qu'à d'autres, et quand ils le jugent nécessaire, ils
savent les préserver de l'atteinte du mensonge ; contre ces personnes, les
Esprits trompeurs sont impuissants.»
20. Quel est le motif de cette partialité ?
«Ce n'est point de la partialité, c'est de la justice ; les bons Esprits
s'intéressent à ceux qui mettent leurs avis à profit, et travaillent
sérieusement à leur propre amélioration ; ceux-là sont leurs préférés et
ils les secondent ; mais ils s'inquiètent peu de ceux avec lesquels ils
perdent leur temps en belles paroles.»
21. Pourquoi Dieu permet-il aux Esprits de commettre le sacrilège de
prendre faussement des noms vénérés ?
«Vous pourriez demander aussi pourquoi Dieu permet aux hommes de
mentir et de blasphémer. Les Esprits, ainsi que les hommes, ont leur libre
arbitre dans le bien comme dans le mal ; mais ni aux uns ni aux autres la
justice de Dieu ne fera défaut.»
22. Y a-t-il des formules efficaces pour chasser les Esprits trompeurs ?
«Formule est matière ; bonne pensée vers Dieu vaut mieux.»
23. Certains Esprits ont dit avoir des signes graphiques inimitables,
sortes d'emblèmes qui peuvent les faire reconnaître et constater leur
identité ; cela est-il vrai ?
«Les Esprits supérieurs n'ont d'autres signes pour se faire reconnaître
que la supériorité de leurs idées et de leur langage. Tous les Esprits
peuvent imiter un signe matériel. Quant aux Esprits inférieurs, ils se
trahissent de tant de manières qu'il faut être aveugle pour se laisser
abuser.»
24. Les Esprits trompeurs ne peuvent-ils aussi contrefaire la pensée ?
«Ils contrefont la pensée comme les décors de théâtre contrefont la
nature.»
25. Il paraît qu'il est ainsi toujours facile de découvrir la fraude par
une étude attentive ?
«N'en doutez pas ; les Esprits ne trompent que ceux qui se laissent
tromper. Mais il faut avoir des yeux de marchand de diamants pour
distinguer la vraie pierre de la fausse ; or, celui qui ne sait pas distinguer
la pierre fine de la fausse s'adresse au lapidaire.»
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXIV 280
26. Il y a des gens qui se laissent séduire par un langage emphatique ;
qui se payent de mots plus que d'idées ; qui prennent même des idées
fausses et vulgaires pour des idées sublimes ; comment ces gens-là, qui
ne sont pas même aptes à juger les oeuvres des hommes, peuvent-ils
juger celles des Esprits ?
«Quand ces personnes ont assez de modestie pour reconnaître leur
insuffisance, elles ne s'en rapportent pas à elles-mêmes ; quand par
orgueil elles se croient plus capables qu'elles ne le sont, elles portent la
peine de leur sotte vanité. Les Esprits trompeurs savent bien à qui ils
s'adressent ; il y a des gens simples et peu instruits plus difficiles à
abuser que d'autres qui ont de l'esprit et du savoir. En flattant les
passions, ils font de l'homme tout ce qu'ils veulent.»
27. Dans l'écriture, les mauvais Esprits se trahissent-ils quelquefois
par des signes matériels involontaires ?
«Les habiles ne le font pas ; les maladroits se fourvoient. Tout signe
inutile et puéril est un indice certain d'infériorité ; les Esprits élevés ne
font rien d'inutile.»
28. Beaucoup de médiums reconnaissent les bons et les mauvais
Esprits à l'impression agréable ou pénible qu'ils ressentent à leur
approche. Nous demandons si l'impression désagréable, l'agitation
convulsive, le malaise, en un mot, sont toujours des indices de la
mauvaise nature des Esprits qui se manifestent.
«Le médium éprouve les sensations de l'état dans lequel se trouve
l'Esprit qui vient à lui. Quand l'Esprit est heureux, il est tranquille, léger,
posé ; quand il est malheureux, il est agité, fébrile, et cette agitation
passe naturellement dans le système nerveux du médium. Du reste, c'est
ainsi qu'est l'homme sur la terre : celui qui est bon est calme et
tranquille ; celui qui est méchant est sans cesse agité.»
Remarque. Il y a des médiums d'une impressionnabilité nerveuse plus ou moins
grande, c'est pourquoi l'agitation ne saurait être regardée comme une règle
absolue ; il faut ici, comme en toutes choses, tenir compte des circonstances. Le
caractère pénible et désagréable de l'impression est un effet de contraste, car si
l'Esprit du médium sympathise avec le mauvais Esprit qui se manifeste, il en sera
peu ou point affecté. Du reste, il ne faut pas confondre la rapidité de l'écriture, qui
tient à l'extrême flexibilité de certains médiums, avec l'agitation convulsive que les
médiums les plus lents peuvent éprouver au contact des Esprits imparfaits.
CHAPITRE XXV.
DES EVOCATIONS.
Considérations générales.
269. Les Esprits peuvent se communiquer spontanément ou venir à
notre appel, c'est-à-dire sur évocation. Quelques personnes pensent que
l'on doit s'abstenir d'évoquer tel ou tel Esprit, et qu'il est préférable
d'attendre celui qui veut bien se communiquer. Elles se fondent sur cette
opinion, qu'en appelant un Esprit déterminé, on n'est pas certain que ce
soit lui qui se présente, tandis que celui qui vient spontanément et de son
propre mouvement prouve mieux son identité, puisqu'il annonce ainsi le
désir qu'il a de s'entretenir avec nous. A notre avis, c'est là une erreur :
premièrement, parce qu'il y a toujours autour de nous des Esprits, le plus
souvent de bas étage, qui ne demandent pas mieux que de se
communiquer ; en second lieu, et par cette dernière raison même, en n'en
appelant aucun en particulier, c'est ouvrir la porte à tous ceux qui veulent
entrer. Dans une assemblée, ne donner la parole à personne, c'est la
laisser à tout le monde, et l'on sait ce qui en résulte. L'appel direct fait à
un Esprit déterminé est un lien entre lui et nous : nous l'appelons par
notre désir, et nous opposons ainsi une sorte de barrière aux intrus. Sans
un appel direct, un Esprit n'aurait souvent aucun motif de venir à nous, si
ce n'est notre Esprit familier.
Ces deux manières d'opérer ont chacune leurs avantages, et
l'inconvénient ne serait que dans l'exclusion absolue de l'une des deux.
Les communications spontanées n'ont aucun inconvénient quand on est
maître des Esprits, et qu'on est certain de ne laisser prendre aucun empire
aux mauvais ; alors il est souvent utile d'attendre le bon plaisir de ceux
qui veulent bien se manifester, parce que leur pensée ne subit aucune
contrainte, et l'on peut obtenir de cette manière des choses admirables ;
tandis qu'il n'est pas dit que l'Esprit que vous appelez soit disposé à
parler, ou capable de le faire dans le sens qu'on désire. L'examen
scrupuleux que nous avons conseillé est d'ailleurs une garantie contre les
mauvaises communications. Dans les réunions régulières, dans celles
surtout où l'on s'occupe d'un travail suivi, il y a toujours des Esprits
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXV 282
habitués qui se trouvent au rendez-vous sans qu'on les appelle, par cela
même qu'en raison de la régularité des séances, ils sont prévenus : ils
prennent souvent spontanément la parole pour traiter un sujet
quelconque, développer une proposition ou prescrire ce que l'on doit
faire, et alors on les reconnaît aisément, soit à la forme de leur langage
qui est toujours identique, soit à leur écriture, soit à certaines habitudes
qui leur sont familières.
270. Lorsqu'on désire communiquer avec un Esprit déterminé, il faut
de toute nécessité l'évoquer. (N° 203.) S'il peut venir, on obtient
généralement pour réponse : Oui ; ou : Je suis là ; ou bien encore : Que
me voulez-vous ? Quelquefois il entre directement en matière en
répondant par anticipation aux questions qu'on se propose de lui
adresser.
Lorsqu'un Esprit est évoqué pour la première fois, il convient de le
désigner avec quelque précision. Dans les questions qui lui sont
adressées, il faut éviter les formes sèches et impératives, qui seraient
pour lui un motif d'éloignement. Ces formes doivent être affectueuses ou
respectueuses selon l'Esprit, et dans tous les cas témoigner de la
bienveillance de l'évocateur.
271. On est souvent surpris de la promptitude avec laquelle un Esprit
évoqué se présente, même pour la première fois : on dirait qu'il a été
prévenu ; c'est, en effet, ce qui a lieu lorsqu'on se préoccupe d'avance de
son évocation. Cette préoccupation est une sorte d'évocation anticipée, et
comme nous avons toujours nos Esprits familiers qui s'identifient avec
notre pensée, ils préparent les voies, de telle sorte que si rien ne s'y
oppose, l'Esprit que l'on veut appeler est déjà présent. Dans le cas
contraire, c'est l'esprit familier du médium, ou celui de l'interrogateur, ou
l'un des habitués qui va le chercher, et pour cela il ne lui faut pas
beaucoup de temps. Si l'Esprit évoqué ne peut venir instantanément, le
messager (les Païens auraient dit Mercure) assigne un délai, quelquefois
de cinq minutes, un quart d'heure, une heure et même plusieurs jours ;
lorsqu'il est arrivé, il dit : Il est là ; et alors on peut commencer les
questions qu'on veut lui adresser.
Le messager n'est pas toujours un intermédiaire nécessaire, car l'appel
de l'évocateur peut être entendu directement de l'Esprit, ainsi qu'il est dit
ci-après, n° 282, question 5, sur le mode de transmission de la pensée.
DES EVOCATIONS 283
Quand nous disons de faire l'évocation au nom de Dieu, nous
entendons que notre recommandation doit être prise au sérieux et non à
la légère ; ceux qui n'y verraient qu'une formule sans conséquence
feraient mieux de s'abstenir.
272. Les évocations offrent souvent plus de difficultés aux médiums
que les dictées spontanées, surtout quand il s'agit d'obtenir des réponses
précises à des questions circonstanciées. Il faut pour cela des médiums
spéciaux, à la fois flexibles et positifs, et l'on a vu (n° 193) que ces
derniers sont assez rares, car, ainsi que nous l'avons dit, les rapports
fluidiques ne s'établissent pas toujours instantanément avec le premier
Esprit venu. C'est pourquoi il est utile que les médiums ne se livrent aux
évocations détaillées qu'après s'être assurés du développement de leur
faculté, et de la nature des Esprits qui les assistent, car chez ceux qui
sont mal entourés, les évocations ne peuvent avoir aucun caractère
d'authenticité.
273. Les médiums sont généralement beaucoup plus recherchés pour
les évocations d'un intérêt privé que pour les communications d'un
intérêt général ; cela s'explique par le désir bien naturel que l'on a de
s'entretenir avec les êtres qui nous sont chers. Nous croyons devoir faire
à ce sujet plusieurs recommandations importantes aux médiums. C'est
d'abord de n'accéder à ce désir qu'avec réserve vis-à-vis des personnes
sur la sincérité desquelles ils ne sont pas complètement édifiés, et de se
mettre en garde contre les pièges que pourraient leur tendre des gens
malveillants. Secondement, de ne s'y prêter, sous aucun prétexte, s'ils
entrevoient un but de curiosité et d'intérêt, et non une intention sérieuse
de la part de l'évocateur ; de se refuser à toute question oiseuse ou qui
sortirait du cercle de celles qu'on peut rationnellement adresser aux
Esprits. Les questions doivent être posées avec clarté, netteté et sans
arrière-pensée, si l'on veut des réponses catégoriques. Il faut donc
repousser toutes celles qui auraient un caractère insidieux, car on sait
que les Esprits n'aiment pas celles qui ont pour but de les mettre à
l'épreuve ; insister sur des questions de cette nature, c'est vouloir être
trompé. L'évocateur doit aller franchement et ouvertement au but, sans
subterfuge et sans moyens détournés ; s'il craint de s'expliquer, il ferait
mieux de s'abstenir.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXV 284
Il convient encore de ne faire qu'avec beaucoup de prudence des
évocations en l'absence des personnes qui en font la demande, et souvent
même il est préférable de s'en abstenir tout à fait, ces personnes étant
seules aptes à contrôler les réponses, à juger de l'identité, à provoquer
des éclaircissements s'il y a lieu, et à faire les questions incidentes
amenées par les circonstances. En outre, leur présence est un lien qui
attire l'Esprit, souvent peu disposé à se communiquer à des étrangers
pour lesquels il n'a aucune sympathie. Le médium, en un mot, doit éviter
tout ce qui pourrait le transformer en agent de consultation, ce qui, aux
yeux de beaucoup de gens, est synonyme de diseur de bonne aventure.
Esprits que l'on peut évoquer.
274. On peut évoquer tous les Esprits à quelque degré de l'échelle
qu'ils appartiennent : les bons comme les mauvais, ceux qui ont quitté la
vie depuis peu, comme ceux qui ont vécu dans les temps les plus reculés,
les hommes illustres comme les plus obscurs, nos parents, nos amis,
comme ceux qui nous sont indifférents ; mais il n'est pas dit qu'ils
veuillent ou puissent toujours se rendre à notre appel ; indépendamment
de leur propre volonté, ou de la permission qui peut leur être refusée par
une puissance supérieure, ils peuvent en être empêchés par des motifs
qu'il ne nous est pas toujours donné de pénétrer. Nous voulons dire qu'il
n'y a pas d'empêchement absolu qui s'oppose aux communications, sauf
ce qui sera dit ci-après ; les obstacles qui peuvent empêcher un Esprit de
se manifester sont presque toujours individuels, et tiennent souvent aux
circonstances.
275. Parmi les causes qui peuvent s'opposer à la manifestation d'un
esprit, les unes lui sont personnelles et les autres lui sont étrangères. Il
faut placer parmi les premières ses occupations ou les missions qu'il
accomplit, et dont il ne peut pas se détourner pour céder à nos désirs ;
dans ce cas, sa visite n'est qu'ajournée.
Il y a encore sa propre situation. Bien que l'état d'incarnation ne soit
pas un obstacle absolu, ce peut être un empêchement à certains moments
donnés, surtout quand elle a lieu dans les mondes inférieurs et quand
l'Esprit lui-même est peu dématérialisé. Dans les mondes supérieurs,
dans ceux où les liens de l'Esprit et de la matière sont très faibles, la
manifestation est presque aussi facile que dans l'état errant, et dans tous
DES EVOCATIONS 285
les cas plus facile que dans ceux où la matière corporelle est plus
compacte.
Les causes étrangères tiennent principalement à la nature du médium,
à celle de la personne qui évoque, au milieu dans lequel se fait
l'évocation, et enfin au but que l'on se propose. Certains médiums
reçoivent plus particulièrement des communications de leurs Esprits
familiers, qui peuvent être plus ou moins élevés ; d'autres sont aptes à
servir d'intermédiaires à tous les Esprits ; cela dépend de la sympathie ou
de l'antipathie, de l'attraction ou de la répulsion que l'Esprit personnel du
médium exerce sur l'Esprit étranger, qui peut le prendre pour interprète
avec plaisir ou avec répugnance. Cela dépend encore, abstraction faite
des qualités intimes du médium, du développement de la faculté
médianimique. Les Esprits viennent plus volontiers, et surtout sont plus
explicites avec un médium qui ne leur offre aucun obstacle matériel.
Toutes choses égales d'ailleurs quant aux conditions morales, plus un
médium a de la facilité pour écrire ou pour s'exprimer, plus ses relations
avec le monde spirite se généralisent.
276. Il faut encore tenir compte de la facilité que doit donner
l'habitude de communiquer avec tel ou tel Esprit ; avec le temps, l'Esprit
étranger s'identifie avec celui du médium, et aussi avec celui qui
l'appelle. La question de sympathie à part, il s'établit entre eux des
rapports fluidiques qui rendent les communications plus promptes ; c'est
pourquoi un premier entretien n'est pas toujours aussi satisfaisant qu'on
pourrait le désirer, et c'est aussi pourquoi les Esprits eux-mêmes
demandent souvent à être rappelés. L'Esprit qui vient d'habitude est
comme chez lui : il est familiarisé avec ses auditeurs et ses interprètes ; il
parle et agit plus librement.
277. En résumé, de ce que nous venons de dire il résulte : que la
faculté d'évoquer tout Esprit quelconque n'implique pas pour l'Esprit
l'obligation d'être à nos ordres ; qu'il peut venir à un moment et non à un
autre, avec tel médium ou tel évocateur qui lui plaît et non avec tel
autre ; dire ce qu'il veut sans pouvoir être contraint de dire ce qu'il ne
veut pas ; s'en aller quand cela lui convient ; enfin que, par des causes
dépendantes ou non de sa volonté, après s'être montré assidu pendant
quelque temps, il peut tout à coup cesser de venir.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXV 286
C'est par tous ces motifs que, lorsqu'on désire appeler un Esprit
nouveau, il est nécessaire de demander à son guide protecteur si
l'évocation est possible ; dans le cas où elle ne le serait pas, il en donne
assez généralement les motifs, et alors il est inutile d'insister.
278. Une importante question se présente ici, celle de savoir s'il y a ou
non de l'inconvénient à évoquer de mauvais Esprits. Cela dépend du but
qu'on se propose et de l'ascendant qu'on peut avoir sur eux.
L'inconvénient est nul quand on les appelle dans un but sérieux,
instructif et en vue de les améliorer ; il est très grand, au contraire, si
c'est par pure curiosité ou plaisanterie, ou si on se met sous leur
dépendance en leur demandant un service quelconque. Les bons Esprits,
dans ce cas, peuvent très bien leur donner le pouvoir de faire ce qu'on
leur demande, sauf à punir sévèrement plus tard le téméraire qui aurait
osé invoquer leur secours et leur croire plus de puissance qu'à Dieu.
C'est en vain qu'on se promettrait d'en faire un bon usage par la suite, et
de congédier le serviteur une fois le service rendu ; ce service même que
l'on a sollicité, quelque minime qu'il soit, est un véritable pacte conclu
avec le mauvais Esprit, et celui-ci ne lâche pas prise aisément. (Voir
n° 212.)
279. L'ascendant ne s'exerce sur les Esprits inférieurs que par la
supériorité morale. Les Esprits pervers sentent leurs maîtres dans les
hommes de bien ; vis-à-vis de celui qui ne leur oppose que l'énergie de la
volonté, sorte de force brutale, ils luttent, et souvent sont les plus forts.
Quelqu'un cherchait ainsi à dompter un Esprit rebelle, par sa volonté,
l'Esprit lui répondit : Laisse-moi donc tranquille avec tes airs de
matamore, toi qui ne vaux pas mieux que moi ; ne dirait-on pas un
voleur qui fait de la morale à un voleur ?
On s'étonne que le nom de Dieu que l'on invoque contre eux soit
souvent impuissant ; saint Louis en a donné la raison dans la réponse
suivante :
«Le nom de Dieu n'a d'influence sur les Esprits imparfaits que dans la
bouche de celui qui peut s'en servir avec autorité par ses vertus ; dans la
bouche de l'homme qui n'aurait sur l'Esprit aucune supériorité morale,
c'est un mot comme un autre. Il en est de même des choses saintes qu'on
leur oppose. L'arme la plus terrible est inoffensive dans les mains
inhabiles à s'en servir ou incapables de la porter.»
DES EVOCATIONS 287
Langage à tenir avec les Esprits.
280. Le degré de supériorité ou d'infériorité des Esprits indique
naturellement le ton qu'il convient de prendre avec eux. Il est évident
que plus ils sont élevés, plus ils ont de droit à notre respect, à nos égards
et à notre soumission. Nous ne devons pas leur témoigner moins de
déférence que nous ne l'eussions fait de leur vivant, mais par d'autres
motifs : sur la terre nous eussions considéré leur rang et leur position
sociale ; dans le monde des Esprits, notre respect ne s'adresse qu'à la
supériorité morale. Leur élévation même les met au-dessus des puérilités
de nos formes adulatrices. Ce n'est pas par des mots qu'on peut capter
leur bienveillance, c'est par la sincérité des sentiments. Il serait donc
ridicule de leur donner les titres que nos usages consacrent à la
distinction des rangs, et qui, de leur vivant, eussent pu flatter leur
vanité ; s'ils sont réellement supérieurs, non seulement ils n'y tiennent
pas, mais cela leur déplaît. Une bonne pensée leur est plus agréable que
les épithètes les plus louangeuses ; s'il en était autrement, ils ne seraient
pas au-dessus de l'humanité. L'Esprit d'un vénérable ecclésiastique qui
fut sur la terre un prince de l'Eglise, homme de bien, pratiquant la loi de
Jésus, répondit un jour à quelqu'un qui l'évoquait en lui donnant le titre
de Monseigneur : «Tu devrais dire au moins ex-Monseigneur, car ici il
n'y a de Seigneur que Dieu ; sache bien que j'en vois qui, sur la terre, se
mettaient à mes genoux, et devant lesquels je m'incline moi-même.»
Quant aux Esprits inférieurs, leur caractère nous trace le langage qu'il
convient de tenir avec eux. Dans le nombre il y en a qui, quoique
inoffensifs et même bienveillants, sont légers, ignorants, étourdis ; les
traiter à l'égal des Esprits sérieux, ainsi que le font certaines personnes,
autant vaudrait s'incliner devant un écolier ou devant un âne affublé d'un
bonnet de docteur. Le ton de la familiarité ne saurait être déplacé avec
eux, et ils ne s'en formalisent pas ; ils s'y prêtent au contraire volontiers.
Parmi les Esprits inférieurs il y en a qui sont malheureux. Quelles que
puissent être les fautes qu'ils expient, leurs souffrances sont des titres
d'autant plus grands à notre commisération, que personne ne peut se
flatter d'échapper à cette parole du Christ : «Que celui qui est sans péché
lui jette la première pierre». La bienveillance que nous leur témoignons
est un soulagement pour eux ; à défaut de sympathie, ils doivent trouver
l'indulgence que nous voudrions que l'on eût pour nous.
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXV 288
Les Esprits qui révèlent leur infériorité par le cynisme de leur langage,
leurs mensonges, la bassesse de leurs sentiments, la perfidie de leurs
conseils, sont assurément moins dignes de notre intérêt que ceux dont les
paroles attestent le repentir ; nous leur devons au moins la pitié que nous
accordons aux plus grands criminels, et le moyen de les réduire au
silence, c'est de se montrer supérieur à eux : ils ne s'abandonnent qu'avec
les gens dont ils croient n'avoir rien à craindre ; car les Esprits pervers
sentent leurs maîtres dans les hommes de bien, comme dans les Esprits
supérieurs.
En résumé, autant il serait irrévérencieux de traiter d'égal à égal avec
les Esprits supérieurs, autant il serait ridicule d'avoir une même
déférence pour tous sans exception. Ayons de la vénération pour ceux
qui le méritent, de la reconnaissance pour ceux qui nous protègent et
nous assistent, pour tous les autres une bienveillance dont nous aurons
peut-être un jour besoin nous-mêmes. En pénétrant dans le monde
incorporel, nous apprenons à le connaître, et cette connaissance doit
nous régler dans nos rapports avec ceux qui l'habitent. Les Anciens, dans
leur ignorance, leur ont élevé des autels ; pour nous, ce ne sont que des
créatures plus ou moins parfaites, et nous n'élevons des autels qu'à Dieu.
Utilité des évocations particulières.
281. Les communications que l'on obtient des Esprits très supérieurs,
ou de ceux qui ont animé les grands personnages de l'antiquité, sont
précieuses par le haut enseignement qu'elles renferment. Ces Esprits ont
acquis un degré de perfection qui leur permet d'embrasser une sphère
d'idées plus étendue, de pénétrer des mystères qui dépassent la portée
vulgaire de l'humanité, et par conséquent de nous initier mieux que
d'autres à certaines choses. Il ne suit pas de là que les communications
des Esprits d'un ordre moins élevé soient sans utilité : l'observateur y
puise plus d'une instruction. Pour connaître les moeurs d'un peuple, il
faut l'étudier à tous les degrés de l'échelle. Quiconque ne l'aurait vu que
sous une face le connaîtrait mal. L'histoire d'un peuple n'est pas celle de
ses rois et des sommités sociales ; pour le juger, il faut le voir dans la vie
intime, dans ses habitudes privées. Or, les Esprits supérieurs sont les
sommités du monde spirite ; leur élévation même les place tellement audessus
de nous que nous sommes effrayés de la distance qui nous en
sépare. Des Esprits plus bourgeois (qu'on nous passe cette expression),
DES EVOCATIONS 289
nous rendent plus palpables les circonstances de leur nouvelle existence.
Chez eux, la liaison entre la vie corporelle et la vie spirite est plus
intime, nous la comprenons mieux, parce qu'elle nous touche de plus
près. En apprenant par eux-mêmes ce que sont devenus, ce que pensent,
ce qu'éprouvent les hommes de toutes conditions et de tous les
caractères, les hommes de bien comme les vicieux, les grands et les
petits, les heureux et les malheureux du siècle, en un mot les hommes
qui ont vécu parmi nous, que nous avons vus et connus, dont nous
connaissons la vie réelle, les vertus et les travers, nous comprenons leurs
joies et leurs souffrances, nous nous y associons et nous y puisons un
enseignement moral d'autant plus profitable que les rapports entre eux et
nous sont plus intimes. Nous nous mettons plus facilement à la place de
celui qui a été notre égal que de celui que nous ne voyons qu'à travers le
mirage d'une gloire céleste. Les Esprits vulgaires nous montrent
l'application pratique des grandes et sublimes vérités dont les Esprits
supérieurs nous enseignent la théorie. D'ailleurs, dans l'étude d'une
science rien n'est inutile : Newton a trouvé la loi des forces de l'univers
dans le phénomène le plus simple.
L'évocation des Esprits vulgaires a en outre l'avantage de nous mettre
en rapport avec des Esprits souffrants, que l'on peut soulager et dont on
peut faciliter l'avancement par d'utiles conseils. On peut donc se rendre
utile tout en s'instruisant soi-même ; il y a de l'égoïsme à ne chercher que
sa propre satisfaction dans l'entretien des Esprits, et celui qui dédaigne
de tendre une main secourable à ceux qui sont malheureux fait en même
temps preuve d'orgueil. A quoi lui sert d'obtenir de belles
recommandations des Esprits d'élite, si cela ne le rend pas meilleur pour
lui-même, plus charitable et plus bienveillant pour ses frères de ce
monde et de l'autre ? Que deviendraient les pauvres malades si les
médecins refusaient de toucher leurs plaies ?
Questions sur les évocations.
282. 1. Peut-on évoquer les Esprits sans être médium ?
«Tout le monde peut évoquer les Esprits, et si ceux que vous appelez
ne peuvent se manifester matériellement, ils n'en sont pas moins auprès
de vous et vous écoutent.»
2. L'Esprit évoqué se rend-il toujours à l'appel qui lui est fait ?
SECONDE PARTIE - CHAPITRE XXV 290
«Cela dépend des conditions dans lesquelles il se trouve, car il est des
circonstances où il ne le peut pas.»
3. Quelles sont les causes qui peuvent empêcher un Esprit de venir à
notre appel ?
«Sa volonté, d'abord ; puis son état corporel s'il est réincarné, les
missions dont il peut être chargé, ou bien encore la permission qui peut
lui être refusée.
Il y a des Esprits qui ne peuvent jamais se communiquer ; ce sont ceux
qui, par leur nature, appartiennent encore aux mondes inférieurs à la
terre. Ceux qui sont dans les sphères de punition ne le peuvent pas non
plus, à moins d'une permission supérieure qui n'est accordée que dans un
but d'utilité générale. Pour qu'un Esprit puisse se communiquer, il faut
qu'il ait atteint le degré d'avancement du monde où il est appelé,
autrement il est étranger aux idées de ce monde et n'a aucun point de
comparaison. Il n'en est pas de même de ceux qui sont envoyés en
mission ou en expiation dans les mondes inférieurs : ils ont les idées
nécessaires pour répondre.»
4. Par quels motifs la permission de se communiquer peut-elle être
refusée à un Esprit ?
«Ce peut être une épreuve ou une punition pour lui ou pour celui qui
l'appelle.»
5. Comment des Esprits dispersés dans l'espace ou dans les différents
mondes peuvent-ils entendre de tous les points de l'univers les
évocations qui sont faites ?
«Souvent, ils en sont prévenus par les Esprits familiers qui vous
entourent et qui vont les chercher ; mais il se passe ici un phénomène
qu'il est difficile de vous expliquer, parce que vous ne pouvez encore
comprendre le mode de transmission de la pensée parmi les Esprits. Ce
que je puis vous dire, c'est que l'Esprit que vous évoquez, quelque
éloigné qu'il soit, reçoit, pour ainsi dire, le contrecoup de la pensée
comme une sorte de commotion électrique qui appelle son attention du
côté d'où vient la pensée qui s'adresse à lui. On peut dire qu'il entend la
pensée, comme sur la terre vous entendez la voix.»
- Le fluide universel est-il le véhicule de la pensée, comme l'air est
celui du son ?
«Oui, avec cette différence que le son ne peut se faire entendre que
dans un rayon très borné, tandis que la pensée atteint l'infini. L'Esprit,
DES EVOCATIONS 291
dans l'espace, est comme le voyageur au milieu d'une vaste plaine, et qui
entendant tout à coup prononcer son nom, se dirige du côté où on
l'appelle.»
6. Nous savons que les distances sont peu de chose pour les Esprits,
cependant on s'étonne de les voir quelquefois répondre aussi
promptement à l'appel, comme s'ils eussent été tout prêts.
«C'est qu'en effet ils le sont quelquefois. Si l'évocation est préméditée,
l'Esprit est averti d'avance, et se trouve souvent là avant le moment où on
l'appelle.»
7. La pensée de l'évocateur est-elle plus ou moins facilement entendue
selon certaines circonstances ?
«Sans aucun doute ; l'Esprit appelé par un sentiment sympathique et
bienveillant est plus vivement touché : c'est comme une voix amie qu'il
reconnaît ; sans cela il arrive souvent que l'évocation ne porte pas. La
pensée qui jaillit de l'évocation frappe l'Esprit ; si elle est mal dirigée,
elle frappe dans le vide. Il en est des Esprits comme des hommes ; si
celui qui les appelle leur est indifférent ou antipathique, ils peuvent
l'entendre, mais souvent ils ne l'écoutent pas.»
8. L'Esprit évoqué vient-il volontairement, ou bien y est-il contraint ?
«Il obéit à la volonté de Dieu, c'est-à-dire à la loi générale qui régit
l'univers ; et pourtant contraint n'est pas le mot, car il juge s'il est utile de
venir : et là est encore pour lui le libre arbitre. L'Esprit supérieur vient
toujours quand il est appelé dans un but utile ; il ne se refuse à répondre
que dans les milieux de gens peu sérieux et traitant la chose en
plaisanterie.»
9. L'Esprit évoqué peut-il se refuser à venir à l'appel qui lui est fait ?
«Parfaitement ; où serait son libre arbitre sans cela ? Croyez-vous que
tous les êtres de l'univers soient à vos ordres ? Et vous-mêmes, vous
croyez-vous obligés de répondre à tous ceux qui prononcent votre nom ?
Quand je dis qu'il peut s'y refuser, j'entends sur la demande de
l'évocateur, car un Esprit inférieur peut être contraint de venir par un
Esprit supérieur.»
10. Y a-t-il pour l'évocateur un moyen de contraindre un Esprit à venir
malgré lui ?
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LE LIVRE DES MEDIUMS par ALLAN KARDEC (version complete) (Spiritualité, Nouvel-Age - Editions, Livres)    -    Auteur : Eddy - France


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dernière mise à jour : 2007-01-28

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