AU DÉPARTEMENT "ESPOIR"
Nous nous préparions au départ lorsque Madame Romero nos invita à un bref repas au Département de l'Espoir ; à quatorze heures, aurait lieu une conférence sur la langue spirituelle-internationale, l'Espéranto, pour ceux qui s'intéressent aux problèmes des rapports entre les âmes.
Le jeune Adriâo accepta l'aimable invitation car nous avions du temps devant nous et nous nous dirigeâmes vers le bâtiment imposant aux lignes classiques, orné de hautes colonnes.
Le couple Romero, pour nous montrer qu'il connaissait la zone où se trouvait l'immeuble, nous conduisit par des billées bordées d'arbres et aboutissant à de beaux jardins.
Au centre, une étoile verte aux cinq pointes, formée de "ficus", en haut relief et brodées de petites fleurs dorées, nous stupéfia d'admiration par tant de beauté.
« C'est l'étoile qui symbolise l'Espéranto, nous informa M. Romero, comme pour faire l'éloge de la langue universelle. »
Des jets d'eau artistiques formaient dans l'air des dessins géométriques, pleins de mouvement, entre des parterres bien disposés et fleuris de géraniums, de roses, d’oeillets.
Nous montâmes l'escalier de marbre très blanc orné de fragments verts, ce qui lui accordait une beauté éclatante.
Nous entrâmes dans un grand restaurant où un groupe de jeunes personnes jasaient joyeusement.
N'ayant pas réussi à comprendre ce qu'ils disaient, j'appris par notre hôte qu'il s'agissait d'un groupe d'âmes qui pensaient réincarner dans des pays d'Amérique du Sud, surtout au Brésil, et qui faisaient là un stage d'étude des langues qu'ils auraient à pratiquer ainsi que d'Espéranto. Ils arboraient l'étoile verte et le symbole du Mouton, pour porter à leurs nouvelles patries le message du Spiritisme Consolateur.
Nous nous approchâmes d'une table bien placée et, après avoir présenté la carte d'Espérantiste, M. Romero avec empressement, nous fit servir un bon repas.
Ensuite, nous parcourûmes longuement les pièces du grand immeuble ; toute surprise, je remarquai qu'il s'agissait d'une maison d'éducation, très vaste, semblable aux Universités de la Terre.
Je fus surtout impressionnée par la bibliothèque, tant elle était riche de livres en Langue Internationale, rangés, classés et qui nous présentaient leurs dos brillants.
M. Romero nous expliqua qu'il y avait là tous les ouvrages en Espéranto déjà écrits sur Terre, plus d'autres qui seraient bientôt dictés par voie médiumnique pour le plaisir du monde intellectuel.
« Bien que l'Espéranto n'ait aucune patrie officielle et ne soit non plus une langue à caractère religieux, informa le guide, elle sera, dans l'avenir, le grand messager du Spiritisme pour l'Humanité, ainsi que cela se fait déjà au Brésil avec les traductions soignées dans lesquelles, depuis quelque temps, paraissent des Oeuvres de la Codification et d'autres encore, obtenues par voie médiumnique.
"Certains livres en Espéranto qui se trouvent actuellement sur Terre étaient déjà connus ici, écrits par d'anciens élèves de l'Etablissement, aujourd'hui réincarnés ... "
A l'heure prévue, après quelques airs chantés en Espéranto, un monsieur sympathique monta à la tribune pour prononcer la conférence annoncée.
"C'est un vieux spirite de Minas, désincarné il y a quelque temps, expliqua Madame Romero, assise à côté de moi. Travailleur dévoué à la Cause de l'Amour Universel, il s'appliqua, tant qu'il se trouvait sur Terre, à l'étude et à la pratique du Spiritisme et de l'Espéranto, portant très haut l'étendard de la Fraternité. Arrivé ici, il poursuit la diffusion des idées espérantistes et spirites, offrant le meilleur de son travail à préparer les âmes aux grands travaux de l'avenir".
Il m'est impossible de traduire intégralement les expressions magnifiques de l'orateur inspiré, dont la parole glissait avec aisance de ses lèvres à notre entendement, comme une musique agréable. Parmi d'autres énoncés toujours très éclairés, il prononça celui-ci :
"Après les jours troubles qui aboutirent, en France, à l'élection de Charles Louis Napoléon Bonaparte à la présidence de la République puis en sa proclamation comme Empereur, le monde reçut, par l'intermédiaire d'Allan Kardec, à Paris, "Le Livre des Esprits", et dans la petite ville polonaise de Bjalistok paraissait l'âme lumineuse de Lazare Ludovic Zamenhof. Celui-ci était venu dans la société humaine après les luttes sanglantes de l'insolent Empereur français (Napoléon le»), contre l'immense Empire Moscovite ; celui-ci dominant la Pologne tant de fois partagée entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. Zamenhof entretint la flamme de l'idéal de la compréhension humaine pour la déployer, plus tard, porteuse du message immortel de l'Espéranto, le démolisseur des bastions linguistiques. De ce peuple esclave tant éprouvé, dont les langues et les dialectes dépassaient le nombre de deux cents, le monde recevait, le 15 Décembre 1859, le Messager de la Langue Internationale.
Pressé par nombre de circonstances, par l'ambiance et les idées dépassées, Zamenhof sentit l'inspiration envelopper son âme de pionnier ; devant les injustices dont il était chaque jour le témoin, les coups de fouet qui s'abattaient sur le dos nu des gens de sa race (juive), et qui lui soulevait l'âme et le coeur, il comprit le besoin pressant de rompre les barrières qui séparaient les hommes, les races, les religions, au moyen de quelque chose de commun à tous, comme un auxiliaire indispensable à la Fraternité.
C'est ainsi qu’après de longues méditations et des exercices nombreux, il réussit, au prix de grands efforts, à évoquer, en les arrachant à l'écran de la mémoire, comme dans un processus presque divinatoire, les mots, les racines et les phonèmes des langues les plus parlées au monde et créa l'"Espéranto" qui signifie : "ce qui attend", témoignant par là sa force et sa confiance dans l'avenir... "
Et, poursuivit le brillant orateur :
"En rentrant de Moscou où il était allé, après d'incroyables difficultés, préparer son doctorat de médecine, il éprouva une angoisse infinie en apprenant que son père, soucieux du bon nom de la famille, avait brûlé ses écrits, les ayant crus le fruit encore vert du cerveau enflammé d'un jeune homme inexpérimenté et enthousiaste.
Notre adolescent se révèle pourtant déjà être un géant, il ne fléchit pas sous une aussi grande peine. Au contraire, se redressant, il recommence, avec encore plus d'entrain, l'oeuvre monumentale qui l'immortalisera dans les voies de l'avenir. A vingt-huit ans, il fait paraître son premier livre, produit de labeurs incessants, et le monde s'éveille à un nouvel âge. Zamenhof expliquera, plus tard, que l'attitude de son père lui avait permis uniquement de réviser, d'améliorer, de rendre plus fort l'Espéranto, ce qui était un grand bien et non pas un mal irrémédiable".
Le conférencier poursuivit, ajoutant des commentaires sur la langue internationale et il conclut sa brillante narration par les mots suivants :
« Etudier l'Espéranto, l'enseigner, l'aimer, c'est contribuer au bonheur des peuples, en instaurant la fraternité dans l'esprit de tous les êtres.
Rapprochons-nous de nos frères qui ont d'autres conceptions religieuses. Par l'idéalisme espérantiste, élargissons les domaines de la tolérance prêchée par Allan Kardec en aimant et en aidant tous sans distinction. Apprenons, par de l'humilité, à respecter toutes les croyances en tant que des chemins de lumière pour l'âme, vers notre Doctrine de foi sans dogme ni rites.
Levons bien haut le fanion vert de notre Idéal, comme enseigne d'union et de compréhension !
Ridiculisés, continuons !
Victimes de l'injustice, poursuivons !
En gardant dans l'âme la certitude que celui "Qui attend", finit par réussir, avançons sans peur, en enseignant et en pardonnant. Tel celui qui, vainqueur de son "moi", surmonte les barrières de l'intolérance et du vice, pour faire bénéficier l'Humanité de son amélioration personnelle, aidons le monde en lui apportant les bénédictions de l'Espoir".
La conférence finie, nous retournâmes vers le jardin.
En nous-mêmes, revenaient les mots entendus ; comme des faisceaux de lumière, ils nous éclairaient la vision. Dans nos oreilles vibraient encore les derniers arpèges de l'agréable chanson entonnée par tous les participants à la fin de la réunion.
Je me souvenais d'avoir vaguement entendu parler de l'Espéranto, lorsque je me trouvais sur Terre. Je n'avais pourtant jamais supposé que cette gerbe de phonèmes constituait le Grand Message de Jésus au monde assoiffé d'entendement.
Après avoir dit au revoir, pleins de reconnaissance au couple Romero, Adriâo et moi nous sommes rentrés, joyeux, à l'Infirmerie.
LE TEMPLE DE COMMUNION AVEC LES SPHERES SUPERIEURES
Chère enfant de mon coeur,
Je me souviens avoir entendu, lorsque j'étais sur Terre, les vers suivants, de la "Route du bonheur", à peu près reproduits ainsi :
"Ce bonheur que l'on suppose
Tout bourré de pommes d'or,
Est toujours là où on le pose,
C'est nous qui sommes dehors".
Et souvent, je me demandais si le bonheur existait effectivement.
A présent, après l'expérience du tombeau, je peux assurer que le bonheur existe et qu'il se trouve à la portée de tous ceux qui veulent en jouir. Il arrive simplement que, tandis que nous le cherchons hors de nous, nous ne l'apercevons pas, car le bonheur est à l'intérieur de nous-mêmes, où nous le cherchons rarement.
Pour l'homme commun, le bonheur se résume au problème de la possession. Avoir ou non, être le propriétaire de quelques pièces ou esclave de quelques millions, voilà ce que l'on prend habituellement pour le bonheur. Quelques-uns aspirent à la jouissance que l'on peut acheter ; certains restent tranquilles avec ce qui est déjà acquis. On a constaté néanmoins, que ce ne sont pas ceux qui possèdent de grandes richesses, les plus heureux ; le bonheur ne peut résulter de ce que l'on a ou de ce que l'on n'a pas. Il s'agit d'une conquête intérieure qui dépend de notre manière d'envisager ce que nous avons en propre ou ce dont nous ne disposons pas. Souvent, celui qui obtient quelque chose, se laisse dominer par ce qu'il a obtenu ; de la même façon que d'autres, qui n'ont rien, deviennent esclaves ou malheureux, de ne "rien avoir".
Quand Jésus nous parla de la "pureté du coeur", il nous invitait à enrichir notre esprit de trésors inaliénables, lesquels doivent nous rendre plus heureux.
Cette réalité, je la comprends maintenant. Malgré les caractéristiques de mon existence physique, je pouvais, lentement, acquérir le bonheur tant rêvé, au fur et à mesure de la découverte de la faculté essentielle de l'âme : l'amour. Par l'amour, nous pouvons jouir peu à peu d'un coeur neuf entraînant cette pureté dans les actions qu'il détermine.
Dans la colonie, parmi les autres esprits souffrants, je faisais la découverte de l'Amour de Jésus ; il enveloppait les âmes glacées par l'indifférence, consolait les coeurs révoltés, secourait les esprits las. Un nouvel élan me faisait reprendre courage, illuminant mes moments de prière et de méditation.
La cordialité de ceux qui m'entouraient entraînait à la fraternité et guidait mon esprit dans la voie de l'entendement. Le sens de coopération s'avérait une réalité vibrante, parmi nous tous. Chacun travaillait à l'oeuvre commune rempli de joie, à la ressemblance d'abeilles adroites dans une ruche disciplinée. Le temps s'écoulait avec espoir, sans cesse renouvelé.
Le dimanche suivant, l'ami Adriâo, vint m'inviter de la part de Zélia, aux prières qu'on prononcerait ensemble dans le Temple de Communion avec les sphères supérieures. Il était presque dix-huit heures et le soleil couchant baignait la terre de sa lumière dorée. La nature s'encadrait d'or fin et de pourpre, telle une toile d'une beauté indescriptible.
En quelques instants nous avons fait le parcours entre le jardin de repos et la place centrale où s'élevait le sanctuaire. Le couple Romero nous attendait ; ils marquaient de l'interêt à ma progression spirituelle et à mon adaptation à la Colonie.
J'éprouvais une croissante anxiété au fur et à mesure que nous nous approchions de l'endroit réservé aux prières collectives. Sur Terre, j'étais habituée à la fréquentation des chapelles, des églises ; cependant, l'occasion que j'avais maintenant se montrait différente des expériences antérieures. J'appréciais de mieux en mieux la valeur de la prière et je pouvais évaluer les bienfaits puissants qui en découlaient. De plus, l'occasion m'était offerte de communiquer avec un grand nombre d'Esprits, qui, comme moi, se trouvaient en cours de "réajustement" et d'apprentissage.
Le Temple, aux lignes austères, se détachait des autres bâtiments par la blancheur des murs et par la beauté classique. Il s'apparentait aux temples grecs par sa forme et ses proportions.
De suaves harmonies enveloppaient le coucher du soleil. Un large péristyle aux colonnes très blanches conduisait vers l'intérieur où nous sommes entrés avec les autres groupes qui montaient les escaliers d'une grande blancheur.
Devant moi se déployait l'imposante beauté de la Grande Maison de Prière. Un silence religieux régnait malgré une assistance nombreuse. Une sensation agréable de bien-être nous envahissait tous et il en découlait un profond respect.
Adriâo, habitué au culte de la prière dans ce temple d'aspect sévère, nous conduisit avec sollicitude, vers des sièges latéraux, d'où nous pouvions embrasser tout le spectacle impressionnant de Spiritualité et d'accueil. Il s'agissait dans mon esprit, d'un des départements célestes, réservés aux âmes ayant acquis des mérites par leurs vies successives.
Tandis que je raisonnais de la sorte, l'ami serviable qui semblait lire mes pensées, m'interrompit dans mes conclusions hâtives et, du ton familier qui le caractérisait, il rectifia :
« Sans doute, ma soeur, n'importe quel endroit où que ce soit, consacré à l'Apostolat du Bien, constitue un département du Manoir Céleste. Même dans les régions les plus primitives et incultes, nous constatons la bonté de Notre Père, qui se sert de tout le matériel nécessaire à l'assistance miséricordieuse des âmes. Ici, c'est la discipline éducatrice, ailleurs c'est le recommencement obligatoire, toutefois les souffrances et les sanctions constantes sont loin.
Cet endroit est un sanctuaire réservé à la prière, où nous pouvons communier avec les Sphères plus élevées ; il est aussi, toutefois, le lieu propre aux méditations, l'école d'apprentissage indispensable, où nous accumulons le matériel doctrinal, pour une utilisation, le moment venu.
Comme l'on sait, poursuivit-il lentement, les écrans de la mémoire ramassent tout, engrangent, classent dans des archives, sélectionnant des bruits et des vibrations pour les rendre un jour au "conscient", dans le lieu et au moment convenables et dans l'acception légitime ; tout est catalogué. On souffre, souvent, de la perte des souvenirs ; cependant, ce fait, au caractère parfois difficilement admis, est une conséquence du mauvais usage de la faculté de mémorisation, dans les vies passées.
Le souvenir exercé dans la rude politique des intérêts immédiats ou utilisé pour rappeler le "mauvais côté" des gens et des faits, perd sa fonction noble et engendre des maux qui viendront le tourmenter, plus tard. Malgré cela, rien ne se perd et comme l'esprit évolue uniquement selon la pratique et l'exercice des vertus, à travers de nombreux heurts, la mémoire retient les acquisitions de valeur pour les moments propices à l'ascension.
Les notes recueillies ici, continua-t-il avec un naturel agréable, sont incorporées par notre anxiété, au patrimoine dont nous pouvons déjà disposer, élargissant ou éclaircissant les connaissances acquises en vue de nos ressources. Plusieurs expériences étudiées ici, rappellent nos chutes et nos échecs, criant haut dans notre esprit l'appel aux répétitions réparatrices. Cependant, notre Colonie est encore une Maison de Récupération — en même temps, hôpital de premiers secours — où la charité attentive du Ciel recueille les déséquilibrés. Ceux-ci, s'ils étaient laissés sur terre à errer sans but précis, seraient entrés en affinité avec certains incarnés, les surchargeant de problèmes douloureux, autres que ceux qui leur échoient selon la Loi Divine réglant les actions et les réactions".
En conclusion aux éclaircissements, d'ailleurs toujours prodigués fort à propos, il ratifia les arguments en ajoutant :
« Chaque rencontre sous le toit accueillant qui nous abrite maintenant est une bénédiction que nous ne méritons pas. »
Ce n'est qu'à ce moment que j'ai regardé en haut et j'ai remarqué, assez surprise, que le plafond, en forme de coupole, s'ouvrait en cercle au-dessus de la tribune surélevée de six marches, réservée à l'orateur. J'ai pu alors apercevoir une colonnade ornée de rosiers grimpants dont les fleurs buvaient la fraîcheur de la nuit qui approchait.
Un doux parfum régnait dans l'air, charrié par des brises légères. A ce moment, on entendit la chorale qui préparait l'ambiance à la prière. Là se trouvaient des créatures ayant appartenu sur Terre à divers courants religieux.
Quand les voix se turent, je remarquai que l'émotion que j'éprouvais était générale : nombreux étaient ceux qui pleuraient discrètement. Alors un monsieur âgé, à l'allure respectable, vêtu d'une tunique d'un blanc éclatant bordée de bleu, rappelant le prêtre vénérable d'époques révolues, monta à la tribune dans une ambiance de sympathie générale.
« C'est le frère Policarpo » murmura Adriâo à mon oreille.
D'une voix lente, à la fois vibrante et mélodieuse, l'Instructeur commença :
"Très chers frères,
Que la paix de Jésus-Christ, que nous avons l'honneur d'aimer et de servir, soit avec nous.
Chantons notre cantique de joie, pour nous retrouver dans le chantier rédempteur où nous sommes invités à forger, au prix de sacrifices renouvelés, le bonheur que nous avions auparavant rejeté, par cécité et précipitation.
Notre condition actuelle d'Esprits désincarnés (malgré les divers noms donnés par les religions), n'est pas trop différente de ce que nous avons été ni des anges, ni des démons, mais des hommes, des âmes en apprentissage soutenu, dont la seule différence consiste à n'avoir pas de corps de chair à présent.
La matière que nous avons quittée il n'y a pas longtemps, ce dont souvent nous nous plaignions, est un champ d'action béni. Personne d'entre nous ne pourra monter spirituellement sans la rançon due aux ombres du passé, sur la Terre.
Malgré le désir ardent d'évolution chez quelques-uns et le regret cuisant chez d'autres, la réincarnation est pour nous encore une occasion inespérée d'évolution, grâce à laquelle, dans l'objectif de la construction éternelle, nous allons sceller de ciment divin nos propres pensées.
Même si nous cherchions à oublier, nous sommes toujours ces mêmes âmes qui entendirent les messages célestes, que ce soit par l'initiation ésotérique, en Inde lointaine, en Egypte ancienne en Chaldée d'autrefois ou en Israël florissant de jadis ; abandonnant néanmoins immédiatement les enseignements reçus, descendant les grands fleuves, ouvrant les champs de bataille, pillant, tuant, ou nom d'hégémonies politiques et religieuses mensongères.
Emus près des prêtres vénérables, fascinés par les révélations de Brahma aux "richis", ébahis par les voix dans la bouche d'interprètes du Message, nous avons tout oublié dans le désir du pouvoir et de la domination, et malgré le Martyr de Nazareth, beaucoup d'entre nous poursuivent les mêmes errements qu'auparavant.
Par la voie de l'envie, nous élargissons notre tableau de méfaits, nous envahissons des foyers honorables, nous polluons des familles entières, nous détruisons des villes…
Dans nos désirs de suivre les traces d'Attila, d'Alaric ou, avant eux, Gengis Khan, Alexandre, César... nous cherchons à nous abreuver de pouvoir avec le sang des vaincus. Chez bon nombre d'entre nous, vibrent encore les monstres de l'animosité, qui cherchent seulement l'instant propice pour atteindre le pouvoir, faire des esclaves et détruire. N'ayons pas le fol empressement de la libération prématurée. Le bonheur solitaire est menteur; les victimes et les adversaires de nos Esprits gémissent encore en des régions désolées, enchaînés à des haines séculaires ou attachés à des poteaux de souffrances intraduisibles, dévastés par le désir atroce de vengeance ; nous devons leur offrir le concours de notre renoncement édifiant.
La tranquillité dont nous jouissons à présent, représente une trêve dans ce champ de bataille. C'est un apport de la Miséricorde Infinie qui nous permet d'apprendre, en nous offrant les instruments de l'amour, à réparer les chemins détruits. Servons-nous de telles grâces et dans nos moments de méditations, efforçons-nous de réaliser mentalement l'Idéal dans la matière, afin que, le moment du retour sonné, nous n'ayons pas à présenter les regrets de nos bons propos.
Lors du départ vers notre terrain d'expériences, ne nous attendons pas à la facilité sans restrictions ni sans épreuves, à la lumière, à l'aide de l'affection et du bonheur ; ce sont là des récompenses auxquelles nous ne pouvons pas prétendre.
Le laboureur qui se dispose aux semailles, laboure d'abord le champ par un travail pénible. Quand le sol est bien préparé, il peut répandre les grains.
Ne cherchons pas à lancer les grains de nos bonnes intentions avant le travail de débroussaillement et le nettoyage du terrain. Les premiers temps ne sont pas faciles. Les longues nuits empêchent d'apprécier les premiers rayons du soleil car ils aveuglent ceux qui ne sont pas habitués à la lumière.
Les grandes haines et leur cortège de vengeances et de défis ne peuvent pas recevoir le pansement de la compréhension ou de l'amour; il convient de s'en rendre compte rapidement.
La réparation implique une volonté de coopération.
Réparer le passé c'est en subir les conséquences.
Nos victimes continuent de souffrir, et comme elles sont encore en chemin avec nous, par chacun de nos actes, elles se souviennent des trahisons, des hypocrisies, des pièges de jadis ; elles répondront à nos avances par la colère ou la rudesse ; n'étant pas capables d'un pardon qui leur a été refusé quand elles l'ont demandé, elles ne peuvent pas nous aimer et elles nous voient comme des loups féroces travestis en moutons. D'un certain point de vue, elles ont raison…
Partis d'ici ou d'autres Centres de redressement semblables, des voyageurs, par milliers, emportent les marques de leurs dettes envers la vie. D'autres reviennent chargés de maux, sous des souffrances indescriptibles.
Quelques-uns s'acheminent en tremblant vers l'heureux avenir. D'autres encore reviennent comme des naufragés en proie au désespoir, comme des épaves du déraisonnement dans une mer houleuse. Plusieurs se retrouvent replongés dans la matière et, manquant de respect envers les forces spirituelles, ils reprennent les liens de l'esclavage par des liaisons prohibées ; ils retournent ainsi dans les bras du Moloch destructeur auprès de qui ils pensent jouir de plaisirs ; en proie à une sorte de folie, ils s'accordent par manque de méfiance à d'anciennes affections, séduits par des entités maléfiques et irresponsables ; ils se réveillent trop tard entre la déraison et la barbarie, ce qui ajourne indéfiniment leur processus d'élévation spirituelle. Ils sont sujets alors à d'atroces expiations, livrés à l'usure du temps pendant des millénaires qui leur émousse les arêtes vives, les exposant aux recommencements dans les mêmes conditions et les mêmes circonstances où ils on failli. Les insuccès se répètent inexorablement.
Personne ne peut tromper la Loi. Elle poursuit vibrant avec nous, dans le désir ardent de nous aider, mais aussi de rendre justice. Aucune âme ne saurait bénéficier de circonstances spéciales.
Il n'y a pas deux voies, la première faite de sentiers affreux pour les uns, la seconde toute confortable pour d'autres. Tous suivent le même chemin, en bâtissant l'avenir des actions du présent. Il n'y a point de recul possible.
Quand nous déciderons-nous enfin à nous envoler au-dessus des vicissitudes ? Dieu seul le sait !
De Jésus, notre modèle, nous avons reçu par son testament, des avertissements solennels ; ses enseignements sont lumineux.
Nous retenons dans le plus profond de l'âme l'exemple dont il marqua l'histoire. Nous sommes encore bénéficiaires de la chaleur de ses lumières et de la bonté infatigable de son coeur.
Nous entendons encore de mille manières, sa voix dans le coeur et dans la pensée. Pourtant, apparemment fatigués, qu'attendons-nous pour décider de nous mettre au travail ? Faudrait-il qu'il meure à nouveau ? Est-il possible que le Maître descende encore une fois chez les hommes, dans l'incarnation, pour retourner à son martyre ?
Non, mes Frères, cela n'est pas nécessaire !
Rappelons-nous que le Seigneur ne s'est jamais écarté de nous. Son enseignement jette de la lumière sur notre chemin ; cela augmente nos responsabilités surtout lorsque nous avons choisi une des voies de la foi parmi les différentes formes du Christianisme.
Le Message du Christ nous dit toujours : "Cherchez et vous trouverez"...
Que désirons-nous encore ? La bonne nouvelle n'est pas uniquement un fait de plus dans l'Histoire Universelle. C'est de l'Histoire, plus grande encore que l'histoire chronologique.
Plus qu'une leçon d'éveil moral et spirituel, c'est aussi une voie libératrice. En cela elle est différente de toutes les Nouvelles apportées au monde. Elle demande aux hommes de se régénérer, de secouer la poussière de la paresse, de réunir ses moyens et de se mettre à l'oeuvre de manière décisive.
Avant la venue du Maître, nous croyions au repentir tout court, sans oeuvres à l'appui, ainsi qu'à l'achat des faveurs célestes moyennant des offrandes et des sacrifices qui ne satisfaisaient que de malheureux Esprits bénéficiant d'une ignorance qu'ils encourageaient. Avec Jésus, nous apprenons que le sacrifice "le plus agréable à Dieu" est celui de notre propre "immolation" par le renoncement et le travail au profit spirituel d'autrui.
La recherche prônée par l'Evangile est une invitation instante au travail et non pas à la recherche désoeuvrée.
Celui qui se dressera pour affronter les fantômes tournant autour de son idéal, vaincra les obstacles et assurera son accès à la Vie supérieure.
Ayons dans l'esprit préoccupé de la recherche de la Vie supérieure, le désir de dépasser les abîmes d'un "Moi" maladif. Alors, la Vie Majeure sera là sûrement, nous apportant la paix des justes et le bonheur des élus."
Le vénérable vieillard se tut. Nous avions tous compris la solennité de ces paroles précieuse s; on y percevait le souci de convaincre mêlé à ce sens des responsabilités, apanage des âmes en processus de réveil.
Quelques-uns, tout émus, comme moi, pleuraient, nous rappelant peut-être, notre condition de naufragés, accueillis par cette assemblée.
Ensuite, une jeune fille se leva ; une harmonie mélodieuse emplit l'espace de vibrations très douces; surprise, je reconnus Suzanne.
L'orateur prononça la prière qui lui venait des lèvres mais aussi du coeur comme des fleurs embaumées de promesses. Les mots produisaient des effets colorés et déclenchaient en cascades, des vibrations régénératrices.
Des fleurs en forme de coupes, transparentes, aux teintes différentes, flottaient dans l'air comme des papillons, puis tombaient en abondance ; elles se désagrégeaient en pénétrant dans les pores de la peau.
Des étoiles étincelaient là-haut, comme des yeux d'anges enchâssés dans le dôme du firmament.
La réunion était terminée.
Nous quittâmes l'auditorium et, silencieusement, nous retournâmes à nos foyers. |
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